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Algérie, la présidentielle sous le scalpel à Paris

L’obsession du consensus ferait réélire Bouteflika selon des spécialistes

[Par Larbi GRAÏNE]  

 

Le président algérien  Abdelaziz Bouteflika. AFP PHOTO/FAROUK BATICHE

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika. AFP PHOTO/FAROUK BATICHE


 
L’élection présidentielle algérienne du 17 avril a été analysée au scalpel ce mercredi 2 avril à Paris lors d’une conférence-débat organisée par l’iReMMO (Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient)». Les trois co-animateurs de cette conférence sous l’intitulé «  Les enjeux des élections présidentielles algériennes », même s’ils ont divergé sur certains points, se sont toutefois accordés sur le fait que les « résultats du prochain scrutin sont connus d’avance ».
 
Akram Belkaid, journaliste et essayiste, spécialiste du monde arabe, a donné le ton sous sa double casquette de modérateur et de conférencier en avançant l’idée qu’« à priori les jeux sont faits même s’il y a beaucoup de théories qui circulent à Alger » avant de céder la parole à Farida Souiah, chercheuse à Sciences po Paris et chargée de cours à l’Université de Cergy Pontoise.  « Depuis l’annonce faite le 22 février 2014 par le Premier ministre Sellal concernant la candidature de Abdelaziz Bouteflika, l’état de santé de celui-ci a occupé et marqué les débats en Algérie, frappant ainsi de discrédit un système politique qui fonctionne avec un président invalide et inapte à assumer ses fonctions» fait observer d’emblée Farida Souiah. Elle s’est dit frappée en outre par le fait qu’on s’acharne « à faire des élections dont on connait les issues sans se soucier qu’elles soient démocratiques ». D’où son hypothèse fonctionnaliste selon laquelle les élections en Algérie n’ont pas pour vocation  de laisser le peuple disposer de son sort par la voie des urnes.
 
Election consensuelle
 
L’élection du 17 avril prochain explique-t-elle, est consensuelle, elle s’inscrit dans un rapport de continuité avec celles qui les ont précédées”. Souiah a remonté jusqu’à l’époque d’Ahmed Ben Bella, en passant par Houari Boumediene, Chadli Bendjedid et Liamine Zeroual pour rappeler que toutes les élections qui avaient permis à ces hommes d’arriver au pouvoir, ont été consensuelles, et avaient été assorties de scores très élevés. « En Algérie, le consensus n’est pas une anomalie sociologique » analyse-t-elle.  Et d’ajouter que les scrutins qu’on y organise ne sont pas concurrentiels car les électeurs ne sont pas en mesure d’écarter les dirigeants qui leur sont proposés. « En un mot ce sont des élections dont les résultats sont connus d’avance » tranche-t-elle.  « On est dans un système de parti unique car le multipartisme adopté est un multipartisme « exclusionnaire », qui exclut les partis critiques et qui récupère les partis d’ornementation dans le but de crédibiliser le scrutin ».  Souiah fait remarquer du reste que sous le multipartisme les autres candidats en lice se sont vus attribuer des scores négligeables et que la crainte principale pour le régime reste l’abstention, ce qui le pousse à fournir des chiffres truqués. « Même si Wikileaks nous apprend rien, il a révélé que le taux de participation réel lors de l’élection de 2009 avait oscillé entre 25 et 30 % ». Et de noter  l’adoption de l’abstention comme comportement politique.  Alors quelle est la fonction des élections en Algérie ? Pour  Farida Souiah  « les élections peuvent servir de vanne de sécurité où on laisse s’exprimer l’opposition ainsi que les gens critiques,  mais non dans le but de changer l’ordre des choses ». Et d’ajouter elles peuvent aussi servir pour obtenir la légitimité internationale et la légitimité nationale en adoptant des processus populaires. « Ces élections note-elle nous révèlent le mécanisme de sélection des candidats ». Elle lance catégorique « si Bouteflika ne peut pas faire de discours, c’est que ce n’est pas lui qui gouverne ».
 
Evoquant les mouvements de protestation actuels, elle a laissé entendre qu’ils n’ont pas une grande portée. Pour elle, le mouvement Barakat est apparu dans certaines villes et s’est vu « reprocher de ne pas utiliser l’arabe et l’amazigh dans ses discours ». Le troisième intervenant, Nadji Safir, sociologue et consultant international spécialiste du Maghreb, a voulu se démarquer des analyses qui privilégient la prépondérance des mouvements sociaux sur les individus bien que ce qu’il a développé devait l’amener à une forme de contradiction.  « Ces élections ont un caractère tout à fait exceptionnel, si Bouteflika était en bonne santé, le scrutin aurait été banal, on est en présence d’un scrutin réellement exceptionnel qui fonctionne sur un mode virtuel où le Président candidat n’est pas en mesure de mener sa campagne électorale » a-t-il développé. Selon lui l’histoire n’est pas réductible aux mouvements sociaux, il faut prendre en compte la personnalité de Bouteflika.
 
Logiques rentières
 
Et d’énoncer « mon hypothèse, la voici : on ne peut comprendre ce qui se passe en Algérie si on ne parle pas des deux logiques qui travaillent la société, à savoir la rente historique (ou symbolique) et la rente économique ». « L’Algérie est devenue une économie caricaturale en ce sens que 98 % de ses exportations  proviennent des hydrocarbures. Le combat se déroule autour de la répartition des richesses. On est dans un système de « rentisation », Bouteflika lui-même est un rentier  à la fois historique et économique » décrypte-t-il. Pour lui la candidature de ce dernier « est le reflet d’un consensus rentier ».  «  Le comportement des hommes politiques a-t-il ajouté trahit leur inclination à la rente. Il a cité l’exemple de  Benflis, présenté comme principal rival du chef de l’Etat sortant, et qui, pendant la campagne électorale, aurait incité son public à ne pas croire les gens qui lui ont attribué l’intention, s’il venait à être élu président de la République, de faire rembourser  aux jeunes les prêts que leur a consenti l’Etat dans le cadre de l’ANSEJ.  Et Safir de relever qu’il y a en Algérie près de 10 000 émeutes par an, soit une émeute par heure non sans  mentionner que ces émeutes dans la majorité des cas n’appellent pas les dirigeants à rendre le tablier mais à respecter « le pacte rentier ». C’est-à-dire à fournir des logements, des routes, de l’électricité, etc.  Se référant à une étude internationale, qui établissait le baromètre des sociétés civiles, l’Algérie a-t-il dit s’était classée la dernière. Pour lui « les jeunes arrivent à vivre grâce à la solidarité familiale et à l’économie informelle. Selon son « estimation personnelle » il y aurait en Algérie, 5 millions de jeunes précarisés par rapport à l’emploi.  Toutefois il note « d’énormes transferts sociaux qui représentent 30 % du PIB ».
 
Faiblesse des mouvements sociaux
 
Revenant sur les protestations contre le 4e mandat de Bouteflika, Safir estime que les mouvements sociaux qui les portent n’ont pas d’ancrage « réel ». Pour lui « Barakat n’a pas réuni beaucoup de monde ». Néanmoins  il a estimé que les deux rentes (historique et économique) sont en train de s’épuiser. Dans le débat une voix s’est élevée « Qu’est ce que vous entendez par élection dont les résultats sont connus d’avance ? Est-ce que vous faites allusion à la victoire de Bouteflika ou de Benflis ? ». Akram Belkaid répond tout de go « le clan d’Ali Benflis est convaincu que l’élection est ouverte » Et d’enchainer « je crois que « Bouteflika n’accepterait jamais  de participer à une présidentielle dont il estime qu’il sortira le perdant ». Belkaid cite au passage, de l’air de dire qu’il n’y croyait pas trop, la thèse avancée par le sociologue Lahouari Addi, selon laquelle Bouteflika jouerait le rôle de lièvre lors de la prochaine joute.  Au monsieur qui demandait « qui gouverne l’Algérie ? », Nadji Safir a rétorqué mystérieusement en citant les paroles qu’aurait dites le Général de Gaule, à une personne « dont je préfère taire la question » : « vaste programme mon ami ! ».  Parlant de l’armée, Safir trouve qu’elle se caractérise par « une logique de corps ». Les retraités a-t-il dit gardent des liens très forts avec leurs camarades encore en fonction. Parfois ce sont les retraités qui s’expriment. Le Général Benhadid a pris la parole dans les médias au nom de ses camarades a-t-il rappelé.
 
L’autre question posée est celle se rapportant au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), parti qui vient d’opter pour le séparatisme après avoir revendiqué l’autonomie. Safir estime que « le MAK ne changera pas fondamentalement la donne ». Pour sa part, Akram Belkaid, trouve la revendication du MAK « choquante » tout en concédant qu’il peut « être entendu dans un contexte démocratique ». Il n’a pas caché sa crainte de voir  le pouvoir utiliser cette affaire  comme une carte de pression sur la société afin de se maintenir en place.  A la fin Safir, complétant sa thèse des deux logiques rentières, reconnait que le traumatisme laissé par la guerre civile des années 90 est un autre facteur démobilisant, qui empêche les mouvements sociaux à prendre pied.

 

 

 

Palestiniens de Syrie : « L’aide de l’Europe a été sacquée »

[Par Larbi GRAÏNE]  

 

La députée européenne EELV, Eva Joly, a déploré le 29 mars à Paris que le budget de l’Union européenne destiné à venir en aide aux réfugiés palestiniens de Syrie soit « sacqué » expliquant que c’est avec « l’argent humanitaire que l’UE met en œuvre sa politique agricole ». « C’est insupportable, dans le camp de Yarmouk où vivent les Palestiniens, on meurt de faim, et c’est de la responsabilité de l’Europe » a-t-elle tonné sous les applaudissements d’un public nombreux venu assister à une soirée de solidarité avec les réfugiés palestiniens en Syrie, organisée par le Forum Palestine, Citoyenneté Chababs El Yarmouk. Pour Eva Joly « l’UE se doit de mobiliser d’ici juin 2014, quatre cents millions d’euro pour pouvoir aider les Palestiniens de Syrie»

 

photo par UNRWA

photo par UNRWA

 

Agrémentée par un concert donné par le groupe de hip hop syrien « Refugees of Rap » et un récital de poésie déclamé par le poète et journaliste palestinien réfugié en France, Mohammad Shaaban, cette soirée a été marquée par plusieurs témoignages de militants palestiniens qui sont intervenus depuis Yarmouk via skype. Le blocus du camp damascène de Yarmouk où résident environ un demi-million de réfugiés palestiniens est à jusqu’à aujourd’hui (samedi 29 mars, NDLR) à son 261e jour affirme Abdallah al-Khatib, activiste palestinien basé au camp de Yarmouk. Celui-ci a dénoncé le silence de l’OLP qui selon lui « n’a pas aidé les réfugiés palestiniens ». « Le blocus a été décidé par le régime d’Assad à l’effet d’anéantir la cause palestinienne » a-t-il fulminé. Et d’ajouter « seule la pression médiatique a atténué quelque peu les effets du blocus car cela avait permis l’ouverture partielle du camp ». Faisant un état des lieux, El Khatib révèle que le dernier bombardement du camp qui remonte à trois jours avait fait 12 morts parmi les civils. D’après lui, à cause du blocus, 80 % des enfants souffrent de malnutrition alors que 20 d’entre eux ont perdu la vie. 125 personnes a-t-il ajouté sont décédées en succombant à l’épuisement et à la famine. « Le camp est rasé à 40% et la pénurie des produits alimentaires a fait flamber les prix » soutient-il non sans observer que « le riz revient à 200 dollars le kg » et que « les gens survivent en mangeant de l’herbe ». Et de déplorer encore « tous les hôpitaux, hormis un, ont fermé. Il y a pénurie des produits d’urgence comme le coton ou les désinfectants. Certains parents ne pouvant plus subvenir aux besoins des leurs, ont abandonné leurs enfants alors que certaines femmes ont dû verser dans la prostitution ».

 

 

Salon du livre de Paris : Percée de la littérature française en Chine

[Par Larbi GRAÏNE]

 

Les lampions du 34e salon du livre de Paris se sont éteints le 24 avril dernier à Porte de Versailles, sur une note de satisfaction de ses organisateurs. Et pour cause, le salon a drainé 198 000 visiteurs soit 8000 de plus que l’année dernière. Toujours est-il qu’un salon du livre peut être un baromètre permettant de visualiser l’état des échanges économiques entre la France et les pays participants. L’édition de cette année a choisi comme pays d’honneur l’Argentine et comme ville invitée Shanghaï. A travers ce choix, on peut mesurer du reste l’intérêt des organisateurs pour les pays émergents. La programmation du Brésil comme pays d’honneur pour l’édition de 2015 est là pour attester qu’il s’agit d’une option « lourde » des managers du livre. En termes de poids économique, le livre occupe la première place parmi les biens culturels. Selon le site du SNE, (Syndicat national de l’Edition), le marché du livre en France était en 2006 évalué à 4,1 milliards d’euro surclassant ainsi la vidéo (1, 7 milliards), la musique (1, 3 milliards) et les logiciels de loisirs (1,1 milliards).

salon

 

Présence de la Chine
Si l’Argentine comme on l’a dit est le pays d’honneur de l’édition de cette année, l’Empire du Milieu, n’en a pas moins pris une place remarquable. Sur 143 activités environ, entre expositions et cycle de conférences, il y en avait dix qui ont été consacrées entièrement ou partiellement à la Chine contre 13 pour l’Argentine. « La Chine achète les droits de 1500 titres pour jeunesse français », souligne Mme Sylvie Gracia, qui participait à une conférence intitulée « La lecture : un perpétuel combat ?», une conférence pourtant centrée sur la France. Il y a des faits qui témoignent d’un réel engouement des Chinois pour la littérature française même si on ne peut mettre d’une manière certaine cet engouement sur le compte des autorités de Pékin. Le désir de traduction des œuvres littéraires de langue française vers le chinois s’est exprimé d’une manière récurrente depuis le XXe siècle comme le rappelle du reste M. Dong Qiang, traducteur, président du jury du Prix Fu Lei et professeur de littérature française à l’université de Pékin. Invité avec M. Pierre Assouline, écrivain et membre de l’Académie Goncourt, à une conférence sur le thème « les prix littéraires s’exportent-ils ? », Dong Qiang, a expliqué que la traduction de la littérature française vers le chinois a son emblème en la personne de Fu Lei (1908-1966). « Fu Lei, a-t-il dit, avait fait des études artistiques en France et traduit vers le chinois les œuvres de Voltaire, Balzac et Romain Rolland. Cet homme, a-t-il ajouté, a eu malheureusement un destin tragique car il s’était suicidé, et sa femme l’avait imité. Ce n’est qu’en 1979 qu’il fut réhabilité par l’Association des écrivains de Chine. À la mémoire du traducteur, un prix Fu Lei fut institué en 2009 par l’ambassade de France en Chine. Depuis nombre d’œuvres de philosophes et d’écrivains français passèrent en Chine comme Montesquieu, Lévi-Strauss, Montaigne, Daniel Pennac, Albert Camus et Simone de Beauvoir pour ne citer que ceux-là.

 

Atouts non négligeables des Français
Les Français sont des lecteurs appréciables puisque 7 Français sur 10 lisent des livres à en croire une étude réalisée par Livres Hebdo/Ipso auprès de 1013 Français de 15 ans. Cette étude évoquée lors de la conférence sur la lecture, révèle que les jeunes de 15 à 24 ans lisent en moyenne 15 livres par an. Mais les Français connaissent peu de la littérature chinoise. S’il n’y a pas d’études précises là-dessus, il y a en revanche des indices qui permettent de le supposer. Quelque part pour les Français, la Chine incarne ce pays gigantesque de l’Orient travaillé par une culture, qui si elle est en tous points différente, n’en reste pas moins entourée d’un halo de mystère. (Si l’on a lu, par ici, un roman chinois, la mémoire peine à retenir le nom de l’auteur, car peut-être c’est la seule chose qui ne soit pas traduite). Mais la France renommée pour la vitalité de sa littérature, dispose néanmoins d’atouts non négligeables. Ses prix littéraires, à leur tête le Goncourt, constituent un moment attractif et de promotion inégalable pour la cession du livre français à l’étranger. Le mouvement de traduction d’œuvres françaises en Chine est d’ailleurs aiguillonné par l’attribution des différents prix littéraires, insiste M. Dong Qiang. Pourquoi la France se tourne vers les pays émergents ? La crise économique y est-elle pour quelque chose ? Un document du SNE donne la réponse : « Les partenaires « historiques » de la France ne progressent pas (Espagne, Italie, Allemagne, Portugal, Grèce, Pays Bas…) ; les chiffres à la hausse concernent les nouveaux venus, les marchés lointains comme la Chine ». Du reste, les Chinois font acquisition de livres français que l’inverse, et les éditeurs chinois ne cherchent pas à exporter leurs livres mais à en ramener de l’étranger. En 2003 relève la même source, la Chine achetait les droits de traduction de 10 000 titres étrangers. Les ouvrages français traduits en Chine y occupent le 5e rang après ceux des Etats-Unis, Allemagne, Japon et la Grande Bretagne.

 

 

Lettre ouverte à un jeune lycéen français

Dessin du www.clemi.org

Dessin tiré de www.clemi.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l’occasion de la 25e Semaine de la presse et des médias dans l’école® (24 – 29 mars 2014), une lettre ouverte aux jeunes lycéens français a été rédigée par des plumes de La Maison des journalistes :

 

Chers élèves, séparez la bonne graine de l’ivraie. Lettre de Larbi Graine

 

Le journalisme étant un sacerdoce Lettre de Carole Attioumou­ Sérikpa

 

Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde ! Lettre de Makaila Nguebla

 

Le journaliste est un éveilleur de conscience. Lettre de Benson Sérikpa

 

Le dessin de la Semaine 2014, par Samy

 

 

Chers élèves, séparez la bonne graine de l’ivraie

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Chers élèves,

 

Vous allez aborder comme chaque année « la Semaine de la presse et des médias dans l’école ». Mais vous êtes conviés cette fois-ci à l’examiner sous l’angle de l’« info, et des supports ». Car une même information peut être différemment traitée selon le type de média qui la prend en charge. Vous l’avez sans doute remarqué par vous-mêmes et ce, avant même qu’on vous l’enseigne, une nouvelle apprise à la radio, est reprise presque instantanément par la télévision et les publications en ligne, la presse écrite prenant généralement le relais le lendemain, voire dans la semaine ou le mois selon la périodicité.

 

Excusez-moi, de faire cette comparaison brutale avec le commerce, sachant que le métier de journaliste prête à idéalisation quand bien même il demeure un métier noble. Vous l’avez compris : toute information, quelque soit le support qui la véhicule est un produit. Un produit informatif certes, mais, qui plus est, est doublé d’une valeur commerciale.

 

L’info comme le chocolat
Vous l’avez sans doute relevé avant que vos parents vous l’apprennent, le chocolat est vendu sous diverses formes. Il existe en poudres, en pilules, en boissons, en purées, en bouchées, en grandes ou petites tablettes, en bonbons, en coffrets, en jouets de miniature et j’en oublie… Il peut être associé à d’autres ingrédients comme le lait et le sucre. De même l’information comme tout produit se décline sous des formules extrêmement diverses. Pour ainsi dire, l’info se coule dans le moule qui lui donne sa forme. Si nous sommes tous des consommateurs de l’info, il y a, au demeurant, autant d’infos et de journaux que de publics ou ce qu’on appelle les lectorats. Les petites bourses par exemple ont un accès limité aux magazines onéreux ou de luxe, qu’ils peuvent néanmoins consulter en médiathèque. Mais pas seulement. Les plus instruits des gens, autodidactes ou ayant fait des études à l’université, ont la capacité d’assimiler les écrits de haut niveau, ce qui n’est pas le cas des moins cultivés. Aussi certaines personnes seront-elles plus aptes à lire tel ou tel journal suivant qu’elles sont accros de foot, d’informatique ou de cinéma, d’où d’ailleurs le besoin des médias spécialisés comme les revues pour enfants, les revues médicales, de voyages, de l’auto, de la pêche, du bricolage, du jardinage, d’animaux etc. C’est dire que finalement ce sont les consommateurs que nous sommes, qui déterminent la fabrication du support par lequel nous vient l’info.

 

Si j’ai comparé l’info au chocolat, c’est qu’elle peut être livrée dans un bel emballage tellement aguichant, que vous risquez d’en consommer de mauvaises. Il faut avoir goûté à plusieurs genres de produits journalistiques, pour que vous puissiez apprécier les infos à leur juste valeur. On dit que la radio donne l’info, la télé la « montre » et les journaux l’analysent. La pluralité de titres et de supports, renforce certes la liberté d’expression, mais celle-ci n’est pas pour autant définitivement acquise. Il lui faut la sanction des différents publics. C’est pourquoi, chers élèves, vous êtes appelés en tant que consommateurs de l’info à séparer la bonne graine de l’ivraie sinon vous ne lirez que ce qu’on voudra vous faire lire.

 

Larbi GRAÏNE

 

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les autres lettres ouvertes 

 

 

 

A l’origine des représentations

[Par Larbi GRAÏNE]

 

La bibliothèque nationale de France – Richelieu, sise au 5 rue Vivienne dans le 2e arrondissement de Paris abrite depuis le 18 mars une exposition de dessins français du XVIIe siècle. Cette exposition qui se poursuit jusqu’au 15 juin 2014, rassemble plus de 100 dessins et 50 estampes qui leur sont associées. Ces œuvres sont puisées du Fonds du département des Estampes et de la photographie.

 

L'affiche de l'exposition

L’affiche de l’exposition

 

« On découvre des artistes méconnus et on se rend compte de l’importance de la gravure. Ce qui est intéressant, c’est cette possibilité qui nous est offerte de découvrir une partie des œuvres de certains artistes dont on connait leurs peintures mais pas leurs dessins » nous confie ce monsieur venu assister au vernissage qui s’est déroulé le 18 du mois courant. Il est vrai que la sélection proposée, concerne plus de 40 artistes du Grand Siècle qui sont alternativement peintres et graveurs, sous la période allant d’Henri IV à la mort de Louis XIV. On retrouve les grands noms de l’époque à l’image de Martin Fréminet, Toussaint Dubreuil, Charles Le Brun, Jean Jouvenet, Jacques Callot, Sébastien Leclerc et Pierre Brebiette. La majeure partie des feuilles, restée inédite, n’a jamais été du reste exposée, comme celles de Michel II Corneille, Charles de La Fosse, Charles le Brun, Laurent de la Hyre ou Eustache Le Sueur. En outre, le public pourra aussi affiner sa connaissance des artistes récemment exhumés des comptes d’archives comme Marin Desmarestz ou Louis Richer. Autres curiosités qui ne sont pas des moindres : l’étude au lavis-rouge Prédication, décollation et miracle de saint Denis devant Paris dont l’auteur serait un artiste proche d’Henri Lerambert et Le Sacre de Louis XIII à Reims le 17 octobre 1610 de François Quesnel. La BNF a acquis récemment cette collection célèbre ayant été formée par le marquis d’Avignon au XVIIe siècle.
Les œuvres sont présentées selon un ordre chronologique où estampes et dessins paraissent dialoguer sur des thématiques variées. Cela va des projets d’architecture aux pompes funèbres en passant par les illustrations d’almanach, les images satiriques, les décors éphémères, les entrées triomphales et les modes. N’oublions pas que le site qui accueille cette exposition n’est autre que le somptueux Palais Mazarin, l’ancienne bibliothèque royale. Ce qui facilite une plongée dans le faste de la France monarchiste du temps de Corneille et de Molière.

 

« Dessins français du XVIIe siècle », du 18 mars au 15 juin 2014 à la BNF-Richelieu (Paris 2°) Infos et réservations : http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_expositions/f.dessins_francais.html

 

 

L’armée chinoise: Serval et le toit du monde

[Par Larbi GRAÏNE]

 

« Où en est la puissance militaire chinoise ? », c’est à cette question inscrite au fronton d’une table-ronde organisée à l’Ecole militaire de Paris le mercredi 19 mars, par l’Association nationale des Auditeurs jeunes de l’IHEDEN, à laquelle a tenté de répondre un panel de spécialistes. Tout d’abord on avait posé sur la table ce chiffre impressionnant, celui du budget de la défense de la Chine : 131 milliards de dollars en 2014, soit une hausse de près de 12 % par rapport à 2013. Ensuite sur le plan numérique, l’armée chinoise est la plus grande du monde. La Chine, à l’occasion de cette table-ronde, a été finement auscultée comme l’aurait été un athlète sur le point d’affronter une redoutable compétition internationale. Les « médecins » se sont penchés sur la part du mental et du physique dans la performance du soldat Mao. Tout le corps a été interrogé, de même donc que la psyché (en remontant l’histoire du pays). Dans un élan prospectif, les différents intervenants, chacun dans son domaine de compétence, ont cerné l’individualité du grand malabar, afin de nous dire de quoi il serait capable dans un proche avenir.

 

L'armée chinoise

L’armée chinoise

 

Des conflits régionaux

Denis Lambert, auteur de Géopolitique de la Chine, dans une communication intitulée « Le cadre des ambitions chinoises qui orientent et dimensionnent les transformations », a mis l’accent sur les dissensions internes à l’Empire du Milieu, et sur les conflits qu’il a eu à affronter avec ses voisins. Au niveau interne, il relève que « le Turkestan oriental qui forme le un seizième du territoire avec 1 660 000 km2 se soulève d’une manière récurrente contre le pouvoir central. Il est habité principalement par des Mongols Dzougars convertis à l’islam ». Et d’ajouter « le second grand territoire (1 220 000 km2) qu’administre la Chine est le Tibet (Xizang). Il a le statut d’une région autonome. Pékin l’avait conquis par la force au début des années 50 ». Abordant le niveau externe, Lambert rappelle que la Chine a eu des guerres récurrentes avec la Corée, qu’elle a toujours voulu conquérir. « A l’Inde, a-t-il ajouté, elle a fait une guerre « déclenchée par l’inconscience de Nehru ». « C’est un conflit gelé qui n’est pas guéri, et la frontière entre les deux pays reste « chaude » analyse-t-il. Et d’ajouter « avec les Russes, la Chine est victime de traités inégaux, le tracé des frontières au long du fleuve de l’Amour a été toujours contesté ». Contre les Khmers rouges du Cambodge, la Chine a mené aussi une expédition punitive. D’après Lambert la Chine ne connaitra pas à l’avenir un essor comparable à celui qu’elle a connu ces dernières années car, selon lui, sa population est appelée à vieillir. Il prédit des tensions sur l’eau, notamment sur le toit du monde, à l’Himalaya qui concentre d’énormes ressources hydriques. « Le budget de la Défense de la chine inquiète beaucoup ses voisins. Ils se posent des questions sur cette posture agressive. Pourtant les Chinois se disent toujours pacifiques. Par le passé, ils ont eu Sun Zi qui prône la philosophie du développement harmonieux, et les anciens chinois n’ont pas manifesté beaucoup d’intérêt pour la carrière militaire» a-t-il souligné.

 

La Chine 6e pays exportateur d’armement

Pour sa part Patrick Michon, Ingénieur civil spécialiste des questions industrielles de Défense, retraçant « L’histoire du développement de la BITD (base industrielle et technologique de défense) chinoise » a souligné l’importance des inventions chinoises comme les frégates « qu’on a vues patrouiller dans le golfe d’Aden ». Il a toutefois noté que « la montée en puissance de la marine chinoise fait face aux difficultés budgétaires » non sans prédire que les Chinois « auront en 2025 certainement de petits problèmes avec les Indiens » affirmant que ce qui l’incitait à le penser, c’est le fait que « la marine indienne ait fait jusqu’à 2009 des appels d’offres ». « Là où il y a un Indien, il y a un Chinois qui suit » soutient-il, relevant au passage que « la chine commence à embêter l’Inde avec son « collier de perles » au niveau de la frontière ». Et de faire observer la générosité des Chinois, lesquels offrent des chars et des postes radios à certains voisins comme la Birmanie. Michon relève également « l’existence de réserves de gaz prodigieuses au Bengale ». Et d’affirmer « l’industrie chinoise reste comme toute chose un univers bien mal connue. Selon lui « officiellement 1, 75 du PIB sont consacrés à la Défense. Mais la Chine serait désormais le 6° exportateur d’armement quoique ses clients sont principalement des pays asiatiques comme la Thaïlande, le Pakistan, l’Iran, l’Irak du temps de Saddam Hussein et la Birmanie ». Pour Patrick Michon, depuis vingt ans la Chine veut montrer ses muscles ».

 

Jamais de guerre en Occident

De son côté, Pierre Picquart, Docteur en géopolitique et en géographie humaine a, dans sa communication « La Chine, un acteur militaire qui pèse sur les équilibres mondiaux » noté que « la Chine est la première puissance commerciale depuis 2012 ». D’après lui « ce pays a connu depuis les vingt dernières années une forte croissance, c’est une puissance à la fois développée et en voie de développement ». Et d’ajouter « « la Chine est contributrice à la mission des Casques bleus de l’Onu, elle s’y implique très sérieusement. Mais d’un autre côté on voit le nationalisme monter en Chine ainsi qu’au Japon, et cela suscite des inquiétudes en Europe. Les Américains accusent Pékin de consacrer beaucoup d’argent à la Défense, or c’est ce qu’ils font eux-mêmes en multipliant la mise ». Et de soutenir que « la Chine veut doubler le canal du Panama, ce qui veut dire qu’elle est en train de damer le pion à l’Oncle Sam ». « La Chine connait ses intérêts, elle a réagit face aux menaces d’intervention qui pesaient sur l’Iran en disant que « si vous touchez à ce pays, vous déclencherez la 3° guerre mondiale » a-t-il martelé. Et de rappeler que « la Chine, n’a tout de même jamais mené de guerres en Occident, ni fait partie d’alliances militaires. Sa diplomatie hyperactive est multilatérale et s’adresse à tous les pays de la planète ».

 

L’opérationnalité, talon d’Achille de l’APL

La dernière intervention celle d’Emmanuel Puig, Senior researcher à Asia centre, Directeur de l’Observatoire stratégique de la Chine a été axée sur l’Armée populaire de libération (APL). Dans sa communication intitulée « Perspectives stratégiques sur les nouvelles missions historiques de l’APL », Emmanuel Puig a retracé les différentes phases qu’a traversées l’armée chinoise pour parvenir à ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Après les guerres d’attrition essentiellement terrestres des années 70, ont suivi les conflits locaux sous conditions modernes dans les années 80. Selon Puig « la guerre du Golfe en 1991 a eu un impact sur les Chinois, ils ont pris conscience de leur fragilité et ils ont compris que la guerre ne pouvait être gagnée que par un équipement moderne ». C’est pourquoi a-t-il expliqué « à partir de 1992, les Chinois entreprennent une campagne de modernisation de leur armée. L’attaque de l’ambassade chinoise à Belgrade en 1999 renforce leur conviction quant à la nécessité de sécuriser davantage leur site notamment à l’étranger ». Selon lui « l’APL a rattrapé une décennie de retard en procédant à l’informatisation de son équipement, au développement de ses télécommunications et de son aéronautique. Les Chinois s’inspirent des modèles russes pour fabriquer leurs propres avions comme le J-15 ou le Z –Hi -10 ». Et d’ajouter « une nouvelle hiérarchisation des priorités est apparue au sein de l’APL pour qui le conflit avec Taïwan n’est plus une priorité militaire mais une priorité politique ».
Mais « l’armée souffre d’une série de faiblesses structurelles importantes, il y a une relation évolutive entre l’armée et le Parti, peut-être que cela cause une aversion pour le risque » analyse Puig. Pour lui « les commissaires politiques contrôlent l’APL qui ne manœuvre qu’avec les Russes même si elle a progressé dans la cyberespace en une décennie». «La dernière expérience opérationnelle des Chinois remonte à 1979 » a-t-il indiqué. Et de révéler « les experts chinois pourtant se sont montrés très intéressés par l’opération Serval, ce mot revient sans cesse sur leurs lèvres. Ils sont en train de disséquer comment on l’a fait (Serval, NDLR) ». La Chine serait-elle tentée par une aventure hors de sa région ? Pour Emmanuel Puig, au regard de ce qui a été dit, cela doit « inciter à la prudence la plus extrême ». Et de conclure «nous voulons comprendre les Chinois pour pouvoir en discuter avec eux ».