Gambie : chassez le dictateur, il revient au galop

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Il n’y a pas à s’y méprendre. L’acceptation, par le président gambien sortant Yahya Jammet, de la victoire de l’opposant Adam Barrow, le 1er décembre, était une vaste mascarade. Car, plus d’une semaine après cette déclaration publique, vendredi 9 décembre, l’ex-dictateur s’est rétracté. Remettant en question, sans preuves, le résultat d’un scrutin unanimement approuvé par la communauté internationale. De ce fait, il exigeait la tenue d’un nouveau vote.

Le président sortant Yahya Jammet Crédits photo : Jérome DELAY / AP

Le président sortant Yahya Jammet
Crédits photo : Jérome DELAY / AP

La nouvelle est tombée comme un couperet parmi tous les démocrates, surtout africains. Car, à travers ce geste, ces derniers commençaient à percevoir à travers les nuages, l’aube d’une nouvelle mentalité politique, en Afrique. Et, partant, l’amorce d’un continent outragé par les méfaits de la dictature vers des horizons qui célèbrent la bonne gouvernance.

Certes, si cet espoir était légitime, il était néanmoins empreint de naïveté, puisqu’il n’avait pas pris en compte la vraie nature d’un dictateur. En fait, qui est Yahya Jammet, sinon un dictateur de la pire essence : illuminé, fantasque, kafkaïen… et, par conséquent, impénitent ? Emportés par l’enthousiasme, les démocrates avaient-ils oublié qu’un dictateur, depuis César, se prend toujours pour un « roi de droit divin » ?

Allez donc dire à Yahya Jammet que le pouvoir lui est ôté… et attendez sa réaction ! A défaut d’une réponse brutale, allant jusqu’au bain de sang, il a usé de la sournoiserie à laquelle nous venons d’assister, consistant à faire endormir, un temps, pour mieux prendre l’autre camp à revers. Et, sur le plan psychologique, il a largement gagné. Car, son revirement fut tel que tout le monde a été pris de court, y compris le peuple gambien lui-même, qui avait déjà la tête aux étoiles.

Cette manœuvre propre à l’art de guerre est efficace dans d’autres domaines. Son but est de « gagner » par effet de surprise. Yahya Jammet a oublié, à son tour, que les temps ont changé, et qu’un tel scénario n’avait pas la moindre chance de réussir. De fait, à un tournemain, sa déclaration avait fait une levée de boucliers, à tous les niveaux. L’ONU, l’UA (Union africaine), les Etats-Unis… ont appelé l’ex-dictateur à respecter la volonté du peuple gambien.

Adama Barrow, le président élu, pendant la campagne présidentielle le 29 novembre 2016. Crédits photo : Jérome DELAY/AP/SIPA

Adama Barrow, le président élu, pendant la campagne présidentielle le 29 novembre 2016.
Crédits photo : Jérome DELAY/AP/SIPA

Dans ce chapitre, parmi les quelques réactions enregistrées, en Afrique, la voix du Sénégal a été la plus audible. La Gambie étant au Sénégal comme le Lesotho est à l’Afrique de Sud, c’est-à-dire une « enclave », le pays de Senghor craint, avec raison, que les retombées de cette situation ne l’affectent, au plus haut point. Il a donc prévenu : « Nous envisagerons toutes les options, y compris celle ayant trait à l’usage de la force pour rétablir l’ordre en Gambie ».

Cette menace aura-t-elle suffisamment de poids pour convaincre Yahya Jammet de quitter le pouvoir ? Difficile d’imaginer, pour le moment, une réponse qui vaille. Si un grand nombre d’analystes se perdent en conjectures, un scénario est de plus en plus envisagé, à savoir la possibilité de « négocier un exil honorable » avec l’ex- dictateur. Exil qu’il aurait déjà préparé avec soin, quelque part dans les Emirats arabes unis, dit-on.

La question est dans tous les esprits. Mais beaucoup d’observateurs étaient ceux qui pensaient que l’ex-président fanfaron, un volcan, ne s’éteindra pas sans provoquer un dernier séisme. La dictature n’est-elle pas une seconde nature ? Alors, « chassez le naturel… ».

 

Le geste de Hollande et les tyrans africains

[Par Jean-Jules LEMA LANDU] 

François Hollande a décroché pour un second mandat, en 2017. Il ne se représentera pas à sa propre succession. L’annonce a fait grand bruit, en France, jeudi 1er décembre. Tout comme elle n’a pas manqué de créer la surprise, ailleurs dans le monde. Quel sera l’impact de ce geste sur les tyrans africains, partisans de la « monarchie présidentielle » ?

François Hollande au Sommet de la Francophonie à Madagascar le 26 novembre 2016. Crédits photo : Elysee.fr

François Hollande au Sommet de la Francophonie à Madagascar le 26 novembre 2016.
Crédits photo : Elysee.fr

Dans les pays démocratiques, on en a vite conclu à une « démarche politique courageuse », qui ennoblit davantage la notion de démocratie. Car, l’impopularité que connaît le quinquennat finissant du président Hollande, pour l’honneur, n’avait pas un autre levier que de pousser celui-ci vers la sortie.

Pourtant, le renoncement au fauteuil présidentiel, quelles qu’en soient les raisons, est un cas rarissime. Car, en l’espèce, c’est renoncer aux nombreux privilèges exceptionnels que confère cette fonction qualifiée de « magistrature suprême ». Parmi ceux-ci, citons la puissance et l’honneur, notamment, pour lesquels l’Histoire a vu couler des rivières de sang !

En France même, les commentaires continuent d’aller bon train. Ils sont de deux ordres : d’un côté, il y a ceux qui pensent que le geste du président de la République est empreint de « lucidité », témoignages émanant des leaders de gauche ; de l’autre, ceux qui ravalent ce geste, jusqu’à le qualifier « d’aveu terrible d’échec ». Ces derniers propos sont le fait de l’opposition.

Depuis, quelles ont été les réactions émises par l’Afrique politique ? Elles y sont, naturellement, absentes, sinon évasives. Et pour cause. Le continent demeure réfractaire à la démocratie. A l’exception de quelques Etats, à compter sur les doigts de la main, le reste somnole encore dans les brouillards de l’absolutisme.

La force des vertus démocratiques

L’exemple récent, sur les élections qui viennent de se dérouler, en cette année 2016, nous en fournit la mesure. Là où les élections ont donné l’apparence d’avoir bonne figure, l’atmosphère post-électorale s’enlise dans de vaines querelles politiciennes, comme au Burkina Faso, ou s’illustre par la question de vengeance personnelle, comme au Bénin. Autrement, comme ce fut le cas au Gabon, au Congo/Brazza et au Tchad, où la transparence a fait défaut, on s’attend plutôt au pire : révoltes, rébellions, guerres civiles…

Globalement, le résultat est tellement maigre, au point d’exclure l’octroi d’une simple « cote d’amour », c’est-à-dire cette appréciation basée uniquement sur l’affectif.

Le renoncement du président français peut-t-il avoir le don d’appeler les tyrans à la modestie autant qu’à la réflexion sur les méfaits de la dictature ? Rien n’est moins sûr quand l’exemple de Mandela, un Africain, ne leur a pas inspiré le modèle à suivre. En Afrique du Sud même, pays de cette icône politique, la démocratie est à la peine. Certains analystes parlent du « chaos » de ce pays, relégué déjà au grenier sur le plan économique, laissant sa place de premier rang au Nigéria.

Jacob Zuma, président de l'Afrique du Sud Crédits photo : Reuters

Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud
Crédits photo : Reuters

C’est donc peine perdue ? Que non. Si Goebbels, l’Allemand, disait, pour asservir les peuples : « Un mensonge souvent répété devient vérité pour les peuples », pourquoi pas ne pas penser, en parallèle, que « la répétition des vertus démocratiques finira par vaincre les dictateurs ? ». En dépit de la lenteur qui caractérise l’éveil des peuples africains ?

En témoigne le résultat de la présidentielle, en Gambie, vendredi 2 décembre. A la surprise générale, c’est l’opposant Adema Barrow, 51 ans, qui en est sorti vainqueur. Il a engrangé 45,6 % des suffrages contre 36,7 % attribués au dictateur Yahya Jammet. Un des pires autocrates de l’Histoire contemporaine – illuminé, mégalomane et cruel -, qui a dirigé le pays de main de fer pendant 22 ans.

Qui y croirait ? Fini, le slogan « Jamais sans Jammet » !

 

 

RD Congo : bienvenue à l’usine à gaz !

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les drames congolais ? C’est cyclique. La clef de voûte de celui qui a commencé à se tisser, à travers la présidentielle brouillée de 2011, vient d’être posée, le jeudi 17 novembre. Il s’agit de la nomination d’un nouveau Premier ministre, en la personne de Samy Badibanga, selon les termes d’un « Dialogue politique » bâtard. Un forum initié par l’Union africaine, vite rejeté par les principaux partis d’opposition, mais auquel a participé une poignée de « dissidents ».

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Samy Badibanga ( au centre), lors de la cérémonie d’ouverture du dialogue national, à Kinshasa, le 1er septembre 2016 ( crédits photos: Junior.D.Kannah AFP)

Le fond du problème : la tenue de la présidentielle, prévue en ce mois de novembre, et par conséquent, le départ du pouvoir du président Kabila, dont le deuxième et dernier mandat s’achève le 19 décembre, en vertu de la Constitution ou report de cette échéance, avec pour conséquence, le maintien du président en exercice. Il s’agissait, en résumé, du respect ou non de la Constitution.

Le 17 octobre, le « Dialogue politique » a tranché : report de la présidentielle et maintien à ses fonctions du président Kabila, jusqu’en avril 2018, situation qui devait être accompagnée par une sorte de gouvernement de transition, sous la conduite d’un Premier ministre, issu de l’opposition. Or, depuis 2011, Samy Badibanga est en rupture de ban avec la direction de l’UDPES, son parti et formation principale de l’opposition congolaise.  De ce fait, Il ne représente que lui-même.

D’où l’impasse, ou plutôt le début d’un énième drame sanglant. Alors que, dès le départ, l’ONU, les Etats-Unis, la France, l’Eglise Catholique, et plusieurs voix ayant autorité à travers le monde prônaient le respect de la Constitution, tout en appelant à la responsabilité du président Kabila. Rien n’y a fait. Si bien qu’on en est arrivé, aujourd’hui, à ce point de non-retour qui ne peut présager autre chose qu’un bain de sang.

Le règne des « rois fainéants »

Comment s’est construite cette usine à gaz ? La réponse se trouve dans l’histoire même postcoloniale du pays : c’est un pays de crises cycliques. Au point qu’au cours des années 1960, date de l’indépendance, le substantif « congolisation » fut forgé pour désigner toute situation de grand désordre au monde.

Depuis, le ciel congolais n’a guère connu d’éclaircies. Les rébellions de toutes les couleurs, la dictature de Mobutu pendant 33 ans et l’arrivée de la dynastie Kabila au pouvoir (père, puis fils), depuis 1997, ont laissé ( et continuent à le faire) des stigmates de la médiocrité.

C’est dans cette logique qu’il convient de placer les convulsions qui ébranlent, actuellement, la sphère politique congolaise. Avec, en prime, l’appui du règne d’un président de la République, comparable à celui des « rois fainéants » au VIIe siècle, dont le pouvoir n’était qu’apparent.

Telle est la caractéristique principale des deux mandats du président Kabila, hissé au fauteuil présidentiel, à l’assassinat de son père Laurent Kabila, en 2001. A l’opposé d’un Mobutu, ancien journaliste, qui fut au fait des rudiments des relations internationales. Et qui, par conséquent, avait une certaine vision des choses, qui lui permettait d’initier des décisions personnelles à prendre.

Les dés sont jetés

Quant à l’autre, c’est sa cour qui « pense » et règle tous les moindres détails sur la direction du pays. Son silence que la presse qualifie de « légendaire » n’a d’égal que son incapacité, elle aussi légendaire, à cogiter et à s’exprimer. Tout repose sur sa cour qui, progressivement, s’est solidement structurée, jusqu’à se donner la dénomination flamboyante de « G 6 », un groupe composé de six personnes aux pouvoirs illimités.

Certes, celle-ci comprend d’éminents intellectuels, comme Alexis Thambwe Mwamba, mais malheureusement, tous au caractère politique erratique. Sans idéal, sinon celui de s’enrichir sur le dos du peuple. D’où la succession des montages machiavéliques, visant à maintenir indéfiniment au pouvoir le « roi fainéant », sans la présence duquel ils seront éjectés, avec leurs affidés, hors des circuits pécuniaires.

La nomination de ce premier ministre, à l’analyse, ne constitue qu’un marchepied pour atteindre l’objectif final, à savoir l’amendement de la Constitution dans le but d’accorder deux mandats supplémentaires au président Kabila, comme ce fut le cas au Rwanda. Mais la RD Congo n’est pas le Rwanda. Et, dès lors, il faut dire que les dés sont déjà jetés pour une nouvelle crise, longue et sanglante.

 

 

 

 

Trump s’occupera-t-il de l’Afrique ?

[par Jean-Jules LEMA LANDU]

Comme partout ailleurs, l’Afrique a suivi assidûment le déroulement de la présidentielle américaine. Dans l’imaginaire collectif, l’Amérique, parée de sa grandeur économique et militaire, est perçue comme une sorte de puissance tutélaire universelle.

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Donald Trump élu 45ème président des Etats-Unis. (crédits photos: Mary Schwalm / AFP )

La Chine, la Russie, l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, chacun a eu son mot. L’idée générale qui s’en dégage se résume à l’interrogation, tant Donald Trump, le nouveau locataire de la Maison Blanche, est un inconnu. Considéré, surtout, comme quelqu’un aux sorties à l’emporte-pièce.

Cela prouve que les Etats-Unis tiennent le manche de plusieurs leviers sur la marche du monde.

Quelle est la place du continent africain, en termes de profits économiques, politiques ou géostratégiques, sur cette plate-forme régissant les relations internationales ?

L’Afrique, en réalité, y est absente. Entre les Etats-Unis et l’ensemble des 54 Etats africains, spécifiquement, les échanges y sont exsangues. Entre 2000 et 2010, les exportations non pétrolières de l’Afrique furent chiffrées à 53,8 milliards de dollars contre 20, 3 milliards de dollars, dans le sens inverse, pour les Etats-Unis. La moyenne, de part et d’autre, est insignifiante !

En 2014, à l’instar de la Chine qui, en matière de financement en faveur de l’Afrique, tient le haut du pavé, l’Amérique a initié le sommet « Etats-Unis – Afrique ». Une sorte d’opération de charme, au cours de laquelle le président Obama a engagé son pays à verser 33 milliards de dollars, à titre d’investissements publics et privés. Deux ans après, la corbeille est encore quasi vide.

Libérer la démocratie

Côté politique, les Etats-Unis (comme le reste des autres puissances occidentales) n’ont jamais véritablement soutenu le continent, dans sa quête pour l’émergence de la démocratie. Les souvenirs liés aux années soixante, début des indépendances africaines, sont amers. Pour empêcher le continent de basculer dans l’escarcelle du communisme, Washington a exercé l’effet de criquet au développement de celui-ci, en favorisant des conflits internes.

En dépit de tout, l’Afrique n’avait cessé de regarder à ce « puissant maître », qui a fait de la démocratie le socle de sa vie. De la Maison Blanche – tout comme de l’Elysée ou de 10 Down Street -, on s’attendait de voir venir, un jour, la planche de salut. C’est ainsi qu’à l’élection de Mitterrand, en 1981, ou à celle de Clinton, en 1992 – supposés « progressistes » -, l’Afrique centrale a dansé de joie. Espoir trahi !

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Pierre Nkurunziza, président burundais, sable le champagne pour saluer l’élection du 45e président des Etats-Unis, Donald Trump. ( crédits photos : afrique-sur7.fr)

Désabusée, l’Afrique ne vibre plus pour les présidentielles, en Occident. Désormais, elle les regarde, assise au balcon. D’où l’étonnement de certains analystes, face à la joie qu’ont exprimée les présidents Pierre Nkurunziza du Burundi et Joseph Kabila de la RD Congo. Ils sont allés jusqu’à sabler le champagne, en l’honneur de l’« ami Donald ».

Or, le nouvel élu américain reste encore une énigme pour l’Afrique qu’il ne connaît, probablement, que de manière vague. Que cette hypothèse venait à se vérifier ou non, aurait-il à cœur le sort du continent, lui qui privilégie à outrance la notion de l’ « american way of live » ? Le doute est permis. Tout au moins, s’attèlera-t-il à considérer le continent, comme ses prédécesseurs, sous l’angle des intérêts géostratégiques et commerciaux, à travers l’installation des bases militaires et l’importation de matières premières nécessaires à la croissance américaine ?

Que les dirigeants africains quittent leurs illusions ! Le départ d’Obama, leur contradicteur obstiné, et l’arrivée à la Maison Blanche de Trump n’arrangeront en rien leurs ennuis. Car, c’est avec leurs peuples respectifs qu’ils ont affaire. Et, l’affaire est simple : libérer la démocratie.

 

 

La MDJ bientôt marraine des jeunes pros du CFPJ

[Par Laure PECHKECHIAN]

La Maison des journalistes sera prochainement marraine d’une promotion de jeunes sous contrat professionnel au Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). La durée prévue du marrainage est de deux ans. Pour amorcer ce nouveau lien, 15 jeunes de la promotion sont venus découvrir la Maison des journalistes (MDJ) au cours de la matinée du mardi 25 octobre 2016.

Rencontre entre Mariam MANA et les jeunes sous contrat professionnels du CFPJ

Rencontre entre Mariam MANA et les jeunes sous contrat professionnels du CFPJ

Le groupe a été accueilli par Lisa Viola Rossi, chargée des activités pédagogiques et de sensibilisation à la MDJ et secrétaire de rédaction de « L’œil de l’exilé ». Darline Cothière, directrice de la MDJ leur a présenté les principales activités de l’association : l’accueil, le soutien et l’accompagnement des journalistes exilés ainsi que les actions de sensibilisation du public au respect de la liberté de la presse. Un temps a ensuite été consacré aux questions des jeunes. Denis Perrin, secrétaire du conseil d’administration de la MDJ a pu les éclairer sur les sources de financement de l’association.

Les jeunes professionnels du CFPJ posent des questions sur le fonctionnement de l'association

Les jeunes professionnels du CFPJ posent des questions sur le fonctionnement de l’association

A la suite de cette présentation, les jeunes professionnels ont rencontré Mariam MANA, une journaliste de 28 ans qui a fui l’Afghanistan. Mariam a présenté son parcours, sa naissance et sa jeunesse en Iran, son déménagement vers Kaboul pour étudier les sciences politiques. Elle raconte y avoir trouvé son premier emploi de reporter à l’âge de 18 ans. Elle a ensuite été journaliste et productrice de programmes radios pendant 4 ans. A travers son récit, Mariam a partagé avec les jeunes des récits de discriminations et de violences physiques dont elle-même et d’autres femmes et femmes journalistes ont pu souffrir en Afghanistan. Les jeunes ont ainsi pu entendre puis prendre conscience du combat que représente le fait d’être une femme et une journaliste à Kaboul.

Les jeunes professionnels, captivés par ce récit, ont pu poser de nombreuses questions à Mariam. A la suite de cet échange, ils ont exprimés leurs attentes dans la perspective du marrainage de leur promotion par la MDJ. Plusieurs d’entre eux ont exprimé leur envie de rencontrer d’autres journalistes de l’association, pour pouvoir bénéficier de leur expérience à l’étranger dans des contextes politiques difficiles ainsi qu’en tant que professionnels des métiers du journalisme. Le marrainage de l’association leur permettra d’assister à des rencontres en milieu scolaire entre des journalistes de l’association et des jeunes lycéens dans le cadre du projet de sensibilisation à la liberté de la presse « Renvoyé Spécial ». La rencontre a pris fin après une visite des locaux de la Maison des journalistes.

 

L’Afrique divise-t-elle l’opinion en France ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, en septembre dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, a pris à contre-pied l’ancien président, Nicolas Sarkozy, déclarant : « J’ai la conviction qu’une part de l’avenir de l’Europe et donc de la France se joue en Afrique, et que ce siècle sera celui des Africains. » Il l’a redit, récemment, en Côte d’Ivoire, lors de sa tournée africaine.

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Le premier Ministre Manuel Valls aux côtés de Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire et Kablan Duncan, premier ministre ivoirien, lors de sa tournée en Afrique de l’Ouest le 30 octobre 2016 (crédits phots: Ben Alain, africaposts)

Tel ne fut pas l’avis, il y a quelques années, de l’ancien chef de l’Etat : « Économiquement, la France n’a pas besoin d’Afrique. », affirmait-il. En réalité, ces propos renvoyaient, subtilement, à l’image d’une « Afrique de clichés » : misérabiliste.

Le professeur Bernard Debré, ancien ministre de la Coopération, quant à lui, se pose plutôt en farouche défenseur. En 2010, il a plaidé le cas du continent, dans le même hebdomadaire, en évoquant le tâtonnement. « L’Afrique est en marche », voulait-il dire, autrement.

Car, à l’analyse, on s’aperçoit, aujourd’hui, que tous les grands pays du monde couvent des yeux l’Afrique et s’en approchent, à travers des rencontres bilatérales pour « sceller l’amitié » avec elle. Depuis peu, l’Allemagne et d’autres, qui manquaient à l’appel, se bousculent au portillon. Le premier enjeu de cet engouement, à l’évidence, revêt un caractère économique. Cette attitude globale confirme la « conviction » de Valls ainsi que l’opinion exprimée par beaucoup d’observateurs.

Mais, sont aussi nombreux ceux qui épousent un point de vue différent. Tout en s’invitant au débat. Parmi eux, quelques Africains comme la Zambienne Dambissa Moyo et le Malien Moussa Konaté. Leur thèse rejoint celle développée par plusieurs auteurs « afro-pessimistes », dont le journaliste polonais Kapuscinski et le célèbre écrivain britannique Naipaul. L’un affirmait que « l’Afrique n’existe que par la géographie », l’autre parlait de « la malédiction des tropiques ». Économiste de formation, la Zambienne pense, dans « L’Aide fatale », que l’Afrique est condamnée à rester pauvre, à cause de sa propension à vivre de l’aide, tandis que Konaté, dans « L’Afrique noire est-elle maudite ? », emboîte le pas à Naipaul. Et se désespère.

Quid de cette Afrique qui divise tant les opinions ?

L’Afrique dont il est question, aujourd’hui, est située sur un autre versant. Lumineux. Où, en dépit de tout, elle a pris conscience de son existence et revendique son identité. Il s’agit d’un continent doté de richesses naturelles fabuleuses dont le coltan, minerai, qui, pour l’heure, fait le bonheur de la technologie de pointe. Sans oublier sa masse démographique : en 2050, un quart de la population mondiale sera africaine, soit 1,9 milliards de personnes (en majorité jeunes). La mondialisation, en partie, doit passer par là.

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Logo du Forum franco-africain qui s’est tenu le 6 février 2015 à Bercy ( crédits photos: economie.gouv.fr)

Comment, dans cette optique, ne pas associer l’Afrique aux exploits du futur ? Et envisager la coopération tous azimuts avec elle ? Reste à l’accompagner dans son réveil comme le préconisent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, dans « Quand l’Afrique s’éveille… ». Mais par qui ? Bernard Debré suggérait, en 2010 : « La France a encore un rôle à jouer en Afrique. »

Avis qui n’est pas resté sans écho, car en février 2015, à l’issue de Forum franco-africain, à Paris, la France s’est engagée à « accompagner » le continent dans son développement. « L’Afrique est pleine d’avenir et la France pleine de projets », a-t-on entendu dire. A quand les noces ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’apprentissage de la lecture de l’image à l’âge du numérique

[Par Johanna GALIS]

A l’occasion de la session « Plate-formes et outils d’éducation à l’image », présente lors de la deuxième édition du Forum de l’éducation à l’image aux médias et au numérique – les 12 et 13 octobre derniers -, faire une amorce d’approche de ce que peut représenter l’image, dans son sens le plus large mais aussi dans la relation que les jeunes nouent avec elle, peut s’avérer judicieux.

© mediation-numerique.fr

© mediation-numerique.fr

La manière dont nous percevons les images de notre société fait partie intégrante de la manière dont nous y jouons notre rôle. Elles peuvent être figurées dans un cadre textuel, cinématographique, photographique ou dessiné. Et il semble bien que l’objectif commun des structures présentes autour de la table ronde ce jour-là est celui-ci : plus tôt les jeunes seront initiés à la lecture d’images, plus ils pourront exprimer de manière construite qui ils sont, en fonction de codes, présents autour d’eux, progressivement déchiffrés.

Séverine Teillot, invitée à la conférence et cheffe de projet de l’association Dessinez Créez Liberté ayant pour but de diffuser des dessins d’enfants en hommage aux victimes de Charlie Hebdo, a par ailleurs cité le psychiatre Boris Cyrulnik « En dessinant, l’enfant sait donner forme à la manière de ressentir l’événement (…) Il devient acteur dans son propre monde. En s’exprimant il travaille à son retour à l’autonomie, il participe à son retour à la vie ». En effet, l’enfant participe à la société qui l’entoure grâce à son rapport à l’image, et même s’il ne dessine pas, il se crée cependant son propre point de vue à partir d’elle.

Premier exemple d’initiation à la lecture de l’image, la plate-forme numérique d’éducation à l’image Ersilia. Elle appartient au BAL, un lieu d’exposition temporaire d’arts visuels (tels que la photographie, le cinéma, la vidéo ou les nouveaux médias) vecteurs de réflexion sur notre société, situé en plein milieu du XVIIIème arrondissement à Paris. La plate-forme propose pour les milieux scolaires, ainsi que pour des artistes invités, une analyse de l’image qui devient « document du réel ». Il s’agit de penser « en images dans un monde d’images ». En effet, à l’aune des réseaux sociaux, le constat de leur importance est implacable : nous vivons dans un monde constellé d’éléments du réel transformés en supports numériques. Nous nous réapproprions notre environnement grâce à eux. Ersilia est née cette année de la demande grandissante de la part des scolaires d’un travail sur l’image : il s’agit d’un concentré de pensée sur comment le regard peut être fabriqué par celle-ci. L’accessibilité au site se fait par le billet d’une inscription préalable : le jeune, une fois connecté, a accès à une bibliothèque qu’il parcoure sans restriction directionnelle.

L’éducation à l’image peut aussi se faire par le billet du cinéma, quand il met en scène l’image. Nanouk, développée par l’association Les enfants de cinéma ainsi que le Kinétoscope, par l’association l’Agence du court-métrage, offrent deux voyages pédagogiques sur leurs sites internet à partir d’une riche sélection de ressources. Il s’agit de développer la sensibilité artistique des enfants et des jeunes en posant les jalons d’une culture cinématographique qui peut leur être accessible. Comprendre le travail du cinéaste, d’un point de vue technique, réfléchir à partir de thèmes-clés d’œuvres, et surtout développer une approche ludique et éducative du septième art, sont autant de points clés qui ont permis la naissance de ces deux sites internet qui travaillent main dans la main avec de nombreux établissements scolaires.

©la-croix.com

©la-croix.com

L’expérience de la création de dessins, surtout quand elle est vecteur d’émotions fortes, peut s’avérer être un bon outil. L’association Dessinez Créez Liberté a vu le jour suite aux attentats de Charlie Hebdo. Le journal avait reçu des milliers de dessins d’enfants et d’adolescents au lendemain de l’attaque, comme un moyen pour les jeunes de développer une conscience citoyenne tout en extériorisant des émotions fortes, traumatisantes.  L’association a été créée par Charlie Hebdo, SOS Racisme et la Fidl, pour que ces dessins – 145 ont été sélectionnés – soient valorisés et vus par des publics scolaires et puissent servir de support à un dialogue pour aborder les drames de 2015 et 2016.

© jetsdencre.asso.fr

© jetsdencre.asso.fr

Enfin, quand l’on parle des outils nécessaires à l’éducation à l’image, il semble inévitable que la compréhension de l’image de notre société passe par du texte et de la photographie. L’association Jets d’encre met l’accent sur l’initiative jeune quand elle fait ses premiers pas dans le journalisme. En effet, l’association, née en 2004, permet aux 11-25 ans de pouvoir créer leur propre journal et de se fédérer à l’échelle d’une ville, ou bien d’une région. Elle permet d’obtenir une carte presse jeune qui a une portée symbolique. Malgré son statut différent de celui de la carte de presse professionnelle, elle peut ouvrir des portes inattendues comme la visite guidée d’un musée ou l’accès gratuit à un festival. Jets d’encre propose d’ailleurs un marathon de production journalistique appelé Kaléido’scoop, dans le cadre d’un concours national de la presse jeune.

Cette session spéciale au Forum des Images permet de dresser un panorama vivant de ce que représente l’éducation à l’image aujourd’hui, grâce à de nombreux partenariats entre l’établissement scolaire, l’associatif et des représentants de l’éducation à l’échelle du pays. Eduquer un jeune à l’image, c’est tout d’abord avoir les outils nécessaires pour le faire, et à l’aune du numérique aujourd’hui, cela est tout à fait possible.