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Une seule rue pas plus

Un poème de Rana ZEID

Traduit de l’arabe au français par Dima Abdallah‏.

Crédit photo : Muzaffar Salman (2007)

Crédit photo : Muzaffar Salman (2007)

 

Chaque jour je dois jeter du pain aux pigeons,
Et mon cœur aux loups.

Il y a un trou dans mon cœur,
Je le cache sous ma main tremblante,
Et j’ai peur que ma main ne suffise pas.

Chaque aube je me lève et j’écarte
Une balle tombée la veille,
À mes pieds.
Je poursuis la mort jusqu’au cimetière,
Rien dans cette ville
À part des roues de bicyclettes,
J’ignore le nom du cimetière
« C-o-p-e-n-h-a-g-u-e » !

Derrière les rochers
Sur les tombes froides,
Voilà le loup du néant lapant minutieusement les morts
Essuyant le sang sur leurs mains
Comme s’ils étaient des tueurs du passé.

Il y a un seul enfant,
Et un seul cygne,
Et un seul cadre photo,
Dans une seule rue.

Une seule rue, pas plus,
Où je marche chaque jour,
A Copenhague,
Une seule rue, pas plus,
Et un seul cimetière vert et froid,
Où il y a des corbeaux heureux,
Et des chats noirs essayant de gratter la terre gelée,
Leurs griffes s’accrochant aux esprits,
Et moi je traverse les morts chaque jour,
Je meurs chaque jour,
Une fois ou plus,
Et je pense que le tueur à Damas,
Aiguise le couteau sur les dents du tué.

« Cet endroit n’est plus celui des oiseaux désormais,
Il est celui du franc-tireur ».
Ma main sur mon cœur amène chaleur et larmes,
Et les débris de vitres coupants de la fenêtre de ma maison.

Le lys,
Le lys,
N’est pas pour les tueurs.

Morts et les fleurs hivernales, à Copenhague,
Morts et la chaleur des balles à Damas.
Une seule rue, pas plus,
Suffit à l’ordre mondial
À la gomme sur la chaise
À l’enfant paresseux à cause de la guerre
Tous ne savent pas que la guerre est perpétuelle et eux éphémères.

L’empreinte du tueur dans la neige et l’amour et le vin,
Dans ma main, dans mon verre, dans ma nourriture amère,
Et moi je meurs d’une gorgée du poison
Et de la force du crépuscule,
Et de la nuit et d’amour,
Et du canapé froid,
J’entends une chanson qui ne signifie rien que plus de vie,
Vie… vie, et la mort telle une morsure d’enfant,
« Qui tète d’un sein étranger ».

Je veux marcher dans la rue orpheline,
Et écrire une longue liste :
Je veux du pain et un médicament et des pansements et un couteau et une pierre
Et un échiquier
Voilà ma requête,
Et je veux aussi : des pommes et des bananes et du raisin et du vin
Je veux que les misérables reconnaissent les tyrans,
Pour qu’ils meurent,
Les morts reposent en paix, alors qu’ils mangent le sable,
Mon cœur accélère, un bégayement sort alors de ma bouche,
Avec la solitude et l’amour et la mort et la bière,
Et le fil qui dépasse du trou de mon cœur.

Vit le cimetière,
Et meurent les misérables,
C’est ainsi que le tueur a le sentiment de justice

Comment les gens sauraient-ils
Que le tueur ne vole pas les fleurs d’oranger
Parce qu’il est mauvais,
Mais parce qu’il saigne ?
C’est pourquoi, c’est pourquoi,
Il ne peut s’arrêter,
De voler chaque heure une poignée,
Et son pas lent descend l’escalier du jardin.

Là-bas une guerre
Jaune,
Une guerre jaune,
Oui, jaune mon ami,
J’aime que le cadavre soit jaune !
Et si on dansait sur une musique soft rock
Dans cette guerre si douce,
Tel le canon moite et langoureux du tank ?

Il me dit, après avoir écarté de mon épaule une feuille jaune :
Un poème ne te sert à rien,
Ce dont tu as besoin : un homme et une mitrailleuse
J’ai dit : j’ai un homme et il me manque une seule pomme.

Seulement aussitôt une feuille rouge tomba
De la petite plante au-dessus de la table,
Et j’étais à un tel degré de désespoir,
Comme si j’étais la tuée attendant son enterrement,
La tuée qui ne croyait pas que les corbeaux suivent les ruines,
Jusqu’à ce que je la vois, seulement aussitôt,
La fumée noire la tirait avec force par le cou,
À Damas.

Dans la jolie et humble cage,
Se trouve un très long miroir,
De sorte que moi-même et Dieu nous nous regardons l’un l’autre
Dans le même foyer de vision,
Dans une seule rue, pas plus,
A Copenhague.

Franc-tireur

Un poème de Rana ZEID.

Traduit de l’arabe au français par Dima Abdallah‏. 

Alep, Syria, 2012. © Muzaffar Salman‏

Alep, Syria, 2012. © Muzaffar Salman‏

Moi, Dieu et toi,

Deux oiseaux et un franc-tireur.

Le franc-tireur ne se rappelle rien de son passé,

La précipitation lui fait oublier ses plaisirs…

Ses poches sont lourdes de la douleur des balles,

Son doigt attend le départ rapide après le tir.

Vivrai-je assez pour que les feuilles de vigne bourgeonnent sur moi,

Si je ne meurs pas qui serai-je ?

Une danseuse de ballet,

Qui a jeté son cœur au puits,

Tel un récipient métallique

Puis l’a ressorti fissuré,

Que le monstre a trainé au puits

Et elle est devenue monstre comme lui.

Le franc-tireur a t-il oublié

Le sang à découvert sur mon épaule

Et la fraicheur de la paume d’un homme

Contemplant la mer

Dans son autre paume ?!

Moi, Dieu et toi

Deux oiseaux et un franc-tireur

Sans odeur de meurtre,

Il a sa sombre cave

Et le battement lent du cœur

Et pour nous tous les trous des arbres anciens.

 

 

Nue dans sa tombe

Un poème de Rana ZEID.

Traduit de l’arabe au français par Dima Abdallah‏. 

 

Dessin de Mohamad Omran, artiste syrien.

Dessin de Mohamad Omran, artiste syrien.

La fleur sauvage que j’aperçois sur ton visage,

Comment la cueillir de ma bouche

Sans devenir sauvage ?!…

 

J’ai besoin de quelques illusions

Pour que la nuit soit plus courte,

Je frotte ma main pour la millième fois

Avant de l’ouvrir à la pluie,

C’est qu’au matin

Je me préparerai pour mon enterrement

Comme je le voudrais

Et non comme il sera.

 

Une seule feuille est tombée,

Ni plus ni moins,

De l’arbre,

Je la regardais

Comme si elle était tout ce qui fut,

J’ai su que le vent léger,

A décidé son sort,

Qui suis-je alors pour repousser le vent de ma main ?

 

Ici

La silhouette de Tina Modotti,

Et l’ennui, et une eau froide,

Un disque qui t’est laissé,

Et Catherine chante en espagnol,

Alors que Vincent joue bien pour les fantômes passés.

 

Mes mains sont ensanglantées

Des épines,

Mes mains sont ensanglantées,

Et je saigne.

Personne entre moi et l’hémorragie !

 

 

Le faon blessé / mange de mes lèvres

Le faon blessé / met la main dans mes cheveux / et vole,

Et personne pour faire coaguler le sang du bout du doigt.

 

Je dois passer,

Sans le moindre regard

Sur le tombeau derrière moi,

Il est pour celui qui ne m’a pas connue

Et à mes bienaimés aussi.

 

Que le monde prenne ce qu’il veut de moi

Des faibles et des misérables,

Qu’il prenne ma vie pliée

Telle une feuille

Inutile,

Dans la poche

D’un mort humide et raide,

Mais ce n’est pas juste

Il n’est pas juste,

Que le tyran lace

Ses chaussures le matin,

Avec des mains qui ne sont pas les siennes.

 

 

L’Exode : de Pharaon à… Bachar el-Assad

[Par Ahmad BASHA]

Traduction de l’anglais par Aline GOUJON

Article publié en arabe sur Orient-news.net

Version anglaise traduite par Anne-Marie MCManus : The Exodus

 

سفر الخروج The Exodus from abou naddara on Vimeo.

La guerre est ainsi faite : elle modifie nos frontières émotionnelles habituelles et ouvre à la cruauté humaine des possibilités infinies de s’exprimer. Avec la guerre qui s’intensifie à chaque instant, les Syriens continuent de chercher, dans leur quotidien, tout ce qui peut leur apporter ne serait-ce qu’un sentiment minime de chaleur ou de sécurité. L’isolement profond extirpe les peurs personnelles de leurs cachettes. Elles deviennent alors un sentiment collectif, partagé, à la fois moteur et passif, qui s’installe sous la forme d’un large spectre dont le cœur bat indubitablement là-bas, sur les terres syriennes. Mais entre la Syrie intérieure, chaque jour davantage réduite au silence, et l’extérieur du pays, où s’entassent les valises des réfugiés, exilés, émigrés, expatriés et autres, les plus petits détails doivent bien passer, et insuffler aux vivants comme aux morts le vague sentiment que le froid qu’ils ressentent aux extrémités s’apparente à la mémoire, et que celle-ci, réciproquement, ressemble au froid.

Même le terme « tragédie » semble trop faible pour refléter l’étendue des destructions quotidiennes, qu’il s’agisse de vies, de villes, d’enfants, mais aussi des esprits. L’ombre de l’espoir s’estompe à mesure que l’aiguille représentant le bilan des victimes s’élève. L’aiguille tremble à chaque fois qu’un obus hostile heurte le mur où s’est réfugiée la peur et les réduit tous deux en ruines. Mais toujours la cruelle aiguille demeure affamée et repart à zéro, renvoyant le peuple faire la queue pour du pain, afin d’en faire une cible plus facile pour un habile pilote.

Quoi que soit ce que l’on convient –vainement– d’appeler la vie, elle est toujours prodigue de surprises. Elle étale devant nous des fragments d’histoires sur les enfants de la guerre et ses victimes, et c’est comme si l’espoir qui était né en nous pendant la première année de la révolution syrienne nous punissait et anéantissait la légitimité de notre rêve. La violence, dont les images s’accumulent sous nos yeux, atteint sa troisième année, laissant ses victimes en proie à des cauchemars qui les plongent dans le désarroi le plus total, cauchemars qui ont tôt fait de revenir commettre leurs péchés. Alors, la vision elle-même devient le péché – ou peut-être est-ce l’exact opposé. Il est difficile de mettre un nom sur tout cela, mais on peut tout à fait le rapprocher de l’histoire de ce petit garçon d’Alep qui apparaît dans le court‑métrage intitulé « L’Exode », récemment mis en ligne par le collectif de cinéastes Abounaddara.

Le scénario est le suivant : un enfant syrien, « le héros du film », qui doit avoir dix ans tout au plus, a entendu une rumeur selon laquelle il pourrait trouver le salut (« l’Europe ») en traversant la mer, mais aussi y réunir sa famille et ainsi la délivrer de l’enfer de la guerre qui frappe son pays. Il parvient à Alexandrie et se prépare pour la dernière étape de son voyage, la traversée en mer. Mais la malédiction le poursuit et, le jour précédant son départ, il change d’avis et appelle sa mère, lui disant qu’il ne veut plus partir et souhaite revenir parmi les siens.

Qu’est-ce qui l’a poussé à revenir sur sa décision ? Cet enfant triste, embarrassé face à la caméra, raconte son histoire avec peine. Dès le début du film, il explique avec son accent d’Alep et sa voix tremblotante, que son enfance lui a été dérobée. Il semble dénoncer, à quiconque le regardera : nous avons grandi trop vite, ou peut-être sommes-nous déjà vieux.

Aujourd’hui, il n’est en rien étonnant qu’un enfant aille à Alexandrie confronter son destin, celui de sa famille et sa propre enfance à l’immensité de la mer, où, s’il ne se noie pas, il sera touché par les tirs des garde-côtes. Il parait idiot de chercher des raisons logiques qui auraient conduit la famille à prendre une telle décision. Il faudrait donc replacer les choses dans leur contexte, mais la localisation n’est nullement indiquée, on ne sait pas où a eu lieu l’entretien avec le jeune garçon d’Alep, et s’il est finalement retourné ou non auprès de sa famille. Ces précisions ne sont peut-être absolument pas importantes. La seule certitude est qu’il est revenu sur sa décision après avoir fait un rêve.

Apparenter ce qu’a vécu l’enfant du film « L’Exode » à une histoire relève du luxe littéraire, et ce pour une unique raison : la violence exercée par el-Assad est bien pire que tout ce que peut concevoir l’imagination humaine. Parmi les récits de « L’Exode », beaucoup rappellent ceux que l’on trouve dans le Coran. Devant « L’Exode », on est assaillis par des visions façonnées par l’horreur du drame permanent. Dans « L’Exode », un enfant assis, vêtu de sa djellaba rayée, dit haut et fort : désormais, il n’y a plus de lois.

Le tragique, dans « L’Exode », nait à mesure que l’histoire prend forme dans l’esprit du spectateur, tant le non-dit l’emporte sur les faits rapportés. Si, admettons, le garçon avait réussi à traverser la mer et à parvenir de l’autre côté sain et sauf, cela aurait rendu le film plus palpitant, ou bien lui aurait conféré un ton plus mélodramatique. Mais au lieu de cela, nous nous surprenons à nous contredire en qualifiant d’œuvre cinématographique ce court film, fragment de vies opprimées, ou à tenter de trouver la frontière entre nos sentiments de confusion et d’empathie. Cela n’enlève en rien à sa valeur artistique, mais contribue à communiquer les émotions des réalisateurs, hantés par toute la terreur qu’ils ont imaginée et vue auparavant –qui agitera aussi l’esprit du spectateur – et qui les a poussés à décider de faire ce film. Car ce sont eux qui ont œuvré à transmettre cette histoire dont le héros est un jeune garçon qui a échappé à la mort à maintes reprises : une fois de la brutalité d’un pharaon, une deuxième fois en arrivant indemne à Alexandrie, et à nouveau (mais non pour la dernière fois) par son récent rêve.

Il n’est pas indispensable de couvrir l’écran de sang pour que les paroles aient un impact, ni de décrire la violence, de montrer cadavres, cercueils et blessés, ou encore de faire résonner les pleurs et les lamentations. Il suffit d’un enfant qui parle pendant trois minutes face à la caméra pour qu’un documentaire incarne la terrible réalité, avec sa symbolique, son intensité et sa cruauté. Ainsi, l’intervalle dans lequel on hésite à qualifier ces quelques images de film documentaire pourrait bien être la condition suffisante et satisfaisante pour définir tout documentaire réalisé en temps de guerre.

 

Palestiniens de Syrie : « L’aide de l’Europe a été sacquée »

[Par Larbi GRAÏNE]  

 

La députée européenne EELV, Eva Joly, a déploré le 29 mars à Paris que le budget de l’Union européenne destiné à venir en aide aux réfugiés palestiniens de Syrie soit « sacqué » expliquant que c’est avec « l’argent humanitaire que l’UE met en œuvre sa politique agricole ». « C’est insupportable, dans le camp de Yarmouk où vivent les Palestiniens, on meurt de faim, et c’est de la responsabilité de l’Europe » a-t-elle tonné sous les applaudissements d’un public nombreux venu assister à une soirée de solidarité avec les réfugiés palestiniens en Syrie, organisée par le Forum Palestine, Citoyenneté Chababs El Yarmouk. Pour Eva Joly « l’UE se doit de mobiliser d’ici juin 2014, quatre cents millions d’euro pour pouvoir aider les Palestiniens de Syrie»

 

photo par UNRWA

photo par UNRWA

 

Agrémentée par un concert donné par le groupe de hip hop syrien « Refugees of Rap » et un récital de poésie déclamé par le poète et journaliste palestinien réfugié en France, Mohammad Shaaban, cette soirée a été marquée par plusieurs témoignages de militants palestiniens qui sont intervenus depuis Yarmouk via skype. Le blocus du camp damascène de Yarmouk où résident environ un demi-million de réfugiés palestiniens est à jusqu’à aujourd’hui (samedi 29 mars, NDLR) à son 261e jour affirme Abdallah al-Khatib, activiste palestinien basé au camp de Yarmouk. Celui-ci a dénoncé le silence de l’OLP qui selon lui « n’a pas aidé les réfugiés palestiniens ». « Le blocus a été décidé par le régime d’Assad à l’effet d’anéantir la cause palestinienne » a-t-il fulminé. Et d’ajouter « seule la pression médiatique a atténué quelque peu les effets du blocus car cela avait permis l’ouverture partielle du camp ». Faisant un état des lieux, El Khatib révèle que le dernier bombardement du camp qui remonte à trois jours avait fait 12 morts parmi les civils. D’après lui, à cause du blocus, 80 % des enfants souffrent de malnutrition alors que 20 d’entre eux ont perdu la vie. 125 personnes a-t-il ajouté sont décédées en succombant à l’épuisement et à la famine. « Le camp est rasé à 40% et la pénurie des produits alimentaires a fait flamber les prix » soutient-il non sans observer que « le riz revient à 200 dollars le kg » et que « les gens survivent en mangeant de l’herbe ». Et de déplorer encore « tous les hôpitaux, hormis un, ont fermé. Il y a pénurie des produits d’urgence comme le coton ou les désinfectants. Certains parents ne pouvant plus subvenir aux besoins des leurs, ont abandonné leurs enfants alors que certaines femmes ont dû verser dans la prostitution ».

 

 

Le doigt d’Ali Farzat

Par Nahed Badawia, journaliste syrienne

(nahedbada @ gmail . com)

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     Ali Farzat, caricaturiste syrien, est l’auteur de l’affiche du festival international du film des droits de l’homme qui a eu lieu à Paris du 11 au 18 mars 2014 au cinéma nouveau Latina.

 

     C’est l’un des plus grands dessinateurs de presse du monde arabe ainsi que le rédacteur en chef d’Al-Domari (L’Allumeur de réverbères), un hebdomadaire satirique qu’il a fondé en 2004 pendant la période du “Printemps de Damas”. Mais l’événement  marquant qui permet de l’identifier de mieux en tant qu’artiste libre, a eu lieu le 25 août 2011, place des Omeyyades à Damas.

 

   Ce jour-là,  Ali Farzat, a été violemment agressé par des sbires (Shabihha) du régime Syrien. Ils ont brisé ses mains, ses doigts. C’était évidemment une punition sauvage contre son crayon, son talent, son esprit critique et son courage. Parce qu’il a osé transgresser le tabou syrien intouchable. Il a caricaturé le président. Cela, dès le début de la révolution. Son dernier dessin, représente  Assad avec ses valises faisant  du stop tandis que passe devant lui une voiture conduite par le président Libyen déchu Al-Kadhafi.

     
Lui briser les doigts, c’était reconnaître sa créativité. Et en même temps, c’était révéler en plein jour le visage criminel du régime à l’opinion internationale. Opinion qu’il essaie de convaincre que tous les crimes, en Syrie, sont perpétrés par des terroristes.

 

     Or, les premiers six mois de la révolution, il n’y avait contre le régime que des millions de jeunes pacifiques manifestant pour la liberté dans les rues, et des intellectuels qui les soutenaient. Mais le régime préfère raconter des histoires de terroristes plutôt que la vérité dure pour lui: son peuple veut qu’il dégage. Et  bien entendu, pour le régime que les intellectuels démocrates syriens expriment cette vérité, est plus dangereux  que  des terroristes.

 

      Ali Farzat, lui, refuse de se voir en homme politique. “Mon engagement pour la patrie est mû par la morale. Je suis né pour critiquer ce qui a été, ce qui est aujourd’hui et ce qui sera demain”.  Donc il a Exprimé sa colère,  comme d’habitude par ses moyens artistiques. Après la guérison de ses doigts,  Ali Farzat a réalisé un dessin qui parodiait sa photo prise à l’hôpital après son agression, dans lequel il a donné à son majeur une toute autre signification…

 

      La Syrie, en ce moment, ressemble à ce dessin. Elle a été agressée par la dictature. Et maintenant elle est en train d’être agressée par les trois groupes* de terroristes, soutenus  par  les pouvoir régionaux et internationaux.

 

La Syrie en ce moment, est fatiguée, mais elle ne cesse pas d’espérer, comme son grand artiste Ali Farzat, voir la liberté et la démocratie l’emporter.

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*”Bachesh , Daesh et Halesh”  Noms satiriques donnés par des militants Syriens à:

 Le régime, Kaeida et Huzbualla

 

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Merci à mes professeures de Français à la Maison de journalistes:

Guillaume Tournier et Françoise Serrero

 

 

La démocratie dans le monde est-elle en recul?

Par Nahed BADAWIA (nahedbada @ gmail . com)

Avec l’aide du professeur de français de la Maison des journalistes, Guillaume Tournier.

 

La démocratie dans le monde est-elle en recul? De nos jours, est-ce que la volonté d’un peuple d’avoir la démocratie suffit pour réussir? Le résultat actuel de la révolution syrienne tend à prouver que non, et nous conduit vers notre question principale: Est-ce que la démocratie, maintenant, dans le monde se porte bien ?

 

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En effet, chaque pays est sous l’influence de la communauté internationale. Et les institutions internationales ce qu’on appelle la communauté internationale, ne sont pas démocrates. Car elles convenaient pour gérer la guerre froide. Et elles sont les enfants de la deuxième guerre mondiale et ont été fondées par les cinq vainqueurs, qui se sont donné le droit de véto. Celui de la Russie est toujours utilisé contre la volonté de la majorité des états membres de l’ONU quand ils veulent soutenir la révolution Syrienne. C’est pourquoi le rôle de communauté internationale peut être soit un soutien soit un obstacle, dépend la volonté d’un de ces cinq pays “Vétoieux”.

 

Par ailleurs, le monde témoigne d’un changement radical dans les dernières décennies. Celui dont parle le politologue français Bertrand Badie dans son livre le “retournement du monde”. Il observe que “les identités sont de plus en plus culturelles et de moins en moins universelles”. Or comme la démocratie et la liberté sont des valeurs universelles, elles sont, de fait, en recul.

 

Mais je pense, au contraire, que les valeurs universelles de liberté et la démocratie ont diffusé et traversé les frontières européennes. Elles sont sorties du monopole de l’Occident. Parce que L’ère de l’information, Internet et satellite transforme monde en un espace commun et ouvert. Mais ce processus est plus rapide que celui des transformations culturelles qui sont toujours caractérisés par une lente. En témoignent les réactions conservatrices et réactionnaires de certains groupes dans tous les pays. Et c’est pourquoi l’extrémisme prévaut partout. On assiste ainsi à un retour aux valeurs anciennes,(prémoderne), à une croissance de l’extrême droite en Europe et une montée de l’extrémisme islamiste dans d’autres pays. Les deux dernières tendances expriment la peur de l’ouverture aux autres, considérée comme une invasion culturelle. Mais le changement viendra et ces groupes adapteront avec les valeurs de diversité et avec le monde ouvert et coloré.

 

La révolution syrienne a reflété la volonté de l’homme du peuple d’embrasser les valeurs démocratiques de la modernité Alors que ces valeurs étaient jusque-là réservées aux élites politiques et culturelles. Profitant de la méfiance de certains à l’égard des porteurs de ces valeurs modernes, le régime syrien les a décrits comme terroristes et extrémistes islamistes dès le premier cri de liberté des millions de jeunes qui aspirent à une société libre et démocratique et juste. Cela afin de convaincre le monde de le soutenir quand il massacre son peuple.

 

En fait le combat pour la démocratie et la liberté doit continuer partout et toujours. Et les Syrien luttent, en ce moment, pour la démocratie pas seulement en Syrie. Ils se battent pour renouveler et relancer la démocratie internationale parce qu’ils ont révélé l’incapacité du monde actuel d’agir pour défendre ses acquis humains et démocrates.