Articles

Ce qui se passe en “Irak démocratique” est-il normal?

Le président irakien Barham Salih en visite à Téhéran en 2018

Malgré la transformation démocratique qu’a connue l’Irak, depuis 2003, avec l’adoption d’un système parlementaire après la période douloureuse de dictature sous Saddam Hussein, et malgré toutes ses capacités humaines et économiques, le pays est devenu l’un des pires lieux où vivre dans le monde. Quelles en sont les raisons? C’est une question gênante que de nombreux étrangers m’ont posée et à laquelle j’ai souvent évité de répondre.

Je me souviens d’une question qui m’a été posée par une lycéenne de la ville de Boston sur la situation de l’enseignement secondaire en Irak. Je n’avais alors pas pu lui dire que même dans les quartiers les plus “chics”, les écoles sont en ruine ou dans un état délabré, sans toilettes. Que les salles de classe sont sans climatisation [la température peut parfois atteindre les 50°] et parfois sans tables. Elle ne m’aurait tout simplement pas cru.

Ce qui se passe en “Irak démocratique” est quelque chose de vraiment illogique, déjà difficile à concevoir pour le simple irakien, mais relevant de l’absurde pour l’observateur étranger.En effet, comment accepter que, dans une démocratie moderne, le Premier Ministre (également le commandant en chef des forces armées) puisse admettre de façon explicite être incapable de protéger son propre gouvernement des groupes hors-la-loi? 

Il n’est pas non plus logique qu’un ancien président du parlement, évoque dans une interview une “vente et achat de postes ministériels” et d’autres hautes fonctions ayant eu lieu à la cafétéria du Parlement, comme une simple transaction. Comment convaincre l’observateur occidental de notre “démocratie”, face à ce comportement devenu la règle au moment de chaque élection? Comment justifier l’incapacité du pouvoir judiciaire à condamner des personnes impliquées dans des crimes, en raison de leur appartenance partisane ou tribale? Comment qualifier un régime qui revendique la démocratie, matin, midi et soir, et qui mène une campagne d’exécutions massive à l’encontre de centaines de jeunes pour avoir organisé des manifestations pacifiques et spontanées? Est-il logique qu’un ministre des Finances puisse déclarer sans crainte un détournement de 250 milliards de dollars du budget de l’État?

Si j’étais citoyen étatsunien, comment aurais-je pu croire, que dans une démocratie contemporaine, une jeune militante et sportive puisse être abattue à cause d’une photo prise avec le consul américain à Bassora, ou qu’un journaliste ayant interviewé l’ambassadeur américain à Bagdad soit accusé d’espionnage?! Si j’étais citoyen canadien, comment pourrais-je croire en  un système qui accepte de laisser assassiner ses journalistes, ses chercheurs et ses militants sans que les auteurs ne soient punis?

Si j’étais un ingénieur de l’État de Chicago, j’aurais du mal à croire que la ville d’Al-Zafaraniya, au sud-est de Bagdad, ne compte aujourd’hui plus qu’un marché populaire appelé «Souk Al-Hawa », alors qu’on l’appelait – avant 2003 – le Chicago d’Irak en raison de sa grande industrie diversifiée?

Si j’étais un italien, je ne pourrais pas croire que le théâtre historique de Babylone n’accueille plus de concerts de musique et que les irakiens sont obligés d’acheter exclusivement des vêtements made in Turkey. Si j’étais un vétéran anglais, comment croirais-je qu’il n’y ait plus d’eau à Bassora et qu’Abu Al-Khasib” ne produise plus de dattes? Si j’étais français, j’aurais refusé l’idée que l’ancienne université de Bagdad, qu’on surnommait la “Sorbonne arabe”, ne soit plus au même rang prestigieux qu’auparavant.

Si j’étais somalien (pays qui vit pourtant une grande crise), je ne croirais pas que les fonctionnaires d’Irak, pays connu pour ses richesses pétrolières, agricoles et autres, soient restés plusieurs mois sans salaire…

Passons au citoyen iranien, dont le gouvernement a une grande influence en Irak. Sait-il qu’on trouve dans les rues de Bagdad le double de portraits à la gloire du ‘’leader’’ qu’à Téhéran et Qom réunies? Peut-il croire que l’hôpital allemand des maladies cancéreuses de Jadriya, situé au centre de Bagdad, est devenu la mosquée d’un parti islamique bénéficiant du soutien du gouvernement Que même les Irakiens les plus courageux ne peuvent pas critiquer le système iranien de Velayat-e faqih (“tutelle de la jurisprudence religieuse” qui confère aux religieux une mainmise sur le politique).

La communauté internationale doit comprendre le slogan “Nous voulons une patrie!” (Nouridou Watan!), scandé par les jeunes en octobre 2019. Il appelle à un pays qui offre le minimum pour une vie de dignité. Il met le monde entier devant sa responsabilité, son devoir de tendre la main à ce peuple abandonné comme on le ferait face à un enfant. Ces jeunes, malgré toutes les déceptions et les revers,  ont encore l’espoir d’un État prospère qui mettra fin à l’échec et à la corruption qui sévissent  depuis de nombreuses années en Irak.

Ahmed Hassan, journaliste irakien résident de la MDJ

Contact : ahm_198950@yahoo.com

D’autres articles sur l’Iran

Iran : la mort de Qassem Soleimani, un coup irréparable au régime des mollahs

Qassem Soleimani était l’un des criminels les plus cruels de l’histoire de l’Iran. Il était personnellement impliqué dans le massacre de centaines de milliers de personnes dans la région et le déplacement de millions de personnes. Avec son élimination, le processus du renversement des mollahs devrait s’accélérer.

Le chef de la force terroriste Qods des gardiens de la révolution iraniens a été tué par des tirs de drone qui se sont abattus à proximité de l’aéroport international de Bagdad.

Un convoi composé des membres de la Mobilisation populaire (Hachd Al-Chaabi, MP), la coalition de milices chiites inféodés à Téhéran, a été visé par un bombardement spectaculaire de drones américains.

Cela intervient trois jours après une attaque inédite de l’ambassade américaine par des manifestants pro-iraniens, et alors que le territoire irakien semble devenir au fil des jours le théâtre d’un épisode de haute tension entre les Etats-Unis et l’Iran.

Parmi les cinq morts confirmés dans cette nouvelle attaque, des personnalités de premier plan de ce bras de fer géopolitique.

A commencer par le sinistre pasdaran iranien Ghassem Soleimani, figure majeure du régime répressif de Téhéran, selon une information de la télévision d’Etat irakienne confirmée par les gardiens de la révolution iraniens.

L’opposition iranienne approuve l’action américaine

Maryam Radjavi, présidente du Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI-une coalition de l’opposition), a qualifié l’élimination de Qassem Soleimani et d’Abu Mehdi Mohandesse, le chef de la force répressive du Bassidj d’Irak, “de coup irréparable porté au régime des mollahs“.

Elle a souligné que le temps était venu d’évincer les mollahs de la région, spécialement d’Irak, de Syrie et du Liban, et d’expulser le corps des pasdarans de ces pays. De cette manière, l’Irak qui avait été livré sur un plateau d’argent par les Etats-Unis au régime des mollahs, sera libéré du joug du fascisme religieux au pouvoir en Iran.

Qassem Soleimani, tué comme il a vécu

Qassem Soleimani était personnellement impliqué dans le massacre de centaines de milliers de personnes dans la région et le déplacement de millions de personnes. Il était aussi le cerveau du massacre des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) au camp d’Achraf en Irak, et de nombreuses opérations terroristes contre la Résistance iranienne dans ce pays, en Iran et dans d’autres pays.

Avec son élimination, le processus du renversement des mollahs va être grandement accéléré.

Le soulèvement des peuples iranien et irakien

De plus, avec la mort du criminel Abu Mehdi Mohandesse, chef du Bassidj en Irak et force proxy du régime iranien, dont les crimes sont dénoncés par la Résistance iranienne depuis vingt ans, le temps est venu pour la victoire du soulèvement du peuple irakien et de se libérer de l’occupation du régime iranien.

La résistante iranienne a ajouté: “Alors que le renversement de la théocratie au pouvoir en Iran est à portée de main, il est temps que les forces armées du régime s’abstiennent de tirer sur le peuple iranien, déposent les armes et se rendent”.

Les personnels patriotiques des forces armées doivent rejoindre le peuple iranien”.

Rappelant les arrestations sans fin et qu’au moins 1500 personnes ont été tuées durant le soulèvement de novembre 2019, madame Radjavi a souligné que la communauté internationale, spécialement l’Union Européenne, doit mettre fin à la politique de complaisance et reconnaitre le droit du peuple iranien à résister et à se soulever pour la liberté afin de remplacer le pouvoir des mollahs par la souveraineté populaire.

De leur côté, les manifestants antipouvoir exultent à Bagdad. Des milliers d’Irakiens qui conspuent depuis plus de trois mois le pouvoir à Bagdad et son parrain iranien chantent et dansent vendredi matin sur la place Tahrir de la capitale irakienne, scandant notamment: “Ghassem Soleimani, la victoire divine est arrivée.”

“Un petit prince au pays des Mollahs”, une dénonciation en version Bande Dessinée

Découvrez l’interview de l’auteure de cet article, Raouf Massoumeh, qui présente son livre “Un petit prince au Pays des mollahs”.  

L’histoire de son jeune frère, Ahmad Raouf Bachari Doust, arrêté cinq ans avant -à l’âge de 16 ans- et qui fera partie des 30 000 prisonniers politiques exécutés.

D’autres articles sur l’Iran

Avec “Une Fois Ici-bas” Wareth Kwaish met en lumière les envies de liberté des jeunes Irakiens

[Par Louis ROYER]

Wareth Kwaish, réalisateur irakien, a présenté mardi 9 février 2016, à la Maison des Journalistes, son court métrage de 12 minutes filmé intégralement à l’iPhone, “Une Fois Ici-bas” devant une vingtaine de collègues et de militants. 

(Source : MDJ)

(Source : MDJ)

L’Irak, malgré la chute de Saddam Hussein il y a 13 ans, est toujours en proie à l’instabilité. Désormais déchargée de la présence américaine mais avec un gouvernement peu ouvert à la démocratie ou à la liberté de parole. S’ajoute à cela la présence de Daesh qui contrôle une part Nord-Ouest du pays. 

Dans cette situation tendue, les manifestations et les appels à une transition démocratique sont souvent muselés et réprimandés par les autorités. Pour parler de ces problèmes, en 2014, Wareth Kwaish, a sorti son iPhone, et il filme en caméra cachée les heurts entre manifestants et la police. Il donne également la parole à des jeunes, désabusés et qui souhaitent que leur pays sorte du marasme. Un court-métrage fort, sélectionné au Festival de Cannes en 2015 et  au Festival International du Film des Droits de l’Homme, qui se tiendra du 5 au 19 avril 2016, dans la catégorie « Séance courts-métrages : les figures de la jeunesse ».

(Source : Wareth Kwaish)

(Source : Wareth Kwaish)

(Source MDJ)

(Source MDJ)

« C’était important pour moi de faire ce film, raconte Wareth Kwaish, même si je n’avais pas beaucoup de moyens, il fallait que je laisse le peuple témoigner. Même moi, pendant longtemps j’ai eu peur de m’exprimer, et j’ai enfin réussi à me libérer, à briser les entraves qui me bloquaient intérieurement en réalisant ce documentaire. Je pense que l’on n’a pas besoin de caméra à 10 000 euros pour réaliser un bon film, il faut juste avoir les bonnes idées et une cause ».

Irak : Des journalistes sur le chemin de la mort

[Par Karwan Tayib BAZYAN]

03 septembre 2014, les frontières  entre Daesh et les forces irakiennes à Slemanbag, nord de Bagdad, Irak. Hawre Khalid, Photojournaliste. Photo par Nwenar Fatih

03 septembre 2014, les frontières entre Daesh et les forces irakiennes à Slemanbag, nord de Bagdad, Irak. Hawre Khalid, Photojournaliste. Photo par Nwenar Fatih

Les correspondants de guerre en Irak racontent leur vécu et ses menaces au long de la guerre contre le groupe djihadiste de L’Etat Islamique.
Comment décrivent-ils Daesh ?

Ayant vécu aux Pays-Bas pendant 3 ans, Hawre Khalid, 27 ans, photojournaliste et documentariste kurde irakien avait décidé de travailler dans ce pays. «En fait, je veux bien rester tranquille, mais j’aime travailler dans mon pays malgré les difficultés et le risque,» a-t- dit.
Selon les journalistes concernés : « Daesh (acronyme de L’Etat Islamique en arabe) est un groupe d’ultra barbarie. Pourtant il tue tout le monde : l’enfant, le journaliste, l’homme et la femme. De plus, ce groupe n’accepte pas les autres. Il revendique la suppression de toute les civilisations et de tous ceux qui refusent de s’aligner sur lui. « Daesh est un groupe suicidaire. Il a une culture très différente. Il est une force mortelle ».
Pour les journalistes, la situation est difficile car ils sont spécialement ciblés par ce groupe. « L’Etat Islamique a une mentalité religieuse très agressive et extrémiste. Il n’accepte ni négociation ni dialogue,» estime Aram Jamal, 31 ans, correspondant de la chaîne de télévision de KNN.

12 juin 2014, Talward, Kirkouk. Hawar Star, cameraman de NRT. Il tourne les combattants kurdes pendant la guerre contre Daesh en Irak. Photo par Hawre Khalid

12 juin 2014, Talward, Kirkouk. Hawar Star, cameraman de NRT. Il tourne les combattants kurdes pendant la guerre contre Daesh en Irak. Photo par Hawre Khalid

Daesh et les médias
Une question qui se pose : est-ce que les correspondants travaillent dans les zones sous contrôle de Daesh ?
Selon Hawar Star, 24 ans, qui est cameraman pour la chaîne de télévision de NRT: «Il n’y a pas de journalistes qui travaillent dans les régions contrôlées par Daesh. Les journalistes étrangers travaillent quelquefois sur les événements loin des champs de bataille. Il y a des journalistes qui ont utilisé des moyens techniques comme le zoom pour arriver à travailler à distance». Dans le même temps, l’organisation islamiste maîtrise sa communication en direct : « Daesh utilise les réseaux sociaux pour annoncer ces activités,» soulignent les journalistes.
« Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai vu qu’une seule fois la chaîne de télévision « Vice News » diffuser un reportage sur la région qui est sous le contrôle de Daesh. Ce groupe est très dangereux notamment pour les journalistes kurdes. Pour cette les journalistes ne peuvent pas du tout travailler au contact de ce groupe qui les tuerait » explique Hawar Star et Hardy Muhammad, 27 ans, correspondant de la chaîne de télévision de GK.

15 novembre 2014, Hawija, Kirkouk. Hardy Muhammad, correspondant de GK, il interviewe avec les combattants kurdes dans un champs de bataille pendant la guerre contre Daesh en Irak

15 novembre 2014, Hawija, Kirkouk. Hardy Muhammad, correspondant de GK, il interviewe avec les combattants kurdes dans un champs de bataille pendant la guerre contre Daesh en Irak

« Daesh refuse tous les critères du travail médiatique. Il n’accepte aucune pratique du journalisme au point que l’on a vu des journalistes étrangers décapités par Daesh » a rappelé Aram Jamal.
Mais que doivent faire les correspondants de guerre avant de commencer à couvrir les événements ? « Il faut que les journalistes effectuent un stage de journalisme de guerre,» a affirmé Hawre Khalid. Le journaliste doit évaluer la situation avant de se lancer sur le terrain. « Dans tous les cas, quand on travaille dans les zones de guerre, on rencontre toujours la mort ». Concernant les journalistes étrangers il affirme qu’ils « ne courent pas les mêmes dangers que nous. Pour notre part, nous avons bien compris la nature de notre région».
Hardy Muhammad critique, au passage, les étrangers qui viennent en Irak en tant que journalistes alors qu’ils ne le sont pas. « ce sont parfois des espions. »

12 juin 2014, Kirkouk. Hawkar Mustafa, Correspondant de Kirkuk  TV et  Kamaran Najim, photojournaliste, deax heurs avent de blesser de Najim, pendant la guerre contre Daesh en Irak

12 juin 2014, Kirkouk. Hawkar Mustafa, Correspondant de Kirkuk TV et Kamaran Najim, photojournaliste, deax heurs avent de blesser de Najim, pendant la guerre contre Daesh en Irak

Les risques du métier
« Depuis que la guerre a commencé entre les forces Irakiennes et l’Etat Islamique, je continue à travailler comme un photojournaliste dans les fronts, bien sûr que j’ai rencontré la mort plusieurs fois. Malheureusement, j’ai perdu un ami qui était photojournaliste comme moi, Kamaran Najim. Ce n’est pas fini, les risques sont encore là » a dit Hawre Khalid.
« J’ai rencontré la mort plusieurs fois, Nous sommes journalistes, C’est notre destin» confirme Aram Jamal.
Pour Hawkar Mustafa, Correspondant de la chaîne de télévision de Kirkuk TV, la situation est toujours dangereuse: « j’ai risqué ma vie plusieurs fois, de plus j’ai rencontré la mort quatre fois. » a-t-il indiqué Hawkar Mustafa. Autre risque : l’exil, dit, de son côté, Hawar Star « je risque toujours d’être mis à la porte, telle la réalité de mon pays.»
Selon les correspondants cités ici : « Si quelqu’un décide de devenir correspondant de guerre, il faut qu’il se prépare bien avant de le devenir. Le journaliste doit effectivement disposer d’ informations sur la guerre et sur ce que se passe sur le terrain. Le journaliste de guerre doit, une fois qu’il décidé de partir, porter dans son sac de quoi assurer les premier secours. »

30 septembre 2014, Dans un champs de bataille à Daquq. Aram Jamal, correspondant de KNN, avec les combattants kurdes pendant la guerre contre Daesh en Irak

30 septembre 2014, Dans un champs de bataille à Daquq. Aram Jamal, correspondant de KNN, avec les combattants kurdes pendant la guerre contre Daesh en Irak

Le Peshmarga protège les journalistes
Les correspondants de guerre déclarent que « le Peshmarga (le combattant kurde) protège bien les journalistes. Il les soutient beaucoup. C’est la raison pour laquelle on peut dire que le Peshmarga se sacrifie pour la protection de la vie des journalistes dans les champs de bataille. Il nous guide ou conseille bien.»

……………

Kamaran Najim (source : Twitter)

Kamaran Najim (source : Twitter)

Le cas de Kamaran Najim
Tous les correspondants parlent de Kamaran Najim. Le plus connu des photojournalistes Kurde d’Irak, Kamaran Najim a été blessé en mission professionnelle dans une bataille entre les combattants kurdes (Peshmarga) et le groupe djihadiste de Daesh, le 12 juin 2014. Après avoir été blessé, il a été enlevé par Daesh puis il a disparu jusqu’à aujourd’hui. Kamaran était responsable d’une agence de photographie de Metrography. Il a publié ses photos dans les plus connus des journaux internationaux comme : Times of London, Monocle Magazine, Financial Times Magazine, Vanity Fair, Washington Post, Getty Images, Al Sharq Al Awsat Newspaper…

 

 

L’Etat Islamique- l’Irak et les Kurdes : Quel avenir attend le pays?

[Par Karwan Tayib BAZYAN]

Des jihadistes de l'EIIL tiennent un point de contrôle à l'entrée de Mossoul, le 16 juin 2014 | Karim Sahib

Des jihadistes de l’EIIL tiennent un point de contrôle à l’entrée de Mossoul, le 16 juin 2014 | Karim Sahib

L’Etat Islamique –connu également sous le nom de « Daech »- est un groupe djihadiste extrémiste sunnite qui a été fondé, en Irak en 2006. Le fondement de son pouvoir reste l’application fidèle de la « Charia ». Pour ce mouvement, les musulmans qui n’adhèrent pas l’idéologie du groupe sont en dehors de l’Islam. Il considère que les kurdes sont les alliés d’Israël et des pays occidentaux. Dernièrement, l’Etat islamique a exploité le conflit entre les chiites, sunnites et les kurdes en Irak pour contrôler Mossoul, la deuxième grande ville du pays et plusieurs autres villes de la région sunnite. Quel rapport a donc cet affrontement avec les précédents conflits entre les sunnites, les chiites et les Kurdes? Quel avenir se dessine-t-il pour l’Irak de demain?

Le Kurdistan irakien et l’Irak

Le Kurdistan irakien est une entité politique, fédérale et autonome du Nord de l’Irak, reconnue par la constitution irakienne de 2005 et par la communauté internationale. Lors de la dernière élection législative, trois partis politiques laïcs obtiennent la majorité : le Parti démocratique du Kurdistan (38 sièges), L’Union patriotique du Kurdistan (18 sièges) et le Mouvement de Gorran (24 sièges). En revanche, les partis islamistes qui se considèrent comme «islamistes modérés», gagnent 17 des 111 sièges au parlement Kurdistan. Notons que les partis politiques kurdes se revendiquent nationalistes par rapport au Kurdistan.
Les autres partis politiques irakiens sont islamistes notamment les partis politiques chiites ; ils sont de confession islamiste chiite traditionnelle. Le clergé (un ayatollah) a un véritable pouvoir décisionnel en leur sein. Mais, chez les arabes sunnites nous trouvons des partis politiques islamistes et des partis laïcs confessionnels. De toute façon, nous pouvons dire que tous les partis irakiens sont confessionnels. Il n’existe pas du tout de parti purement nationaliste dans le pays.

Carte tirée du site fr.wikipedia.org

Carte tirée du site fr.wikipedia.org

Les Kurdes Irakiens n’ont pas de véritables liens d’appartenance à l’Irak, parce que les autorités irakiennes, depuis le début des années 1920 jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas donné la totalité des droits aux Kurdes c’est pour cela que ces derniers sont toujours en conflit avec elles. En 1991, après un grand exode des kurdes vers les frontières de l’Iran et de la Turquie, parce qu’ils ont rencontré la persécution et le massacre de 1991 à 2003, le Kurdistan irakien, protégé par la couverture aérienne garantie par la communauté internationale a bénéficié d’une quasi-indépendance. De plus, dans les années 1980 plus de 182 mille Kurdes ont été victimes d’un génocide (connu sous le nom d’Anfal), mais également en 1988 sous le régime de Saddam Hussein, qui a provoqué la mort de 5 mille civiles kurds de la ville de Halabja au Kurdistan irakien avec des armes chimiques. Et il faut , en outre, rappeler qu’en 1988, le régime irakien a détruit 90% des villages des kurdes. Malheureusement, à l’époque, tous les pays arabes et musulmans sont restés silencieux.
Par ailleurs, de 1991 (après l’exode) à 2003, les Etats-Unis, l’Angleterre et la France ont pris la décision de protéger les Kurdes. A partir de 1991, la région de Kurdistan irakien était en dehors du contrôle du gouvernement irakien, depuis que les kurdes avaient constitué un gouvernement local et un parlement régional. Après le renversement du régime de Saddam Hussein, ils ont partagé le processus politique en Irak.
Gardons à l’esprit que cette région est très riche en pétrole et en gaz naturel. Aujourd’hui, plusieurs entreprises pétrolières étrangères travaillent au Kurdistan irakien. La région était en sécurité jusqu’ au 9 juin 2014. A partir de cette date, l’Etat Islamique l’a menacée sans cesse. Mais de toute façon, la situation n’est pas très tragique, parce que les pays occidentaux ont très vite annoncé leur soutien aux Kurdes en Irak contre le « Daech ».

Les Kurdes, sunnites et les chiites
Le conflit entre les arabes sunnites et chiites ne date pas d’aujourd’hui. Les sunnites contrôlaient le pouvoir en Irak depuis la Première Guerre Mondiale jusqu’en 2003, c’est-à-dire après la proclamation de l’indépendance en 1932. Lors de cette indépendance, la Grande-Bretagne a fait, selon nous, une grande erreur politique : elle a couronné une personne d’origine étrangère qui venait d’Arabie Saoudite au lieu d’une personnalité irakienne. Ensuite, elle n’a pas garanti les droits des Kurdes en Irak, non plus. De ce fait, les Kurdes se sont retrouvés annexés à l’Irak.
Après la chute du régime de Saddam Hussein, le conflit confessionnel a commencé entre les arabes sunnites et chiites. Mais, les Kurdes ont coupé tout lien avec le régime Saddam Hussein jusqu’en 2003. Ensuite, ils sont revenus à Bagdad pour créer un nouveau système politique. Le conflit des Kurdes avec les sunnites et les chiites a émergé pour plusieurs causes, y compris concernant les frontières que possède la région du Kurdistan avec les autres car cette région demande à inclure quelques villes dont Kirkuk, qui correspond à la zone la plus importante du Kurdistan.
Pour les Kurdes, l’ethnie est plus importante que la religion. L’opposition entre les sunnites et les chiites est d’orde religieux et confessionnel, mais les conflits entre les arabes en général et les Kurdes sont ethniques. Notons que le régime de Saddam Hussein qui était totalitaire, marginalisait à la fois les chiites et les Kurdes. Cependant, après le renversement de Saddam, les chiites ont contrôlé le pouvoir.
Actuellement, l’Etat Islamique contrôle les régions habitées par les sunnites, parce qu’il a été directement au indirectement soutenu par ces derniers. Aujourd’hui, Les sunnites en Irak soutiennent l’Etat Islamique contre les chiites et les Kurdes, pour renforcer leur position dans le pays.
D’ailleurs, Les autorités arabes en général n’acceptent pas les autres minorités dans les pays arabes. Pour confirmer cela, il suffit de prendre des exemples : les autorités irakiennes ont réprimé les Kurdes en Irak et en Syrie après la Première Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, les coptes sont marginalisés en Egypte, les berbères en Afrique du nord et d’autres minorités au Soudan ont été réprimées.

Les sunnites et les chiites : une histoire sanguinaire

Carte tirée du site huffingtonpost.fr

Carte tirée du site huffingtonpost.fr

Le conflit entre les sunnites et les chiites est très ancien en Irak. Ce pays a toujours été un champ de bataille entre ces deux populations. Elles n’arrivent toujours pas à un consensus en vue d’ une coexistence pacifique. D’ailleurs, ce conflit continue depuis l’émergence de l’Islam jusqu’à aujourd’hui. De plus, l’Irak a connu d’autres conflits entre les Califats et l’empire Séfévides –les chiites iraniens- depuis bien longtemps. On peut dire que le même conflit continue sans entraîner aucun changement.
Aujourd’hui, les pays sunnites, le Qatar, l’Arabie Saoudite, La Turquie, etc. soutiennent les arabes sunnites et l’Iran soutient les arabes chiites en Irak.

Quel avenir cela dessine-t-il?
Les expériences antérieures à l’occupation d’Irak par les Etats-Unis et ses alliés en 2003 montrent que les ethnies en Irak ne souhaitent pas vivre dans un pays forcément contrôlé par Bagdad ou centralisé par le gouvernement de Bagdad. Dans ce contexte, on pourrait émettre plusieurs hypothèses ou suppositions pour l’avenir de l’Irak. Peut-être serait-il mieux de fédérer toutes les ethnies dans ce pays, selon trois grandes régions :”Trois régions semi-autonomes attribuées aux chiites, sunnites et Kurdes, tout en plaidant en faveur de l’unité” (selon les propos de Joe Biden, vice-président des Etats-Unis). Ce modèle est fortement soutenu par les Kurdes. Les arabes shiites disposent, en revanche, d’un système fédéral. Ils espèrent créer leur modèle dans une région à part entière en Irak. Les événements sur le terrain rendent les Irakiens connaisseurs de la réalité et du modèle proposé par Joe Biden et qui est le meilleur pour toutes les ethnies, car il permettrait d’éviter la guerre civile et de stabiliser le pays.