De l’Allemagne à la Pologne : la relation entre les médias et le gouvernement

Les fermeture et délocalisation prochaines de la salle de presse du Palais de l’Elysée démontre une volonté de réduire les relations entre le coeur du gouvernement et les médias français. L’Elysée annonce là un schéma inédit dans une France où l’hostilité et le repoussement des médias se font de plus en plus communs. Un acte peu similaire aux pays voisins dont, pour la plupart, les gouvernements et les médias semblent encore travailler ensemble dans le traitement de l’information. Vision sur la situation en Europe.

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France

En février dernier, la présidence de la République annonçait le changement de lieu de la salle de presse du palais de l’Elysée. Une décision “unilatérale” relayée par Sibeth Ndiaye auprès d’un parterre de journalistes. Les arguments du gouvernement sont nombreux et, s’ils tendent à des améliorations pour le quotidien des journalistes, peuvent aussi apparaître comme une nouvelle forme de communication.

Jusqu’alors, les journalistes avaient accès à une salle de presse donnant sur la cour de l’Elysée, mais simplement en cas d’occasions précises: Conseil des ministres, réceptions… Seules les agences (AFP, AP, Reuters…) y avaient, elles, accès en permanence. La décision d’Emmanuel Macron de bouter hors de la cour présidentielle ces journalistes n’est pas sans rappeler sa relation ambiguë avec les médias.

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Allemagne

L’Office de presse et d’information du gouvernement fédéral, introduit en 1949 par Konrad Adenauer, “informe les citoyens et, d’autre part, les médias de la politique du gouvernement fédéral, et plus précisément des actions, des lois, des stratégies et des fondements de la politique” comme le cite le site internet allemand du gouvernement fédéral.

Sous l’autorité du chancelier général sans pour autant faire partie de la Chancellerie Générale, il regroupe nombre de bulletins d’information électroniques et revues de presse pour permettre une information immédiate au sein du gouvernement.

Lors de conférences de presse, la présence du porte-parole du gouvernement ainsi que ceux des ministères fédéraux est essentielle afin de répondre aux questions des journalistes. Dans le cadre de la Bundespressekonferenz, les conférences se tiennent généralement à Berlin ou à Bonn pour les correspondants étrangers s’y trouvant. Des points de presse sont également accessibles aux journalistes, transmis par le bureau du suppléant du porte-parole du gouvernement fédéral.

ESPAGNE

Outre une ponctualité des bureaux et équipements destinés aux journaliste, pouvant s’avérer incommode, le gouvernement espagnol travaille de concert avec la presse, d’une manière générale. Se calquant quelque peu sur le modèle français, quelques détails diffèrent, notamment au niveau des cartes de presse nécessaires aux accréditations. En Espagne, il n’existe pas de carte de presse unique. Chaque média possède sa propre carte à présenter à l’entrée des institutions. Également, la F.A.P.E. (Federación de Asociacones de Periodistas de España), implantée dans chaque régions de la péninsule Ibérique attribue des cartes spécifiant que le détenteur est un professionnel.

Les journalistes, une fois accrédités, sont libre d’accès à toutes les parties publiques du Palais de la Moncloa, du Cortes Generales (Parlement espagnol) ou tout autre institutions. L’accréditation de base sert également de laisser-passer pour assister aux assemblées.
L’Espagne étant un pays particulièrement développé en informatique, le streaming des assemblées, comités, élections ou tout autre événement politique est retransmis en direct. Il s’agit d’un pays très connecté pour les médias et les citoyens.

Finlande

Généralement, seules les conférences de presse permettent aux médias de connaître ce qu’il se passe au gouvernement. Néanmoins, l’ambiance y est bien plus cordiale. Nora Klami, conseillère de presse à l’ambassade de Finlande à Paris ayant travaillé au Ministère Étrangère de Helsinki auparavant indique que la Finlande est un petit pays doté d’une population de 5 millions d’habitants. “Tout le monde se connaît, tout le monde se salue” déclare t-elle. Cette proximité permet d’établir certains compromis au profit des journalistes. Par exemple, il est possible qu’un journaliste puisse écrire son article au sein du Ministère dans une salle de réunion non-occupée au lieu de rentrer dans sa rédaction. “Les règles sont plutôt souples et l’entente entre les journalistes et les membres ministériels est cordiale” ajoute Nora Klami.

Les accréditations se font simplement par le biais electronique. Les invitations pour la conférence de presse ou tout autre événement nécessitant une couverture médiatique, sont envoyées aux médias. Ceux-ci doivent simplement remplir un formulaire pour s’y inscrire.

Le Parlement finlandais ( ou Eduskunta) est l’un des Parlement les plus ouvert au monde. Les médias sont libres d’y circuler sous l’escorte d’un membre parlementaire. Les journalistes peuvent utiliser librement les installations à dispositions de ceux-ci. Néanmoins, peu de bureaux sont mis en place pour les médias. Seul lors de grands événements politiques, tel que les élections présidentielles, les journalistes peuvent avoir accès à de nombreuses installations comme différentes salles de presse, des plateaux de télévisions et studio d’enregistrement. D’une manière très ponctuelle.

Irlande

Plutôt condensé, le gouvernement irlandais ne réside qu’au sein de l’Oireachtes, qui regroupe le Dáil Éireann qui correspond à l’Assemblée d’Irlande, le Seannad Éireann qui se rapporte au Sénat irlandais et les différents comités.

La “Press Gallery” accueille donc la centaine de journalistes dont la plupart sont accrédités en permanence au sein de l’institution. Fonctionnant sous les auspices du Ceann Comhairle, le Président du Parlement, néanmoins, l’organe de presse conserve une certaine autonomie.

Les services de presse de chaque corps institutionnels et la “Press Gallery” se coordonnent bien les informations entre eux. L’Unité de Communication de l’Oireachtes, qui est la presse parlementaire, annonce aux journalistes accrédités chaque conférences de presse se préparant. Celles-ci sont d’ailleurs plutôt organisées pour promouvoir le travail des comités.

Le gouvernement irlandais possède également un service de presse central qui communique les compte-rendus officiels à la “Press Gallery”, à partir desquelles les journalistes peuvent avoir matière à composer pour la population.

Italie

Les seules salles de presse existantes en Italie sont au Ministère des Affaires Étrangères, car seules les affaires non-internes au pays sont favorables d’être relayables par la presse italienne. Le bureau de l’AFP basé à Rome explique à quel point il est difficile d’avoir des informations internes, “les services de presse présents ne sont pas efficaces” déplore l’AFP Italie.

Aujourd’hui, la situation des journalistes politiques, entre autre, va s’avérer bien plus compliquée. L’homme annoncé pour reprendre la gouvernance après le renoncement de Giuseppe Conte, Carlo Cottarelli est décrit comme un économiste aux politiques budgétaires austères. Ancien haut-responsable du FMI, la presse s’inquiète de voir son budget revu à la baisse.

Le bureau romain de l’AFP ajoute que la “méfiance” du nouveau gouvernement va obscurcir la présence de la presse dans les institutions gouvernementales, “leur seule communication se font par le biais des réseaux sociaux, désormais”.

A titre d’exemple, certains journalistes s’inquiètent de voir la fameuse grande conférence de presse annuelle du 15 août par le Ministère de l’Intérieur visant à faire un bilan, supprimée du programme de l’Etat.

Norvège

Les 16 ministères en activité en Norvège ne possèdent donc pas de bureaux de presse. Néanmoins, les membres du gouvernement et les journalistes travaillent ensemble afin de relayer l’information sous forme de rapports et compte-rendu disponibles sur le site internet du gouvernement norvégien. Les conférences de presse y sont fréquentes et tous journalistes peut y accéder sous la validation d’un laisser-passer temporaire.

Au Stortinget, la chambre parlementaire monocamérale de Norvège, la présence des médias y est quotidienne. Pour les accueillir, différents organes de presse sont prévus à cet effet sous certaines conditions d’accès (badge, laisser-passer, justificatifs). Une “Press Box” disponible au sein de la Chambre permet d’actualiser l’information en direct des assemblées. Le centre de presse dans le bâtiment permet d’accueillir plusieurs dizaines de journalistes afin de traiter l’information générale du Stortinget.

D’autres services peuvent être disponibles aux journalistes tels que des studios d’enregistrement, qui retransmet l’événement sur la WebTV du gouvernement, ainsi qu’une bibliothèque pour effectuer des recherches nécessaires.

Pologne

TVP, chaîne d’information publique en continu, ne mise que sur la propagande. De ce fait, les journalistes sont autorisés à échanger avec les membres du gouvernements. Voici le schéma médiatique qu’impose la Pologne d’aujourd’hui. L’arrivée de Jaroslaw Kaczynski à la tête du gouvernement, a complètement bouleversé le travail des médias dans le pays mais également dans les institutions gouvernementales.

Michel Viatteau, directeur du bureau de l’AFP à Varsovie déclare que “le Parlement a supprimé les laisser-passer ponctuels. Les journalistes ne peuvent plus entrer dans l’institution”. Il explique néanmoins qu’il existe des locaux où les journalistes peuvent travailler, néanmoins “aucun n’a vraiment l’allure d’une salle de presse et c’est très ponctuel.”

En effet, il se souvient du 25e sommet de l’OTAN de 2016 à Varsovie, où les journalistes étaient bien mieux traités face à la communauté internationale crédule de la situation. “Les conférences de presse se déroulaient dans un ministère, avec du thé et des petits gâteaux secs”.

Il règne donc, en Pologne, un illibéralisme et un contrôle dont les médias polonais et étrangers en subissent les conditions dans l’exercice de leur fonction.

Royaume-Uni

Dans les années 80, la presse anglaise n’était pas la bienvenue au sein du siège du gouvernement anglais. Souvent, les réunions du 10 Downing Street restaient très secrètes et ce qu’il se disait n’était pas disponible aux journalistes.

C’est dans les années 90 que le gouvernement est devenu plus tolérant envers la presse et les journalistes pouvaient se permettre de relayer l’information issue des conseils par le biais du porte-parole du premier ministre. Andrew Sparrow, journaliste politique au journal The Guardians, se rappelle “Le 10 nous avait installé dans une petite salle dans le sous-sol afin de travailler, puis ils en ont eu assez de nous avoir et nous ont transféré au Parlement”.

Aujourd’hui, les journalistes politiques au Royaume-Uni travaillent principalement dans les Chambres du Parlement, où un couloir est spécifiquement réservé aux bureaux de presse. Pour travailler dans le bâtiment, les journalistes doivent être accrédités par les autorités parlementaires, mais les journaux nationaux et les grands journaux régionaux possèdent tous des laissez-passer. “Un grand journal national comme le Guardian aura jusqu’à 10 passants” déclare Andrew Sparrow. La plupart des journalistes travaillant au Parlement sont également des “correspondants de lobby”. Cela les autorise à entrer au sein de le hall de la Chambre des Communes lorsque celle-ci siège. Pendant de nombreuses années, il s’agissait de la seule manière pour les journalistes d’entrer en contact avec les députés et ainsi recueillir l’information

Suisse

La Suisse est un très bon modèle d’entente et de coordination entre journaliste et membres du gouvernement. Le Palais fédéral est dotée, depuis 2007, d’un Centre de presse où le Conseil fédéral, le Parlement, les différents partis et les comités interpartis peuvent informer médias par extension, la population. L’organe offre aux journalistes de nombreuses places de travail ainsi que l’infrastructure nécessaire à la bonne diffusion de l’information de la “Berne fédérale”.

L’accès au Conseil fédéral se fait par des accréditations qui diffèrent un peu du modèle français. En effet, différents badges se distinguent donnant chacun droit à une certaine partie de l’institution gouvernementale et ainsi à la conférence de presse recherchée.

Les conférences de presse se déroulent toujours dans la large salle de conférence qu’offre le Palais, doté de l’équipement technique souvent usé pour une retransmission en direct. En dehors des divers faits sujets d’actualité politique, auxquelles journalistes suisses et étrangers sont présents, une séance du Conseil fédéral se déroule de manière hebdomadaire couverte par les médias locaux

Du 9 juillet au 28 août 2018, des travaux seront effectués au sein du Centre de presse. Dans un idéal de rendre le lieu plus fonctionnel pour les journalistes, l’ajout de différents équipements techniques, d’une sécurité renforcée et d’un élargissement des lieux de travail seront mis en place.

Suède

Le Riksdag est particulièrement bien organisé lorsqu’il s’agit des médias présents au sein de l’institution. Chaque service de presse possède un lieu et une fonction propre. L’information passe de services en services afin d’en rendre une version complète au gouvernement.

Le Foyer de presse est l’endroit où l’information intrinsèque au Riksdag est traitée. Rapports de gouvernement, compte-rendu de conférence de presse et tout autre événement au sein de l’institution sont réalisé et disponible aux membres.

Le Salon de presse situé non loin du Foyer, est l’endroit où les journalistes peuvent se rencontrer et échanger. Également, ils peuvent suivre les débats de la Chambre et les audiences du comité public via la diffusion d’émissions internes. L’Association des Journalistes du Riksdag tient également ses réunion dans cette salle.

La Galerie de Presse, utile aux reporters et photographes, contient 50 sièges disponibles aux journalistes. La salle est notamment réservée pour toute photo officielle. Bien qu’il soit permis aux photographes de prendre des photos dans d’autres ailes du bâtiment sous plusieurs conditions, c’est surtout dans la Galerie de presse que ce travail est effectué.

Mais l’organe le plus important reste le Centre de presse du Riksdag. C’est l’endroit où les réunions entre les médias et les comités, les ministres, le premier ministre, les commissions parlementaire ou européenne. C’est là où les décisions les plus importantes sont prises. L’équipement technique présent permet des enregistrements audio et vidéo si nécessaire.