Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche marque un tournant inquiétant pour la liberté de la presse. Entre pressions politiques, restrictions croissantes et fragilisation des médias, le journalisme américain et international se retrouve plus que jamais sous tension.
[publié le 01/09/2025]

Depuis l’entrée en fonction de Donald Trump pour son second mandat, le 20 janvier 2025, les revers en matière de liberté de la presse et de droits civiques en général ont été nombreux. Les menaces déjà proférées pendant sa campagne électorale ont été mises à exécution, utilisant le gouvernement fédéral comme une arme contre les journaux et les journalistes individuels qui se sont montrés critiques à son égard.
Les journalistes de l’Associated Press (AP) se sont notamment vu interdire l’accès aux événements organisés à la Maison Blanche depuis le 11 février, en raison de leur utilisation continue du terme « golfe du Mexique » au lieu de « golfe d’Amérique », préféré par M. Trump. Malgré une décision d’un juge fédéral du 9 avril autorisant leur retour, l’administration a continué de les exclure (AP).
Dans son nouveau classement pour 2025, Reporters sans frontières place les États-Unis à la 57e place mondiale en matière de liberté de la presse, perdant deux places depuis l’année dernière. Dans ce contexte, Trump s’en est pris à la crédibilité, à l’indépendance et à la pérennité des médias tant au niveau national qu’international, s’inspirant des régimes autoritaires.
Une vague de nouvelles restrictions juridiques et administratives visant le journalisme américain
Le premier jour de son second mandat, Donald Trump a signé un nombre record de décrets présidentiels annulant de nombreuses décisions de l’administration précédente. Il convient notamment de mentionner le décret 141419. Censé “Rétablir la liberté d’expression et mettre fin à la censure fédérale”, beaucoup le critiquent, estimant qu’il facilite la diffusion de fausses informations en ligne et empêche la modération sur les plateformes sociales.
La Commission fédérale des communications (FCC), dirigée par Brendan Carr, coauteur du très conservateur « Projet 2025 », a lancé plusieurs enquêtes à caractère politique contre des médias critiques à l’égard du président américain actuel. C’est notamment le cas de CBS, Disney (en tant que société mère d’ABC), Comcast (société mère de NBC), NPR et PBS. Le premier mai, un décret a été signé demandant la cessation des investissements fédéraux dans PBS et NPR, en raison d’accusations de partialité.
En conséquence de ces restrictions, du manque de subventions publiques et de la domination des milliardaires sur les entreprises médiatiques américaines, des « déserts informationnels » (RSF) apparaissent dans le pays. Ces zones, où l’accès à des informations fiables et vérifiées est limité, ainsi que les médias financés par les États-Unis à l’étranger, sont également fortement menacés.
Les médias libres à l’étranger fragilisés par la réduction des financements de l’USAGM
Le 14 mars 2025, Trump a annoncé la dissolution de l’USAGM (l’agence indépendante chargée de surveiller les émissions internationales financées par le gouvernement). Ainsi, il a supprimé le financement de nombreux médias indépendants dans des pays étrangers, en particulier ceux qui s’efforcent de diffuser l’information dans des zones soumises à des gouvernements autoritaires.
Chaque année, 268 millions de dollars (environ 0,004 % du budget fédéral) sont alloués par le Congrès pour soutenir les médias indépendants (selon le média Blast). Suite à la décision de l’administration Trump concernant l’USAGM et au gel des subventions accordées par l’USAID pendant 90 jours, le journalisme mondial est plongé dans le chaos, selon Reporters sans frontières.
Plus de 3 500 journalistes et professionnels des médias risquent de perdre leur emploi à la suite de cette décision, notamment ceux travaillant pour Voice of America et Radio Free Europe. Le gouvernement tchèque a appelé à la sauvegarde de cette dernière, la qualifiant de rempart essentiel contre les régimes totalitaires (Le Monde). En raison de ces mesures, au moins 84 employés de l’USAGM actuellement basés aux États-Unis risquent d’être expulsés vers des pays où ils courent un risque élevé de poursuites judiciaires et de sanctions.
Une multiplication des incidents entre l’administration Trump et les journalistes
L’administration Trump a également mis en place de nombreuses restrictions à l’accès des journalistes au président ou à son équipe. Le système d’autogestion en place depuis des années avec l’Association des correspondants de la Maison Blanche, a également été modifiée. La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a annoncé le 25 février que l’administration choisirait elle-même le « pool » de journalistes bénéficiant d’un accès privilégié, l’ouvrant à de nouveaux médias sélectionnés personnellement par l’exécutif (CNN).
Donald Trump a également multiplié personnellement ses attaques contre les journalistes sur les réseaux sociaux, une attitude constante depuis son entrée en politique. (RSF). Selon l’indice établi par US Freedom Tracker, entre l’annonce de sa candidature en 2015 et son bannissement de Twitter en janvier 2021, il a publié plus de 2 500 tweets négatifs à l’encontre des médias. De plus, au cours des deux derniers mois de sa dernière campagne, il a attaqué les médias à au moins 108 reprises dans des discours ou des déclarations publiques, selon Reporters sans frontières.

L’avenir de la situation tel que perçu par les journalistes sur le terrain et à l’étranger
Les actions de Donald Trump à l’encontre des médias, qui se sont intensifiées au cours de son second mandat, n’ont pas seulement affecté les journalistes nationaux. Les changements qu’il a imposés au paysage médiatique ont été ressentis dans le monde entier, notamment en raison de la position dominante des États-Unis dans la politique mondiale. Les correspondants étrangers à la Maison Blanche décrivent une nouvelle atmosphère intimidante et autoritaire dans la salle de presse, notamment le journaliste canadien Frédéric Arnould (Radio Canada) et la journaliste française Sonia Dridi (RTBF, France 24, BFM TV).
Les organisations internationales de presse ont également alerté sur la dégradation de la situation aux États-Unis. Clayton Weimers, directeur exécutif du bureau Amérique du Nord de RSF, refuse d’accepter ce recul de la liberté et appelle tous les Américains à prendre conscience de la réalité de la situation et à continuer de la dénoncer. Le syndicat français CFDT-Journalistes a également exprimé le danger que représentent les attaques contre la liberté de la presse pour la démocratie.
Une étudiante originaire de Pennsylvanie et active sur la scène politique partage ce point de vue sur le déclin de la liberté de la presse et des libertés civiles. Elle rappelle que « forcer les gens à faire ce que vous voulez en échange d’un emploi n’est pas de la démocratie » et met en garde contre le contournement des garanties institutionnelles par Trump. Selon elle, Trump présente de plus en plus de similitudes avec les régimes autoritaires : il prend des décisions qui ne relèvent pas de son pouvoir et « fait ce qu’il veut sans se soucier de ce que les autres en pensent ». Dans l’ensemble, elle estime qu’il faudra beaucoup d’efforts pour revenir sur les changements apportés par cette nouvelle administration, car selon elle, « le peuple américain est brisé », puisqu’il a voté deux fois pour lui.
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