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Afrique : autres temps, la France, autres votes ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

C’est depuis plus de deux décennies qu’existe le multipartisme en Afrique et que les élections s’y déroulaient. Mais, jusqu’il y a peu, celles-ci se résumaient à la pratique sinon des tricheries ouvertes, du moins à celle du vote obligatoire pour les dictateurs ou, alors, au fait de l’ignorance totale du sens de l’acte que posait l’électeur. Désormais, ce courant semble avoir rencontré des vents contraires, imposant au navire la direction vers un autre cap.

(source : aps.dz)

(source : aps.dz)

Dans un bilan à mi-parcours sur des scrutins qui ont eu lieu, en 2015, nous avons décerné, en novembre dernier, un satisfecit sur l’ensemble des opérations. Avec, toutefois, cette nuance qui voulait montrer que les contestations exprimées ici et là, accompagnées de tensions et de violence, « participaient des douleurs d’enfantement d’une Afrique nouvelle ». Nous pensons être en droit d’exprimer le même thème de satisfaction, mesurée, pour la série qui vient de se clôturer, en avril, 2016. En attendant la grande boucle avec le Gabon, en août, et la RD Congo, en novembre.

Quid de cette nouveauté, en éclosion ? Quels en sont les facteurs endogènes, d’un côté, et les influences exogènes, de l’autre ? La « neutralité » supposée de la France, considérée, jadis, comme l’ « ange tutélaire » des dictateurs, a-t-elle ou non sa part d’explication dans ce contexte précis ?

Le chiffre est impressionnant : sur 2 ans, 15 pays auront voté pour choisir leurs dirigeants, dont 10 sont d’anciennes colonies françaises. Dans ce cas-là, le mot démocratie peut être prononcé. Même sans panache. Car, dans l’ensemble, seuls le Burundi et le Congo ont droit à un bonnet d’âne, en raison de la mort d’hommes en masse, qui leur est imputable. C’est donc une évolution notable, par rapport au passé.

La raison est, d’abord, interne. Sans statistiques précises, la résorption accélérée de l’analphabétisme et l’appropriation de la révolution numérique en font des facteurs majeurs. L’Afrique vit au rythme du « village planétaire » de Mc Luhan, plongée dans la magie des « réseaux sociaux ». Un journaliste canadien résume cette réalité par l’image de la « houe et du téléphone portable » que porte, depuis, un simple cultivateur africain. D’où le réveil de la jeunesse, dans des mouvements citoyens, à l’instar de « Y’en a marre » au Sénégal, désormais vent debout contre la dictature. Corollaire ? L’extinction des dictateurs.

En externe, il y a également un changement d’environnement. Les mœurs politiques ont partout évolué. En France aussi, où la « Françafrique », qui régissait tout à la « maison Afrique », à sa guise, semble ne plus être d’actualité. C’est comme si l’Elysée, depuis un temps, a commencé à garder ses distances par rapport à la politique interne de l’Afrique. Mais, la polémique, entre ceux qui voient toujours la main de la France dans le drame du continent et les partisans d’Achille Mbembe, est encore loin d’être tranchée. Pour le penseur camerounais, « la France n’est pas notre ennemie, et nous ne sommes pas ses laquais. Il faut assumer notre indépendance en bonne intelligence avec les grandes puissances ».

Si les dictateurs, d’un côté, se raréfient et que les « Françafricains », de l’autre, disparaissent, il y a lieu de dire que les dernières élections africaines ont été « bonnes ». Puisque sans ingérence, faute d’inhibiteurs et de collusion.

 

 

 

Afrique du Sud : la vision de Mandela trahie

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

De la prison à la présidence. Telle a été l’apothéose du parcours politique de Nelson Mandela. Mais tout autant saisissant était cet espoir qu’il avait suscité de faire de l’Afrique du Sud une nation « arc-en-ciel ». Formule qui s’autorisait le rêve de voir cohabiter en harmonie les différentes communautés locales (Blancs, Noirs, Indiens, métis).

En clair, il s’agissait de maîtriser l’art du compromis entre les affres que nourrissaient les Blancs sud-africains, à la fin de l’apartheid (régime basé sur la ségrégation raciale), et les ardeurs des Noirs qui voulaient, à tout-va, vite jouir des effets de leur victoire.

L’homme était-il à la hauteur de ses ambitions ? Et, qu’en reste-t-il, aujourd’hui, 17 ans après son départ du pouvoir ?

Quand Mandela accède au pouvoir, en 1994, l’Afrique du Sud est partagée entre ravissement et sentiment de doute. L’apartheid était bel et bien aboli, mais on avait du mal à imaginer la notion de « paix des braves » faire naturellement carrière entre Blancs Sud-Africains (anciens dominateurs) et Noirs autochtones (anciens dominés). Tant ce mode de renversement des rapports de force ne rime qu’avec avec la violence.

(Source : IGEO TV)

(Source : IGEO TV)

Tel a été le cas, au Zimbabwe, au début des années 2000. Les Noirs avaient chassé 4 000 Blancs de leurs fermes, non sans effusion de sang, se disant être en bon droit de réclamer leurs « biens spoliés ».

En Afrique du Sud, par contre, Mandela a réussi à endiguer cette dérive va-t-en-guerre, alors que les crispations étaient au zénith. Aux uns, il a garanti l’application des accords signés en 1991 (Seven closes), assurant protection des Blancs, en tant que minorité ; aux autres, il est simplement parvenu à se faire écouter comme « chef et père ». A l’africaine

Absence d’un contrat social

Ainsi commença à se forger, lentement, mais sûrement, une nation « arc-en-ciel », à la recherche de l’unité. Avec, au départ, en 1995, cette image symbolique, forte, qui marquera toute la vie politique de l’ancien prisonnier : Mandela en maillot des Springbok, équipe sud-africaine « blanche » de rugby, considérée comme un des emblèmes de l’apartheid ! C’était, en Afrique du Sud, à l’occasion de la coupe du monde de rugby. Ce jour-là, dit-on, tous les mythes s’étaient écroulés !

L’après-Mandela est à situer sur un autre versant. Plutôt, celui de clivages réactivés ou imposés par le fait d’une direction politique dénuée de toute conscience nationale. Ainsi, « le pays est passé de l’apartheid racial à l’apartheid social », déplore Songezo Zib, journaliste sud-africain (*). Avec pour conséquence directe, la division dans les rangs de la communauté noire. Désormais clivée, celle-ci n’est plus un bloc monolithique. L’élite, qui roule sur l’or, se démarque clairement de la classe ouvrière. Qui broie du noir.

Les grèves à répétition dans le secteur minier – moteur de l’économie sud-africaine -, accompagnées de violence, en disent long sur l’absence d’un contrat social acceptable par tous dans ses grandes lignes.

(Source : AFP)

(Source : AFP)

Si la communauté blanche n’a pas éclaté, elle n’est pas moins bousculée par les effets néfastes de la mauvaise gouvernance du pays, qui fait que les Blancs riches sont devenus pauvres. Et les pauvres plus pauvres, au point de faire la manche. Ce qui a le don de renforcer, chez la plupart d’entre eux, l’idée de créer une « République libre ». Ce n’est pas une simple vue de l’esprit. Ils s’y préparent, militairement.

      L’Afrique du Sud se délite. A l’œil nu. Où est donc passé le grand rêve de Mandela ?

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(*) SONGEZO Zib, Courrier International, n° 1 140

2000-2015 : quels résultats du programme de l’Onu pour le progrès de l’Afrique ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le contient africain, on le sait, est ravagé par plusieurs fléaux. La pauvreté, les maladies endémiques, l’analphabétisme et les guerres récurrentes sont parmi les plus dévastateurs. Au début des années 2000, l’Onu a mis en place un programme pour les pays du Sud, avec vocation d’améliorer le sort « des plus défavorisés de la planète ». Il s’agissait des 8 « Objectifs du millénaire pour le développement » (OMD). L’année 2015 a été retenu comme date buttoir. Qu’en est-il, aujourd’hui, de l’Afrique ?

Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) [source : un.org]

Les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)
[source : un.org]


 

L’Onu a également initié, en septembre 2015 – faisant donc de cette période une année charnière -, un second programme, portant sur 17 « Objectifs de développement durable » (ODD), adopté comme le premier par tous ses 193 pays membres. Universel, celui-là, et plus ambitieux, car alignant aussi l’environnement, il va jusqu’à toucher les aspects liés à la paix, à la justice et à l’efficacité des institutions. Son échéance est fixée à l’horizon 2030. L’Afrique des dictatures s’y retrouve dans les premières loges.

Si le bilan de ce premier faisceau d’objectifs (OMD) n’est pas totalement positif, il a au moins le mérite de montrer que le mal n’est pas une fatalité. On cite en exemple la pauvreté (quand on vit avec moins de 1,25 $ par jour, seuil défini par la Banque mondiale), les statistiques prouvent que pour chaque espace de trois ans, le continent connaît une diminution de 9 millions de pauvres. Ce standard est tiré des calculs effectués entre 2005-2008 : de 395 millions de faméliques, ce chiffre est tombé à 386 millions.

(source : oeildafrique.com)

(source : oeildafrique.com)

Un autre exemple qui inspire est à trouver dans le domaine de l’éducation. En 10 ans, entre 1999 et 2009 le nombre des enfants non scolarisés a diminué de 13 millions, passant de 43 millions à 30 millions. On épingle le même « progrès relatif » dans quasi tous les autres Objectifs. Sauf dans l’univers de la mortalité infantile (avant 5 ans), où le nombre s’est sensiblement élevé, entre 2002-2014, à 174 morts sur 1 000 naissances. Comparativement, ce chiffre a baissé, un peu partout, de 90 à 43 décès sur 1 000 naissances.

Ce que, globalement, l’Afrique n’est pas encore sortie de l’auberge. Mais, pourquoi cette inhibition et comment en venir à bout ?

De but en blanc, on relèvera des « motifs classiques », telle la question liée à l’insuffisance de financement, qui exige plusieurs dizaines de milliards d’euros, ou à la situation de certains Etats, qualifiés de pauvres, par exemple ; mais à s’obstiner dans les détails, on y découvre aussi le diable : le « syndrome de Peter Pan ». Autrement dit, cette maladie liée au refus de devenir adulte. Les Africains ne veulent pas grandir. De « grands enfants », aux yeux de l’Occident.

« ODD » est déjà entré en vigueur, après « OMD ». Jusqu’en 2030. Peu de dirigeants africains y pensent. Il y a en a même ceux qui vont jusqu’à en oublier l’existence. En attendant que le continent guérisse du complexe nuisible évoqué ci-dessus, à charge pour la communauté internationale de « boucher le trou ».

 

 

L’insécurité djihadiste ronge-t-elle la France ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les 7 janvier et 13 novembre 2015 sont deux dates qui resteront dans les annales de la République française. En lettres de Sang. Elles rappellent, avec douleur, les noms de Charlie Hebdo, Hyper Casher, Bataclan…mais renvoient aussi au climat de peur et d’insécurité qui s’est installé sur la France. A preuve, les mesures de sécurité, tous azimuts, que le gouvernement a arrêtées à la veille et le jour de Noël.

©Photo: afp.com/BERTRAND GUAY

©Photo: afp.com/BERTRAND GUAY

Depuis les horreurs de janvier, la France était comme touchée dans ses tréfonds, autrement dit dans cette assurance enfouie, qui murmurait aux Français : « Allez-y, vous êtes en sécurité ». Assurance évanouie. Le carnage du 13 novembre en a rajouté une couche. Au point de bousculer certaines de leurs habitudes.

En cela, il y a ce qui est perceptible, sans appui des statistiques. C’est le cas, par exemple, de la notion de liberté de mouvement. Le Français, ce flâneur fieffé, joyeux à la rencontre de la poésie exprimant le bourdonnement de la vie en chantier, le jour, et le silence des étoiles, la nuit, le voici, brusquement, devenu casanier. Entrave djihadiste nouée au pied.

C’est le voisin de palier, désolé, qui en parle. C’est la personne assise à tes côtés dans le bus, qui le proclame. En guise d’exutoire. Ce sont des lamentations, partagées, que l’oreille enregistre, discrètement, dans un café. Enfin, c’est la présence permanente des militaires et policiers en armes, partout, qui te le rappelle. Renforcée par des mesures politiques d’exception, en vigueur, discutées à l’infini au niveau des médias.

En résumé, c’est la peur. Orchestrées par les islamistes, les tueries ont violé non seulement le « périmètre de sécurité » dans lequel les Français se croyaient vivre. Elles ont également affecté l’ « intimité de leur conscience ». De fait, va-t-on encore au concert, au cinéma, au café, sans arrière-pensée ? Voit-on encore les gens sans leur prêter un peu de suspicion ? Se sent-on encore en sécurité, partout… comme aux bons vieux jours, marqués par l’insouciance quasi absolue ?

Que nenni. La veille et le jour même de la fête de Noël en ont apporté une preuve supplémentaire. Auparavant, on allait à l’église, à sa commodité. Exit ce Noël. Les portails des églises (4 500) en France étaient gardés, par des bénévoles. Les fidèles contrôlés, jusqu’aux sacs de dames. Sous l’œil vigilant des militaires postés aux abords.

Face à la menace djihadiste, insidieuse, la parade, martiale, du gouvernement ! Normal. Il le faut (il le fallait) bien pour la protection des Français. Mais cela n’y va point sans « ronger » davantage le capital de joie et de confiance de ces derniers. Habitués à gambader, librement, dans le pré. A la recherche du plaisir et du bonheur. A moins que la guerre menée contre l’Etat Islamiste se solde par une victoire totale. Partout. Y compris en Afrique subsaharienne, où bourgeonnent déjà des ramifications.

Qui dit que la logique de métamorphose, qui a vu Al-Qaïda se muer en Daesh, ne finirait-t-elle pas par incarner un autre califat, celui de de Boko Haram, par exemple ?

 

Après la COP 21 : l’Afrique entre deux eaux ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les lampions se sont éteints au Bourget, en banlieue parisienne. Enfin, la COP 21 a vécu. Après 11 jours d’intenses tractations, du 30 novembre au 12 décembre, sur le drame climatique. Le résultat global, dit-on, semble être à la hauteur des attentes. Est-ce le cas pour le continent africain ?

plage

Au départ, il faut retenir que l’Afrique est du côté des victimes innocentes de la pollution. Selon les statistiques, elle n’émet dans l’atmosphère que quelque 4 % du CO2, alors qu’elle en subit les retombées autant que les pays fautifs. Sinon plus. En témoigne, à titre d’illustration, la disparition inexorable du lac Tchad.

C’est pourquoi, à Copenhague comme à Paris, elle a usé avec ténacité de son argument massue :« Que les pollueurs paient ». Approuvé, du reste, par le groupe des pays du Sud. Qui entendaient, en bloc, que les pays développés, pollueurs, délient la bourse pour financer leur adaptation à la « transition énergétique ». D’où l’idée d’un « fonds vert » en soutien de cette période qui s’annonce délicate.

Depuis Copenhague, la réponse des pays riches n’a pas varié. Ils ont consenti à mettre en jeu 100 milliards de dollars, par an, à partir de 2020. Un montant considéré comme plancher et non un plafond (appelé à être revu). Les détails sur la distribution de cette cagnotte ne sont pas connus. De son côté, la France a accordé 2 milliards d’euros, à verser spécialement dans la « corbeille africaine ».

Ainsi, le compte a-t-il été réglé ? En partie, car, l’essentiel est de savoir, surtout, si la « transition carbone » en faveur des énergies renouvelables sera bénéfique pour un développement exponentiel de l’Afrique. Jusqu’ici, on a moins évoqué cet aspect du problème.

A ce sujet, un regard sur la situation des pays industrialisés, qui continuent d’utiliser les énergies fossiles, 150 ans après le début de l’ère industrielle, laisse perplexe. La Chine s’y accroche encore, jusqu’à hauteur de 70 %, tandis que l’Afrique du Sud atteint le plafond de 90 %. En extrapolant, la moyenne africaine n’irait sans doute pas en deçà de ce chiffre.

C’est que, de manière générale, le continent tire encore l’essentiel de son énergie du charbon ou des hydrocarbures. Il en usera encore pendant un temps, en attendant que les nouvelles énergies prospèrent. Tout en étant placé devant un véritable paradoxe : d’un côté, tenir au respect des recommandations de la COP 21 et, de l’autre, s’appliquer au devoir de développement.

N’est-ce pas un exercice difficile pour un débutant ? Nombre d’analystes africains, cependant, y opposent l’optimisme. Ils pensent que le continent a encore la chance de faire le choix de solutions appropriées pour son avenir. « Tout est à faire », soutiennent-ils. D’où la possibilité, à leurs yeux, de créer un « stimulant économique », à partir d’un bon dosage entre charbon et éolien, par exemple.

Les Cassandre de l’économie, quant à eux, ne sont pas de cet avis. Ils n’y voient forcément qu’une catastrophe programmée. Pour eux, la notion d’aide, quelle qu’elle soit, est un « cheval de Troie ».

 

 

COP21: les exigences de l’Afrique

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Le «  drame climatique  » a finalement eu raison de l’esprit mercantile. Pays industrialisés aussi bien que ceux en développement ont accepté, après plusieurs sommets infructueux, la rencontre de Paris (COP21) comme clef de voûte. Il était impératif de peaufiner un dernier protocole, contraignant, acceptable par tous et propre à conjurer le mal. Moins sévère à l’égard de l’Afrique. 

COP21

La COP21, Paris 2015 (source: journaluniversitaire.com)

 

Le mal, c’est la pollution de l’atmosphère, par les émissions de gaz à effet de serre, principalement du dioxyde de carbone (CO2). Avec pour conséquence le « réchauffement climatique », source de perturbations dangereuses du système climatique : cyclones, inondations, sécheresses, vagues de chaleur, etc. Or, jusqu’il y a peu, la pollution de l’atmosphère, à grande échelle, restait le fait des pays industrialisés, situés tous au Nord, auxquels il faut ajouter, aujourd’hui, la Chine.

Selon les statistiques, à eux seuls les Etats-Unis et la Chine représentent 40 % des émissions du CO2, suivis par l’Union européenne qui affiche 11 %. L’autre moitié est à attribuer au reste du monde dans laquelle le continent africain serait classé en ordre utile. Faute de statistiques précises, en Afrique, le laboratoire d’aérologie du CNRS de Toulouse « évalue » ce taux entre 5 % et 20 %, soulignant que ce ratio serait le fait de l’« émission anthropique », c’est-à-dire provenant des activités d’origine humaine.

Quoi qu’il en soit, comment impliquer avec équité ce continent pauvre dans une telle problématique, où le maître mot a été et sera, à Paris : « restriction » ? Quand on sait que le fonctionnement des industries, globalement, est encore tributaire de l’énergie sur la base du charbon, l’agent polluant par excellence. A ce titre, l’Afrique du Sud et la Chine, les deux géants africain et oriental, constituent un bon exemple, car l’une dépend de cette énergie à 90 % et l’autre à 70 %.

pollution

Les gaz polluants des usines (source: maxisciences.com)

 

Dès le protocole de Kyoto, au Japon, en 1990, qui est l’amorce de la recherche de solutions pour éviter l’asphyxie de la terre, les pays africains ont exprimé cette préoccupation. Elle se traduit en termes de transferts financiers et technologiques, qualifiés de « fonds vert », qui leur permettront de traverser « en douceur » la transition énergétique. Jusqu’à la phase de la prospérité des énergies renouvelables. Avis largement partagé par l’ensemble des pays du Sud, y compris les économies émergentes.

Telle est donc l’exigence de ce bloc, en contrepartie de son engagement à réduire ses émissions du CO2.

La réponse des pays riches a été enregistrée au sommet de Copenhague, en 2010. Ils ont proposé un paquet de 100 milliards d’euros, par an, dès 2012, sur huit ans jusqu’en 2020. Le principe a-t-il été accepté par les Sudistes ? La réponse y étant un brin à la normande, laisse percevoir que ce litige n’est pas encore soldé.

C’est une des questions fondamentales auxquelles la COP21 de Paris devra apporter des réponses. D’autant que les pays pauvres, au sommet climatique de Durban, en Afrique du Sud, en 2011, ont lié le « problème du climat à la lutte contre la pauvreté ».

 

Afrique du Sud : de la « xénophobie fratricide »

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Les mêmes causes (misère) produisant les mêmes effets (haine envers l’autre), les Sud-Africains sont revenus à la charge. Ils l’ont fait en mai 2008, ils récidivent en avril 2015, en accusant les étrangers africains d’être responsables de tous leurs maux. Parmi ceux-ci, ils citent la criminalité et le chômage, notamment.

©afriqueinside.com

©afriqueinside.com

A ce titre, les étrangers africains sont molestés, tués et poussés, au mieux, à regagner leurs foyers. Leurs biens pillés ou détruits.

En 2008, les mêmes acteurs, c’est-à-dire la frange des citoyens sud-africains défavorisés, ont allumé les violences xénophobes, qui ont touché sept des neuf provinces du pays. Celles-ci ont été d’une telle cruauté qu’on avait déploré 62 morts, dont plusieurs victimes brûlées vives. Une vingtaine de Sud-Africains ont également péri, pris dans leurs propres pièges.

Pourtant, à l’époque, le pays affichait une bonne santé économique. La croissance, qualifiée de « robuste », caracolait entre 5% et 6%. Avec pour conséquence, un environnement propice à l’investissement privé massif. Un bon gâteau national à partager, entre tous, pensait-on !

Or, la réalité était moins lénifiante, car cette prospérité n’avait été profitable qu’à une « bourgeoisie noire » naissante, corrompue à tous les étages.  La situation des masses laborieuses allait donc de mal en pis, au point que les prix de logements dans les townships (villes-dortoirs) n’étaient plus accessibles à la bourse de plusieurs personnes.

Mais, comme c’est souvent le cas, partout au monde, l’angle d’appréciation conduisit les regards sur les étrangers africains, ces « métèques » qui volent les emplois des nationaux et favorisent la criminalité. L’étranger étant le bouc émissaire rêvé !

La première vague des violences xénophobes, en 2008, est partie de ce faux constat. Car, depuis, et,  chaque année, on parle de quelque 5 milliards de d’euros dont l’Etat est délesté, à titre de corruption. Et autres manœuvres frauduleuses. Au détriment de l’amélioration des conditions de vie des masses salariées. Les grèves à répétition déclenchées, depuis, sont à placer dans cette case.

La deuxième vague, celle qui court depuis début avril, participe de la même essence.

Le mal sud-africain est profond. L’économie du pays plonge, comme le montre la chute continuelle du PIB (Produit Intérieur Brut), depuis 2012 : 2,5 % en 2012 ; 1,9 % en 2013 et 1,1 % en 2014. Au mois d’avril 2015, le pays vient de perdre son rang de première puissance économique africaine au profit du Nigeria. Le PIB de ce dernier, en 2013, ayant atteint 372 milliards d’euros contre 280 milliards d’euros pour l’Afrique du Sud.

Une manifestation en l'honneur de Mandela ©latimes.com

Une manifestation en l’honneur de Mandela ©latimes.com

Le pays de Mandela doit, économiquement, se prendre en charge et changer ses orientations improductives. Les étrangers n’ont rien à voir dans sa dégringolade. Qu’ils se souviennent que ces Africains qu’ils déshumanisent, aujourd’hui, (Mozambicains, Malawites et Zimbabwéens) sont originaires des pays qui ont constitué, jadis, le « front line » (la ligne de front) pour combattre l’apartheid.