Attente et espoir
INTERVIEW POUR L’EXPOSITION WAITING

Dans le cadre de l’exposition « WAITING – Une réflexion sur l’attente », nous proposons une série d’interviews d’artistes journalistes qui exposent et qui ont trouvé refuge au sein de La Maison des Journalistes – MDJ.

Pour des raisons de sécurité, l’auteur a préféré conserver l’anonymat. Journaliste Turc, menacé de mort (des tueurs à gages ont été engagés pour assassiner les différents journalistes exilés en Europe selon les propos du député du parti politique au pouvoir Garo Paylan), il a trouvé refuge à la Maison des Journalistes.

A travers l’exposition « Waiting », on découvre ce qu’est l’attente pour les réfugiés, pensez-vous qu’elle est plus supportable avec de l’espoir ?

Cela dépend. Tant qu’il y a l’espoir de voir la lumière au bout du tunnel, ça donne de la force pour continuer à résister à la dépression de l’attente. Penser à ma famille, à mon fils m’aide dans l’attente. C’est vrai que sans l’espoir de les retrouver, c’est très difficile à vivre. C’est encore plus vrai quand vous êtes seul dans une chambre, sans amis à qui parler. La possibilité de pouvoir embrasser les siens à nouveau, de voir vos collègues libérés, d’assister à l’effondrement de la dictature de mon pays sont autant de motifs d’espoirs et de raisons d’attendre.

J’ai tout perdu : ma carrière de journaliste longue de 21 ans, toutes mes économies, je suis loin de ma famille, tout ça à cause d’un dictateur.

Je voudrais voir avant de mourir cet homme s’effondrer et payer pour tout ce qu’il a fait. Ça me rend fort pour résister et lutter contre l’oppression de l’attente. Ici, au sein de la Maison des Journalistes, ça fait du bien de rencontrer des humanistes qui vous tendent la main. On se rend compte que l’on n’est pas tout seul, ça réconforte. Rencontrer d’autres journalistes, connaître leurs histoires, voir leurs familles les rejoindre, ça contribue à donner de l’espoir et laisse penser que cela nous arrivera aussi.

Pourquoi avez-vous voulu participer à l’exposition «Waiting» ?

Je voulais partager mon expérience personnelle, mon sentiment sur le statut de demandeur d’asile, mais aussi permettre aux autres de comprendre ma situation et susciter de l’empathie.

Nous ne sommes pas un chiffre.

J’entends: «5000 demandeurs d’asile» mais ça ne veut rien dire. Chaque personne est un cas à part : il a son monde, une vie, des espoirs, il a quelque chose à apporter la société française.  En participant à ce projet, je veux faire partager un message au peuple et susciter des réactions.

Qu’est-ce que vous attendez aujourd’hui ?

La réponse de l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). Soit il me donne le statut de réfugié, soit il me rejette. Dans le second cas, je peux aller au tribunal pour une recours ou choisir de récupérer mon passeport et partir.

J’attends également ma famille, mais le président turc Erdogan a fait en sorte de bloquer les passeports des familles de réfugiés.

C’est très compliqué. Même avant la décision d’arrestation me concernant, je n’avais pas réussi à obtenir un passeport pour mon fils. Quand il a eu 18 ans, il a pu obtenir son passeport mais lorsqu’il a demandé un Visa pour la France, elle l’a rejeté. Ils craignaient qu’il devienne également un demandeur d’asile. Pourtant à cette époque-là, j’avais de bonnes relations avec l’ambassade de France.

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