La liberté d’informer
Journalistes et lanceurs d’alerte, liberté d’expression et droits de l’Homme… Le combat pour la liberté d’informer est actuel, partout dans le monde et ne cesse d’être menacé. La Maison des journalistes – MDJ – à travers ses nombreuses missions et son journal “l’Oeil de la MDJ” lutte quotidiennement pour que chacun puisse jouir de son droit fondamental : critiquer librement.
Dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, la liberté est le premier des quatre droits de l’Homme. Après la définition de la liberté et le rappel de la primauté de la loi (article 4), c’est le refus de la détention arbitraire (article 7), puis la présomption d’innocence (article 9) et l’affirmation du respect des opinions notamment « religieuses » (article 10). De plus, la « libre communication des pensées et des opinions » apparaît comme la première des libertés (article 11), dont les bornes sont définies par la loi.
La « libre communication des pensées et des opinions » est définie aujourd’hui par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par Les Nations Unies en 1948 et ses diverses adaptations dans les lois des pays. Elle est aussi l’objet de réflexions philosophiques, politiques et éthiques quant à la meilleure façon de la pratiquer.
EGYPTE – Episode 2 – Au-delà des privations de liberté
/dans Afrique, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Rédaction“Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Art. 3 déclame.
Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.
La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.
Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».
Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.
Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.
Torture systématique et abus dans les prisons égyptiennes
C’est devenu une pratique commune, celle de réduire au silence l’opposition grâce à la disparition forcée, l’assaut et la détention des gens qui défient le discours officiel de l’Etat.
Sauver des détenus égyptiens
Dans son reportage biannuel sur la détention en Egypte, le Detention Watch Project a compté :
En décembre 2019, l’Institut International de la Presse a comptabilisé 61 journalistes emprisonnés dont 25 arrêtés entre ctobre et décembre.
En plus, les protestations de septembre ont provoqué une intensification ultérieure de répression gouvernementale. La campagne lancée sur Twitter en novembre 2019 avec l’hashtag #SaveEgyptianDetainees confirme une augmentation déplorable des détentions arbitraires.
Comme dans le cas d’Hossam, plusieurs personnes ont été enlevées dans la rue, environ 4321 détenus entre le 20 septembre et le 21 octobre 2019, selon la Commission Égyptienne pour les Droits et les Libertés (The Egyptian Commission for Rights and Freedoms – ECFR).
Pendant celle période, des milliers de citoyens ont fait l’expérience d’une détention.
Après une période exténuante d’attente (peu d’informations et beaucoup d’incertitudes extrêmes), quelques détenus ont été progressivement libérés. Comme une journaliste du Wall Street Journal basée au Caire, Amira el-Fekki, l’a expliqué le 4 décembre 2019: «Pendant que les autorités égyptiennes ont continué à libérer centaines de détenus depuis les événements du 20 septembre, les rétracteurs du gouvernement sont ténus en prison sous des vagues accusations».
La menace de la détention a pris sa forme extrême, menant à une conscience diffusée de la prédominance de «Dhulm», injustice, dans l’actuel Etat égyptien.
La torture systématique dans les prisons égyptiennes. Si «Dhulm» est une pensée récurrente dans la tête de milliers d’égyptiens, le mot «Ta’azib», torture, est également devenu très important dans le vocabulaire égyptien arabe.
En Egypte, la détention ne se limite pas à la privation de la liberté. Depuis les années du Président Gamal Abdel Nasser, les prisons ont été associées avec maltraitements, abuses et, surtout, torture.
Encore, sous la présidence d’Abdel Fattah el-Sisi, les méthodes des forces de sécurité de l’Etat semblent devenir exponentiellement brutales. «C’est juste, mais dépassé. Les prisons aujourd’hui sont beaucoup pire que ça», un activiste égyptien qui vit à l’étranger a exclamé.
Il était à la projection d’un film inspiré par des événements réels sur la torture en Egypte titré «el Hatk» (L’assaut), réalisé par Mohamed el Bahrawi.
Cette perception de l’augmentation de brutalité dans les pratiques adoptées pour silencer l’opposition est confirmée aussi par des études officielles réalisées par des organisations internationales.
En juin 2017, le Comite ONU contre la Torture a affirmé que la situation actuelle mène à «la conclusion incontestable que la torture est une pratique systématique en Egypte».
Les nombreux témoignages des ex prisonniers également envoient un message alarmant. Dans l’article «Thinking with Alaa» apparu dans le journal indépendant en ligne Mada Masr, le célèbre activiste des droits de l’homme Alaa Abdel Fattah a commencé à dénoncer ouvertement les conditions déplorables des prisons depuis sa dernière détention en prison.
Outre la durabilité inévitable de la torture, pendant son emprisonnement on lui a nié tout besoin fondamental y compris l’accès aux matériels de lecture, à la lumière naturelle et à l’eau propre.
Pendant que le gouvernement a récemment tenté de montrer une image positive des prisons égyptiennes en organisant des visites pré-programmées pour des journalistes et des officiers, comme la visite ouverte à la prison de Tora en novembre 2019, une recherche indépendante sur le sujet suggère une réalité complètement différente.
La réaction internationale
Le 14 novembre 2019 Al Monitor reporte que la cofondatrice du mouvement 6 April et journaliste Israa Abdelfattah va commencer une grève de la soif. Elle essayait à ouvrir une enquête officielle sur des plaintes concernant son endurance à la torture en détention provisoire.
Dans un Etat où les appels à une application équitable et transparente de la loi sont vains, les gens ont été laissés sans d’autres moyens sauf des gestes extrêmes pour faire entendre leur cause. C’est donc naturel de se demander quelle est la réaction internationale à un pays qui a manifestement violé les droits fondamentaux de l’homme universellement protégés par des conventions internationales.
En février 2020, six ONG en défense des droits de l’homme ont demandé dans une lettre collective au Conseil Européen «une révision complète des relations de l’Union Européenne avec l’Egypte» en raison de la répression continue des droits de l’homme dans le pays.
Tandis que nombreuses organisations internationales comme Amnesty International, Human Rights Watch, Reporters without Borders, Committee to Protect Journalists et d’autres dénoncent la réalité alarmante dans l’Egypte actuel, les Etats ont souvent fermé les yeux sur la question.
Même devant des cas importants qui ont reçu une grande couverture médiatique et sont directement reliés avec d’autres pays, les gouvernements ont réagi très peu ou pas du tout.
Le cas le plus récent de l’égyptien Patrick Zaki George, étudiant en Italie arrêté lors de son arrivée à l’Aéroport du Caire le 7 février 2020, a provoqué une indignation générale accompagnée par des affirmations de politiciens comme le président du Parlement Européen David Sassoli.
Cependant, nous ne pouvons pas observer aucune mesure qui effectivement rédiscute les relations diplomatiques et économiques avec l’Egypte. Entre outres, les affaires commerciales entre l’Italie et l’Egypte ont même augmenté.
Le journal panarabe al-Araby al-Jadid a reporté quelques jours après la possibilité d’un accord imminent sur l’armement de 9 billiards d’euros entre le Caire et Rome.
Les cas où les victimes du système répressif égyptien ne sont pas seulement des citoyens égyptiens sont récurrents, de la disparition mystérieuse, torture et meurtre de l’étudiant italien Giulio Regeni en 2016 à la mort en prison de l’américain-égyptien Mustafa Kassem le 13 janvier 2020.
La question est si la communauté internationale aura jamais l’’intention d’entendre activement et pas seulement prétendre d’entendre les voix de milliers de personnes qui souffrent des injustices en Egypte.
Celles voix qui crient fort l’inhumanité des prisons en Egypte, comme exprimé dans la chanson puissante de Ramy Essam «Fe segn bel Alwan» (Prison colorée). «Oh état de gens tristes, honte sur vos idées. Gloire aux prisonniers tant que vous êtes des hypocrites».
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Ce n’est pas le cas actuellement en Egypte où les mesures renforcées de sécurité ont de plus en plus restreint la vie publique, la liberté et la sûreté des citoyens égyptiens dans les années passées.
La réaction du gouvernement à la vague de protestation le 20 septembre 2019 confirme qu’il y a une politique de répression totale sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sisi. Également, les mesures adoptées pour empêcher toute mobilisation populaire à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution égyptienne le 25 janvier 2020, révèlent la normalisation d’un état de peur totale dans le pays.
Un regard plus attentif sur les histoires de vie quotidienne des égyptiens ne peut pas nous laisser indifférents. Plutôt, il signale une oppression préoccupante menant à la détérioration, si non négligence totale, des droits de l’homme sous l’autorité du Directeur Adjoint des politiques dans le cadre du Project sur la Démocratie du Moyen Orient (Project on the Middle East Democracy – POMED) a appelé «le gouvernement le plus répressif dans l’histoire égyptienne moderne».
Parmi les histoires qui peuvent clairement illustrer cette situation, nous choisissons de présenter dans une série d’épisodes l’exemple d’Hossam, qui préfère rester anonyme pour des raisons de sécurité.
Ses vicissitudes depuis septembre 2019 stimulent plusieurs réflexions sur la situation actuelle dans un pays qui donne la priorité à la sécurité nationale mais où les citoyens arrivent difficilement à se sentir en sûreté.
Episode 1 – D’une simple promenade à la détention
Samedi 21 septembre 2019, Hossam se promène dans la rue près de Tahrir Square. Il arpente l’avenue du 6 octobre pour déposer la nourriture fait-maison que sa mère de 53 ans avait préparée pour un ami étranger résident au Caire.
Juste après ce bref rendez-vous, il devait être de retour chez lui. Sa mère l’attend à la maison… Mais le fils ne rentre pas. Son frère ainé qui vit à l’étranger tente de le contacter, en vain. Il a pourtant deux téléphones, mais les deux sont mystérieusement injoignables !
La majorité des arrestations en Egypte commence de cette manière
Plus tard, la famille découvre qu’il a été kidnappé près de Mohamed Mahmoud Street, un des centres de la révolution de 2011. A cette époque, les murs du quartier étaient encore couverts de graffitis. Depuis, ils ont disparu.
Pour Hossam, c’est le Service de Sécurité Nationale qui l’a brutalement enlevé dans la rue avant de le conduire à la station de police puis en prison.
En quelques heures, Hossam passe du statut d’homme libre se promenant dans la rue à celui de criminel potentiel confiné en détention.
Et pendant ce temps, sa famille n’a aucune information officielle sur les raisons de sa détention.
Le centre du Caire se transforme en État policier
Cet épisode n’est pas étonnant pour quelqu’un qui a vécu au Caire récemment. “Wust el-Balad”, le centre et ses alentours, sont devenus des points sensibles et donc soumis à d’intenses contrôles de sécurité. Policiers en civil, voitures de police et soldats déploient leur force autour des rues, places et ponts principaux, comme si l’Etat était en guerre ou prêt à en mener une.
Dans un tweet daté 27 septembre 2019, le correspondent arabe de la BBC en Egypte et Moyen Orient, Sally Nabil décrit un déploiement sans précédent des forces de sécurité dans la capitale égyptienne et conclut: «Tahir Square parait plutôt une station militaire!».
As I was living in Cairo at the time, I could myself witness a reality where “Egyptians are treated as criminals simply for peacefully expressing their opinions” in Naja Bounaim’s, Amnesty International North Africa Campaign Director, words.
Not only did people get used to be extremely cautious when speaking, but they equally feel vulnerable while simply walking or even staying in their own homes. In addition to “spot checks” of peoples’ phones, looking for content that might deem political, visits of people’s apartments from the “Mabaheth”, State Security Service Investigations, increased in frequency and degree of intrusion.
On a Sunday morning, I opened the door of my apartment in Mounira neighbourhood and I found myself in front of two people with civilian clothes accompanied by the “Bawab”, the doorman. After asking for the contract of the apartment, they did not hesitate to enter the rooms of my two flatmates and I. After a thorough search through our books, laptops and phones accompanied by precise questions on our identity, they proceeded to the nearby apartment.
Quand je vivais au Caire, j’ai vu une société où «les Égyptiens sont traités comme des criminels pour la simple raison qu’ils souhaitent exprimer leurs opinions pacifiquement», pour paraphraser Naja Bounaim, Directrice de la Mission d’Amnesty International en Afrique du Nord.
Les égyptiens sont devenus très prudents en exprimant leur opinion, ils se sentent vulnérables tout le temps, y compris quand ils se promènent ou qu’ils rentrent chez eux.
Outre les contrôles inopinés des téléphones portables pour rechercher des contenus qui peuvent être politiquement sensibles, les inspections du «Mabaheth», le Service d’Investigation pour la Sécurité de l’État, dans les appartements des égyptiens sont augmentés en fréquence et dégrée d’intrusion.
Un dimanche matin, j’ai ouvert la porte de mon appartement dans le quartier Mounira et je me suis retrouvée devant deux personnes en civil accompagnées par le «Bawab», le gardien du bâtiment. Après avoir demandé le contrat de logement, ils n’ont pas hésité à rentrer dans ma chambre ainsi que celles de mes colocataires.
Après une recherche approfondie dans nos livres, ordinateurs et téléphones, accompagnée par des questions précises sur notre identité, ils ont poursuivi dans l’appartement suivant.
Au-delà des mesures urgentes de sécurité: la normalisation de l’intrusion dans la vie privée des gens
C’est à cause d’une série de vidéos d’un ex-contractuel égyptien dans l’Armée que les protestations de septembre ont commencées. Il s’agit de Mohamed Ali qui de l’Espagne dénonçait la corruption du gouvernement. Dès lors, le régime a décidé d’agir en urgence.
Les mesures adoptées sont alors conçues comme une partie de la «bataille contre le terrorisme», priorité du programme d’Al-Sisi depuis sa prise de pouvoir en 2013.
Les mots publiés par le compte officiel d’Al-Sisi sur Twitter le 27 septembre souligne la nécessité de combattre le terrorisme en tant que Nation, une bataille qui, il a déclaré, «n’est pas encore finie».
Tandis qu’on peut considérer cette répression exponentielle comme une réaction temporaire à la vague de protestations du 20 septembre 2019, l’observation du Caire dans la période suivante nous dit quelque chose de diffèrent.
Ces derniers mois, les mesures renforcées susmentionnées pour préserver la stabilité du pays ont été renforcées sans interruption, avec des différences d’intensité qui change de semaine en semaine.
Comme l’activiste égyptienne pour les droits humains Mona Seif l’explique dans un tweet daté 13 octobre 2019: «Chaque semaine un nouvel activiste est kidnappé dans la rue, chez lui ou au travail».
En Janvier 2020, la même atmosphère du septembre passé, caractérisée par un contrôle total sur les mouvements, les mots et la vie des gens, réapparait dans la capitale.
Lors de l’anniversaire de la révolution du 25 janvier – au présent appelée la célébration traditionnelle d’«Aid al Shurta», «La Journée de la Police», dans la rhétorique officielle du gouvernement, le centre de la ville était fermé. Cela ne constitue pas une surprise.
La correspondante au Caire du Wall Street Journal, Amira el-Fekki, à ce jour-là rapporté sur Twitter: «Dans ce qui est en train de devenir un assaut normalisé à la vie privée des égyptiens, la police inspecte les téléphones des gens autour du centre du #Cairo, #Tahir. Certains restaurants ne font pas de consignes dans cette partie de la ville aujourd’hui, pour éviter que leurs livreurs soient harcelés par la police».
Dans l’article, «Your guide to surviving downtown during the revolution anniversary crackdown» (« Votre guide pour survivre dans le centre-ville pendant la répression de l’anniversaire de la révolution »), publié par le journal indépendant en ligne Mada Masr le 21 janvier, les témoignages des gens qui décrivent leurs expériences d’arrestation arbitraire, raid et inspection aléatoire suggèrent un scénario répété de contrôle total auquel tout égyptien peut être sujet.
Entre passé et présent Ces mesures de sécurité ont été appliquées à de nombreuses villes en Egypte. Le scénario du centre du Caire où Hossam a été kidnappé en septembre passé, illustre la politique actuelle du gouvernement de contrôle total sur l’espace publique et privé.
Paradoxalement, ce centre de la capitale égyptienne est historiquement associé au développement intellectuel, l’échange culturel et à la créativité artistique, est devenu le décor d’un état policier.
Les principes de «Aysh, Hurriya, wa Adala Ijtimaiya» – «Pain, Liberté et Justice Sociale», qui circulait dans le même quartier en 2011, a été rapidement substitué par une atmosphère de peur constante, où toute activité, mouvement et mot, est contrôlé.
Une question demeure: quand cette place symbole de la liberté et du peuple renouera-t-elle avec son glorieux passé de symbole de la liberté ?
Pour l’instant, les égyptiens observent en silence les changements de l’environnement et de la société qui animent la région. Un processus de transformation où le concept de «the square», comme formulé dans la révolution égyptienne, est devenu «mémoire»… Ce serait presque le souvenir d’un rêve alors que le présent est cauchemar.
«Une histoire à raconter à travers des narrations», comme le rock band égyptienne Cairokee qui a mis en garde le pouvoir dans sa fameuse chanson révolutionnaire «al Midan», la «Square».
O you the square, where were you long ago? […] sometimes I am afraid that we become just a memory we get away from you then the idea dies and fades away and we go back to forget what happened and you become a story to tell in narrations.
Photo by New York Times in Egypt
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France – Police et journalisme: “Je fais semblant de m’éxécuter mais j’ai continué de filmer”
/dans Europe, France, Liberté d'informer, Tribune Libre /par Mamadou Bhoye BAHCopyright Mamadou Bhoye Bah
Par reflexe journalistique et en tant que journaliste ayant défendu la liberté d’informer en Guinée Conakry, je me dois de témoigner de cette scène. Pour ce faire, je filme avec mon téléphone.
Au bout de quelques minutes, l’un des policiers s’aperçoit que je filme. Pourtant, j’avais discrètement placé l’écran contre ma poitrine, la camera du téléphone filmant les policiers et la dame.
Le policier m’a fait signe de baisser mon appareil. Je fais semblant de m’exécuter mais j’ai pu continuer à filmer. Pendant ce temps-là, après moult tractations, les policiers ont gentiment demandé à la dame de se lever et de les suivre.
J’avais alors fini de récupérer mes papiers, je me décide donc à les suivre, intrigué de savoir comment la police française allait gérée le cas de cette dame. Quand je suis sorti, la dame était encore devant la banque. Ses cris attirent l’attention des passants. Ils sont maintenant cinq policiers à l’entourer.
Je change de trottoir et je continue mes prises de vue. Au début je me cache derrière une voiture, mais plus la scène dure, plus je suis attiré par le fait de filmer et de comprendre ce qui se passe, ce qui me pousse à aller juste en face d’eux. Je n’avais guère le choix si je voulais filmer correctement car ils changeaient régulièrement leur positionnement face à la dame.
En me rapprochant de la scène, je me sais dans mon bon droit. Les policiers savent que je les filme. La dame est finalement libre de partir et les policiers s’en vont.
Suite à cela, je quitte les lieux, mais au premier rond-point que je traverse, une voiture noire s’arrête brusquement à ma hauteur. Le bruit et le fait qu’elle se soit approché par derrière, m’a effrayé. J’ai à peine le temps de lire la mention «Police».
La vitre est déjà baissée, je reconnais les policiers qui se sont occupés de la dame. Celui qui conduit m’interpelle sur un ton très agressif:
«Bonjour monsieur, vous êtes journaliste ? Avez-vous votre carte ?
– Oui, je suis journaliste.
– Vous avez le droit de filmer les flics quand ils travaillent !?
– Quoi ?
– Vous allez arrêter de faire le con là ! C’est pour du buzz que vous filmez!»
Le policier situé à côté au siège avant, prend le relais, toujours aussi agressif et méprisant: «Monsieur si vous voulez régler ce problème, allez voir la dame! Ok?»
Je n’ai pas le temps de répondre, ni de comprendre les enjeux et les droits que j’ai dans cette situation. Pour être franc, j’étais effrayé.
«Un oiseau né dans un marché, n’a pas peur des cris!»
Je viens d’un pays où la police vous menace et vous enferme pour avoir pratiqué librement le métier de journaliste. Je continue ici dans les limites des droits accordés par le pays qui m’accueille. Je reste sans mot, triste et un peu déçu, que la police puisse ainsi intimider un journaliste sur ce ton, dans le pays des droits de l’homme. Ils ne m’ont pas donné le temps de répondre, ni le temps de comprendre.
Je ne pense pas avoir empêché leur travail ni mal fait le mien, au contraire, un journaliste est là pour témoigner.
Ce type de pression a été relayée par plusieurs journalistes lors de différents événements, comme cette vidéo Twitter où la police interdit à un citoyen de filmer alors qu’il en a le droit.
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/dans Droits de l'Homme, Liberté d'informer, Moyen et Proche Orient /par Massoumeh RAOUFAfrique – L’Observatoire 19, informer librement sur la crise sanitaire du COVID-19
/dans Afrique, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Inès LericollaisAlors que le virus a placé l’Europe en quarantaine depuis mi-mars, l’épidémie semble se propager plus lentement sur le continent africain. Réalité ou censure de l’information ? Les journalistes restent sceptiques face à des gouvernements qui limitent la diffusion de chiffres et de données concernant la crise sanitaire.
Reporters sans Frontières, organisation internationale qui lutte pour la défense de la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes, a mis en place depuis le 1er avril, l’Observatoire 19.
Décrit dans le communiqué officiel comme «un outil de suivi adapté à une crise globale inédite», l’Observatoire 19 est dénommé ainsi «en référence au Covid-19, mais aussi à l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.»
Cet article 19 est d’une grande importance pour le milieu journaliste. La Maison des journalistes organise depuis plusieurs années un événement nommé “Presse 19”, projet socioéducatif qui s’inscrit dans le domaine de l’éducation aux médias, la sensibilisation aux valeurs fondamentales, la communication interculturelle. Il est réalisé en collaboration avec des institutions européennes.
“Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.”
Article 19 des Droits de l’Homme
Le projet Observatoire 19 reprend cette thélatique universelle et précise son objectif : “évaluer les impacts de la pandémie sur le journalisme. Il documente la censure étatique, la désinformation délibérée et leurs effets sur le droit à l’information fiable.”
A l’origine de ce projet, la conviction, selon RSF, que le gouvernement chinois aurait pu limiter la propagation et sauver de nombreuses vies si ce dernier n’avait pas censuré ses médias et avait informé bien plus tôt sa population de la gravité de l’épidémie.
«La censure, tout comme le coronavirus, ne connaît pas de frontières et peut causer des ravages considérables» indique RSF.
En Afrique, le travail des journalistes en pleine crise sanitaire est inévitablement lié au contexte politique de corruption, à la situation socio-économique et au manque d’accès à des soins médicaux.
Mamadou Bah, journaliste guinéen à la Maison Des Journalistes, dénonce le monopole de l’État sur les chiffres officiels. En Guinée, «les journalistes ne peuvent relayer que les chiffres donnés par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire. L’information est contrôlée, surveillée. Cela interroge donc sur la fiabilité de l’information mais aussi sur la confiance que l’on porte à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire.»
Mamadou B. qualifie les centres de soins de «boucheries médicales», au sein desquels les patients, après avoir été testés positifs au virus, sont traités pendant deux jours seulement. A la suite de leur hospitalisation, ils reçoivent un message de l’ANSS indiquant qu’ils ne sont plus positifs au virus.
«Ces méthodes interrogent fortement, et il n’y a pas de moyen de les vérifier puisque les accès sont fermés aux journalistes », ajoute Mamadou B. Sur le site de l’ANSS, les chiffres officiels sont les suivants : 319 cas confirmés, 17 guéris et 0 morts. Face à ces chiffres, Mamadou B réagit « Pour qu’il n’y ait aucun mort, soit le gouvernement guinéen a un traitement miracle, soit on nous ment.»
La population guinéenne, contrainte de travailler la journée, s’est vu imposée un couvre-feu de 21h à 5h dans le but de limiter la propagation.
Alpha Condé, le président de Guinée Conakry, s’est exprimé dans les rues de Kaloum ce 9 avril 2020. Après avoir alerté la population sur la dangerosité du virus et sur la situation en Italie, il a donné ses propres conseils pour lutter contre le virus:
«C’est une vaste plaisanterie», commente Mamadou B. «tout comme le fait qu’il ait diffusé un faux projet social qui vise à rendre les transports, l’eau, et l’électricité gratuits dans la capitale, Conakry, alors qu’il n’y a déjà pas de transports et très peu d’eau et d’électricité».
De nombreux sites d’informations et de réseaux sociaux ayant été bloqués par les gouvernements africains pour lutter contre les «fake news», les ONG comme Reporters sans Frontières ou Comittee to Protect Journalists (CPJ) demandent une clarification de leur part sur les raisons de ces censures.
Lutter contre la mal-information mais pour une information libre, c’est l’objectif de l’Observatoire 19 en pleine crise sanitaire mondiale.
Attaques verbales, détentions arbitraires, retraits d’accréditation, Reporters Sans Frontières met à disposition une boîte mail covidrsf@rsf.org afin de recenser au mieux les entraves à l’exercice du journalisme.
Inès Lericollais
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