Les journalistes exilés à la rencontre du Musée de l’Immigration

[Par Davy GOMA LOUZOLO]

Mercredi 9 mars dernier, les journalistes réfugiés de la Maison des journalistes de Paris ont participé à une visite guidée de l’exposition «Frontières» au Musée de l’Histoire de l’Immigration du Palais de la Porte Dorée à Paris. Grâce à la présence de Luc Gruson, ancien directeur de l’institution, ces journalistes ont pu connaître des détails passionnants sur le musée et son exposition qui englobe la thématique des immigrés, ainsi que sur les problématiques de leurs trajets au regard des frontières internationales et européennes et de la France, terre d’accueil des ces derniers.

©franceinter.fr

©franceinter.fr

Durant cette visite, l’ancien directeur du musée a offert aux journalistes une analyse poussée et un regard détaillé sur l’histoire de ce lieu ainsi que sur son approche particulière du thème de l’immigration .

En préambule, Luc Gruson a précisé, dans une très belle salle de style Arts Déco située au rez-de-chaussée du Musée, que le musée de l’Immigration, ouvert au public depuis 2007 au sein du Palais de la Porte Dorée à Paris, fut au départ créé en 1932 comme un Musée des Colonies de l’Empire Français.

Aujourd’hui, le musée a pour but de rassembler, de sauvegarder et de mettre en valeur l’histoire de l’immigration, ainsi que de faire connaître et reconnaître le rôle de l’immigration dans la construction de la France. Une France qui s’est située pendant de nombreuses décennies au centre d’un carrefour d’échanges. Ainsi, ce musée rappelle qu’elle a été un grand pays d’accueil de migrants depuis des siècles.
Une salle aux couloirs balconés offre une optique originale sur le regard que les immigrés ont porté à leur pays d’accueil grâce aux objets qu’ils ont apporté de leurs pays d’origines et qui ont eu une forte valeur affective pour eux. Ces immigrés, grâce à qui la culture française s’est enrichie.

Une salle de l'exposition Frontières (©culturebox.francetvinfo.fr)

Une salle de l’exposition Frontières (©culturebox.francetvinfo.fr)

Un musée fascinant à bien des égards

Les journalistes exilés ont ainsi participé à cette chaleureuse visite que l’on peut séparer en trois parties distinctes,  à savoir :
– La  découverte de la médiathèque Abdelmalek Sayad. Tirée du nom du sociologue d’origine algérienne qui étudia la situation des immigrés en France.  Cette médiathèque englobe des archives du cinéma, de la littérature, de la bande dessinée, des thèses universitaires, le tout portant sur le thème de l’immigration. Elle est le centre du musée pour faire des recherches, aller à la rencontre des ouvrages et de leurs auteurs.
– Le salon Colonial, grand hall du palais, où se trouve la plus grande fresque art-déco du  monde. Ode chronologique de l’immigration, de la colonisation et de leurs personnages qui ont marqué ce concept en France. Une œuvre d’art monumentale.

Le plus important pour ce musée, c’est de retransmettre l’histoire de l’immigration en France et ce que cela lui apporte. La visite s’est poursuivie dans cette logique: quelle est la richesse de l’immigration et surtout comment la retranscrire ?

Pour Luc Gruson, le meilleur moyen de retracer le parcours des différents immigrés, c’est en retrouvant leurs biens, ce qui leur appartenait. Leurs traces dans l’histoire sont donc matérialisées par leurs possessions.  Alors, le guide et ancien directeur a entrainé les journalistes à la découverte de ces artefacts.

Luc Gruson  ©africultures.com

Luc Gruson ©africultures.com

La galerie des dons est comme le coeur du musée. Les journalistes ont visité cet endroit avec une certaines émotion. Ici sont exposés les objets ou les photographies, qui ont été transmis de générations en générations par les immigrés. Ces objets sont liés aux parcours de vie de ses derniers. Chaque objet est accompagné d’un témoignage, ce sont de véritables moments de vie qui sont exposés dans des vitrines, dont la disposition permet de faire vivre ces autobiographies sous verre.

«Cette galerie montre la diversité culturelle des immigrés. Chaque famille à une histoire différente. Avec cet ensemble d’objets et leurs histoires on peut expliquer comment s’est construite la société française. Ce n’est pas de l’histoire nationale, mais plutôt celle des familles qui sont retracées pour donner l’image de la société d’ aujourd’hui» déclare l’ancien directeur du musée. Il explique par la suite que l’histoire de l’immigration est toujours en train de s’écrire, c’est un débat politique car pour parler de l’immigration, on ne peut simplifier, ni faire de raccourcis.

Les expositions

©exponaute.com

©exponaute.com

Intitulée  «repères», située dans une salle, au 2e étage du musée, cette exposition est un parcours sensible  qui entrecroise les moments de vie des immigrés sur le sol français et le contexte historique propre à chaque période. Elle représente à travers des images, photos, documents d’archives et oeuvres d’art le parcours symbolique des populations immigrées, passant par leur moments clés de leurs parcours en France. ” c’est le point de repères sur deux siècles de l’immigration en France. Traitant le problème de repères de  l’immigration de la manière la plus globale possible ” ajouta l’ancien directeur du musée.

Suite à cela, les journalistes sont passés à la troisième et importante approche qui n’est autre que ” l’exposition temporaire “.   C’est la partie réservée pour des regard croisés, de questions de sociétés, un focus sur l’histoire de l’immigration à travers des expositions tirées sur des thématiques, pour chaque année. En effet, chaque année le musée organise des expositions avec un thème qui traite des différents sujets d’alternance historiques et culturelles pour montrer que l’immigration est un sujet qui s’ouvre sur un tas de questions. M.Gruson ajoute par exemple que  la mode a été choisie comme thème  l’année passée. Fort était de constater qu’en traitant ce thème, le rapport de la mode et l’immigration avait fait sortir la preuve que la plupart des grands créateurs en France sont des étrangers. Près de 260 créateurs français sont des immigrés. Dans cette troisième partie de la visite, les journalistes ont savouré tous les contours de  l’exposition  “Frontières”  qui les  ont étanchés la soif de connaître le parcours des immigrés dans tous les états. Le flux migratoire, la question des demandeurs d’asile, des réfugiés sans  oublier la politique migratoires, l’évasion de la Guyane par l’immigration.Toutes les questions de la traversée, la frontière,  de l’arrivée en France, du racisme,du papier, du logement, du travail, de l’intégration…

Enfin, cette riche visite guidée est chapeautée par la partie qui est restée dans son état d’origine : l’aquarium. Plus de 5000 poissons de différentes  espèces conservés dans un grand espace qui montre la faune aquatique des colonies.

 

Renvoyé Spécial à Créteil : « L’Afghanistan, mon paradis perdu…»

[Par Bernadette COLSON]

Le bi- place posé à une aile d’avion de l’entrée principale du lycée est là pour nous rappeler la présence sur le site d’un club aéronautique et l’implication du lycée Edouard Branly de Créteil dans les projets scientifiques. Ce mardi 22 mars, on peut aussi y voir l’envol de la curiosité de lycéens de Seconde, piqués au vif du jeu des questions/réponses, grâce à la profondeur dramatique de la parole de Khosraw  Mani, journaliste et écrivain afghan, renvoyé spécial de la Maison des journalistes .

©Lisa Viola Rossi

©Lisa Viola Rossi

Pour présenter « son pays », Khosraw  invoque un passé plus lointain, celui qui a laissé  des vestiges des civilisations persanes, il évoque Hérat « la ville la plus artistique », avec une école datant du XVème siècle à l’origine des plus beaux chefs d’œuvre de la miniature persane, et puis Balkh d’où est originaire le poète Roumi (1207-1273) mystique persan qui a influencé le soufisme, et encore Kandahar, « berceau du bouddhisme ». Son prochain roman, en anglais, a pour toile de fond une fresque  historique sur sa ville natale, Kaboul, depuis la première guerre anglo-afghane de 1839 jusqu’à l’arrivée des Talibans en 1992.

Le présent de l’Afghanistan pour Khosraw, c’est « une histoire pénible » dont il s’excuse devant son auditoire, dans un français très châtié. A 29 ans,  il a toujours connu son pays en guerre.

« J’étais enfant quand les Talibans étaient au pouvoir, la musique était interdite, la barbe pour les hommes et la mosquée étaient obligatoires. J’ai porté un turban. Je m’en souviens, j’ai vécu ça. Une seule personne, le commandant Massoud a lutté contre les Talibans. En septembre 2001, il a été tué par deux faux journalistes tunisiens, juste avant les attentats contre le World Trade Center. Ben Laden n’a pas été livré aux Américains car c’était contraire à la culture d’hospitalité  de mon pays. J’étais lycéen comme vous, poursuit-il, à la chute des Talibans en 2001, une république islamique s’est mise en place, l’espoir est revenu. Mais en 2005, les Talibans ont resurgi, maintenant ils sont partout. Sous les Talibans, la vie est interdite, on n’a pas le droit d’être vivant ni joyeux. Aujourd’hui la violence est présente au quotidien, celle des attaques des insurgés contre les forces afghanes, celle des attentats des terroristes de l’état islamique. J’ai survécu à deux attentats suicide où quatre de mes amis sont morts. »

©Lisa Viola Rossi

©Lisa Viola Rossi

En 2008, étudiant en droit et sciences politiques, sa passion est déjà le journalisme et l’écriture, il s’exprime dans un petit journal révolutionnaire qui donne la parole aux étudiants. Deux ans plus tard, il travaille pour la radio Free Europe sur des reportages sur la vie sociale et l’histoire des intellectuels.

La situation de la presse est alors en train de changer. La liberté d’expression qui s’était développée après 2001 est prise dans une spirale descendante avec la multiplication des intimidations, menaces et agressions contre les journalistes, « les journalistes libres », ceux qui traitent des questions sensibles comme le droit des femmes, la corruption, les extrémismes, les chefs de guerre. Ces atteintes à  la liberté de la presse émanent aussi bien de membres du gouvernement que des insurgés. Elles croissent d’autant plus qu’il n’y a pas de réponse judiciaire à ces exactions.

En 2012, deux motards agressent Khosraw quand il rentre chez lui. « La première chose que j’ai sentie c’est un coup derrière ma tête, raconte-t-il, la seule chose que j’ai faite a été de crier, des gens sont venus à mon aide, les agresseurs se sont enfuis ; une semaine avant cet incident, un ami avait été tué. Ma mère m’a dit : tu ne peux plus travailler là, je ne veux pas perdre mon fils ! »

En 2012, toujours pris par la passion du journalisme, il travaille pour la presse écrite, il est responsable d’un journal littéraire. En 2015, il écrit un article sur le site de la BBC à propos d’une jeune fille lynchée à Kaboul, le 19 mars, car elle osait s’adresser à un mollah. Dans cet article, il y dénonce « la religion comme identité alors qu’elle doit rester une affaire privée » et « le gouvernement corrompu qui a permis aux extrémistes d’être actifs dans la capitale ». En juin 2015, il publie un roman dans lequel il critique les modèles culturels et sociaux de l’Islam politique. «J’ai fui après cela, précise-t-il. Je suis arrivé le 31 août à Paris ».

Il ne rentrera pas dans son pays tant que la situation sera dangereuse pour les journalistes. Huit d’entre eux sont morts dans un attentat en janvier dernier. « J’ai envie de vivre », répond-il à Amar qui l’interroge.

« L’Afghanistan est miné par une guerre religieuse et ethnique, explique-t-il.  Nous avons subi  l’introduction de l’idéologie communiste dans notre pays dominé par le système féodal puis celle du fondamentalisme religieux. Mais nous sommes aussi responsables, nous les Afghans, de cette situation,  nous sommes le problème, nous devons trouver des solutions ».

Khosraw a du mal à imaginer aujourd’hui son pays en paix, mais pourtant, tient-il à préciser « sans la guerre, l’Afghanistan, c’est mon paradis, mon paradis perdu ».

©Lisa Viola Rossi

©Lisa Viola Rossi

Il a choisi la France comme terre d’exil, parce qu’il est écrivain et que Paris est le seul lieu où il « se sente calme et où il est toujours occupé ». Il a vécu les attentats du 13 novembre avec « sang-froid ». « Pour cette raison, dit-il,  j’ai eu peur de moi-même, ce n’est pas normal de ne pas craindre les attentats ». Dans son envie de vivre, il y a aussi la volonté de cet intellectuel afghan de retrouver des émotions « humaines ».

Devenir citoyen, devenir acteur, se former, tel est l’intitulé du projet d’établissement du lycée Edouard Branly de Créteil. On peut y ajouter …se mettre dans la peau d’un journaliste. Les élèves de Seconde encadrés par Sophie Hervas, professeure

documentaliste, et Clothilde Immel, professeure d’histoire-géographie ont bien joué leur rôle d’intervieweur. Dans le cadre de leur projet d’éducation aux médias (PEM), ils ont eu, pour l’instant, trois heures de cours sur les écrits journalistiques. Dans les jours qui viennent, ils devront choisir entre la brève, le reportage ou l’interview pour rendre compte sur le blog du lycée de leur rencontre de deux heures avec Khosraw Mani. Ils n’ont pas eu le temps de prendre des notes mais leur attention a été soutenue et leurs questions bien réfléchies.  Mais surtout les réponses de Khosraw  parlent au cœur et ne peuvent s’effacer facilement.

 

Belgique : des frontières trop ouvertes à la menace terroriste

[Par Mortaza BEHBOUDI]

Le jour même des attentats terroristes à Bruxelles les frontières du pays n’étaient pas fermées.

©policebelge.com

©policebelge.com

 

Le 22 mars, jour-même des attentats vers 17h, nous pouvions encore facilement aller de la France à la Belgique, sans aucun contrôle d’identité. Après une série d’attaques terroristes dans la capitale belge, Bruxelles, la Gare du Nord de Paris est elle-même passée un peu  plus tard dans un mode de sécurité renforcé et  tous les trains ont été annulés.

Il y a eu beaucoup de policiers à la Gare du Nord, mais il n’y a pas eu d’inspection des bagages. Nous avons pris le train de Paris pour aller à Lille et nous sommes entrés par la suite en Belgique, et ce via la ville de Roubaix et grâce aux transports publics. Nous sommes enfin arrivés au dernier arrêt de bus – à la gare belge de Mouscron.

Et ce sans vérification des documents ni d’inspection des bagages.

Notre voyage nous a montré que le terrorisme est une réelle menace en Europe, comme nous l’avons vu ici, tant les frontières ne sont pas contrôlées.

Michel Eltchaninoff à la MDJ : «Les combats de ces dissidents sont les nôtres»

[Par Lisa Viola ROSSI]

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front,
Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime,
Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime,
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.

Victor Hugo, Les Châtiments

(de l’introduction au livre Les nouveaux dissidents de Michel Eltchaninoff, Editions Stock, 2016)

Le mot d’accueil de Darline Cothière (crédits : LV Rossi)

Quand la philosophie questionne la liberté d’expression, « le soutien à la création d’un réseau international de dissidents » devient une priorité. À l’initiative de Michel Eltchaninoff, le rédacteur en chef du journal de Philosophie Magazine, trois dissidentes rencontrées à l’occasion des trois ans de préparation de son dernier livre Les nouveaux dissidents (sortie prévue prochainement), Olga Shparaga, originaire de Biélorussie, Zeng Jinyan, de Chine et Xitlali Miranda, du Mexique, ont rendu visite mardi 15 mars à la MDJ et à ses journalistes.

Michel Eltchaninoff

Michel Eltchaninoff (crédits : LV Rossi)

« Depuis quelques années, – a affirmé Michel Eltchaninoff – des jeunes dissidents non-violents réapparaissent un peu partout lorsque l’environnement médiatique les avait injustement oubliés après les luttes des années 70. Je pense notamment aux activistes de l’ex-Union Soviétique, d’Iran et d’autres pays du monde où la dissidence est en train d’acquérir de plus en plus d’importance à la lumière de la violence des idéologies dictatoriales et des fondamentalistes. Les combats de ces dissidents sont les nôtres : il s’agit d’une démarche d’abord éthique, qui n’a pas d’ambition politique».
En ligne avec les propos de la Maison des journalistes, la directrice, Darline Cothière partage la déclaration d’intention d’Eltchaninoff : « La mission de la MDJ est le partage des expériences de la répression et l’exil, notamment des jeunes, en faveur d’un commune mobilisation pour sensibiliser l’opinion publique internationale en faveur de droits de l’Homme ».

Une nouvelle conscience civique qui parle biélorusse

Olga Shparaga

Olga Shparaga (crédits : LV Rossi)

Anglais, espagnol, russe… La barrière de la langue n’en est pas une, lors de l’échange privilégié qui a eu lieu après la visite aux locaux de la MDJ.
Pour Olga Shparaga :« Nous ne pouvons pas parler d’un travail de politisation mais bien de prise de conscience des droits de l’Homme » a précisé la philosophe biélorusse qui travaille pour l’instauration d’un espace public à Minsk. « Nos lieux de liberté sont des ex-usines, par exemple : là, nous organisons des rencontres et des moments de discussion au sujet des droits LGBT, de l’art et de la culture, ainsi que de la langue biélorusse et de l’urbanisme ». Le but de ces réflexions collectives est de permettre la reconnaissance d’un pouvoir aux citoyens, car « en Biélorussie, la loyauté vers le pouvoir en place » est la caractéristique principale de concitoyens affirme Olga. « Les ONG et associations existent, mais sont vieillissantes, alors si une société civile est bien là, elle n’a pas un véritable enracinement car le gouvernement de Loukachenko en empêche le développement ».

Censure et journalisme d’enquêtes en Chine

Zeng Jinyan

Zeng Jinyan (crédits : LV Rossi)

Zeng Jinyan, dissidente chinoise actuellement doctorante à Hong Kong, choisie par le TIME Magazine comme une des 100 personnes les plus influentes dans le monde en 2007, raconte aux confrères de la MDJ comment en Chine, Internet et les nouveaux médias sont un véritable espace d’expression libre même pour les journalistes d’investigation : « Un phénomène nouveau a émergé en Chine tout récemment : la fondation de nouveaux journaux et l’ouverture des réseaux sociaux, comme wechat, où les reporters publient leurs enquêtes, indépendantes et non censurées, car financées par leur lectorat ». La censure n’intervient qu’après la publication et par l’autorité en place : c’est-à-dire « toujours trop tard pour en bloquer véritablement la diffusion et le partage».

Des voix étouffées dans les montagnes du Guerrero

Xitlali Miranda

Xitlali Miranda (crédits : LV Rossi)

Xitlali Miranda, du Mexique, anime à Iguala l’association “Les autres disparus” qui participent aux recherches des restes des victimes du narco-trafic dans les montagnes du Guerrero. « La situation au Mexique est dangereuse presque comme s’il y avait la guerre, surtout pour les journalistes. Je connais au moins 400 familles ayant vécu la disparition d’un de leurs proches ». Lors de son témoignage
Miranda évoque la disparition de 43 étudiants issus de l’Ecole Normale Rurale de Ayotzinapa, le 26 septembre 2014 : ils étaient en voyage à Iguala pour manifester contre les pratiques du gouvernement mexicain. La police serait la principale suspecte de cet enlèvement dont le maire d’Iguala et son épouse seraient les commanditaires probables. « Chaque dimanche les familles, notamment des mères, des sœurs, des femmes, cherchent leurs proches dans des fosses communes. Elles vivent dans la douleur de cette tragédie, et au même temps elles sont par ailleurs victimes d’un isolement social : la pensée commune est que si leur famille a vécu cette disparition, c’est de leur faute. Souvent nous constatons comme conséquences la désintégration de la cellule familiale. Et à la douleur, s’ajoute la frustration due à une manque totale d’attention de la part des autorités, corrompues, quant à leur demande de justice et vérité ».

Le passage à Paris de ces trois dissidentes a été organisé par Eltchaninoff, en association avec Stock et la Ligue des Droits de l’Homme.

 

 

 

Partir rejoindre Daech n’est pas une promenade !

[Par Maha HASSAN] Jeudi 10 mars dernier, deux nouvelles inquiétantes sont tombées le même jour : De la Syrie,  où Daech a exécuté le poète syrien Bachir Alani et son fils Ayas, les accusant d’être des apostats.  Du Royaume-Uni, où 22 000 noms de jihadistes de l’État islamique ont été révélés par la chaîne Sky News, parmi eux au moins 500 Français. Ces renseignements ont obtenus d’un déserteur de Daech, déçu de l’Islam revendiqué et appliqué par l’organisation, qui n’a plus grand chose à voir avec la religion. Ces deux nouvelles ne sont pas très étonnantes. Daech tue tous les jours des personnes en Syrie en les accusant d’apostasie. De même, les infos nous relatent également souvent des cas des français ou d’autres européens qui fuient les islamistes de l’EI, après les avoir rejoints dans un premier temps en Syrie ou en Irak. Si on essaye de lier ces deux nouvelles, on peut alors poser plusieurs questions aux gens qui pensent encore que Daech défend l’Islam : 1. Un poète qui écrit et qui reste discret sur sa pratique de l’Islam, est-il un apostat pour autant ? le poète Bachir Alani est musulman, même si, peut être, il n’est pas pratiquant, mais il n’a jamais déclaré, même à ses amis les plus proches dans la petite société poétique, qu’il ne croit plus en l’Islam. Le page de Bachir sur facebook était pourtant claire, il écrivait des poèmes, il exprimait son attachement à sa ville (Deir ez-Zor), qu’il refusait de quitter malgré la guerre. Il racontait son chagrin d’avoir perdu sa femme et à la fois son contentement de lui avoir trouvé une tombe pour qu’elle puisse reposer dignement, alors que plein de Syriens sont morts et n’ont jamais eu de funérailles décentes. 2. On peut se demander également comment peut-on défendre une réligion (ici l’Islam) en tuant des humains ? Quel est ce combat absurde auquel prennent part de plus en plus de jeunes gens, quittant une vie en Europe et surtout en France pour y participer ? Jusqu’à aujourd’hui, Daech n’a pas combattu contre le régime en Syrie, il ne fait que terroriser des peuples innocents. Le premier problème de ces «rêveurs du jihad»,  c’est qu’ils ne parlent par l’arabe, ils sont très étrangers, loin de cette culture, et grâce à cela c’est très facile d’être manipulé par la propagande de Daech. Le second grand problème est que les gens européens voient les événements en Syrie de loin, par Internet, ils sont victimes des mensonges et lorsqu’ils arrivent là-bas, c’est presque impossible de quitter Daech. L’État Islamique n’est  pas une promenade, une aventure ou une fugue à faire lors de sa crise d’adolescence comme le pense la majorité de ces jeunes gens, surtout les mineurs, ceux qui désespèrent de leur avenir en Europe, tout en espérant que le jihad va changer leur vie. Daech est un piège létal, quand vous tombez dedans, au bout du chemin,  il n’y a que la mort. La mort, non pas pour l’Islam ou pour des raisons d’honneur,  mais pour des mensonges. Et si vraiment quelqu’un, au fond de lui, croit en Dieu, avec un peu de logique, il comprendra que Daech fait n’a rien à voir avec Dieu, ou la religion. Mourir chez Daech ou pour Daech, cela ne sert en aucun cas une cause juste. Et quand vous êtes sur le point de disparaître, il est trop tard pour comprendre et vous ne pouvez que regretter de quitter le vrai combat qu’est la vie. Dites-vous que vous êtes bien plus utiles en vie que mort. Et souvenez-vous qu’il n’est pas de religion et encore moins l’Islam qui va vous encourager à vous sacrifier inutilement ou à tuer des innocents.

Afrique du Sud : la vision de Mandela trahie

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

De la prison à la présidence. Telle a été l’apothéose du parcours politique de Nelson Mandela. Mais tout autant saisissant était cet espoir qu’il avait suscité de faire de l’Afrique du Sud une nation « arc-en-ciel ». Formule qui s’autorisait le rêve de voir cohabiter en harmonie les différentes communautés locales (Blancs, Noirs, Indiens, métis).

En clair, il s’agissait de maîtriser l’art du compromis entre les affres que nourrissaient les Blancs sud-africains, à la fin de l’apartheid (régime basé sur la ségrégation raciale), et les ardeurs des Noirs qui voulaient, à tout-va, vite jouir des effets de leur victoire.

L’homme était-il à la hauteur de ses ambitions ? Et, qu’en reste-t-il, aujourd’hui, 17 ans après son départ du pouvoir ?

Quand Mandela accède au pouvoir, en 1994, l’Afrique du Sud est partagée entre ravissement et sentiment de doute. L’apartheid était bel et bien aboli, mais on avait du mal à imaginer la notion de « paix des braves » faire naturellement carrière entre Blancs Sud-Africains (anciens dominateurs) et Noirs autochtones (anciens dominés). Tant ce mode de renversement des rapports de force ne rime qu’avec avec la violence.

(Source : IGEO TV)

(Source : IGEO TV)

Tel a été le cas, au Zimbabwe, au début des années 2000. Les Noirs avaient chassé 4 000 Blancs de leurs fermes, non sans effusion de sang, se disant être en bon droit de réclamer leurs « biens spoliés ».

En Afrique du Sud, par contre, Mandela a réussi à endiguer cette dérive va-t-en-guerre, alors que les crispations étaient au zénith. Aux uns, il a garanti l’application des accords signés en 1991 (Seven closes), assurant protection des Blancs, en tant que minorité ; aux autres, il est simplement parvenu à se faire écouter comme « chef et père ». A l’africaine

Absence d’un contrat social

Ainsi commença à se forger, lentement, mais sûrement, une nation « arc-en-ciel », à la recherche de l’unité. Avec, au départ, en 1995, cette image symbolique, forte, qui marquera toute la vie politique de l’ancien prisonnier : Mandela en maillot des Springbok, équipe sud-africaine « blanche » de rugby, considérée comme un des emblèmes de l’apartheid ! C’était, en Afrique du Sud, à l’occasion de la coupe du monde de rugby. Ce jour-là, dit-on, tous les mythes s’étaient écroulés !

L’après-Mandela est à situer sur un autre versant. Plutôt, celui de clivages réactivés ou imposés par le fait d’une direction politique dénuée de toute conscience nationale. Ainsi, « le pays est passé de l’apartheid racial à l’apartheid social », déplore Songezo Zib, journaliste sud-africain (*). Avec pour conséquence directe, la division dans les rangs de la communauté noire. Désormais clivée, celle-ci n’est plus un bloc monolithique. L’élite, qui roule sur l’or, se démarque clairement de la classe ouvrière. Qui broie du noir.

Les grèves à répétition dans le secteur minier – moteur de l’économie sud-africaine -, accompagnées de violence, en disent long sur l’absence d’un contrat social acceptable par tous dans ses grandes lignes.

(Source : AFP)

(Source : AFP)

Si la communauté blanche n’a pas éclaté, elle n’est pas moins bousculée par les effets néfastes de la mauvaise gouvernance du pays, qui fait que les Blancs riches sont devenus pauvres. Et les pauvres plus pauvres, au point de faire la manche. Ce qui a le don de renforcer, chez la plupart d’entre eux, l’idée de créer une « République libre ». Ce n’est pas une simple vue de l’esprit. Ils s’y préparent, militairement.

      L’Afrique du Sud se délite. A l’œil nu. Où est donc passé le grand rêve de Mandela ?

——————–

(*) SONGEZO Zib, Courrier International, n° 1 140

Week-end convivial avec le réseau étudiant Animafac

[Par Diane HAKIZIMANA]

Le réseau des associations étudiantes Animafac a organisé le weekend du 06 au 07 février 2016 un double weekend au campus dans les universités de Limoges et de Caen. A Limoges, c’était de la convivialité sous un ciel plus doux et ensoleillé.

©Diane Hakizimana

©Diane Hakizimana

Le matin, un petit déjeuner à la hâte afin de pouvoir commencer la journée à temps. Des repas ont été également offerts aux étudiants à midi, au rythme de chants lancés par un groupe d’étudiants décontractés. L’ambiance était bon enfant comme seuls les étudiants savent le faire. Différents ateliers ont été animés. Le responsable d’Animafac reconnait le rôle et l’importance de cette association dans la vie de campus. Malo Mofakhami parle de ce weekend spécial pour le 20e anniversaire d’Animafac.

« Asso, Boulot (apéro !), dodo », “Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient”, etc. ce sont les mots qu’on pouvait lire sur les pulls des étudiants présents pour ce weekend au campus. Ces mêmes mots figuraient par ailleurs sur le manifeste des 20 ans d’Animafac. Solidarité internationale, écologie, récupération des objets, le numérique dans la vie associative, etc. tels étaient les sujets débattus dans différents ateliers organisés par Animafac à l’université de Limoges. Malo Mofakhami, président d’Animafac racontait que c’est cette même ambiance à Limoges qui régnait à l’université de Caen.

Malo Mofakhami ©Diane Hakizimana

Après les universités de Lille et de Clermont Ferrand, qui sont de la partie Est, le weekend du 30 au 31 janvier dernier, c’était le tour des étudiants de la partie ouest de la France de faire la fête et d’échanger sur les sujets qui touchent la société. Plutôt caisse de résonance des associations étudiantes, Animafac organise les weekends au campus en divisant les universites de l’Hexagone en 4 groupes, deux par deux, de l’est à l’ouest ou vice versa. « La division de la France se fait de manière grossière, mais l’objectif est de choisir une ville qui n’est pas très loin pour les gens autour, c’est pour faciliter le déplacement des étudiants en cars». Créée en 1996, au début par des étudiants très engagés dans les syndicats, Animafac s’est depuis consacrée à l’associatif et met en mouvement la fac. « Même si on représente les étudiants et qu’on fait du lobbying auprès des pouvoirs publics, c’est surtout sur les mesures qui sont en lien avec les associations », tient à souligner Malo Mofakhami. Le président d’Animafac annonce qu’ils ne peuvent pas intervenir sur les examens, le format des cours, etc., qui sont dans le registre syndical.

Engagement, encore de l’engagement

Le réseau des associations Animafac se bat pour la reconnaissance, la facilité et l’encouragement de l’engagement des étudiants. Et cela se fait à plusieurs niveaux selon Malo Mofakhami. Au niveau des étudiants déjà, Animafac s’efforce de mettre en avant tous les avantages que procurent les associations. A cet effet, cette porte-parole des associations étudiantes aide ces dernières à être beaucoup plus visibles en leur procurant les moyens financiers nécessaires pour pouvoir exister. « On a aussi identifié les leviers institutionnels, car on a remarqué que certains présidents et administrations des universites n’ont rien à faire des associations étudiantes, et si l’universite n’est pas bienveillante et assez ouverte aux associations, celles-ci auront beaucoup du mal à se développer », précise Mofakhami. Animafac intervient à ce niveau pour faire comprendre aux chargés de l’éducation que la réussite scolaire rime aussi avec la vie de campus, la vie associative. « Nous usons de notre notoriété et de notre poids politique pour leur faire comprendre qu’ils doivent favoriser l’associatif dans les campus », annonce le président d’Animafac. Malo Mofakhami reconnait toutefois qu’à Limoges, les associations sont hyper actives et que la présidence de l’université y met son paquet.

Limoges la nuit ©Diane Hakizimana

Limoges la nuit ©Diane Hakizimana

A la question de savoir si la vie associative dans les campus ne se limite pas seulement à la durée des études, dans la mesure où la vie active ne permet pas forcement la participation dans les associations, faute de temps et beaucoup de préoccupations quotidiennes, le président d’Animafac estime que l’environnement dans les campus favorise l’engagement associatif, « en plus les étudiants sont dans une phase de leur vie où ils ont très envie de changer le monde et ainsi ils s’appliquent dans les associations assez facilement, même s’ils ont besoin d’un coup de pouce», remarque-t-il. Toutefois Animafac, en tant qu’association essaie de donner une vision plus large aux jeunes étudiants engagés. « Certes ils se sont engagés pour une association, pour une cause qui leur plaît, mais c’est aussi un engagement à l’égard de toute une société, donc il ne faut pas perdre cet engagement, il faut le porter toujours même après », annonce Malo Mofakhami. Et, selon ses dires, ça marche un peu, car différentes enquêtes et questionnaires démontrent que de plus en plus de citoyens revalorisent au maximum les questions d’engagement. Animafac est fait de plus de 400 associations membres qui ont signé une charte, mais elle arrive à toucher d’une manière ou d’une autre plus de 5000 associations étudiantes. L’événement « weekend au campus » se déroule tous les ans. Différentes associations se rencontrent pour débattre, échanger, se former. Ce double weekend au campus à Limoges et à Caen était le dernier de cette année académique en cours.