Du bikini au burkini: la métamorphose d’un maillot de bain sous la mondialisation

[Par Larbi GRAÏNE]

C’est dans les années 30 du siècle dernier, en Europe, que la mode du maillot de bain va atteindre son apogée. Ayant remarqué que les femmes relevaient leur tenue pour mieux bronzer, le Français Louis Réard inventa en 1946 le bikini. Il donna à sa création un nom emprunté à un îlot du Pacifique Sud où les Etats-Unis procédaient alors à des essais nucléaires.

Affiche de l’exposition de la galerie Joseph Froissart à Paris (Source : galeriejoseph.com)

Affiche de l’exposition de la galerie Joseph Froissart à Paris
(Source : galeriejoseph.com)

L’affaire du Burkini m’a poussé à réfléchir sur la question de savoir si le maillot de bain ou la tenue de plage, était connu, de par le passé, dans le monde musulman. Il semblerait que non. Les chroniques concernant un pays comme l’Algérie, évoquent pour la période précoloniale des baignades en mer où les hommes et les femmes s’y relayaient – comme au Hammam – à des horaires différents. Cependant, ces sorties à la plage n’avaient aucunement un caractère massif et routinier qu’on leur connait aujourd’hui. Elles concernaient plutôt les riverains qui y allaient en période de canicule. Mais ces chroniques restent muettes sur le type d’habit qu’on portait pour s’immerger dans l’eau. On peut imaginer que les femmes, malgré la permission qui leur est accordée, endossaient par pudeur d’amples robes et sarouels pour faire face à tout imprévu qui les mettrait en présence de l’élément masculin. Ou peut-être que les activités de baignades étaient tellement codifiées que les femmes devaient se sentir suffisamment à l’aise pour enfiler quelque tissu de leur fantaisie. Il n’empêche, contrairement à ce qu’on peut en penser, le maillot de bain « chrétien » n’a pas une grande histoire par rapport à celui des pays du Sud. Il apparaît au moment de la révolution industrielle du XIXe siècle. Comme le football, le maillot de bain est originaire de l’Angleterre alors en proie à un boom industriel sans précédent. Il se diffuse, ensuite, sur les côtes de la Normandie, en France, propulsé par l’essor du transport ferroviaire. Dès 1820, les plages sont fréquentées surtout par la bourgeoisie et l’aristocratie anglaises ou françaises, permettant le développement des stations balnéaires. Beaucoup y viennent sur recommandation de leur médecin pour soigner telle ou telle maladie, calmer une nervosité ou une douleur. La tenue de plage dont le souvenir a disparu aujourd’hui, consistait en une robe en laine portée indifféremment par les hommes et les femmes. S’il semble dégager un caractère prude, cet habit a été célébré par les vers de Charles Cros :

La robe de laine a des tons d’ivoire
Encadrant le buste, et puis, les guipures
Ornent le teint clair et les lignes pures,
Le rire à qui tout sceptique doit croire

C’est pendant cette époque qu’une nouvelle catégorie de voyageurs voit le jour. On les appelle « touristes ». Ces derniers parcourent les pays étrangers par curiosité et oisiveté. Cette définition péjorative va évoluer au fil du temps avant de se fixer dans son acception actuelle.
C’est dans les années 30 du siècle dernier, que la mode du maillot de bain va atteindre son apogée. Ayant remarqué que les femmes relevaient leur tenue pour mieux bronzer, le Français Louis Réard inventa en 1946 le bikini. Il donna à sa création un nom emprunté à un îlot du Pacifique Sud où les Etats-Unis procédaient alors à des essais nucléaires. Le bikini rime donc avec bombe. Le chanteur algérien d’expression kabyle, Idir, qui évoque dans l’une de ses chansons la femme-bombe, ne se doutait pas que cette représentation de la féminité est partagée de part et d’autre de la Méditerranée…
Ce rapide aperçu sur les conditions d’apparition du maillot de bain permet de mettre en évidence ceci : c’est que le bikini a fait oublier qu’il n’est que la réplique féminine de la tenue de plage masculine, qui est apparue en même temps que lui. En tant que tenue de plage, réservée spécialement à cet effet, le maillot de bain n’avait pas d’existence avant 1820 et sa diffusion massive ne devait devenir effective qu’à partir du moment où la législation sur le travail adoptera le principe des congés payés. D’où la notion de loisir qui va en découler.
C’est le salariat qui va fabriquer le « désir des rivages ». A partir du XXe siècle, le gros des troupes du salariat, formé par les classes moyenne et ouvrière, déferle sur les plages. C’est ainsi que les séjours en bord de mer deviennent un phénomène social. Plus qu’un lieu de détente, la mer mute en un lieu de consommation. Désormais hôtels, commerces, bungalows, piscines, ports de plaisance s’égrènent tout le long des côtes.

La mondialisation

On a beaucoup parlé de la mondialisation. Concrètement ce qui me semble l’expliquer le mieux, c’est l’architecture des maisons. Partout dans le monde, à quelque exception près, qu’on soit dans des Etats à régime démocratique, dictatorial, islamique ou laïque, le modèle est, en gros, le même. Il est la copie conforme de celui de l’Occident. La structure du chez-soi recouvre un espace réparti entre la cuisine, la salle de bain, le salon et les chambres (il faut ajouter pour les classes privilégiées, le jardin, la buanderie, la véranda et le garage). Cet espace domestique est organisé de manière à recevoir toute la panoplie d’appareils et de meubles fabriqués par les grandes multinationales : la machine à laver, le frigidaire, la cuisinière, le lave-vaisselle, la chambre à coucher, la télévision, l’ordinateur, le climatiseur, etc. En l’espace de quelques décennies, des millions de gens ont changé leur manière de s’asseoir, de manger, de faire leur toilette et même l’amour, désormais prescrit par la télévision satellitaire. Des maisons traditionnelles, voire des villages entiers ont été rasés par leurs propres occupants afin d’y faire édifier en leurs lieux et places des constructions conformes au schéma européen. De nos jours, les familles se prélassent sur des fauteuils autour du petit écran alors que leurs aînés ont grandi sur des nattes ou des tapis. En Algérie (j’évoque ce pays fréquemment car c’est celui que je connais le mieux), un seul meuble paraît avoir été détourné de sa fonction première. Je fais allusion ici à la bibliothèque. En effet, en dehors de la classe aisée, on la garnit généralement de bibelots et de porcelaine. J’y vois là, le résultat d’un bricolage de l’Etat-nation algérien qui, via l’école, signifie (en accord avec la mondialisation) qu’on peut se passer des livres dès lors qu’on importe tout ce dont on a besoin pour vivre décemment.
Cela dit, l’habit le plus répandu en Algérie, voire dans un nombre incalculable de pays dans le monde, n’est ni le burnous, ni la djellaba, ni la gandoura, mais bel et bien le blue-jean américain. Généralement quand des journalistes étrangers débarquent en Algérie, surtout, les confrères français, ce qu’ils remarquent en premier est le voile féminin. Un objet qu’ils ont d’abord découvert chez eux.

Femmes algériennes défilant à Oran en haïk pour réclamer la réhabilitation du voile traditionnel ( Source: cdn.liberte-algerie.com )

Femmes algériennes défilant à Oran en haïk pour réclamer la réhabilitation du voile traditionnel
( Source: cdn.liberte-algerie.com )

Pour eux, les jambes de millions d’Algériennes moulées dans des blue-jeans trop serrés ne sont pas dignes d’intérêt. Un certain orientalisme y sévit encore, vaille que vaille, alors que l’ancien monde s’est écroulé comme un château de cartes. Hormis la barbe et le costume de l’islamiste invétéré, sous la mondialisation, on ne trouve plus sur quoi disserter. Le monde s’est tragiquement rétréci. Finie l’époque où l’on commentait le blanc immaculé du burnous d’Abdelkader, le turban d’El-Mokrani et le caftan des odalisques recluses dans les demeures d’Alger. A vrai dire l’histoire de l’habillement est à écrire. La mondialisation mène la guerre contre les habits traditionnels, les langues et les dialectes, les cultures et les monnaies locales. On ne compte plus les parlers menacés d’extinction.

La naissance du burkini

Le burkini porté par une musulmane ( Source : wikimedia.org )

Le burkini porté par une musulmane
( Source : wikimedia.org )

Il ne fait aucun doute que le burkini est un habit moderne.
D’inspiration islamique il se veut comme une alternative au bikini. Cette nouvelle offre d’habillement intervient après une première expérience du voile islamique qui se voulait comme un substitut du voile traditionnel (dont la forme et les couleurs, la taille et la manière de le porter, diffère suivant les pays et les cultures). En Algérie le hidjab a pris la place du haïk. Le hidjab n’étant lui-même que la forme islamique mondialisée.
Le progrès de la mondialisation qui a balayé costumes et coutumes, fit donc le lit de l’islam mondialisé qui a vite imposé les siens. Le marketing islamique s’appuie sur une technique très simple pour promouvoir ses produits. Il doit procéder à la halalisation de l’objet occidental dont il cherche à s’approprier le concept. Dans le fond le burkini ne s’oppose pas au bikini. En France, il est l’indice probant que les masses « musulmanes », en tant que partie prenante du salariat français, se coulent dans le moule de la mondialisation occidentale. Que cherche ce burkini si ce n’est à ramener et à faire traîner les corps des femmes « musulmanes » sur le bord des plages ? à les faire profiter du bien-être de la mer et à les soumettre à la loi de la consommation et du marché, quand bien même si cela soit sous le label islamique ? Sa finalité, fondamentalement, est la même que le bikini. Peut-être que l’horreur et le dégoût que ce maillot de bain inspire à certains « occidentaux » découlent-t-ils de sa ressemblance scandaleuse avec le modèle qu’il veut insidieusement cloner en faisant mine de s’en écarter ? Cette intention ne se lit-t-elle pas jusque dans son nom ? Décidément, le choc des civilisations n’aura pas lieu, car c’est vers l’uniformité que le monde est en train de cheminer. Le bilan du port du hidjab en Algérie durant ces dernières années, peut faire apparaître qu’il a plus participé au mouvement de la mondialisation qu’il s’en extrait.

Nonobstant ses accointances avec l’islam politique, qui empêche sa lisibilité, le hidjab est en réalité un voile-leurre qui légitime le travail féminin et qui permet aux jeunes filles de conduire des voitures, de faire du commerce et d’exercer le métier de journaliste. Une des percées spectaculaires du voile est d’avoir justement réussi à recouvrir la tête de très nombreuses journalistes présentatrices de journaux télévisés. Jamais les femmes salariées n’ont-elles été aussi nombreuses, puisqu’elles se sont même taillé la part du lion dans des secteurs stratégiques comme la Santé et l’Education nationale. Je ne dirais pas que c’est grâce au voile. Le voile n’est qu’un instrument de la mondialisation islamique, elle-même pendant de la mondialisation occidentale. Ce sont les évolutions en cours dans les sociétés musulmanes qui sont en train de changer les choses. L’arrivée des femmes (fussent-elles voilées) sur le marché du travail en constitue la pierre angulaire. Il est permis de supposer qu’à brève ou longue échéance, la question de l’obsolescence du voile, est appelée à être posée sur la place publique.Les cultures issues de l’islam auront alors à faire face à l’obstacle qui se dresse sur la voie de leur sécularisation : casser le tabou de la virginité dont le voile est le symbole.(1)
L’idée de s’affranchir de cet obstacle qui, pour l’instant, leur paraît quelque chose de monstrueux, pourrait bien trouver dans les transformations en cours les conditions de sa transcription dans l’action.

_____________________________

(1) Cf. Malek Chebel, L’esprit de sérail. Mythes et pratiques sexuels au Maghreb, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », Paris, 2003. 

Attentats de Nice : Daesh est-il plus fort que les bombes ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Par ses séides, Daesh a encore frappé. Il vient de récidiver, alors que les plaies causées par ses œuvres meurtrières à Paris, l’année dernière, peinent à se cicatriser. Tant elles ont été béantes que profondes. Récidive à travers  une mue qui a pris tout le monde au pied levé : en désertant Paris pour Nice, en province ; en utilisant un véhicule (poids lourd), en lieu et place de kalachnikov, et en manipulant un pantin, une recrue de la dernière heure, loin des soupçons de la police. Lire la suite

MDJ, rencontre avec trois journalistes syriens : «Que ce soit au Soudan ou en Syrie, c’est le peuple qui doit appeler au changement»

[Par Lisa Viola ROSSI]

Mercredi 1er juin, en fin d’après-midi. La Maison des journalistes accueillait trois journalistes syriens de l’opposition, Jawad Sharbaji, rédacteur en chef de « Enab Baladi » et Sultan Jalabi, de l’agence de presse indépendante « Smart News » (les deux sont actuellement en résidence en Turquie) et Abo Bakr Al-Haj Ali, correspondant de guerre pour « Al-Jazira », « Reuters », « Middle East Eye » et « Vice News » (actuellement en résidence en Jordanie).

13Les trois journalistes ont été invités en France par le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI), dans le cadre du programme d’invitations des journalistes étrangers. Ils étaient accompagnés par Kamel Sassi du MAEDI, guide et interprète.

Deux reporters étaient également attendus à la MDJ, mais ils n’ont pas malheureusement pu partir de Turquie et du Liban à cause des problèmes liés à leurs visas : il s’agit d’Absi Smeisem, rédacteur en chef de l’hebdomadaire « Sada Alsham » (en résidence en Turquie) et de Dima Wannous, « Orient TV » (en résidence en Liban).

Cette visite, organisée par la Direction de la communication et de la presse du Ministère, a pour objectif de tisser des liens avec ces journalistes, tout en les familiarisant avec l’environnement de travail de la presse en France.

23Lors de leur passage à la MDJ, les trois invités ont pu échanger avec des résidents et l’équipe de la MDJ : des Afghans, des Yéménites, des Soudanais, des Syriens, des Burundais ont pu raconter en quelques mots les raisons de leur exil et leur situation actuelle en tant que professionnels réfugiés toujours mobilisés pour la liberté de la presse et le respect des droits fondamentaux.

« Nous sommes toujours prêts à rencontrer des jeunes, comme dans le cadre de l’opération Renvoyé Spécial – a soutenu Mohmed Al Asbatt, journaliste et écrivain soudanais – pour témoigner de notre expérience d’intellectuels et faire connaitre même les belles choses de nos pays».

11« Probablement nous n’avons pas fait assez pour faire passer une image positive de nos pays. Aujourd’hui la Syrie est devenue tout simplement synonyme de Daesh », a convenu Sultan Jalabi. Après trois jours de visites dans plusieurs rédactions françaises, Jawad Sharbaji a commenté : « Nous sommes très surpris par le fait que le dossier syrien ne prend pas beaucoup d’espaces dans les médias que nous avons pu visiter jusqu’ici. Nous croyions que les Français pensaient à nous davantage, même parce qu’ils exportaient des problèmes… . Mais il s’agit d’un avis personnel », a souligné Sharbaji.

3Lors de cet échange, était présente aussi la journaliste syrienne Lina Mouhammade, résidente de la MDJ, qui est intervenue pour répliquer : « Il ne faut pas condamner les médias français pour négligence. Ils ont un agenda à suivre. Le problème est à nous, en tant que journalistes de l’opposition syrienne, car nous sommes juste considérés en tant qu’individus appelés « journalistes-citoyens ». Cela est dû au fait que nous n’avons pu créer une agence de presse officiellement reconnue qui puisse parler au nom de l’opposition. Bien sûr, il y a eu des tentatives, mais il ne faut pas cacher qu’il y a des empêchements d’origine politique ».

« Que ce soit au Soudan ou en Syrie, c’est le peuple qui doit appeler au changement » a finalement conclu Al Asbatt. Pour cette raison la voix des journalistes comme des blogueurs exilés représente une richesse fondamentale pour la France, pays d’accueil : une voix alternative à médiatiser et à soutenir de plus en plus, comme la MDJ essaie de faire depuis sa fondation.

 

PORTRAIT : Homam Fayad ou le rêve d’étudier en France

[Par Mortaza BEHBOUDI]

Étudiant syrien ayant dû fuir son pays en guerre, Homam Fayad a décidé de poursuivre ses études universitaires à Paris. Multipliant les efforts, il espère intégrer et valider un master qu’il a dû abandonner. Lire la suite

Ali al-Muqri : « Au milieu des lycéens je me sens en famille »

[Par Bernadette COLSON]

Jeudi 7 avril 2016, le romancier et journaliste yéménite Ali al-Muqri ne cache pas son plaisir de se trouver devant les lycéens du lycée Albert Einstein de Sainte Geneviève des Bois. « Je suis heureux de vous voir car vous avez l’âge de mes enfants que je n’ai pas vus depuis onze mois, dit-il. Alors, ici, je me sens en famille ».

Le 14 octobre dernier, il était l’invité de l’Institut du monde arabe afin d’y recevoir la mention spéciale du prix de la Littérature arabe pour son livre « Femme interdite ». Des amis lui ont conseillé de rester à Paris. La guerre et l’empêchement d’écrire lui ont fait accepter cet exil, explique-t-il aux jeunes avec qui, durant deux heures, il feuillettera son album de photos de famille, en toute confiance, leur livrant ainsi ce qu’est l’âme d’un écrivain qui défend sa liberté d’expression.

(Source : MDJ)

(Source : Lisa Viola Rossi / MDJ)

« La guerre est cruelle ». Le conflit entre les Houthis alliés à l’ancien président Saleh et la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite qui soutient le président Hadi a fait un grand nombre de victimes et jeté des milliers de personnes sur les routes.

Bombardements, tirs d’artillerie à l’aveugle sur les zones civiles, attentats d’Al Qaïda dans la péninsule arabique qui reprend de la vigueur sur ce terreau chaotique, la population du Yémen subit cette violence au quotidien, contrainte à une vie précaire sans eau ni électricité depuis plus d’un an. « Le camp militaire à côté de chez nous, à Sanaa, a été bombardé et nous nous sommes retrouvés à la rue, nous avons déménagé à Ta’izz ». Ali Al Muqri ne parvient plus à écrire.
Or, l’écriture est son « obsession personnelle » depuis l’âge de 18 ans. Son premier roman « Black Taste, black Odour » en 2009 parle des Achdam, minorités noires arabisées victimes du racisme et du dégoût qu’inspirait à la société yéménite leur vie de marginaux.

A travers « Le beau juif » dont il situe l’intrigue au XVIIème siècle, il n’hésite pas à dénoncer l’intolérance religieuse, le conflit des religions et les nombreuses vexations subies par la communauté juive. Celle-ci, extrêmement réduite aujourd’hui, lutte encore pour sa survie alors que sa présence est inscrite dans l’histoire du pays.

(Source : Liana Levi)

(Source : Liana Levi)

(Source : Liana Levi)

(Source : Liana Levi)

Le judaïsme a été la première religion monothéiste à pénétrer au Yémen ; ce fut même à la fin du IVème siècle la religion officielle du royaume Himyarite qui gouvernait la région. Avec

« Femme interdite », Ali al-Muqri dénonce une société hypocrite qui enferme les femmes dans une non-existence. Avec de tels sujets, les menaces de représailles se sont accumulées sur l’écrivain. Tous ses livres ont été publiés au Liban par l’éditeur Dar al-Saqui de Beyrouth.
« Le beau juif » et « Femme interdite » ont été traduits en français aux éditions Liana Lévi.
Sa bibliographie reflète une autre obsession d’Ali al-Muqri, celle de la liberté « aussi indispensable que l’air qu’il respire ou que l’eau qui lui donne vie ».

4-1024x768

(Source : Lisa Viola Rossi / MDJ)

 

Pour comprendre d’où lui vient cette soif à épancher, peut être faut il remonter le cours de son enfance et en évoquer quelques épisodes. Celui d’un garçon, né en 1966, qui faisait le trajet à pied de son village jusqu’à l’école, à une heure et demie de marche de sa maison, et parfois s’enfuyait pour aller au cinéma car il y avait trop de punitions en classe. Celui encore du gosse ami avec les Achman car il trouvait qu’ils étaient plus libres que lui. Celui enfin de cet enfant qui, parce qu’il était encore tout jeune, pouvait entrer dans la prison des femmes, à côté du restaurant où il travaillait, leur apporter leur nourriture et les observer. « Cette expérience m’a fait réfléchir. Avec ces femmes là, j’ai pris une leçon sur la liberté ».

Depuis, il lutte contre la dictature de la pensée unique ; dans ses ouvrages, il convoque l’histoire qui a fondé son pays comme pour sortir de l’amnésie ceux qui prêchent une culture dominante et enterrent la diversité des êtres humains.

(Source : MDJ)

(Source : Lisa Viola Rossi / MDJ)

Aux lycéens qui lui font face ce jeudi 7 avril, il n’hésite pas à dire que ses enfants lui manquent et qu’il est toujours inquiet d’apprendre des mauvaises nouvelles. « Celui-là avec ses cheveux longs, dit-il en désignant un jeune assis en face de lui, il m’évoque mon fils qui s’était laissé pousser les cheveux mais a été contraint de les couper. C’est un souvenir qui fait mal ». Non sans fierté, il nous présente la photo de sa fille, prise lors d’une manifestation de rue du « printemps arabe » en 2011, elle arbore à la ceinture la janbiya, le poignard traditionnel réservé aux hommes. On se dit que la graine de la liberté a bien été semée.

A la Maison des journalistes où il est réfugié, Ali al-Muqri se sent aussi « en famille » et il a recommencé à écrire. Un livre sur un dictateur, un autre sur Rimbaud à Aden, et puis peut être évoquera-t-il un jour ce petit garçon de la prison des femmes.

 

 

L’os du parti Baath tel une excroissance à mon pied

[Par Rana ZEID]

Traduit de l’arabe au français par Racha Lotfi

La branche était cassée, séparée du reste de l’arbre, mais elle restait accrochée aux autres branches, je la voyais comme si elle représentait toutes les choses révolues, le vent ne l’avait pas encore faite tomber sur le sol, le vent lui prédestinait quelque chose, qui suis-je pour pousser le vent d’un coup de main ?

En observant la branche, contenant mon étonnement, je me mis à scruter l’arbre dont j’ignorais le nom, l’arbre qui croissait dans une rue un peu lointaine des bruits de la ville française de Rouen. Pour la première fois, je remarquais que le tronc de l’arbre s’écaillait et ressemblait exactement aux vêtements de camouflage des Marins (américains), à ces tissus dont on fabrique les uniformes militaires et, j’ai réalisé que les uniformes se déguisaient en arbres, non pas à l’inverse ; c’est-à-dire que ces variations entre le vert clair et le vert sombre étaient l’œuvre de la nature.

Il y avait un pont pour le train, sur ses deux côtés, des échelles pour descendre et monter. Je me suis souvenue quand, pour la première fois de ma vie, je vis les soldats de l’armée arabe syrienne, se recroqueviller sous un pont semblable à Damas, pour tirer sur les manifestants. Je ne réalisais pas alors que j’étais sous les feux, je n’avais pas connaissance de la nature du danger, les balles étaient destinées au peuple entier, tandis que moi j’écarquillais les yeux en suivant du regard, comme hébétée, sans scrupule, ces soldats de l’armée arabe syrienne. Ils étaient ridicules, parce que leur image se confondait avec celle de l’ennemi israélien, cette image dans ma tête que j’attendais dans la réalité, pour lui cracher dessus, pour crier : « la Syrie est à nous, elle n’est pas à Israël ».

(Source : Muzaffar Salman)

(Source : Muzaffar Salman)

Durant les cours de formation militaire, ces cours hebdomadaires obligatoires, au collège et au lycée, on nous apprenait des méthodes de défense verbales, à l’encontre de l’ennemi sioniste impérialiste brutal. Nous scandions des slogans, je ne me souviens d’aucun. Peut-être était-ce du genre : « notre leader pour l’éternité, le loyal Hafez Al Assad ».

On a traîné la fille assise à mes côtés sur le banc de classe baassiste. On l’a traînée par les cheveux, j’étais en classe de 4ème ; des femmes grosses et maigres, les monitrices, celles qui organisaient les affaires internes de l’école. Elles ont traîné la fille –que ma mémoire ? dans une forme de protection, me soulage de la douleur de me souvenir de son nom – et se sont mises à la rouer de coups de pied. Ce que je fis, c’était de dire à la maîtresse que je voulais sortir aux toilettes, je voulais savoir quel délit avait-elle commis pour qu’on l’attrape de la sorte. J’ai dit : « je vous en prie, je souffre d’une inflammation urinaire », il ne nous était pas facilement permis de sortir du cours, même pour nos besoins, il nous fallait supplier et demander l’autorisation.

Dans le couloir, j’ai vu son corps chétif, recouvert d’un tissu vert, le tissu des uniformes que nous avions l’obligation de porter, nous, les petits soldats d’Assad. J’ai vu son corps gémir sous les pieds de la monitrice qui avait teint ses cheveux courts d’une couleur proche de la rouille. Je me mis à l’insulter, j’ai couru dans les escaliers, descendu vers la cours de récréation puis je suis entrée dans les toilettes crasseuses qui n’étaient nettoyées de l’urine et des immondices que les jours de fêtes nationales glorieuses. Je me suis bouchée le nez avec les doigts, pour ne pas humer les odeurs nauséabondes. J’eus un instant d’absence, je ne veux pas aller aux toilettes, puis je suis retournée en classe, à mon siège, remerciant la professeur de mathématiques, si généreuse de m’avoir accordé cinq minutes pour assouvir un besoin naturel.

Suis-je un arbre, avec ce tissu vert que je porte ? Ce tissu de mauvaise qualité, peu coûteux, rapporté par ma mère, commençait à se débarrasser de ses couleurs à chaque lavage hebdomadaire. Ma tenue militaire était devenue beige, j’étais différente et heureuse de l’être et, chaque fois que la monitrice m’en parlait, je lui répondais :

« je suis pauvre, ils ne peuvent m’acheter un nouvel uniforme», je m’excusais avec pudeur, alors elle acceptait et me disait de disposer. Mon uniforme était large, je portais la ceinture à la taille, ce qu’on appelait « annitaq », il me semblait que c’était une ceinture de chasteté. Je mettais également les grades aux épaulettes, je ne commettais aucune infraction. Je portais le képi militaire dans la cours de récréation, cachais mes yeux éteints et apeurés. Une seule question me turlupinait : Hafez Al Assad mangeait-il les pépins de courge, seul ou quelqu’un les lui décortiquait-il avec les dents pour en extraire la pulpe délicieuse ? Et si quelconque le faisait pour lui, n’était-il pas dégoûté ? Malgré son pouvoir de d’assouvir tous ses désirs, il ne peut qu’être dégoûté. J’aimais les pépins de tournesol, peu onéreux et très répandus en Syrie.

Les jours suivants, j’ai appris que le lynchage et la brutalisation de la fille qui partageait mon banc de classe, était dû à la « défiguration » du martyr Bassel Al Assad. J’ai voulu savoir comment elle l’avait défiguré ? Le martyr avait-il perdu son visage dans la tombe ? Les thèses se condensaient dans ma tête et en vérité j’ignorais comment quelqu’un pouvait déformer le visage d’un absent, mort en l’occurrence. J’ai glissé ma main dans le tiroir de ma compagne et, j’ai découvert une photo de Bassel Al Assad. Une partie du visage était déchirée, à l’emplacement de la bouche, je me suis dit : « le voilà sans bouche, réduit au silence, mort et hideux ». Mais la fille n’est jamais revenue à mes côtés. Etait-elle morte ?

Je quittais la classe, à chaque cours, je me cachais derrière les ombres, je fuyais, m’envolais, me baladais dans la ville et, le plus étrange était que je laissais mon âme suspendue, comme un ballon, par un mince fil. Mais dès que la maîtresse me parlait ou m’interrogeait, je lui donnais les réponses qu’elle attendait, immédiatement, j’étais programmée selon leur volonté. Je considérais mon âme, mon intérieur comme une chose à part, où le mensonge, l’hypocrisie politique n’existent pas.

(Source : Muzaffar Salman)

(Source : Muzaffar Salman)

Quelques jours après l’incident de la fille, j’ai apporté des photos de Bassel Al Assad que j’ai mises dans mon cahier. Je les contemplais durant les cours et il était de mauvais aloi qu’un professeur s’en récrimine parce qu’il s’agissait des photos de Bassel Al Assad. Je réagissais avec une totale hébétude, une passivité quasi systématique, afin de me débarrasser de toute obligation. J’avais une irrésistible attraction vers la perfection de l’image, attentive à sa contemplation, je cherchais à comprendre, quel est le secret de ce défunt ? Jusqu’à l’arrivée d’une amie qui me dit : « c’est un homme mauvais », je lui demandais : « comment le sais-tu ? » Elle répondit que le fils du président avait intercepté le passeport de l’amie de sa mère, pour l’empêcher de voyager à l’étranger, parce qu’elle lui plaisait.

J’eus l’envie de me débarrasser des photos et, par crainte de ne laisser aucune trace, je déchirais les photos dans une assiette vide et les brûlais jusqu’à ce que leurs cendres se confondent avec la couleur blanche de l’assiette. A la maison, je cessais de m’alimenter. Je devins extrêmement maigre, famélique sous l’uniforme militaire obligatoire, comme si j’étais un conscrit punissable d’avoir enfreint un pacte militaire.

A l’époque, je sautillais beaucoup. Un matin, en allant à l’école, je sautais l’espace de cinq marches d’un coup et tombais en bas de l’escalier. Je ressentis une effroyable douleur au pied, une douleur terrible et lancinante, mais j’ai poursuivi mon chemin à l’école. Durant le cours scolaire militaire, la monitrice nous alignât pour les exercices physiques. Je souffrais le martyr en silence, retournant dans ma tête une phrase, m’exerçant à la manière de l’exprimer : « j’ai mal, je me suis cassée le pied », je la répétais maintes et maintes fois, en remuant mon pied avec une extrême lenteur, exécutant les ordres et exercices militaires. Je faillis m’effondrer et criais enfin : « Mademoiselle, s’il vous plaît, je me suis cassée le pied ». Je ne sais plus de quelles ignobles injures elle m’abreuva, me sommant de ne pas quitter ma place, de poursuivre les exercices et de me taire.

Mais après coup, ce dont j’ai le souvenir et jusqu’à ce jour, c’est qu’à chaque fois que je touche la cambrure de mon pied, je suis surprise par la présence d’une excroissance osseuse, là où la fracture s’est consolidée, suite à une malencontreuse négligence.

J’appelle cette protubérance osseuse « humaine » qui émerge de mon pied, l’os du BAATH, l’os du Parti axiomatique, la Syrie. Et j’hésite à corriger sa difformité par une chirurgie esthétique, parce que la mémoire n’est pas corrigible.

L’uniforme militaire porté dans les collèges et les lycées était un habit qui recouvrait les corps des jeunes filles et des jeunes hommes. Je ressentais que mon corps cachait une belle énigme, mon sein s’évanouissait sous l’énorme poche conçue sur le devant de la veste. Nous avions l’innocence des arbres, écrasés comme si nous étions des soldats félons.

Mais je me souviens aussi, lorsque la directrice du lycée introduisit des camarades masculins (de la jeunesse baassiste) et que le premier harcèlement subi dans ma vie fut à l’intérieur même de l’école. Je fus molestée par l’attouchement du camarade, effrontément. On leur permettait d’entrer à l’école et de s’amuser avec les mineures. Plus tard, je découvris que le groupe du Parti était le lieu d’agressions sexuelles sur les jeunes filles qui acceptaient de rester après la fin de la réunion de la jeunesse baassiste. Toutes étaient mineures. Damas était une ville complaisante et disponible à la militarisation, l’esclavage et l’inutilité. Au nom des concepts du Parti Arabe Socialiste du Baas existentialiste. Et, au nom du leader (al mufadda = pour lequel on sacrifierait sa vie) Hafez Al Assad, Patron de la Jeunesse, Protecteur des demeures contre le féroce ennemi israélien.

 

(Paru dans Al Jumhurya le 28/3/2016)

Renvoyé Spécial à Créteil : « L’Afghanistan, mon paradis perdu…»

[Par Bernadette COLSON]

Le bi- place posé à une aile d’avion de l’entrée principale du lycée est là pour nous rappeler la présence sur le site d’un club aéronautique et l’implication du lycée Edouard Branly de Créteil dans les projets scientifiques. Ce mardi 22 mars, on peut aussi y voir l’envol de la curiosité de lycéens de Seconde, piqués au vif du jeu des questions/réponses, grâce à la profondeur dramatique de la parole de Khosraw  Mani, journaliste et écrivain afghan, renvoyé spécial de la Maison des journalistes .

©Lisa Viola Rossi

©Lisa Viola Rossi

Pour présenter « son pays », Khosraw  invoque un passé plus lointain, celui qui a laissé  des vestiges des civilisations persanes, il évoque Hérat « la ville la plus artistique », avec une école datant du XVème siècle à l’origine des plus beaux chefs d’œuvre de la miniature persane, et puis Balkh d’où est originaire le poète Roumi (1207-1273) mystique persan qui a influencé le soufisme, et encore Kandahar, « berceau du bouddhisme ». Son prochain roman, en anglais, a pour toile de fond une fresque  historique sur sa ville natale, Kaboul, depuis la première guerre anglo-afghane de 1839 jusqu’à l’arrivée des Talibans en 1992.

Le présent de l’Afghanistan pour Khosraw, c’est « une histoire pénible » dont il s’excuse devant son auditoire, dans un français très châtié. A 29 ans,  il a toujours connu son pays en guerre.

« J’étais enfant quand les Talibans étaient au pouvoir, la musique était interdite, la barbe pour les hommes et la mosquée étaient obligatoires. J’ai porté un turban. Je m’en souviens, j’ai vécu ça. Une seule personne, le commandant Massoud a lutté contre les Talibans. En septembre 2001, il a été tué par deux faux journalistes tunisiens, juste avant les attentats contre le World Trade Center. Ben Laden n’a pas été livré aux Américains car c’était contraire à la culture d’hospitalité  de mon pays. J’étais lycéen comme vous, poursuit-il, à la chute des Talibans en 2001, une république islamique s’est mise en place, l’espoir est revenu. Mais en 2005, les Talibans ont resurgi, maintenant ils sont partout. Sous les Talibans, la vie est interdite, on n’a pas le droit d’être vivant ni joyeux. Aujourd’hui la violence est présente au quotidien, celle des attaques des insurgés contre les forces afghanes, celle des attentats des terroristes de l’état islamique. J’ai survécu à deux attentats suicide où quatre de mes amis sont morts. »

©Lisa Viola Rossi

©Lisa Viola Rossi

En 2008, étudiant en droit et sciences politiques, sa passion est déjà le journalisme et l’écriture, il s’exprime dans un petit journal révolutionnaire qui donne la parole aux étudiants. Deux ans plus tard, il travaille pour la radio Free Europe sur des reportages sur la vie sociale et l’histoire des intellectuels.

La situation de la presse est alors en train de changer. La liberté d’expression qui s’était développée après 2001 est prise dans une spirale descendante avec la multiplication des intimidations, menaces et agressions contre les journalistes, « les journalistes libres », ceux qui traitent des questions sensibles comme le droit des femmes, la corruption, les extrémismes, les chefs de guerre. Ces atteintes à  la liberté de la presse émanent aussi bien de membres du gouvernement que des insurgés. Elles croissent d’autant plus qu’il n’y a pas de réponse judiciaire à ces exactions.

En 2012, deux motards agressent Khosraw quand il rentre chez lui. « La première chose que j’ai sentie c’est un coup derrière ma tête, raconte-t-il, la seule chose que j’ai faite a été de crier, des gens sont venus à mon aide, les agresseurs se sont enfuis ; une semaine avant cet incident, un ami avait été tué. Ma mère m’a dit : tu ne peux plus travailler là, je ne veux pas perdre mon fils ! »

En 2012, toujours pris par la passion du journalisme, il travaille pour la presse écrite, il est responsable d’un journal littéraire. En 2015, il écrit un article sur le site de la BBC à propos d’une jeune fille lynchée à Kaboul, le 19 mars, car elle osait s’adresser à un mollah. Dans cet article, il y dénonce « la religion comme identité alors qu’elle doit rester une affaire privée » et « le gouvernement corrompu qui a permis aux extrémistes d’être actifs dans la capitale ». En juin 2015, il publie un roman dans lequel il critique les modèles culturels et sociaux de l’Islam politique. «J’ai fui après cela, précise-t-il. Je suis arrivé le 31 août à Paris ».

Il ne rentrera pas dans son pays tant que la situation sera dangereuse pour les journalistes. Huit d’entre eux sont morts dans un attentat en janvier dernier. « J’ai envie de vivre », répond-il à Amar qui l’interroge.

« L’Afghanistan est miné par une guerre religieuse et ethnique, explique-t-il.  Nous avons subi  l’introduction de l’idéologie communiste dans notre pays dominé par le système féodal puis celle du fondamentalisme religieux. Mais nous sommes aussi responsables, nous les Afghans, de cette situation,  nous sommes le problème, nous devons trouver des solutions ».

Khosraw a du mal à imaginer aujourd’hui son pays en paix, mais pourtant, tient-il à préciser « sans la guerre, l’Afghanistan, c’est mon paradis, mon paradis perdu ».

©Lisa Viola Rossi

©Lisa Viola Rossi

Il a choisi la France comme terre d’exil, parce qu’il est écrivain et que Paris est le seul lieu où il « se sente calme et où il est toujours occupé ». Il a vécu les attentats du 13 novembre avec « sang-froid ». « Pour cette raison, dit-il,  j’ai eu peur de moi-même, ce n’est pas normal de ne pas craindre les attentats ». Dans son envie de vivre, il y a aussi la volonté de cet intellectuel afghan de retrouver des émotions « humaines ».

Devenir citoyen, devenir acteur, se former, tel est l’intitulé du projet d’établissement du lycée Edouard Branly de Créteil. On peut y ajouter …se mettre dans la peau d’un journaliste. Les élèves de Seconde encadrés par Sophie Hervas, professeure

documentaliste, et Clothilde Immel, professeure d’histoire-géographie ont bien joué leur rôle d’intervieweur. Dans le cadre de leur projet d’éducation aux médias (PEM), ils ont eu, pour l’instant, trois heures de cours sur les écrits journalistiques. Dans les jours qui viennent, ils devront choisir entre la brève, le reportage ou l’interview pour rendre compte sur le blog du lycée de leur rencontre de deux heures avec Khosraw Mani. Ils n’ont pas eu le temps de prendre des notes mais leur attention a été soutenue et leurs questions bien réfléchies.  Mais surtout les réponses de Khosraw  parlent au cœur et ne peuvent s’effacer facilement.