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Affaire Marafa Hamidou Yaya : les sorciers noirs sortent de l’ombre

[Par René DASSIE]

Image tirée par Agence Ecofin

Marafa Hamidou Yaya. Image tirée par Agence Ecofin

Après les révélations de l’ex-prisonnier Michel Thierry Atangana sur la popularité aux États-Unis de Marafa Hamidou Yaya, l’ancien ministre camerounais de l’Administration condamné à 25 ans de prison pour des détournements de fonds qu’il a toujours niés et considéré par la communauté internationale comme un prisonnier politique, on se doutait bien que les francs-tireurs du régime de Yaoundé sortiraient de l’ombre pour réagir. Et ils n’ont pas tardé : la romancière Calixthe Beyala et un lampiste exilé en Amérique se sont relayés dans les médias pour répandre, à force de calomnie et de diffamation, leur venin sur le célèbre pensionnaire du Secrétariat à la Défense de Yaoundé.

La récente sortie de Calixthe Beyala, romancière anciennement célèbrene surprend que ceux qui pensent à tort que son engagement désintéressé en faveur des droits de l’homme se poursuit encore. En réalité, l’auteure de La plantation, roman polémique dans lequel elle prend la défense des fermiers blancs victimes de la redistribution des terres orchestrée par le président Robert Mugabe, se serait inscrite depuis longtemps chez ces panafricanistes alimentaires qui écument les plateaux de télé chaque fois que la moindre critique est émise à l’endroit des Africains ou d’un dictateur du continent pour crier leur rage feinte, inhibant du même coup toute amorce d’autocritique chez les concernés. Le nouveau pouvoir ivoirien l’a accusée d’avoir marchandé son activisme bruyant en faveur du président déchu Laurent Gbagbo et une procédure judiciaire avec commission rogatoire a été initiée contre elle pour “recel de fonds volés ou détournés et blanchiment de capitaux”. On la sait à tu et à toi avec le Président Paul Biya. Chacun le sait: c’est socialement sécurisant d’avoir des amis riches et puissants.

Qu’elle vienne de la sorte déclarer sur la chaîne privée camerounaise Canal 2 que c’est M. Marafa qui organisait la fraude électorale au Cameroun participe aussi d’une stratégie de contre-attaque face à la popularité grandissante de l’ancien ministre qui, depuis sa prison, continue, par une correspondance régulière, à se préoccuper de l’avenir de son pays. Il s’agit manifestement d’une tromperie.

Pour rétablir les faits, il convient de rappeler le rôle joué par Marafa Hamidou Yaya dans le processus électoral camerounais. Après une longue carrière à la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et un passage à la Présidence de la République comme conseiller spécial, puis secrétaire général, celui-ci ne devient ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation que fin août 2002. C’est-à-dire dix (10) ans après la première élection multipartite camerounaise, celle de 1992.

On sait d’ailleurs dans quelles conditions il débarque dans le processus électoral: il doit rattraper in extremis le fiasco des élections couplées, municipales et législatives, de 2002. Le ministre Ferdinand Koungou Edima s’est montré complètement défaillant, et des départements entiers n’ont pas reçu de bulletins de vote, tandis que d’autres se sont retrouvés avec des cartons qui ne leur étaient pas destinés. L’élection a été reportée le matin du vote. Les observateurs de la vie politique camerounaise, depuis le retour au multipartisme, savent qu’on frôle alors une crise et que, le contexte électrique aidant, la paix sociale est menacée. Il faut en urgence un pompier. M. Marafa, encore Secrétaire général de la Présidence de la République, se voit déléguer le rattrapage du scrutin : il a dix (10) jours pour y parvenir. S’il réussit son coup, ses proches savent qu’il y laisse des plumes. Épuisé par le manque de sommeil, il manque de peu d’y passer.

Dans sa lettre ouverte adressée à Paul Biya moins d’un mois après son arrestation mi-avril 2012, il fait savoir au Président que bien qu’il ait toujours été loyal à son égard, il n’a jamais abdiqué son indépendance d’esprit et sa liberté de parole. De sorte qu’après la présidentielle de 2004, il lui avait rappelé que, le septennat en cours étant son dernier mandat, il fallait se mobiliser pour le succès des «grandes ambitions (…) afin que votre sortie de la scène politique se fasse avec fanfare, que vous jouissiez d’un repos bien mérité, à l’intérieur de notre pays». De là à dire qu’il fut à la manœuvre pour prolonger le séjour du Président Biya à la tête du pays, c’est prendre des vessies pour des lanternes.

Le lampiste de Boston. S’il ne traitait pas de sujets graves engageant la vie et l’honneur d’un homme, on ne se serait pas attardé outre mesure sur le texte écrit avec la tonalité, le vocabulaire et l’argumentaire d’une conversation de bistrot par un Camerounais qui se présente par ailleurs comme un professeur de lettres vivant aux États-Unis.

Allant plus loin que la romancière parisienne, celui-ci accuse M. Marafa d’avoir rempli les prisons camerounaises et d’être le favori intéressé des occidentaux dans la course successorale à la tête du Cameroun.

Il convient à ce sujet de rappeler qu’au Cameroun, contrairement à d’autres pays, la police et la gendarmerie ne font pas partie du ministère de l’Administration du territoire, mais relèvent d’entités ministérielles autonomes rendant compte directement au chef de l’État (respectivement la Délégation Générale à la Sûreté Nationale et le secrétariat d’État à la Défense, anciennement Délégation Générale à la Gendarmerie Nationale), et que M. Marafa n’a été ni Délégué général à la Sûreté Nationale (police) ni Secrétaire d’État à la Défense (gendarmerie), encore moins juge aux ordres de l’exécutif ou ministre de la Justice. Comment aurait-il donc pu exercer des attributions qui ne relevaient pas de son domaine de compétence? À l’opposé, l’honnêteté commande de constater qu’il n’a pas ménagé ses efforts pour moderniser la gestion du Cameroun. La décentralisation du territoire par exemple porte l’encre indélébile de sa signature.

Si l’on l’apprécie M. Marafa, c’est que sa personnalité et sa probité morale en imposent.
Et la comparaison avec des personnages comme Jean Marie Pougala, « géostratège » autoproclamé, confus et douteux, qui écrit comme il parle avec le même langage approximatif et traite Nelson Mandela de traître, tient de la plaisanterie de mauvais goût.

Tous ceux qui ont pu le voir, même en prison, comme Dominique Sopo, économiste et ancien président de Sos Racisme, ont tout de suite perçu la dimension d’homme d’État de M. Marafa. Les Camerounais sont un peuple mature et savent distinguer le bon grain de l’ivraie. Si aujourd’hui, toutes ethnies et confessions religieuses confondues, ils adhèrent à sa vision d’un pays sûr et prospère, c’est sans doute parce qu’ils comprennent, en considérant son parcours et en lisant les tribunes qu’il leur offre depuis sa cellule comme des lampes pour les éclairer sur leur avenir, qu’il se place largement au-dessus du lot et sait faire abnégation de sa propre personne pour s’occuper des problèmes bien plus importants de ses deux dizaines de millions de concitoyens. C’est effectivement comme si la séquestration dans une zone de non-droit avait libéré une parole indispensable, trop longtemps contenue. L’histoire de la vie des nations montre que les réformateurs les plus efficaces sortent souvent du sérail. L’actuel président du Sénégal par exemple, Macky Sall, a été tour à tour ministre et Premier ministre d’Abdoulaye Wade avant de passer à l’opposition et de ravir la présidence de la République à son ancien mentor, à l’issue d’un scrutin électoral exemplaire.

Présenter M. Marafa comme le « bon valet » qui irait brader son pays aux occidentaux en échange de leur soutien traduit une méconnaissance totale de la géopolitique actuelle. Confrontés à une crise économique qui perdure et régulièrement critiqués pour leur passé colonialiste, les Etats occidentaux n’ont aucun intérêt à voir émerger en Afrique des tyrans incompétents qui sèmeraient le chaos, détruiraient des vies humaines et leur enverraient des vagues de réfugiés et exilés économiques qu’ils ne savent plus gérer. Cela coûte cher à l’État français par exemple, d’avoir à intervenir au Mali pour sauver les institutions menacées par une rébellion djihadiste ou d’aller en Centrafrique stopper une guerre d’épuration ethnico-religieuse déclenchée dans la confusion d’un coup d’État militaire. C’est-à-dire que des pays africains politiquement stables et économiquement viables arrangeraient les affaires des pays développés. Eu égard à leur longue expérience de la démocratie, les dirigeants de ces pays savent qu’en politique, l’homme providentiel n’existe pas. Seuls comptent le projet et la capacité à le défendre. M. Marafa n’a sur ce plan jamais demandé à personne de l’installer au pouvoir. Son souhait a toujours été qu’on aide son pays à s’installer dans la modernité et le développement.

Qu’on continue à l’attaquer aujourd’hui, après lui avoir collé une affaire – dans laquelle le procureur de la République a lui-même reconnu qu’il n’avait aucune responsabilité – n’est que la suite logique d’une opération de diabolisation qui a commencé bien longtemps avant son arrestation. Au Sénégal, Macky Sall fut accusé de blanchiment d’argent avant de bénéficier d’un non-lieu. Cela ne l’empêcha pas d’être ensuite élu président par un peuple qui avait su garder sa lucidité.

La leçon de courage de Michel Thierry Atangana : « La foi m’a permis de tenir », affirme l’ex prisonnier

[René DASSIE]

renedassie@sfr.fr

Lors de sa première sortie officielle samedi 1er mars au siège de Sos Racisme à Paris, Michel Thierry Atangana a fait part de la force de conviction qui lui a permis de survivre dans des conditions extrêmes pendant ses dix-sept ans de prison. Il a aussi insisté sur son innocence et rendu un hommage appuyé à Pius Njawé, l’ancien patron du quotidien Le Messager  qui fut le premier journaliste camerounais à s’engager en faveur de sa libération.

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« J’ai passé dix-sept ans avec une pointe d’oppression qui s’appellent le silence. Le code de détention qui était le mien m’interdisait de dire un seul mot à l’extérieur, sauf devant les juges. Et j’ai tellement parlé devant les juges et je n’ai pas tellement été entendu. Aujourd’hui je me retrouve avec des juges, mais vraiment de bons juges, ceux qui acceptent de m’entendre et de ne pas m’appliquer la présomption de culpabilité avec laquelle j’ai vécu pendant 17 ans. Dans mon affaire, la présomption d’innocence n’a jamais existé ».

 

Au siège de Sos Racisme sur la rue de Flandre dans le 19 e arrondissement de paris ce soir du samedi 1er mars , les premiers mots de Michel Thierry Atangana mettent un terme à la joyeuse agitation qui a suivi son arrivée. L’ancien prisonnier veut dire dans quel état d’esprit il a vécu ses dix-sept années de détention, mais surtout rendre hommage à ceux qui l’ont accompagné dans son combat.  Avant de prendre le micro devant le logo géant de l’association, la célèbre paume de main jaune portant l’inscription« Touche pas à mon pote », sous le crépitement des appareils photos,  M. Atangana a fait le tour de la cinquantaine de personnes, parents, soutiens et associatifs venues l’accueillir. Il a touché et embrasser la plupart de ses hôtes, un peu comme si le contact humain lui permettait de vérifier  qu’il ne rêvait pas, qu’il était bien vivant, et libre. Le choix de Sos Racisme comme premier lieu de prise de parole en public depuis son arrivée en France une semaine plus tôt s’est imposé tout seul, eu égard à l’implication de l’association dans sa libération.

Chemise clair et pull noir col en v, Michel parait récupérer rapidement. On reconnait à peine l’homme dont on avait, il y a à peine dix jours, que quelques photos décrivant sa détresse dans une cellule de sous-sol  humide et aveugle, si étroite qu’il ne pouvait y étendre les deux bras à l’horizontale. En l’examinant, les médecins militaires se sont d’ailleurs montrés surpris. « A l’hôpital des armées, un médecin s’est tourné vers moi et m’a dit, « dis-moi comment tu as fait pour survivre…. Il faut l’enseigner aux militaires qui demain iront en guerre ! Expliquez-nous comment on peut avoir vécu dans ces conditions et être debout aujourd’hui », rapporte-t-il.

 

La force de la foi

 

Avec Amanda Njawé, femme noire avec chaine en or

Avec Amanda Njawé, femme noire avec chaine en or

Michel Thierry Atangana explique qu’il a tiré de sa foi chrétienne le courage nécessaire pour faire face aux épreuves qu’il a subies. Catholique pratiquant, il revenait d’ailleurs de la messe lorsqu’il fût interpellé par la police camerounaise en avril 1997. En prison, il continuera à prier, à se rapprocher de Dieu. Il peut ainsi résister à toutes sortes de tentations, notamment la trahison, lorsqu’on lui proposera de dénoncer , en échange de sa propre liberté, son compagnon d’infortune, l’ancien ministre Titus Edzoa condamné pour les mêmes faits et aux mêmes peines que lui. Il refusera.

Il y a quatre ans, alors qu’il abordait sa treizième année de détention, le journaliste Bosco Tchoubet, patron de la radio TBC à Yaoundé relevait et saluait cette attitude immuable. Michel Thierry Atangana explique d’ailleurs qu’il était prêt à donner sa vie . « Il faut réaliser que la mort est possible pour la défense de ses idées. Quand on a une conviction, il faut accepter de la garder de la préserver, de la nourrir même s’il faut en mourir. J’étais prêt à mourir. Je vous le dis sincèrement », assure-t-il.

Il est alors d’autant plus déterminé, qu’il sait n’avoir rien à se reprocher, en dépit des contre-vérités savamment distillées par les autorités camerounaises sur sa nationalité et sur sa fortune supposée.  « Les rumeurs ont couru mais je n’ai jamais triché sur ma nationalité française. Je suis arrivé au Cameroun avec l’intention d’investir et j’ai obtenu pour cela une carte de séjour. Il s’agissait de doter le pays en  infrastructures structurelles et de créer des emplois. Le combat que vous avez soutenu, il faut le redire, est un combat noble et juste», lance-t-il à l’endroit de ses soutiens. Et d’ajouter, au sujet de la fortune qu’on lui a prêtée : « J’ai subi sept commissions rogatoires, c’est-à-dire qu’on vérifie ma vie dans le monde entier. Un jour, un militaire m’a dit à la fin d’un long interrogatoire que j’étais selon lui le seul homme apte à exercer la charge d’homme d’Etat, parce que de toutes les personnes qu’il avait interrogées,  j’étais le seul propre. Un ministre [camerounais] a écrit dans un journal que j’étais devenu fonctionnaire. Ce n’est pas vrai. Je suis resté dans le cadre de mes activités privées. Je n’ai pas trahi la France. Je n’ai pas trahi mes idéaux, je suis resté fidèle», jure-t-il.

 

Le soutien inattendu de Pius Njawé

Avec Etienne et Éric ses deux fils

Avec Etienne et Éric ses deux fils

 

On lit dans la Bible qu’avec la foi, on peut soulever des montagnes. Le Ciel semble avoir fini par entendre les prières de M. Atangana et à provoquer un renversement de situation en sa faveur. Plusieurs personnalités vont travailler bénévolement pour lui. Elles créeront une synergie qui conduira à sa libération.

Parmi elles, Pius Njawé, le défunt patron du quotidien camerounais Le Messager. Chrétien lui aussi, il publie, dans les dernières années de sa vie, des maximes religieuses en première page de son journal. Mais surtout, c’est un homme qui a voué sa vie au combat contre l’injustice. M. Njawé qui comme tout Camerounais n’a pas échappé à la propagande officielle qui a rendu illisible l’affaire Atangana décide de voir clair dans son dossier.  Après un long travail d’investigation, sa conclusion est sans appel : « Michel Thierry Atangana est victime d’un règlement de comptes politiques. Son cas démontre à suffire, l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par le pouvoir en place », déclare-t-il à ses confères. Il fait de la libération de M. Atangana une priorité. Pour rencontrer celui-ci à qui la presse n’a pratiquement pas accès, M. Njawé fera usage d’une fausse identité, pour déjouer l’attention des gendarmes qui le gardent. «Quand Pius décide de débarquer au SED avec sa casquette, tournant le dos aux militaires, il s’assied à côté de moi et m’écoute, après avoir été abreuvé de mensonges pendant tant d’années, sachant aussi que tous les journalistes m’avaient tourné le dos, parce que pendant 28 mois je ne sortais de ma cellule qu’une heure par jour, j’étais enfermé 23 heures sur 24 », se rappelle ému,  Michel Thierry Atangana. «  Si je souhaite laisser une trace sur terre, c’est d’avoir participé à la libération d’un innocent », lui promet le patron du Messager.

Pius Njawé met en place en place au Cameroun le premier comité de soutien au prisonnier, à partir de l’année 2009 et en prend à la direction. Deux fois par semaine, il tient une chronique sur l’affaire dans son journal et entame une tournée de sensibilisation. « C’est lui qui ramène la vérité dans cette affaire », reconnait aujourd’hui Marc Ndzouba, l’actuel président du comité camerounais de soutien à Michel Thierry Atangana. En juin 2010, avant de se rendre aux Etats-Unis où il trouvera la mort dans un accident de la circulation, Pius Njawé s’arrête à Paris, le temps d’une conférence de presse consacrée à l’affaire Atangana, au Centre d’accueil de la presse étrangère de Radio France. « Il s’est battu pour moi. [Grâce à lui], une génération de lycéens camerounais et africains a commencé à s’intéresser à mon affaire. J’ai aussi commencé à voir des foules s’organiser pour venir à mon procès », témoigne M. Atangana. Après le décès de Pius Njawé, un autre journaliste du Messager, le pasteur Robert Ngono Ebodé prendra le relai au comité de soutien. Il décèdera huit mois plus tard, d’une crise cardiaque.

 

Comité français de soutien

 

De plus en plus sensibilisée, la France s’implique peu à peu dans la libération du prisonnier. Ce mouvement prend de l’ampleur après l’élection présidentielle de 2012 et l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Fortement ému par le sort de M. Atangana, le nouveau président, François Hollande s’engage en faveur de sa libération. Un comité de soutien voit le jour à Paris, piloté par Dominique Sopo, l’ancien président de SOS Racisme et Ibrahim Boubakar Keita, vice-président de cette association et président de BDM TV. La famille française de M. Atangana n’est pas en reste. C’est non sans appréhension que Michel Thierry Atangana du fond de sa cellule, découvre ses deux enfants dans les médias audiovisuels. L’aîné avait cinq ans au moment de leur séparation. Il est désormais un jeune adulte. « Quand je vois ce qu’Éric a fait… Parfois quand il parlait à la radio, je ne voulais pas l’écouter ; j’avais peur de le voir à la télévision. Un jour j’ai eu le courage, il était avec Dominique Sopo chez Paul Amar, j’étais tellement étonné de penser que j’étais son père», avoue-t-il. Et de poursuivre : « C’est terrible de voir son fils et d’être étonné d’en être le père. Éric a entrainé et encouragé Etienne son petit frère, ils ont encouragé leur mère, cela m’a permis d’avoir ce soutien, cette affection, qui n’a pas de prix ».

Témoin lui aussi de la ténacité de son client, l’avocat Dominique Tricaud qui défend bénévolement Michel Thierry Atangana depuis des années,  multiplie les initiatives. C’est lui qui saisit le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Dans un avis publié en février, cet organisme ajoute la voie des Nations Unies aux demandes de libération du prisonnier qui pleuvent sur le Cameroun. « Me Tricaud a pris des risques, il ne m’a jamais rien demandé. Aucune note de frais. Je voudrais qu’il sache qu’il n’a pas eu tort de me faire confiance. Me Tricaud n’a pas placé sa confiance dans le néant. Sa cause est noble et juste», commente M. Atangana.

Aujourd’hui, Michel Thierry Atangana entend reconstruire sa vie, être utile à son prochain.« J’ai quitté mes enfants, ils étaient enfants. Ils ont perdu un père. A mon retour j’ai trouvé des adultes et ils ont retrouvé un grand-père avec les cheveux blancs. Mais ce qui importe c’est l’amour qui nous lie » « Je suis debout, fier de vivre, j’aime la vie. Je veux vivre. Je n’ai jamais eu l’intention de me suicider. Lorsque j’étais encore en prison, j’avais appris que les lycées se suicidaient. Passez le message, s’il vous plait.Aucune cause ne justifie le suicide. Battons-nous, restons debout, quitte à y laisser nos vie, mais sans nous la retirer nous-mêmes. Les hommes qui s’engagent autour de nous sont des hommes courageux. Soyons dignes de ce courage », lance-t-il à l’endroit des jeunes de France. Un pays duquel, dit-il, il ne faut jamais désespérer.

 

Réactions

Avec Sacha Reingewirtz

Avec Sacha Reingewirtz

Dominique Sopo président du Comité de soutient

C’est un beau combat qui se finit de façon très heureuse. Le fait que nous ayons pu récupérer Michel est aussi dû à sa force morale et c’est finalement un bel espoir pour tous ceux qui souffrent aujourd’hui dans des conditions d’injustice comme il a pu souffrir. Cet exemples de ténacité, d’opiniâtreté, d’envie que justice que soit faite, il faut aussi dire merci à Michel parce que c’est grâce à des exemples comme le sien que d’autres personnes tiennent et ne désespèrent pas. il y a aussi l’avenir. Nous serons toujours là pour faire en sorte que Michel soit innocenté, même si personne aujourd’hui ne doute plus de son innocence après qu’il ait été sali pendant des années, c’est quelque chose de très dur sur le plan moral. On l’a accusé d’avoir voulu faire des coups d’Etat, d’avoir volé de l’argent, je ne sais quoi d’autre. Plus personne aujourd’hui ne peut plus croire à de telles fariboles, mais ce serait bien que ce soit officiel.

Sacha Reingewirtz Président de l’Union des étudiants juifs de France ( UEJF)

«  Il y a tellement de joie et d’espoir qui se dégage que j’en perds mes mots…..En tout cas, il y a un proverbe dans la tradition juive qui dit que « qui sauve une vie sauve le monde ». La libération de M. Atangana c’est vraiment un espoir pour les gens qui se battent pour la démocratie et la liberté. Les dirigeants et militants de SOS Racisme qui ont participé ont prouvé toute leur efficacité dans les combats qui sont menés en France, mais aussi de par le monde »

Sonia Aïchi, Présidente Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL)

C’est une énorme fierté, un honneur extrême d’avoir participé à ce combat. Aujourd’hui Michel Atangana c’est pour les lycées, tous les jeunes, le combat à part entière, c’est croire à la liberté, c’est croire en des valeurs que nous portons depuis très très longtemps et on est vraiment content qu’il soit là aujourd’hui.

Marc Nzouba, Comité de soutien, Cameroun

Michel Thierry Atangana a permis que beaucoup de Camerounais soient libres.  Des milliers de camerounais. Il a surtout permis de comprendre qu’un homme peut se battre pendant des années et réussir son combat contre un régime, le régime du Cameroun, le régime de Paul Biya qui a fini par plier. Et aujourd’hui, c’est une fierté, c’est également une leçon à la jeunesse : on, peut résister contre l’injustice. C’est d’ailleurs la première partie du combat. Voilà un homme qui débarque en Afrique pour aller développer un pays, celui qui l’a fait naitre. Malheureusement, la machine a failli l’écraser. Il y a laissé dix-sept ans de sa vie et aujourd’hui il est libre. Les jeunes doivent le prendre en exemple. Le combat de SOS racisme a fait naitre une branche de SOS racisme au Cameroun. Il est l’un des promoteurs et le président délégué. Avec son concours, cette entité deviendra comme celle de la France. Elle finira par être une entité africaine.

Ibrahim Boubakar Keita Porte-parole du comité de soutien en France

C’est une fierté extraordinaire pour chaque militant de SOS racisme dont nous célébrons cette année le trentième anniversaire, d’avoir contribué à la libération de Michel. SOS racisme ce n’est pas seulement la lutte contre les discrimination, le combat pour l’égalité, c’est aussi le mieux-vivre ensemble, les droits de l’homme.

 

Michel Thierry Atangana : un homme détruit pour rien

Par René DASSIE

michel atangana 1Jeune et brillant ingénieur financier, Michel Thierry Atangana, né au Cameroun, est devenu Français par naturalisation, en 1988. En 1994, il est envoyé au Cameroun, pour représenter les intérêts de grands groupes français, comme Jean Lefebvre, en activité dans le secteur routier de pays.
Comme la loi camerounaise ne reconnait pas la double nationalité, les autorités de Yaoundé lui délivrent un titre de séjour. Ses performances lui valent d’être désigné pour conduire la restructuration de la dette de certaines multinationales comme Nestlé et Phillips, dont les créances, évaluées à plusieurs milliards de Francs CFA, la monnaie locale, sont en souffrance dans ce pays d’Afrique centrale.
Parallèlement, Paul Biya, le président du cru, le nomme, par décret, président du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers (COPISUR). Sa mission ? Trouver des partenaires internationaux, capable de mettre sur la table les quelques 332 milliards de Francs CFA qui manque à l’Etat, pour financer ce projet ambitieux dédié au désenclavement des trois provinces du sud du pays. La tâche est d’autant plus ardue que le Cameroun, mauvais payeur, a perdu toute crédibilité, auprès des bailleurs de fonds internationaux.
Cependant, le jeune expert financier s’y lance avec passion. Ses efforts sont en train d’aboutir avec l’engagement à ses côtés des entreprises comme Pecten, la Banque BNP, La Lyonnaise des eaux. C’est alors qu’un événement imprévu se produit au Cameroun. Début 1997, un proche du président Biya du nom de Titus Edzoa, qui a été à la fois ministre, médecin personnel et confident du chef d’Etat démissionne avec fracas et annonce qu’il se présentera à la présidentielle contre lui. Des rumeurs démenties longtemps après présentent Michel Thierry Atangana comme celui qui sera son directeur de campagne. Les deux hommes se sont connus lorsque, Secrétaire général de la présidence, Titus Edzoa était l’interlocuteur du gouvernement camerounais auprès du COPISUR que dirigeait Michel Thierry Atangana.
Paul Biya décide de sévir contre son ministre devenu opposant et commence par frapper autour de lui. Michel Thierry Atangana est arrêté en mai 1997 et placé pendant 52 jours en garde à vue. Dans un premier temps, on l’accuse de grand banditisme. Puis cette infraction, jugée grossière, est requalifiée en détournement de deniers publics. Titus Edzoa est arrêté à son tour. Au terme d’un procès expéditif et sans la présence de leurs avocats, les deux hommes sont nuitamment condamnés à 15 ans de prison.
En 2008, défiant les ordres de sa chancellerie, un magistrat courageux prononce un non-lieu total en faveur de Michel Thierry Atangana. L’Etat fait appel et réussit à infirmer cette décision historique.
Le gouvernement entame alors un nouveau procès, exactement pour les mêmes faits. Les deux accusés suivront péniblement cette deuxième procédure, fait d’audiences perlées, espacées de plusieurs semaines, qui durera trois ans. Entre-temps, la Commission nationale anti-corruption (CONAC), un organisme mis en place par Paul Biya pour traquer les détourneurs de fonds publics constate que Michel Thierry Atangana n’est coupable d’aucune maladresse financière. Rien n’y fait. La justice camerounaise poursuit son cours, et s’arrange pour que son jugement coïncide avec la fin de la première peine prononcée 15 ans plus tôt. En 2012, Michel Thierry Atangana et Titus Edzoa écopent d’une nouvelle condamnation à 20 ans de prison augmentée de 5 ans de contrainte par corps. Selon les observateurs, ce jugement vient clôturer une énorme parodie de justice au cours de laquelle les magistrats en mission commandée, auront malmené les principes les plus élémentaires de la procédure pénale. On raconte que le ministre camerounais de la Justice, Laurent Esso, pilote à distance le procès. Certains juges sont exclus de la collégialité à la fin des débats et remplacés par des collègues plus conciliants, en dépit d’une interdiction formelle de la loi camerounaise. D’autres subissent des menaces de mort. Tentant de lire un verdict qui lui a été dictée sous la contrainte, un magistrat étouffe et subi une extinction de voix. Des mallettes bourrées de billets circulent. Elles ont pour effet de fluidifier les rapports entre les juges et leur ministère de tutelle. Mi-octobre 2013, la peine est rendue définitive par la Cour suprême du Cameroun, qui, au terme d’une audience éclair, rejette, le pourvoi en cassation de M. Atangana.