Simon Brochard (SOS Méditerranée) : « Les gens n’ont pas attendu qu’on soit là pour partir »

[Par Hicham MANSOURI]

Cet article a été publié en partenariat avec le journal Kezako du Festival de Douarnenez

Marin à bord de vieux gréements, Simon Brochard s’est installé voilà cinq ans à Douarnenez pour se former à la fabrication des voiles. Une heure du documentaire « Les migrants ne savent pas nager », a suffi pour le convaincre à rejoindre la cause de SOS Méditerranée et s’engager dans le sauvetage humanitaire des migrants en mer Méditerranée. Depuis, il a contribué, à bord de l’Aquarius, au secours d’une douzaine de bateaux près des côtes Libyennes.

Simon Brochard

Comment tu t’es engagé dans l’humanitaire ?

L’an dernier, j’étais au festival de Douarnenez. J’ai été à la projection du film Les migrants ne savent pas nager, ça a été un choc. On voyait des gens monter dans des bateaux, qui, techniquement, ne peuvent pas traverser la mer.

 

C’est-à-dire ?

Aucune des embarcations que j’ai vues n’aurait pu faire la traversée. Ce sont des « bateaux » qui sont, par définition, en état de détresse. En tant que marin, si quelqu’un est en détresse en mer, on doit le secourir. Ça fait partie de notre ADN.

 

Les mouvements anti-migrants vous accusent de travailler « main dans la main » avec les passeurs…

C’est un mensonge ! La preuve c’est qu’en 2014, donc avant que les ONG interviennent, la marine italienne menait déjà des opérations de sauvetage. Au bout d’un an l’Union européenne a renforcé la surveillance des frontières, mais ça n’a pas fait diminuer les départs de la côte libyenne. Les gens n’ont pas attendus qu’on soit devant pour partir.

 

Quel moment t’a le plus marqué ?

C’est quand j’ai vu 195 personnes entassées sur une planche d’à peine dix mètres de long entourée d’une sorte de chambre à air. Les gens étaient tellement serrés qu’ils ne pouvaient même pas communiquer entre eux. Le moindre mouvement ou la moindre vague peut mettre fin à leur aventure.

Beaucoup de personnes périssent noyées, mais d’autres meurent pendant la traversée à cause de la promiscuité et du mélange d’eau et d’essence qui leur fait perdre conscience. Leur dernier réflexe est souvent de mordre leurs voisins. Les rescapés nous disaient, en nous montrant leurs bras mordus : « On a essayé de les relever mais c’était trop tard…».