Le journaliste est un éveilleur de conscience

Dessin de Mesli

Dessin de Ahmed Mesli (Algérie)

Chers(ères) amis(es) lycéens(nes),
 
Je me nomme Benson Sérikpa. Je suis journaliste ivoirien (République de Côte d’Ivoire, en Afrique
de l’ouest), en exil en France. Dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias, que vous célébrez depuis le lundi dernier et qui se poursuit jusqu’au 29 mars prochain, je voudrais vous entretenir sur «La liberté de la presse». C’est le thème retenu pour cette édition, par la Maison des Journalistes MDJ, institution éditrice du journal en ligne, «l’oeil de l’Exilé», dont je suis membre de la rédaction.
 
«Liberté de la presse» signifie pour moi, pouvoir s’exprimer sans contrainte, dans le strict respect de l’éthique et la déontologie qui régissent son métier. En clair, le journaliste ne doit pas être censuré, ni dans sa rédaction, ni par une autorité quelconque, encore moins poursuivi, séquestré, persécuté ou tué dans l’exercice de ses fonctions.
 
En Côte d’Ivoire, la loi sur la dépénalisation a été adoptée en décembre 2004, sous le président Laurent Gbagbo (2000­2011). En son temps, aucun journaliste n’a été emprisonné pour ses opinions dans l’exercice de ses fonctions. Ce qui n’est pas le cas depuis qu’il a été renversé le lundi 11 avril 2011.
 
En ce qui me concerne, j’ai dû fuir mon pays le 20 avril 2011, à l’instar de nombreux journalistes,
pour ne pas cautionner la prise de pouvoir par les armes. En effet, après les élections présidentielles de 2010 en Côte d’Ivoire, le Conseil constitutionnel a déclaré vainqueur Laurent Gbagbo. Son adversaire, Alassane Dramane Ouattara, contestant les résultats des urnes, a fait un coup d’Etat militaire, avec le soutien de certains pays occidentaux, dont la France, sous Nicolas Sarkozy.
 
Après quoi, j’ai reçu la visite des hommes armés , me menaçant de mort. J’ai même échappé à un assassinat, ce qui m’a valu l’exil, d’abord au Ghana, ensuite au Togo puis depuis le 17 octobre 2013 en France.
 
Si aujourd’hui, la Côte d’Ivoire occupe la 101ème place, selon le dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF), c’est bien parce que la liberté de la presse n’est qu’un leurre dans mon pays.
 
Plus d’une trentaine de journalistes ont connu l’exil et ou l’emprisonnement depuis la prise de pouvoir par Alassane Dramane Ouattara. Une situation, qui, malheureusement continue de perdurer. Les moins infortunés ont été assassinés, Sylvain Gagneteau (2011), Désiré Oué (2013), parce qu’ils dénonçaient le terrorisme, le totalitarisme, la dictature d’Alassane Dramane Ouattara.

En ce moment, près de 800 proches du président Laurent Gbagbo, déporté à La Haye (en novembre 2011), sont quotidiennement torturés dans les prisons et autres sites transformés en camps de tortures (le siège du FPI, parti de Laurent Gbagbo, les résidences de certains de ses collaborateurs…) en Côte d’Ivoire. Plus d’un million d’ivoiriens sont en exil de peur d’être assassinés. Les populations ivoiriennes vivent tous les jours de graves violations des Droits de l’Homme, sous le regard coupable des médias nationaux, pris en otage par les hommes d’Alassane Dramane Ouattara.
 
La télévision nationale ( RTI1 et RTI2), Fraternité matin, AIP, Radio CI(médias gouvernementaux) sont quasiment sous contrôle des nouveaux maîtres d’Abidjan depuis trois ans. Les autres presses et médias privés, du moins ceux qui sont dans l’opposition, vivent dans la terreur d’être fermés à tout moment selon, l’humeur du Conseil National de la Presse (CNP), dirigé par Raphaël Lakpé, un affidé d’Alassane Dramane Ouattara.
 
Dans l’exercice de son métier, le journaliste est un éveilleur de conscience, un témoin vivant de son époque et un acteur de développement de la société. Il ne doit être nullement inquiété dans l’exercice de ses fonctions. C’est en cela qu’on pourrait véritablement parler de liberté de la presse.
 
Je vous souhaite une excellente Semaine de la presse et des médias. Puisse t­elle vous inspirer dans le choix de votre futur métier.
 
Benson Sérikpa

 

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Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde !

Dessin de Kianoush Ramezani (Iran)

Dessin de Kianoush Ramezani (Iran)

Chers amis lycéens,

Je me permets de vous écrire cette lettre ouverte, en vue d’attirer votre attention sur la liberté de la presse qui est de nos jours sévèrement violée et transgressée dans le monde.

Contraint en exil à cause de ma plume combattante, je suis cette voix audible d’une société tchadienne inaudible où règne une féroce dictature depuis plusieurs années.

Pour moi, la liberté de la presse autrement dit liberté d’expression est universellement reconnue à toute personne d’en faire usage pour exprimer ses idées et ses opinions sur une question donnée. Cette liberté de la presse peut être considérée comme étant l’oxygène de la démocratie en faveur d’une société émancipée dans laquelle se confrontent des opinions publiques et politiques.

Mais de nos jours, les hommes qui véhiculent cette liberté de presse notamment les journalistes payent généralement un lourd tribut pour l’exercice de leur métier.

Ces dernières années sont marquées par la persécution, les arrestations et détentions arbitraires, les expulsions et les enlèvements des otages ou pire encore des assassinats des journalistes et autres reportes dont le seul tort d’avoir choisi ce métier noble d’informer l’opinion publique en général sur l’actualité internationale qui se déroule dans certaines contrées du monde et qui nécessitent d’être relayée par voie des médias ou autres canaux d’informations.

Pour ma part, je viens vers vous vous élève, force de l’avenir et relève de demain afin de vous sensibiliser sur le bien fondé de la profession et vous demander de bien vouloir plaider en faveur des journalistes qui sont souvent pris pour cibles injustement par des acteurs en conflits dans les théâtres des opérations militaires c’est des reporters de guerre ou d’autres journalistes militants qui œuvrent dans la recherche de la démocratie ou de la consolidation d’un Etat de Droit dans leurs pays.

En vous adressant cette ouverte, je souhaiterai solliciter votre implication individuelle et collective pour plus de protection et de défense des journalistes dans le monde, car, sans eux, la démocratie est une coquille vide, car sans eux, les régimes d’exception écraseront nos sociétés contemporaines.

Mobilisez vous en faveur des journalistes dans le monde !

Makaila NGUEBLA

 

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Le journalisme étant un sacerdoce…

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Keith Mallet


Chers amis lycéens,

 

Je suis journaliste­ présentatrice ivoirienne (Côte d’Ivoire), membre de la rédaction de « l’œil de l’Exilé », journal en ligne de la Maison des Journalistes de Paris. Permettez moi de commencer cette lettre ouverte par une petite histoire.

 

A l’aube d’un 20 avril 2011, une femme, sa fille âgée en son temps d’à peine 20 mois et son époux quittèrent leur terre natale, sous les bruits assourdissants d’armes lourdes. Avec comme seuls biens, juste des casse­croûtes et un peu de sous pour la route .Elle portait un bébé. Toute sa famille arriva au Ghana, pays voisin de la Côte d’Ivoire. Après deux jours passés dans ce pays où la barrière linguistique était un problème face à une situation d’assistance sanitaire urgente, elle et sa famille ont décidé de mettre le cap sur le Togo, pays francophone, donc plus accessible sur le plan linguistique. Cette famille se fit enregistrée au HCR Togo, et a vécu de dons et de petits commerces dans des conditions extrêmement difficiles. Elle perdit son bébé après 4 mois de grossesse. La femme se forma en Cycle III de Diplomatie à l’ENA du Togo. Les extraditions, menaces de mort, et enlèvements, étaient de plus en plus récurrents. Elle arriva avec sa fille le 1er août 2013 en France. Cette femme c’est moi, et cette petite digression est en rapport avec le thème de la Semaine de la presse et des médias que vous célébrez en ce moment.

 

C’est­-à­-dire, « Liberté de la presse ». Parce que mon seul péché pour avoir vécu ces trois dernières années dans la précarité, loin des miens, privée de mes acquis professionnels et financiers, c’était d’avoir dénoncé l’imposture, la prise du pouvoir par les armes et le refus de respecter les lois, dans l’exercice de mon métier. Le journalisme étant un sacerdoce, j’ai refusé de cautionner le coup d’État militaire manqué du 19 septembre 2002, qui s’est mué en rébellion armée, qui a fait des milliers de morts et de graves violations de droits de l’Homme, et qui a été parachevé le 11 avril 2011, avec l’approbation de la Communauté internationale. En Côte d’ivoire, la presse a bénéficié de la dépénalisation, depuis décembre 2004. C’est à l’actif du président Laurent Gbagbo qui, s’est toujours opposé à ce qu’un journaliste soit persécuté ou emprisonné pour ses idées. Mais, cette loi n’est plus qu’un vulgaire texte. La presse est muselée et vit dans la terreur à cause des intimidations, voire des assassinats. On peut citer par exemple, Sylvain Gagneteau, Légré Marcel, et plus récemment, en octobre 2013, Désiré Oué assassiné devant sa famille parce que soutenant les institutions de la République incarnées par Laurent Gbagbo.

 

En France, comme presque partout dans le monde, la liberté de la presse n’est qu’un leurre! J’en veux pour preuve que la presse française ne peut expliquer à son peuple toutes les dérives de la politique étrangère de celle­ci. L’installation de la démocratie par les bombes avec ses dégâts collatéraux qui touchent sensiblement les populations hors de la France. Le soutien de présidents illégitimes, des rébellions armées, parfois même au mépris de lois de ces pays souverains, n’est nullement dénoncés par les médias occidentaux. Aujourd’hui le classement de la Côte d’Ivoire à la 101ème place selon Reporters Sans Frontières (RSF) est plus que justifié. Car, ni la presse occidentale, ni la presse nationale ivoirienne et les autres presses n’arrivent à dénoncer les graves violations de droits de l’Homme en Côte d’Ivoire. Par exemple, le génocide des Wè (ethnie de l’ouest de la Côte d’Ivoire), la torture de plus de 800 prisonniers politiques, le règne des seigneurs de guerre décorés par le régime d’Abidjan, la dépossession des terres des autochtones ivoiriens, la naturalisation en masse de nombreux étrangers, les assassinats, les arrestations et tortures systématiques de tous les proches et sympathisants de Laurent Gbagbo. Pour différentes raisons, la presse quelle que soit où elle se trouve est muselée et sous pression des politiciens et autres maîtres du monde. Doit-­elle pour autant reculer face à sa responsabilité, à savoir informer, éveiller la conscience des populations, mener la lutte pour les libertés et la souveraineté des Etats?

 

Moi je dis non, parce que le journalisme en plus d’être un métier noble est un devoir et quelque soit les sacrifices à consentir, il faut tenir cet engagement. Tel est l’engagement de la femme, de la mère et de la journaliste que je suis!
Puisse mon témoignage vous édifier et vous apporter un plus dans le choix important de votre
future place dans la société. Pourquoi pas en tant que journaliste. Excellente semaine de la presse et des média.

 
Carole Attioumou­ Sérikpa

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Chers élèves, séparez la bonne graine de l’ivraie

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Chers élèves,

 

Vous allez aborder comme chaque année « la Semaine de la presse et des médias dans l’école ». Mais vous êtes conviés cette fois-ci à l’examiner sous l’angle de l’« info, et des supports ». Car une même information peut être différemment traitée selon le type de média qui la prend en charge. Vous l’avez sans doute remarqué par vous-mêmes et ce, avant même qu’on vous l’enseigne, une nouvelle apprise à la radio, est reprise presque instantanément par la télévision et les publications en ligne, la presse écrite prenant généralement le relais le lendemain, voire dans la semaine ou le mois selon la périodicité.

 

Excusez-moi, de faire cette comparaison brutale avec le commerce, sachant que le métier de journaliste prête à idéalisation quand bien même il demeure un métier noble. Vous l’avez compris : toute information, quelque soit le support qui la véhicule est un produit. Un produit informatif certes, mais, qui plus est, est doublé d’une valeur commerciale.

 

L’info comme le chocolat
Vous l’avez sans doute relevé avant que vos parents vous l’apprennent, le chocolat est vendu sous diverses formes. Il existe en poudres, en pilules, en boissons, en purées, en bouchées, en grandes ou petites tablettes, en bonbons, en coffrets, en jouets de miniature et j’en oublie… Il peut être associé à d’autres ingrédients comme le lait et le sucre. De même l’information comme tout produit se décline sous des formules extrêmement diverses. Pour ainsi dire, l’info se coule dans le moule qui lui donne sa forme. Si nous sommes tous des consommateurs de l’info, il y a, au demeurant, autant d’infos et de journaux que de publics ou ce qu’on appelle les lectorats. Les petites bourses par exemple ont un accès limité aux magazines onéreux ou de luxe, qu’ils peuvent néanmoins consulter en médiathèque. Mais pas seulement. Les plus instruits des gens, autodidactes ou ayant fait des études à l’université, ont la capacité d’assimiler les écrits de haut niveau, ce qui n’est pas le cas des moins cultivés. Aussi certaines personnes seront-elles plus aptes à lire tel ou tel journal suivant qu’elles sont accros de foot, d’informatique ou de cinéma, d’où d’ailleurs le besoin des médias spécialisés comme les revues pour enfants, les revues médicales, de voyages, de l’auto, de la pêche, du bricolage, du jardinage, d’animaux etc. C’est dire que finalement ce sont les consommateurs que nous sommes, qui déterminent la fabrication du support par lequel nous vient l’info.

 

Si j’ai comparé l’info au chocolat, c’est qu’elle peut être livrée dans un bel emballage tellement aguichant, que vous risquez d’en consommer de mauvaises. Il faut avoir goûté à plusieurs genres de produits journalistiques, pour que vous puissiez apprécier les infos à leur juste valeur. On dit que la radio donne l’info, la télé la « montre » et les journaux l’analysent. La pluralité de titres et de supports, renforce certes la liberté d’expression, mais celle-ci n’est pas pour autant définitivement acquise. Il lui faut la sanction des différents publics. C’est pourquoi, chers élèves, vous êtes appelés en tant que consommateurs de l’info à séparer la bonne graine de l’ivraie sinon vous ne lirez que ce qu’on voudra vous faire lire.

 

Larbi GRAÏNE

 

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Semaine de la presse : les élèves s’invitent aux infos

[par Benson SERIKPA]
 
La 25ème édition de la Semaine de la presse et des médias dans l’école® se tient du 24 au 29 mars autour du thème : « Une information, des supports », s’achèvera le 29 mars prochain. C’est une initiative du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI), un rendez-vous annuel d’éducation aux médias et à l’information, axe fort de la loi de refondation de l’école de la République en France. L’objectif étant durant toute cette semaine, d’emmener les élèves à apprendre à analyser, à hiérarchiser, à vérifier les informations, à développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information.
 
Il s’agit donc de 14 125 établissements scolaires, de 186 675 enseignants et de 3 137 940 élèves qui se retrouveront pour échanger lors de cette édition. Près de 1900 médias participant à cette semaine de la presse et des médias dont 657 de la presse écrite, offrent à cette occasion 1 113 120 exemplaires de journaux et magazines (dont 10 000 journaux scolaires) pour permettre aux participants de mieux s’imprégner des médias. Chaque école recevra en moyenne 57 titres, acheminés gracieusement par La Poste et 46 000 colis, distribués par les facteurs.
 
Par ailleurs, des médias numériques tels que, AFP, Médiapart, Arrêt sur image, La Documentation française, Europresse, Relay.com, Vocable, Philosophie Magazine, etc feront des offres spécifiques aux différents participants. A savoir, un mois d’accès gratuit à leur site internet. Les enseignants quant à eux, pourront télécharger la première application tablette d’éducation aux médias, réalisée par le CLEMI avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication et de l’Agence pour l’Enseignement français à l’Étranger (AEFE).
 
Une Semaine de partage en perspective et riche en enseignement de part et d’autre, à laquelle est associée La Maison des Journalistes (MDJ). Les journalistes de la Rédaction de l’Oeil de l’Exilé, journal en ligne de cette institution, dirigée par Darline Cothière, se proposent d’adresser une lettre ouverte aux lycéens français, en vue de leur parler de la liberté de la presse, lors de cette 25ème édition.
 

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A l’origine des représentations

[Par Larbi GRAÏNE]

 

La bibliothèque nationale de France – Richelieu, sise au 5 rue Vivienne dans le 2e arrondissement de Paris abrite depuis le 18 mars une exposition de dessins français du XVIIe siècle. Cette exposition qui se poursuit jusqu’au 15 juin 2014, rassemble plus de 100 dessins et 50 estampes qui leur sont associées. Ces œuvres sont puisées du Fonds du département des Estampes et de la photographie.

 

L'affiche de l'exposition

L’affiche de l’exposition

 

« On découvre des artistes méconnus et on se rend compte de l’importance de la gravure. Ce qui est intéressant, c’est cette possibilité qui nous est offerte de découvrir une partie des œuvres de certains artistes dont on connait leurs peintures mais pas leurs dessins » nous confie ce monsieur venu assister au vernissage qui s’est déroulé le 18 du mois courant. Il est vrai que la sélection proposée, concerne plus de 40 artistes du Grand Siècle qui sont alternativement peintres et graveurs, sous la période allant d’Henri IV à la mort de Louis XIV. On retrouve les grands noms de l’époque à l’image de Martin Fréminet, Toussaint Dubreuil, Charles Le Brun, Jean Jouvenet, Jacques Callot, Sébastien Leclerc et Pierre Brebiette. La majeure partie des feuilles, restée inédite, n’a jamais été du reste exposée, comme celles de Michel II Corneille, Charles de La Fosse, Charles le Brun, Laurent de la Hyre ou Eustache Le Sueur. En outre, le public pourra aussi affiner sa connaissance des artistes récemment exhumés des comptes d’archives comme Marin Desmarestz ou Louis Richer. Autres curiosités qui ne sont pas des moindres : l’étude au lavis-rouge Prédication, décollation et miracle de saint Denis devant Paris dont l’auteur serait un artiste proche d’Henri Lerambert et Le Sacre de Louis XIII à Reims le 17 octobre 1610 de François Quesnel. La BNF a acquis récemment cette collection célèbre ayant été formée par le marquis d’Avignon au XVIIe siècle.
Les œuvres sont présentées selon un ordre chronologique où estampes et dessins paraissent dialoguer sur des thématiques variées. Cela va des projets d’architecture aux pompes funèbres en passant par les illustrations d’almanach, les images satiriques, les décors éphémères, les entrées triomphales et les modes. N’oublions pas que le site qui accueille cette exposition n’est autre que le somptueux Palais Mazarin, l’ancienne bibliothèque royale. Ce qui facilite une plongée dans le faste de la France monarchiste du temps de Corneille et de Molière.

 

« Dessins français du XVIIe siècle », du 18 mars au 15 juin 2014 à la BNF-Richelieu (Paris 2°) Infos et réservations : http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_expositions/f.dessins_francais.html

 

 

L’armée chinoise: Serval et le toit du monde

[Par Larbi GRAÏNE]

 

« Où en est la puissance militaire chinoise ? », c’est à cette question inscrite au fronton d’une table-ronde organisée à l’Ecole militaire de Paris le mercredi 19 mars, par l’Association nationale des Auditeurs jeunes de l’IHEDEN, à laquelle a tenté de répondre un panel de spécialistes. Tout d’abord on avait posé sur la table ce chiffre impressionnant, celui du budget de la défense de la Chine : 131 milliards de dollars en 2014, soit une hausse de près de 12 % par rapport à 2013. Ensuite sur le plan numérique, l’armée chinoise est la plus grande du monde. La Chine, à l’occasion de cette table-ronde, a été finement auscultée comme l’aurait été un athlète sur le point d’affronter une redoutable compétition internationale. Les « médecins » se sont penchés sur la part du mental et du physique dans la performance du soldat Mao. Tout le corps a été interrogé, de même donc que la psyché (en remontant l’histoire du pays). Dans un élan prospectif, les différents intervenants, chacun dans son domaine de compétence, ont cerné l’individualité du grand malabar, afin de nous dire de quoi il serait capable dans un proche avenir.

 

L'armée chinoise

L’armée chinoise

 

Des conflits régionaux

Denis Lambert, auteur de Géopolitique de la Chine, dans une communication intitulée « Le cadre des ambitions chinoises qui orientent et dimensionnent les transformations », a mis l’accent sur les dissensions internes à l’Empire du Milieu, et sur les conflits qu’il a eu à affronter avec ses voisins. Au niveau interne, il relève que « le Turkestan oriental qui forme le un seizième du territoire avec 1 660 000 km2 se soulève d’une manière récurrente contre le pouvoir central. Il est habité principalement par des Mongols Dzougars convertis à l’islam ». Et d’ajouter « le second grand territoire (1 220 000 km2) qu’administre la Chine est le Tibet (Xizang). Il a le statut d’une région autonome. Pékin l’avait conquis par la force au début des années 50 ». Abordant le niveau externe, Lambert rappelle que la Chine a eu des guerres récurrentes avec la Corée, qu’elle a toujours voulu conquérir. « A l’Inde, a-t-il ajouté, elle a fait une guerre « déclenchée par l’inconscience de Nehru ». « C’est un conflit gelé qui n’est pas guéri, et la frontière entre les deux pays reste « chaude » analyse-t-il. Et d’ajouter « avec les Russes, la Chine est victime de traités inégaux, le tracé des frontières au long du fleuve de l’Amour a été toujours contesté ». Contre les Khmers rouges du Cambodge, la Chine a mené aussi une expédition punitive. D’après Lambert la Chine ne connaitra pas à l’avenir un essor comparable à celui qu’elle a connu ces dernières années car, selon lui, sa population est appelée à vieillir. Il prédit des tensions sur l’eau, notamment sur le toit du monde, à l’Himalaya qui concentre d’énormes ressources hydriques. « Le budget de la Défense de la chine inquiète beaucoup ses voisins. Ils se posent des questions sur cette posture agressive. Pourtant les Chinois se disent toujours pacifiques. Par le passé, ils ont eu Sun Zi qui prône la philosophie du développement harmonieux, et les anciens chinois n’ont pas manifesté beaucoup d’intérêt pour la carrière militaire» a-t-il souligné.

 

La Chine 6e pays exportateur d’armement

Pour sa part Patrick Michon, Ingénieur civil spécialiste des questions industrielles de Défense, retraçant « L’histoire du développement de la BITD (base industrielle et technologique de défense) chinoise » a souligné l’importance des inventions chinoises comme les frégates « qu’on a vues patrouiller dans le golfe d’Aden ». Il a toutefois noté que « la montée en puissance de la marine chinoise fait face aux difficultés budgétaires » non sans prédire que les Chinois « auront en 2025 certainement de petits problèmes avec les Indiens » affirmant que ce qui l’incitait à le penser, c’est le fait que « la marine indienne ait fait jusqu’à 2009 des appels d’offres ». « Là où il y a un Indien, il y a un Chinois qui suit » soutient-il, relevant au passage que « la chine commence à embêter l’Inde avec son « collier de perles » au niveau de la frontière ». Et de faire observer la générosité des Chinois, lesquels offrent des chars et des postes radios à certains voisins comme la Birmanie. Michon relève également « l’existence de réserves de gaz prodigieuses au Bengale ». Et d’affirmer « l’industrie chinoise reste comme toute chose un univers bien mal connue. Selon lui « officiellement 1, 75 du PIB sont consacrés à la Défense. Mais la Chine serait désormais le 6° exportateur d’armement quoique ses clients sont principalement des pays asiatiques comme la Thaïlande, le Pakistan, l’Iran, l’Irak du temps de Saddam Hussein et la Birmanie ». Pour Patrick Michon, depuis vingt ans la Chine veut montrer ses muscles ».

 

Jamais de guerre en Occident

De son côté, Pierre Picquart, Docteur en géopolitique et en géographie humaine a, dans sa communication « La Chine, un acteur militaire qui pèse sur les équilibres mondiaux » noté que « la Chine est la première puissance commerciale depuis 2012 ». D’après lui « ce pays a connu depuis les vingt dernières années une forte croissance, c’est une puissance à la fois développée et en voie de développement ». Et d’ajouter « « la Chine est contributrice à la mission des Casques bleus de l’Onu, elle s’y implique très sérieusement. Mais d’un autre côté on voit le nationalisme monter en Chine ainsi qu’au Japon, et cela suscite des inquiétudes en Europe. Les Américains accusent Pékin de consacrer beaucoup d’argent à la Défense, or c’est ce qu’ils font eux-mêmes en multipliant la mise ». Et de soutenir que « la Chine veut doubler le canal du Panama, ce qui veut dire qu’elle est en train de damer le pion à l’Oncle Sam ». « La Chine connait ses intérêts, elle a réagit face aux menaces d’intervention qui pesaient sur l’Iran en disant que « si vous touchez à ce pays, vous déclencherez la 3° guerre mondiale » a-t-il martelé. Et de rappeler que « la Chine, n’a tout de même jamais mené de guerres en Occident, ni fait partie d’alliances militaires. Sa diplomatie hyperactive est multilatérale et s’adresse à tous les pays de la planète ».

 

L’opérationnalité, talon d’Achille de l’APL

La dernière intervention celle d’Emmanuel Puig, Senior researcher à Asia centre, Directeur de l’Observatoire stratégique de la Chine a été axée sur l’Armée populaire de libération (APL). Dans sa communication intitulée « Perspectives stratégiques sur les nouvelles missions historiques de l’APL », Emmanuel Puig a retracé les différentes phases qu’a traversées l’armée chinoise pour parvenir à ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Après les guerres d’attrition essentiellement terrestres des années 70, ont suivi les conflits locaux sous conditions modernes dans les années 80. Selon Puig « la guerre du Golfe en 1991 a eu un impact sur les Chinois, ils ont pris conscience de leur fragilité et ils ont compris que la guerre ne pouvait être gagnée que par un équipement moderne ». C’est pourquoi a-t-il expliqué « à partir de 1992, les Chinois entreprennent une campagne de modernisation de leur armée. L’attaque de l’ambassade chinoise à Belgrade en 1999 renforce leur conviction quant à la nécessité de sécuriser davantage leur site notamment à l’étranger ». Selon lui « l’APL a rattrapé une décennie de retard en procédant à l’informatisation de son équipement, au développement de ses télécommunications et de son aéronautique. Les Chinois s’inspirent des modèles russes pour fabriquer leurs propres avions comme le J-15 ou le Z –Hi -10 ». Et d’ajouter « une nouvelle hiérarchisation des priorités est apparue au sein de l’APL pour qui le conflit avec Taïwan n’est plus une priorité militaire mais une priorité politique ».
Mais « l’armée souffre d’une série de faiblesses structurelles importantes, il y a une relation évolutive entre l’armée et le Parti, peut-être que cela cause une aversion pour le risque » analyse Puig. Pour lui « les commissaires politiques contrôlent l’APL qui ne manœuvre qu’avec les Russes même si elle a progressé dans la cyberespace en une décennie». «La dernière expérience opérationnelle des Chinois remonte à 1979 » a-t-il indiqué. Et de révéler « les experts chinois pourtant se sont montrés très intéressés par l’opération Serval, ce mot revient sans cesse sur leurs lèvres. Ils sont en train de disséquer comment on l’a fait (Serval, NDLR) ». La Chine serait-elle tentée par une aventure hors de sa région ? Pour Emmanuel Puig, au regard de ce qui a été dit, cela doit « inciter à la prudence la plus extrême ». Et de conclure «nous voulons comprendre les Chinois pour pouvoir en discuter avec eux ».