Rwanda : le mystère persiste sur l’affaire Kizito Mihigo

[Par Sintius MALAIKAT]

Kizito Mihigo, artiste-musicien rwandais et rescapé du génocide, est incarcéré depuis le 14 avril 2014. Après une semaine de disparition la police nationale, malgré une série de déclarations, finira par reconnaître sa détention.

Kizito Mihigo (source: inyenyerinews.org)

Kizito Mihigo avec ses avocats (source: inyenyerinews.org)

Mihigo est poursuivi pour collaboration avec des groupes terroristes opérant à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et le RNC (Rwanda National Congres), parti politique de l’opposition fondé en Afrique du Sud par des anciens pro-Kagame. Ses accusations vont jusqu’à montrer qu’il planifiait l’assassinat du président rwandais, Paul Kagame et de certaines autres autorités du pays. Mais il avait évoqué, dans sa dernière chanson, «Igisobanuro Cy’Urupfu » « La signification de la mort », les crimes dont est accusé le Front patriotique rwandais (FPR), aujourd’hui au pouvoir. Cette chanson a été prise pour négationnisme du génocide car d’après ses mots, l’artiste veut que toute personne morte au Rwanda soit commémorée, quelle que soit la cause et l’ethnie.

« Je suis orphelin à cause du génocide, mais cela ne doit pas me faire oublier qu’il y a d’autres personnes qui ont été massacrées suite à la vengeance. Je leur rends hommage car elles aussi sont des êtres humains… »
Chrétien catholique, il est accusé de s’être attaqué contre le programme « Ndi Umunyarwanda » (Je suis Rwandais), programme dans lequel toute personne Hutu est obligée de demander pardon aux Tutsis pour les crimes commis en leur nom lors du génocide.
« Je suis Rwandais devrait être précédé par Je suis chrétien… »
Pourtant, ce programme a semé la polémique car beaucoup de gens ne sont pas pour cette politique de généralisation ; certains l’avaient trouvé comme une manière de criminaliser tous les Hutus et d’autres, dont Ibuka, association des rescapés du génocide, comme un programme pouvant contribuer à dissimuler la vérité sur ce qui s’est réellement passé. [Cette association avait désapprouvé ce programme à son lancement mais elle n’a pas tardé à se contredire].

Kizito Mihigo (source : inyarwanda.com)

Kizito Mihigo (source : inyarwanda.com)

Son procès a été ouvert à la Haute cour de Kigali le 12 septembre, en compagnie de ses 3 co-accusés dont un journaliste. Kizito plaide coupable de toute accusation et demande que son procès soit jugé séparément. Reporté, le procès réapparait ce 06 novembre et plaide coupable de tout chef d’accusation ; mais ses avocats ne sont pas d’accord surtout en ce qui concerne l’appellation des ses crimes et sur l’authenticité des preuves dont dispose le parquet, : preuves basées sur des messages via des réseaux sociaux, Skype et Whatsapp. Pourtant, l’artiste insiste et déclare que peu importe l’appellation, il plaide coupable et demande pardon au chef d’Etat qu’il a trahi alors que ce dernier l’avait beaucoup aidé dans sa carrière.
« Je ne l’ai jamais détesté [le Président Kagame]. Trahir une personne ne signifie pas qu’on la déteste. Seulement c’est comme si je m’étais révolté car j’avais des problèmes avec d’autres autorités,… Mais je regrette ce que j’ai fait contre le Président alors qu’il m’a aidé ».

Après Kizito Mihigo, ce fut le tour d’un de ses co-accusés, Cassien Ntamuhanga, ancien journaliste et directeur de radio privée religieuse, Amazing Grace. Ce dernier a immédiatement rejeté la première des quatre accusations qu’il partage avec Mihigo, mais le procès a été reporté au 14 novembre car l’un des juges est tombé brusquement malade.

Source : Umuseke.com, RFI