Marouan Omara, réalisateur de CROP : « C’est à Al Ahram où tout se décidait… »

[Par Larbi GRAÏNE]

 

Souvent pour cerner la politique de nos dirigeants, politologues et journalistes, s’intéressent davantage au discours politique qu’à la photographie. Et Pourtant l’image se trouve être au cœur des manœuvres du pouvoir politique, qui en use et abuse, soit pour faire de nouvelles conquêtes, soit pour s’y maintenir. Marouan Omara, jeune photographe et réalisateur égyptien de 27 ans a dérogé à cette règle en réalisant avec l’Allemande Johanna Domke « CROP » un film complètement dédié au pouvoir de l’image. Nous l’avons rencontré en marge du Festival international du film des droits de l’Homme (FIFDH) qui s’est déroulé au cinéma Nouveau Latina à Paris du 11 au 18 mars 2014. Notons que le film a été tourné entièrement à l’intérieur du journal al Ahram, le plus grand tirage du pays. Entretien.

 

L'affiche du film "Crop"

L’affiche du film “Crop”

 

Même s’il est très court votre film est très beau, j’ai constaté que le public a eu du mal à quitter la salle à la fin de la projection…
« A vrai dire je suis satisfait que le film soit court, beaucoup parmi le public égyptien se sont accoutumés à voir des films rapides, comme les clips ou les réclames. Certains peuvent le percevoir comme lent et ennuyeux. Mais je crois que le fait qu’on ait ressenti sa « petitesse », c’est la preuve qu’on a réussi à faire passer le message, ce qui a donné l’envie de le regarder sans discontinuer pendant 47 minutes. Du reste, je n’ai pas pensé à la durée du film, ce qui m’avait importé, c’est l’idée qu’on va véhiculer sans penser que le film va être court ou long ».

 

Pourquoi, avez-vous choisi le siège d’un journal gouvernemental, Al-Ahram en l’occurrence, pour tourner ce film ?
« L’idée, c’était de cerner et de comprendre comment se fabriquaient l’information et l’image. Pendant notre enquête, on a réalisé plus de 19 interviews avec des photographes de presse, des gens des médias et des experts en communication. Nous leur avons tous posé la question de savoir qui détient le pouvoir de décision dans un journal, qui décide que telles photos méritent d’arriver au public et telles autres d’être supprimées pour qu’elles ne soient pas vues. Nous avons eu des réponses différentes. Pour certains c’est le directeur de la rédaction qui décide. Pour d’autres, c’est le chef du service photographie. Mais lorsqu’on s’est entretenu avec quelques chefs du service de photographie de certains journaux, quelques uns nous ont affirmé que c’est le directeur de la publication qui décide, alors que d’autres ont soutenu que ce sont les conseillers du Président Hosni Moubarak, qui ont ce pouvoir. Au final, on s’est rendu compte, qu’il n’y avait pas une réponse concordante et franche. Le chef de service photographie d’Al Ahram fut l’une des personnalités avec laquelle nous avons eu à nous entretenir. Au cours de cet entretien qui s’est déroulé au siège d’Al Ahram, on a découvert que ce journal était abrité par d’immenses locaux. On s’était senti alors comme dans une usine, comme dans une place forte. Il y a beaucoup de couloirs, de bureaux et d’employés, on en a déduit que c’est dans cette place où devrait être filtrées les informations. Nous nous sommes dit qu’un service, un département devrait bien s’occuper de ça. D’où l’idée de filmer à l’intérieur d’Al Ahram d’autant plus que d’une façon générale on voulait traiter de la presse en Egypte de ces 70 dernières années, qu’elle soit gouvernementale ou nationaliste ».

 

Est-ce que ça été facile pour vous de s’introduire dans le siège d’Al Ahram ?
« Cela s’est déroulé durant la première présidence assurée par l’armée après la chute de Moubarak. On s’approchait de la fin du règne des militaires sous Tantaoui, la vie politique était dominée par les grandes protestations précédant la confrontation électorale entre Morsi et Chafik. On ne savait pas qui allait s’emparer du pouvoir. Donc lorsque nous avons exprimé notre désir de filmer à l’intérieur des locaux du journal, il était difficile aux responsables de dire non ou oui. Et à vrai dire ils n’auraient jamais été capables de justifier un quelconque refus ne sachant guère de quel côté va pencher la balance. On a dû donc attendre trois mois avant qu’on nous autorise à faire notre reportage. Nous nous sommes alors entendu dire « puisque vous faites un film d’inspiration culturelle, on ne voit pas d’inconvénients ».

 

Le film planche sur l’impact des images sur le public, selon vous c’est la révolution qui construit l’image ou c’est l’image qui construit la révolution ?
« C’est la révolution qui construit l’image, c’est le peuple qui fabrique l’événement que les médias viennent couvrir. Parfois la presse gouvernementale faisait le contraire en fabriquant de fausses images pour stigmatiser des gens en les taxant de traitres et de collabos. Parfois elle soutenait que le pays est stable et qu’il n’y a pas de révolution. Mais quand les gens se sont fortement mobilisés, ils ont imposé le fait que l’image censée les refléter corresponde à la réalité ».

 

Comme l’a montré le film, les chefs d’Etat égyptiens raffolaient de l’image, ils étaient séduits par son attractivité, quelle différence y a-t-il entre Abdel Nasser, Sadat et Moubarak ?
« Oui dans la première partie du film nous avons tenté d’analyser l’image en tant qu’instrument de séduction des masses. Nous avons voulu montrer comment les chefs d’Etat ont utilisé leur image dans un but hégémonique et de domination de l’opinion. Sous Abdel Nasser, il faut rappeler que la gestion de la photo subissait les limites de l’époque qui était marquée par la photographie d’avant les dernières innovations. Dans les années 60 et 70, le nombre de photographes et de caméras était extrêmement réduit. Nasser utilisait les médias et la photographie comme moyens de communication, non pas seulement en Egypte mais également à l’échelle de la planète et plus particulièrement en direction du monde arabe. Mais le message iconique de Nasser était porteur du désir de fraternité et d’amitié à l’égard des mouvements révolutionnaires et du nationalisme arabes, auxquels il appelait de tous ses vœux. L’examen de ses photos, montre toujours un Nasser soucieux de communiquer avec son peuple, un homme modeste qui ne s’intéresse pas à sa petite personne. A l’opposé, Sadate venu aux affaires dans les années 70, bascula vers la méthode américaine, tournant ainsi le dos aux Russes. Il était grandement inspiré par les films américains. On le voit toujours en train d’exhiber ses capacités à devenir Président. Il était obsédé par l’idée de transmettre par le truchement d’un plan visuel les preuves qui établiraient combien il était extraordinaire, sage et modeste. Nous avons même eu des informations, (que le film n’a pas exploitées), selon lesquelles Sadate à ses débuts avant même qu’il entame sa carrière politique, a pris attache avec une des célèbres actrices du Caire, pour lui demander de jouer un petit rôle à ses côtés. Sadate était féru du paraitre, il était obsédé par la caméra et les flashes photos. Il s’échinait à paraitre comme un héros nationaliste, mais sa mort a révélé la réalité du personnage : ses obsèques furent quasi désertées. C’est plutôt Nasser qui a eu droit à des obsèques grandioses qui ont eu un grand retentissement dans le monde arabe. Quant à Moubarak il avait une peur bleue des médias. Il était aux côtés de Sadate lorsqu’il rendit l’âme. Moubarak sait que les médias sont la cause de l’assassinat de Sadate. Il avait adopté des faux-fuyants, étant lui même aviateur de métier, il se transformait en volatile pour gérer les affaires de l’Egypte et des médias. Il était rigide, ne manifestant aucune sympathie à l’endroit des photographes, de son entourage et de son peuple. Ses photos sont routinisées, ennuyeuses, traditionnelles, qui le montrent souvent inaugurant quelque usine. Mais tous les endroits où il apparaissait sont placés sous haute surveillance, il est très difficile de trouver une photo le montrant en train d’échanger avec les gens. Quand vous en trouvez une, elle est l’œuvre d’un travail de laboratoire inspiré par les services de renseignements. Avec le temps les Egyptiens ont fini par honnir la politique de Moubarak qui est devenue aussi ennuyeuse et rebutante que sa photo. Tout était plat, froid, sans aventure et sans rêve ».

 

Est-ce que chacun des chefs d’Etat égyptiens qui se sont succédé, avait-il eu un modèle dont il s’est inspiré pour bâtir sa propre stratégie visuelle ?
« Nasser je crois était plus proche des Soviétiques que des Américains, mais Sadate était plus proche de l’Amérique avec laquelle il entretenait beaucoup de relations. Moubarak quant à lui ne semble s’inspirer d’aucun modèle particulier. Son plan visuel était incolore et inodore. On ne peut pas dire que ses choix sur l’image peuvent s’incarner dans quoi que ce soit, c’est un mauvais mixage de beaucoup de choses. Un mixage dépourvu de toute vision ».

 

Qu’est devenu le cinéma égyptien ?
« Je crois que le cinéma égyptien a complètement disparu ces dix dernières années mais je pense qu’il va rebondir dans un proche avenir car il est appelé à exorciser ce qui s’est passé pendant la révolution. Le public égyptien est lassé et ne peut plus supporter le cinéma ayant précédé la chute de Moubarak. Le public a changé et a pris conscience des moyens d’hégémonie dont usent les gens des médias, entre réalisateurs et producteurs pour dominer les esprits. Souvent ce sont des films de bas étage avec des comédiens qui ne véhiculent ni idées ni messages ».

 

 

Palestiniens de Syrie : « L’aide de l’Europe a été sacquée »

[Par Larbi GRAÏNE]  

 

La députée européenne EELV, Eva Joly, a déploré le 29 mars à Paris que le budget de l’Union européenne destiné à venir en aide aux réfugiés palestiniens de Syrie soit « sacqué » expliquant que c’est avec « l’argent humanitaire que l’UE met en œuvre sa politique agricole ». « C’est insupportable, dans le camp de Yarmouk où vivent les Palestiniens, on meurt de faim, et c’est de la responsabilité de l’Europe » a-t-elle tonné sous les applaudissements d’un public nombreux venu assister à une soirée de solidarité avec les réfugiés palestiniens en Syrie, organisée par le Forum Palestine, Citoyenneté Chababs El Yarmouk. Pour Eva Joly « l’UE se doit de mobiliser d’ici juin 2014, quatre cents millions d’euro pour pouvoir aider les Palestiniens de Syrie»

 

photo par UNRWA

photo par UNRWA

 

Agrémentée par un concert donné par le groupe de hip hop syrien « Refugees of Rap » et un récital de poésie déclamé par le poète et journaliste palestinien réfugié en France, Mohammad Shaaban, cette soirée a été marquée par plusieurs témoignages de militants palestiniens qui sont intervenus depuis Yarmouk via skype. Le blocus du camp damascène de Yarmouk où résident environ un demi-million de réfugiés palestiniens est à jusqu’à aujourd’hui (samedi 29 mars, NDLR) à son 261e jour affirme Abdallah al-Khatib, activiste palestinien basé au camp de Yarmouk. Celui-ci a dénoncé le silence de l’OLP qui selon lui « n’a pas aidé les réfugiés palestiniens ». « Le blocus a été décidé par le régime d’Assad à l’effet d’anéantir la cause palestinienne » a-t-il fulminé. Et d’ajouter « seule la pression médiatique a atténué quelque peu les effets du blocus car cela avait permis l’ouverture partielle du camp ». Faisant un état des lieux, El Khatib révèle que le dernier bombardement du camp qui remonte à trois jours avait fait 12 morts parmi les civils. D’après lui, à cause du blocus, 80 % des enfants souffrent de malnutrition alors que 20 d’entre eux ont perdu la vie. 125 personnes a-t-il ajouté sont décédées en succombant à l’épuisement et à la famine. « Le camp est rasé à 40% et la pénurie des produits alimentaires a fait flamber les prix » soutient-il non sans observer que « le riz revient à 200 dollars le kg » et que « les gens survivent en mangeant de l’herbe ». Et de déplorer encore « tous les hôpitaux, hormis un, ont fermé. Il y a pénurie des produits d’urgence comme le coton ou les désinfectants. Certains parents ne pouvant plus subvenir aux besoins des leurs, ont abandonné leurs enfants alors que certaines femmes ont dû verser dans la prostitution ».

 

 

Salon du livre de Paris : Percée de la littérature française en Chine

[Par Larbi GRAÏNE]

 

Les lampions du 34e salon du livre de Paris se sont éteints le 24 avril dernier à Porte de Versailles, sur une note de satisfaction de ses organisateurs. Et pour cause, le salon a drainé 198 000 visiteurs soit 8000 de plus que l’année dernière. Toujours est-il qu’un salon du livre peut être un baromètre permettant de visualiser l’état des échanges économiques entre la France et les pays participants. L’édition de cette année a choisi comme pays d’honneur l’Argentine et comme ville invitée Shanghaï. A travers ce choix, on peut mesurer du reste l’intérêt des organisateurs pour les pays émergents. La programmation du Brésil comme pays d’honneur pour l’édition de 2015 est là pour attester qu’il s’agit d’une option « lourde » des managers du livre. En termes de poids économique, le livre occupe la première place parmi les biens culturels. Selon le site du SNE, (Syndicat national de l’Edition), le marché du livre en France était en 2006 évalué à 4,1 milliards d’euro surclassant ainsi la vidéo (1, 7 milliards), la musique (1, 3 milliards) et les logiciels de loisirs (1,1 milliards).

salon

 

Présence de la Chine
Si l’Argentine comme on l’a dit est le pays d’honneur de l’édition de cette année, l’Empire du Milieu, n’en a pas moins pris une place remarquable. Sur 143 activités environ, entre expositions et cycle de conférences, il y en avait dix qui ont été consacrées entièrement ou partiellement à la Chine contre 13 pour l’Argentine. « La Chine achète les droits de 1500 titres pour jeunesse français », souligne Mme Sylvie Gracia, qui participait à une conférence intitulée « La lecture : un perpétuel combat ?», une conférence pourtant centrée sur la France. Il y a des faits qui témoignent d’un réel engouement des Chinois pour la littérature française même si on ne peut mettre d’une manière certaine cet engouement sur le compte des autorités de Pékin. Le désir de traduction des œuvres littéraires de langue française vers le chinois s’est exprimé d’une manière récurrente depuis le XXe siècle comme le rappelle du reste M. Dong Qiang, traducteur, président du jury du Prix Fu Lei et professeur de littérature française à l’université de Pékin. Invité avec M. Pierre Assouline, écrivain et membre de l’Académie Goncourt, à une conférence sur le thème « les prix littéraires s’exportent-ils ? », Dong Qiang, a expliqué que la traduction de la littérature française vers le chinois a son emblème en la personne de Fu Lei (1908-1966). « Fu Lei, a-t-il dit, avait fait des études artistiques en France et traduit vers le chinois les œuvres de Voltaire, Balzac et Romain Rolland. Cet homme, a-t-il ajouté, a eu malheureusement un destin tragique car il s’était suicidé, et sa femme l’avait imité. Ce n’est qu’en 1979 qu’il fut réhabilité par l’Association des écrivains de Chine. À la mémoire du traducteur, un prix Fu Lei fut institué en 2009 par l’ambassade de France en Chine. Depuis nombre d’œuvres de philosophes et d’écrivains français passèrent en Chine comme Montesquieu, Lévi-Strauss, Montaigne, Daniel Pennac, Albert Camus et Simone de Beauvoir pour ne citer que ceux-là.

 

Atouts non négligeables des Français
Les Français sont des lecteurs appréciables puisque 7 Français sur 10 lisent des livres à en croire une étude réalisée par Livres Hebdo/Ipso auprès de 1013 Français de 15 ans. Cette étude évoquée lors de la conférence sur la lecture, révèle que les jeunes de 15 à 24 ans lisent en moyenne 15 livres par an. Mais les Français connaissent peu de la littérature chinoise. S’il n’y a pas d’études précises là-dessus, il y a en revanche des indices qui permettent de le supposer. Quelque part pour les Français, la Chine incarne ce pays gigantesque de l’Orient travaillé par une culture, qui si elle est en tous points différente, n’en reste pas moins entourée d’un halo de mystère. (Si l’on a lu, par ici, un roman chinois, la mémoire peine à retenir le nom de l’auteur, car peut-être c’est la seule chose qui ne soit pas traduite). Mais la France renommée pour la vitalité de sa littérature, dispose néanmoins d’atouts non négligeables. Ses prix littéraires, à leur tête le Goncourt, constituent un moment attractif et de promotion inégalable pour la cession du livre français à l’étranger. Le mouvement de traduction d’œuvres françaises en Chine est d’ailleurs aiguillonné par l’attribution des différents prix littéraires, insiste M. Dong Qiang. Pourquoi la France se tourne vers les pays émergents ? La crise économique y est-elle pour quelque chose ? Un document du SNE donne la réponse : « Les partenaires « historiques » de la France ne progressent pas (Espagne, Italie, Allemagne, Portugal, Grèce, Pays Bas…) ; les chiffres à la hausse concernent les nouveaux venus, les marchés lointains comme la Chine ». Du reste, les Chinois font acquisition de livres français que l’inverse, et les éditeurs chinois ne cherchent pas à exporter leurs livres mais à en ramener de l’étranger. En 2003 relève la même source, la Chine achetait les droits de traduction de 10 000 titres étrangers. Les ouvrages français traduits en Chine y occupent le 5e rang après ceux des Etats-Unis, Allemagne, Japon et la Grande Bretagne.

 

 

Samy, 28 mars 2014

[Par SAMY]

 

Semaine de la presse et des médias dans l’École®

 

Dessin par Samy

Dessin par Samy


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les lettres ouvertes 

 

 

Lettre ouverte à un jeune lycéen français

Dessin du www.clemi.org

Dessin tiré de www.clemi.org

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l’occasion de la 25e Semaine de la presse et des médias dans l’école® (24 – 29 mars 2014), une lettre ouverte aux jeunes lycéens français a été rédigée par des plumes de La Maison des journalistes :

 

Chers élèves, séparez la bonne graine de l’ivraie. Lettre de Larbi Graine

 

Le journalisme étant un sacerdoce Lettre de Carole Attioumou­ Sérikpa

 

Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde ! Lettre de Makaila Nguebla

 

Le journaliste est un éveilleur de conscience. Lettre de Benson Sérikpa

 

Le dessin de la Semaine 2014, par Samy

 

 

Le journaliste est un éveilleur de conscience

Dessin de Mesli

Dessin de Ahmed Mesli (Algérie)

Chers(ères) amis(es) lycéens(nes),
 
Je me nomme Benson Sérikpa. Je suis journaliste ivoirien (République de Côte d’Ivoire, en Afrique
de l’ouest), en exil en France. Dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias, que vous célébrez depuis le lundi dernier et qui se poursuit jusqu’au 29 mars prochain, je voudrais vous entretenir sur «La liberté de la presse». C’est le thème retenu pour cette édition, par la Maison des Journalistes MDJ, institution éditrice du journal en ligne, «l’oeil de l’Exilé», dont je suis membre de la rédaction.
 
«Liberté de la presse» signifie pour moi, pouvoir s’exprimer sans contrainte, dans le strict respect de l’éthique et la déontologie qui régissent son métier. En clair, le journaliste ne doit pas être censuré, ni dans sa rédaction, ni par une autorité quelconque, encore moins poursuivi, séquestré, persécuté ou tué dans l’exercice de ses fonctions.
 
En Côte d’Ivoire, la loi sur la dépénalisation a été adoptée en décembre 2004, sous le président Laurent Gbagbo (2000­2011). En son temps, aucun journaliste n’a été emprisonné pour ses opinions dans l’exercice de ses fonctions. Ce qui n’est pas le cas depuis qu’il a été renversé le lundi 11 avril 2011.
 
En ce qui me concerne, j’ai dû fuir mon pays le 20 avril 2011, à l’instar de nombreux journalistes,
pour ne pas cautionner la prise de pouvoir par les armes. En effet, après les élections présidentielles de 2010 en Côte d’Ivoire, le Conseil constitutionnel a déclaré vainqueur Laurent Gbagbo. Son adversaire, Alassane Dramane Ouattara, contestant les résultats des urnes, a fait un coup d’Etat militaire, avec le soutien de certains pays occidentaux, dont la France, sous Nicolas Sarkozy.
 
Après quoi, j’ai reçu la visite des hommes armés , me menaçant de mort. J’ai même échappé à un assassinat, ce qui m’a valu l’exil, d’abord au Ghana, ensuite au Togo puis depuis le 17 octobre 2013 en France.
 
Si aujourd’hui, la Côte d’Ivoire occupe la 101ème place, selon le dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF), c’est bien parce que la liberté de la presse n’est qu’un leurre dans mon pays.
 
Plus d’une trentaine de journalistes ont connu l’exil et ou l’emprisonnement depuis la prise de pouvoir par Alassane Dramane Ouattara. Une situation, qui, malheureusement continue de perdurer. Les moins infortunés ont été assassinés, Sylvain Gagneteau (2011), Désiré Oué (2013), parce qu’ils dénonçaient le terrorisme, le totalitarisme, la dictature d’Alassane Dramane Ouattara.

En ce moment, près de 800 proches du président Laurent Gbagbo, déporté à La Haye (en novembre 2011), sont quotidiennement torturés dans les prisons et autres sites transformés en camps de tortures (le siège du FPI, parti de Laurent Gbagbo, les résidences de certains de ses collaborateurs…) en Côte d’Ivoire. Plus d’un million d’ivoiriens sont en exil de peur d’être assassinés. Les populations ivoiriennes vivent tous les jours de graves violations des Droits de l’Homme, sous le regard coupable des médias nationaux, pris en otage par les hommes d’Alassane Dramane Ouattara.
 
La télévision nationale ( RTI1 et RTI2), Fraternité matin, AIP, Radio CI(médias gouvernementaux) sont quasiment sous contrôle des nouveaux maîtres d’Abidjan depuis trois ans. Les autres presses et médias privés, du moins ceux qui sont dans l’opposition, vivent dans la terreur d’être fermés à tout moment selon, l’humeur du Conseil National de la Presse (CNP), dirigé par Raphaël Lakpé, un affidé d’Alassane Dramane Ouattara.
 
Dans l’exercice de son métier, le journaliste est un éveilleur de conscience, un témoin vivant de son époque et un acteur de développement de la société. Il ne doit être nullement inquiété dans l’exercice de ses fonctions. C’est en cela qu’on pourrait véritablement parler de liberté de la presse.
 
Je vous souhaite une excellente Semaine de la presse et des médias. Puisse t­elle vous inspirer dans le choix de votre futur métier.
 
Benson Sérikpa

 

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Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde !

Dessin de Kianoush Ramezani (Iran)

Dessin de Kianoush Ramezani (Iran)

Chers amis lycéens,

Je me permets de vous écrire cette lettre ouverte, en vue d’attirer votre attention sur la liberté de la presse qui est de nos jours sévèrement violée et transgressée dans le monde.

Contraint en exil à cause de ma plume combattante, je suis cette voix audible d’une société tchadienne inaudible où règne une féroce dictature depuis plusieurs années.

Pour moi, la liberté de la presse autrement dit liberté d’expression est universellement reconnue à toute personne d’en faire usage pour exprimer ses idées et ses opinions sur une question donnée. Cette liberté de la presse peut être considérée comme étant l’oxygène de la démocratie en faveur d’une société émancipée dans laquelle se confrontent des opinions publiques et politiques.

Mais de nos jours, les hommes qui véhiculent cette liberté de presse notamment les journalistes payent généralement un lourd tribut pour l’exercice de leur métier.

Ces dernières années sont marquées par la persécution, les arrestations et détentions arbitraires, les expulsions et les enlèvements des otages ou pire encore des assassinats des journalistes et autres reportes dont le seul tort d’avoir choisi ce métier noble d’informer l’opinion publique en général sur l’actualité internationale qui se déroule dans certaines contrées du monde et qui nécessitent d’être relayée par voie des médias ou autres canaux d’informations.

Pour ma part, je viens vers vous vous élève, force de l’avenir et relève de demain afin de vous sensibiliser sur le bien fondé de la profession et vous demander de bien vouloir plaider en faveur des journalistes qui sont souvent pris pour cibles injustement par des acteurs en conflits dans les théâtres des opérations militaires c’est des reporters de guerre ou d’autres journalistes militants qui œuvrent dans la recherche de la démocratie ou de la consolidation d’un Etat de Droit dans leurs pays.

En vous adressant cette ouverte, je souhaiterai solliciter votre implication individuelle et collective pour plus de protection et de défense des journalistes dans le monde, car, sans eux, la démocratie est une coquille vide, car sans eux, les régimes d’exception écraseront nos sociétés contemporaines.

Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde !

Makaila NGUEBLA

 

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