Iran. L’Europe face au chantage d’un régime à bout de souffle

Pris dans un étau de crises internes et d’isolement international, le régime iranien tente de manipuler l’Europe avec un discours creux et cynique. Il est temps de lui opposer une réponse ferme, cohérente et fondée sur les principes.

[Par  Massoumeh Raouf, publié le 03/06/2025]

Europe
© capture d’écran « Nous, jeunesse(s) d’Iran » France tv / Youtube

Le dernier message du régime iranien à l’intention de l’Europe, déguisé en analyse géopolitique, trahit avant tout un désespoir profond. Derrière un ton faussement souverain, Téhéran lance un appel à l’aide déguisé. Son objectif ? Faire croire à une fracture stratégique entre les États-Unis et l’Europe pour tenter d’exploiter cette faille. Mais ce pari est aussi fragile que l’appareil d’État iranien lui-même.

L’économie du pays est à genoux, rongée par des décennies de mauvaise gestion et de corruption endémique. La récente explosion meurtrière à Bandar-Abbas est symptomatique de l’état de délabrement des infrastructures et de l’impunité des responsables.

À cela s’ajoute un mécontentement populaire qui ne faiblit pas, porté par une jeunesse exaspérée par l’absence de liberté et d’avenir.

Sur le plan régional, le régime est en train de perdre sa position. La chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie, et la neutralisation de ses réseaux de milices – y compris le Hezbollah et les groupes pro-iraniens en Irak – ont considérablement affaibli les mollahs.

Même sur la scène diplomatique, l’Iran fait face à un isolement croissant, illustré par la possibilité évoquée par la France et d’autres États européens d’activer le mécanisme du snapback pour rétablir les sanctions de l’ONU. Le pouvoir iranien cherche à gagner du temps — et à diviser ses interlocuteurs occidentaux pour desserrer l’étau.

Le comble de l’hypocrisie : quand le régime donne des leçons

Dans un renversement absurde, Téhéran s’autorise désormais à critiquer l’Europe pour sa prétendue inefficacité et son rôle marginal dans les négociations nucléaires. Mais un régime qui viole systématiquement les accords, oppresse violemment sa population et se coupe du monde a-t-il vraiment une quelconque légitimité pour faire la leçon ? Comme le dit si bien l’adage : « C’est l’hôpital qui se moque de la charité. »

Cette posture agressive n’est pas le signe d’une puissance affirmée. C’est le masque d’un régime aux abois, incapable d’admettre sa marginalisation diplomatique et sa perte de crédibilité internationale. Il détourne l’attention de ses propres échecs en pointant du doigt les autres, tout en continuant à instrumentaliser la diplomatie pour avancer ses objectifs répressifs et sécuritaires.

« J’y étais, je l’ai vu, je l’ai vécu » : la vérité des ex-otages 

Face aux dénis du régime iranien, les témoignages des anciens prisonniers européens sont essentiels. Parmi eux, Olivier Grondeau, citoyen français détenu arbitrairement, a livré un témoignage glaçant lors de sa libération : « J’ai un problème avec la République islamique, oui. Je déteste la torture, je déteste la prise d’otages. […] Vous dites qu’il n’y a pas de torture dans la section 209 ? J’y étais, je l’ai vu, je l’ai vécu. Comment pouvez-vous dire qu’il n’y en a pas ? Vous n’avez pas honte ? »

Dans ses mots, on retrouve à la fois la violence du régime et la dignité de ceux qui lui résistent. Il raconte avoir été enfermé avec Mohsen Langar-neshin, exécuté peu après leur détention commune. Grondeau salue sa mémoire et condamne la peine de mort. Ce n’est pas un témoignage isolé : Louis Arnaud, lui aussi otage libéré, a tenu des propos similaires. Ensemble, ils lèvent le voile sur les pratiques systématiques de torture, d’humiliation et de négation de justice.

Tenter de réduire ces voix au silence, ou pire, continuer à négocier comme si de rien n’était, reviendrait à trahir les valeurs mêmes sur lesquelles l’Europe prétend fonder sa politique étrangère.

L’Europe doit choisir : la complaisance ou la cohérence

Ce que le régime redoute le plus, ce n’est pas l’hostilité, mais la fermeté. Si la politique européenne a échoué jusqu’ici, ce n’est pas par excès de dureté, mais par manque de constance et de principes. L’obsession de préserver le dialogue à tout prix a conduit à des compromissions lourdes de conséquences.

L’Europe doit cesser d’être le jouet des stratégies de Téhéran. Les intérêts commerciaux à court terme ne peuvent pas justifier le silence face à des crimes d’État. Il est temps de choisir une politique alignée sur nos valeurs : droits humains, justice, vérité.

Il faut surtout reconnaître une vérité fondamentale : le peuple iranien a le droit de renverser ce régime. Ce droit ne doit plus être ignoré. Il doit être défendu, soutenu, reconnu. Ce sont les Iraniens eux-mêmes qui porteront le changement, mais l’Europe a la responsabilité de ne plus fermer les yeux, ni offrir de légitimité à ceux qui torturent, tuent et mentent.

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Massoumeh RAOUF

Massoumeh Raouf est iranienne, ancienne prisonnière politique du régime des mollahs.

En 1988, son frère de 16 ans est exécuté lors du massacre des 30.000 prisonniers politiques iraniens. Pour lui rendre hommage, Massoumeh Raouf a écrit la bande-dessinée "Un petit prince au pays des mollahs".

Engagée dans la «Campagne du mouvement pour la justice en faveur des victimes du massacre de 1988», Massoumeh Raouf se bat aujourd'hui pour faire traduire en justice les auteurs de ce «crime contre l'humanité resté impuni».

Comme pour tous les journalistes réfugiés politiques, l'Oeil de la Maison des journalistes garantit une Tribune Libre de liberté d'expression.

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