Congo : Scandales à la présidence, au palais de justice, dans les écoles et…

La République se délite. La semaine qui vient de s’achever révèle un grand nombre de dysfonctionnements dans l’appareil administratif, sécuritaire, éducatif, judiciaire, religieux et diplomatique. Les antivaleurs et les scandales de tout ordre ont phagocyté les bonnes mœurs au point de penser à un malaise généralisé.

Décryptage

Le président de la République du Congo, a eu une intense activité et beaucoup voyagé en 187 heures. Il s’est d’abord rendu en Italie. Après, il est revenu à Brazzaville où il a été très mobile avant de s’envoler pour Boundji via Olombo-Oyo. 39 heures après, il a rejoint Brazzaville. Aussitôt rentré, il s’est mis à réviser le discours qu’il devait prononcer le 5 février 2024 à la réunion du haut sommet sur la Libye à Kintélé. Dans le hall de la salle de réunion, il a trébuché.

Selon certaines indiscrétions, il aurait fait un malaise à sa résidence et aurait divagué à la manière de Joe Biden. Les réseaux sociaux se sont délectés des faits en allant dans tous les sens. L’incertitude s’est muée en inquiétude. La santé du chef de l’État est glosée dans tous les milieux. Simple rumeur ou vérité. Les communicateurs de la République sont silencieux comme des carpes.

Les populations ont besoin d’être rassurées pour tordre le cou à tous les quolibets qui alimentent la toile. Peut-on se permettre de dire que dans « cent grammes de rumeur, il y a au moins dix grammes de vérité » ? Cela semble se vérifier car, quelques heures plus tard, Brazzaville a été plongée dans le noir jusqu’au départ de Denis Sassou Nguesso comme à l’époque où il partait se faire soigner en Espagne.

M. Sassou qui prend le temps de se reposer, se faire masser et se doper des médicaments après une intense activité, s’est curieusement envolé pour Dubaï le 7 février 2024 d’où il rentre bredouille – sans avoir signé d’accord ni ramené des fonds – dans sa gibecière. Pourquoi l’a-t-on donc mis précipitamment dans l’avion ?

Au même moment, le Congo s’est agité : les élèves du lycée 5 février ont tenté une révolution, le ministre d’Edgard Nguesso, Léon Juste Ibombo a enfoncé le clou en semant la zizanie auprès du peuple. De son côté, le général Ndenguet a conféré avec les évêques du Congo. Au palais de justice, on est passé à un pas d’un affrontement entre gendarmes et policiers, entre les soutiens de JDO et ceux de Christel Denis Sassou Nguesso

La rencontre du général Ndenguet et les Évêques et différents scandales

La retrouvaille des évêques du Congo à la résidence privée d’Obouya du général Ndenguet située à 620 kilomètres de Brazzaville et sur son invitation, participe, sans nul doute, du fervent désir de demander l’intercession des hommes d’église pour M. Sassou, la paix du Congo et bien sûr pour ledit général.

La santé et la paix n’ont pas de prix, dira-t-on ; il faut faire feu de tout bois. La énième remise du Congo aux mains de Dieu s’affiche sur le catalogue de toutes les demandes formulées à ce jour auprès du Tout-Puissant. Les gouvernants ont-ils seulement compris la valeur du pardon et de la rémission des péchés ? Revenons sur le droit chemin pour mériter le pardon de l’Immanence.

Le congolais reproche aux évêques de l’Eglise catholique du Congo de ne pas décliner l’invitation d’un officier-général, directeur général de la Police depuis 27 ans cité dans plusieurs assassinats. L’Église devient-elle complice de la dictature ou corrompue ? 

Mais entre-temps, le général Ndenguet, n’a pas vu venir l’humiliation que devait connaître son rejeton, madame Sarah Pereira, qui, respectueuse des textes réglementant la procédure de radiation et de déclaration d’une entreprise, s’est vue confrontée à l’arbitraire et à l’abus de pouvoir, du greffier Endzena Okali Gédéon Perphyte qui serait influencé par le colonel – président du tribunal de commerce de Brazzaville (TCB) Bossouba. Mme Pereira et sa collaboratrice, depuis trois semaines, se sont rendues plusieurs fois au TCB dans l’espoir de récupérer les documents leur permettant d’engager les activités commerciales.

Malgré qu’elle s’est acquittée des droits y afférant et mouillé aussi la barbe pour obtenir ce précieux sésame, le TCB l’a menée en bateau jusqu’à la date du 8 février 2024 où, lasse d’attendre, a fait vertement valoir ses droits, ce qui a abouti à une dispute. Sur instruction du colonel-président qui demandait de stopper le vacarme au sein du Palais de justice, le greffier à son tour a transmis le message aux gendarmes qui ont brutalisé et soulevé madame Sarah Pereira jusqu’à la placer en garde à vue au poste de gendarmerie du palais de justice de Brazzaville.

Après des coups de fil auprès du colonel-major Olangué de la gendarmerie et à la direction de la police, des dizaines de gendarmes et des policiers ont débarqué au palais pour libérer Sarah Pereira et cueillir les gendarmes qui avaient placé la dame. A son tour, le procureur de la République adjoint (PRA) Mbongo, ordonne la libération de Sarah Pereira et refuse de livrer les gendarmes. Fâché, le capitaine de l’escadron insulte le PRA.

Par solidarité, les magistrats et les greffiers qui ont assisté à la scène, veulent partir en grève si ce capitaine n’est pas sanctionné. Le ver est dans le fruit. Selon certaines indiscrétions, cette affaire n’est qu’une guerre larvée des clans nordistes dont Sarah Pereira ne serait qu’une victime collatérale et devait être le dindon de la farce d’un noyau Mbochi pressé de succéder à Denis Sassou Nguesso. Un scandale de plus dans l’espace judiciaire où le greffier, malgré le serment de confidentialité, s’est permis de filmer et poster une vidéo sur les réseaux sociaux. 

De même, il est triste pour ce capitaine de désobéir aux ordres du PRA sous prétexte, qu’au cours du réveillon d’armes, le commandant en chef aurait demandé de ne « serrer » les fesses que devant leur chef hiérarchique. Bref, tous ses problèmes ne seraient pas arrivés si le dossier avait été traité dans les délais.

À peine M. Sassou s’est ouvert aux jeunes dans son adresse à la nation que ceux-ci ont vite fait de s’abreuver à la mare de l’incivisme. L’école congolaise est véritablement au creux de la vague. Les symboles sacrés de la République viennent d’être profanés dans l’espace éducatif. Sacrilège ! Le drapeau, incarnation de l’identité, la fierté et la dignité de la nation, a été souillé par ceux-là même que le pouvoir a fabriqués et mis dans la rue pour tuer, violer et agresser les paisibles populations. Les bébés noirs ont été recrutés et continuent de l’être parmi les jeunes, scolarisés et rebuts du système éducatif. Ils ont l’onction de leurs parrains dont le désir de traumatiser les citoyens est organique.

Le premier ministre Anatole Collinet Makosso a convoqué une réunion le 9 février en rapport avec la situation qui s’est produite au Lycée du 5 février, mais il n’a pas, à tort, cru utile d’associer les gestionnaires des forces de sécurité. Cela est-il révélateur du malaise et de l’impuissance du Premier ministre à faire des injonctions à ceux qui doivent assurer l’ordre et la discipline ?

Pire, il n’a pas pu rappeler à l’ordre Léon Juste Ibombo qui confond les missions du régulateur avec celles du ministre jusqu’à semer la confusion. Comment un ministre peut-il publier la note n°0212/MPTE-CAB/24 de baisse des tarifs internet et des communications alors qu’aucun tarif n’a été modifié jusqu’à ce jour ?

Ibombo voulait-il pousser subtilement des gens au soulèvement ou régler simplement des comptes au directeur général Louis Marc Sakala de l’Agence des Régulations des Postes et Communications Électroniques ? Autant de questions que nous développerons dans nos prochaines livraisons.

La situation est très confuse et volatile au Congo. Il n’est pas exclu qu’avec le malaise généralisé que le pays implose demain.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

#FreeStanis : comment un hashtag devient le symbole d’une presse en quête de liberté

Cet article a été rédigé par le journaliste congolais Will Cleas Nlemvo, collaborateur de la Maison des journalistes.

Bientôt quatre mois depuis qu’en République démocratique du Congo, les artistes, les activistes et les journalistes protestent d’un même ton. #FreeStanis ou #LibérezStanis sont les hashtags qui regroupent chacun de leurs coups de gueule postés sur les réseaux sociaux. Ces mots-clés traduisent la résilience d’une presse ciblée par des combines visant à absorber l’écho de sa voix. Une presse qui voit le fondement de sa liberté péniblement construit se fissurer depuis qu’un régime politique s’est résolu à le détricoter.

La campagne #FreeStanis mobilise aussi bien de grandes figues que des humains lambda. On a par exemple vu le célèbre journaliste français Hervé Edwy Plenel, le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly et plein d’autres personnalités publiques s’y engager. Contrairement à ce qu’on serait tenté de croire, derrière ce mouvement aux allures de la mobilisation pour une cause mondiale se cache plutôt une figure modeste. C’est celle de Stanis Bujakera, 33 ans, éminent journaliste congolais de sa génération dont l’arrestation arbitraire au mois de septembre dernier ne cesse de provoquer la clameur en République démocratique du Congo (RDC) et ailleurs.

Accusé à faux d’usage de faux

Stanis Bujakera est depuis détenu à Makala, l’une de pires prisons de la RDC connue pour l’insécurité, pour l’insalubrité et pour la surpopulation carcérale qui la caractérisent. Il est poursuivi sur fond d’un dossier aux contours nébuleux. La justice congolaise l’accuse d’avoir frauduleusement reproduit un document de services des renseignements dans le but de propager des rumeurs au sujet de l’assassinat d’un ancien ministre congolais. De graves accusations que la même justice peine à en prouver l’authenticité. D’autant que le résultat d’une contre-expertise a réussi à démontrer que les éléments mis à charge de l’accusé sont montés de toutes pièces avec une volonté manifeste d’enfermer ce journaliste sans prêter le flanc à la critique. Une conclusion qui ne surprend presque personne car rien que l’acheminement des évènements autour de cette affaire témoigne suffisamment de la détermination du président congolais Félix Tshisekedi à museler la presse indépendante qui échappe à son contrôle.

Histoire de « je t’aime… moi non plus »

Stanis Bujakera est une étoile montante de la presse libre en République démocratique du Congo. Son agilité à puiser la vraie information depuis la source l’expose à la convoitise de prestigieuses rédactions nationales et internationales. Sur Twitter, Stanis est suivi par plus de 500 000 abonnés. Parmi eux des diplomates et des chercheurs. Ce type de profil fait donc de Stanis Bujakera une denrée rare que n’importe quel dirigeant aux dérives dictatoriales aimerait avoir sous la paume de sa main.

En 2018, alors que Félix Tshisekedi s’apprêtait à briguer son tout premier mandat présidentiel, il avait sollicité l’accompagnement de Stanis Bujakera pour la couverture de sa campagne électorale. Une collaboration que Félix Tshisekedi voulait maintenir, un an après son accession au pouvoir, en proposant à Stanis Bujakera de rejoindre son staff des « communicants du président de la République ». Fidèle à son éthique, Stanis avait décliné cette offre dans le souci de préserver son indépendance en tant que journaliste sans avoir à se barbouiller la figure avec des couleurs politiques.

Ce bref épisode idyllique aurait suffi pour chagriner Félix Tshisekedi jusqu’à lui susciter la haine exactement comme ça se passe dans de vieilles histoires « d’amour perdu ». Il fallait donc agir rapidement et surtout méthodiquement pour faire taire Stanis Bujakera en guise de punition. Tout en oubliant que cet acte ne profiterait jamais à l’actuel gouvernement congolais tenu à s’acquitter de sa promesse de faire de la RDC un véritable État des droits où la liberté de chacun est respectée.

En tant que journaliste connu pour la neutralité et la fiabilité de son travail, Stanis Bujakera incarne cette liberté de la presse qui fleurit dans un paysage médiatique économiquement peu viable. Stanis Bujakera fait preuve d’honnêteté dans un environnement où il est difficile pour des professionnels des médias de résister aux pots-de-vin à cause de la pauvreté qui mine leur secteur. L’enfermer juste parce qu’il a refusé d’être la poupée ventriloque d’un régime politique, c’est priver ses milliers de lecteurs de leur droit à la bonne information.

C’est d’ailleurs ce qui justifie l’implication d’Amnesty International, de Reporters sans frontières et d’autres grandes organisations de défense de liberté d’expression dans le monde. Elles exigent du gouvernement congolais la libération sans condition de Stanis Bujakera jusque-là pris au piège par les tentacules d’un président qui se transforme progressivement en une monstrueuse pieuvre contre tous ceux qui n’ont pas le talent de satisfaire son égo.

Will Cleas Nlemvo

Congo-Brazzaville : les vraies raisons de l’empressement de M. Sassou et Cie de voter nuitamment une loi

La nuit du 24 janvier 2024 a été épouvantable pour des députés congolais, sommés de se présenter au parlement le 25 janvier 2024 à 9h00 pour une réunion extraordinaire curieusement, sans ordre du jour. Tous étaient en vacances quand ils ont été joints par téléphones entre 18 et 22 heures. Nombreux ont cru au guet-apens. Connaissant les pratiques tordues du président Sassou et sa bande de véreux, plusieurs députés ont eu des insomnies jusqu’à l’arrivée au parlement.

A l’Assemblée nationale, les députés ont reçu les documents du projet de loi portant modification de la loi n°39-2023 du 29 décembre 2023 portant la loi de finances pour l’année 2024. L’exposé des motifs dudit projet demandait aux députés de corriger ou réécrire l’article trente sixième, en intégrant « l’émission de bons et d’obligations sur le marché régional ». Cette mention avait été oubliée dans la première version de ladite loi.

Une telle omission avait l’inconvénient de paralyser le ministre des finances dans les négociations des « termes de la dette en vue d’obtenir les différents aménagements possibles (annulation, rééchelonnements, refinancements, reprofilage, etc.) et les appuis budgétaires et tout don, legs et fonds de concours ». Il faut être naïf de croire que le gouvernement et le Parlement puissent commettre une erreur de ce genre car, une démarche similaire a été adoptée dans le bradage de 12 000 hectares aux Rwandais. Admettons que cela soit une erreur, y avait-il péril en la demeure au point de tenir une session extraordinaire avec 2/3 des députés pour analyser les documents et tout valider en une journée ?

Les raisons profondes de ce travail à la hâte

Il y a quelques temps, nous avons alerté que le Congo était sous les projecteurs et ses montages financiers en Europe via la Deutsche Bank, Rothschild et autres devraient échouer parce que suspecté de blanchiment. Malheureusement, peu de gouvernants ont pris ces révélations au sérieux. Pourtant, les interventions des lobbyistes et autorités congolaises à coup de millions d’euros auprès des institutions bancaires européennes, pour l’émission obligataire depuis bientôt une année se sont soldées largement par un échec.

Selon nos informations, la République du Congo espérait obtenir un milliard et demi à trois milliards et demi d’euros d’émission obligataire après les deux dernières revues positives du FMI et nonobstant l’élévation par Standard & Poor’s de la note de B- à B sur le court terme et de CCC+ à C sur le long terme, avec une perspective stable sur la base d’une amélioration notable de sa production pétrolière, le Congo n’a pu obtenir gain de cause sur l’émission obligataire.

Déboutés en Europe et pris de cours par la date butoir de mars pour changer les anciens billets, les mafieux sont obligés de se tourner vers la sous-région où règne l’opacité couplé à la crainte des saisies des avoirs par Hojeij et autres créanciers douteux; d’où la convocation en urgence des députés.

La République du Congo retardait le remplacement intégrale des billets de FCFA dans la CEMAC du fait d’un important stock de billets entre les mains des autorités mafieuses; il s’agirait d’un montant de 750 milliards de FCFA injustifiables. L’émission aurait eu pour but également de blanchir ce stock de vieux billets dans les banques locales : les actuels possesseurs, en les échangeant contre des titres, deviendraient des créanciers officiels et rémunérés de la République du Congo. Ces titres pourraient également être cédés, échangés ou revendus dès lors qu’ils seront côtés dans les bourses internationales…

Dernier intérêt de cette opération, l’argent recueilli devrait permettre une énième restructuration de la dette congolaise. Les créanciers du Congo après décote, échelonnement des règlements, percevront une infime partie de ce qu’il leur est dû ; d’autres créanciers « bidon » de la République seront à 100% gagnants dans cette opération.

Voilà la vraie raison qui taraude les esprits des gouvernants mafieux et incompétents du Congo qui ont peur d’être rattrapés. S’il est vrai que le président de l’assemblée, Isidore Mvouba encourageait la thésaurisation des fonds en reconnaissant à l’époque, « qu’ils cachaient l’argent » mais il sied de dire haut et fort, que les parlementaires qui accompagnent les mafieux sont indirectement complices des malheurs des congolais et de la politique de la terre brûlée que M. Sassou et son gouvernement perpétuent depuis des lustres. Le bilan positif de la gouvernance de certains leaders africains est légion. Même celui des putschistes comme Brice Oligui Nguema révèle qu’on peut mieux faire sans s’endetter.

Les gouvernants doivent savoir qu’ils ne peuvent pas mentir tous les jours à leur peuple. Démosthène, penseur grec du IVe siècle l’avait déjà prévu : « il n’est rien qui vous fasse plus grand tort qu’un homme qui ment. Car, ceux dont la constitution réside dans les paroles, comment peuvent-ils, si les paroles sont mensongères, conduire une politique en toute sûreté ? ».

Jusqu’à quand les Congolais continueront-ils de rester dans une prison à ciel ouvert ou vivre dans la précarité quotidiennement alors que le sous-sol de leur pays est très riche ? Accepteront-ils d’être dirigés par des méchants gouvernants et inconscients et sans cœur ?

En tout cas, l’opprimé ne doit pas s’attendre qu’on l’affranchisse, il doit arracher sa liberté et lutter par tous les moyens pour la conserver. Les ministres de cultes, les jeunes, les enseignants, les professionnels des médias, bref les intellectuels sont appelés à la rescousse de la population.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

Salaam, Shalom, l’impasse d’une pax dei sur la bande de Gaza

Une tribune libre du journaliste congolais Ghys Fortune Bemba Dombé, et ancien membre de la MDJ.

S’il est une guerre qui met à rude épreuve la foi religieuse, c’est bien celle qui ravage la bande de Gaza où des communautés, enfants de Yahweh et d’Allah, le Dieu unique, créateur du ciel et de la terre se détruisent mutuellement. La terre de Gaza est imbibée de sang. Sacrilège ! La bestialité qui caractérise les belligérants laisse pantois tout être humain doté de raison et épris de paix.

Si l’homme est fait à l’image de Dieu, pourquoi devrait-on porter outrage à l’Être Immanent en ôtant la vie à sa créature ? On en vient à se demander si Yahweh est différent d’Allah, si les yeux et les mains levés vers le ciel dans une synagogue n’ont pas le même objectif et le même sens que ceux exhibés dans une mosquée. La paix, Salaam, Shalom n’a aucune coloration religieuse; elle est une vertu que doit intégrer et entretenir toute créature de Dieu.

La guerre de Gaza est un conflit irraisonné et irrationnel. La mort et la désolation semées à tout vent ne peuvent conduire à une issue satisfaisante. Malheureusement, celles-ci sont soutenues et entretenues par des hommes politiques véreux et cruels qui tirent profit de cette guerre, une géopolitique de la cruauté et des intérêts mesquins. Tant que les lieux de prière seront construits avec des préjugés raciaux, tant que les instincts hégémoniques ne seront pas anéantis, l’homme demeurera un loup pour l’homme.

Il sied de dire que certaines personnes de bonne volonté avec un humanisme chevillé au corps accomplissent des actions en faveur de la paix et du vivre-ensemble dans le respect des croyances des uns et des autres. C’est ainsi que l’on voit s’élever côte à côte des temples, des mosquées et des synagogues.

Au Congo Brazzaville, sur les terres de Loango, un philanthrope, Alexis Vincent Gomez, a érigé côte à côte dans sa propriété trois majestueux lieux de prière, une mosquée fraternisant avec une synagogue et une église. Belle symbolique pour dire que tous les hommes reconnaissent être crées par Dieu à qui ils s’adressent.

Chrétiens, Musulmans, Juifs, Bouddhistes, tous sont en réalités des frères, des enfants d’un même ancêtre (Abraham) et d’un même Dieu le père, témoins, la pléiade de concordance des textes qui relient la Torah, la Bible et le Coran.

Parlant de la compassion ou d’amour exemple, la loi des Juifs de l’Antiquité stipule : « Ne hais point ton frère en ton cœur: reprends ton prochain, et tu n’assumeras pas de péché à cause de lui. Ne te venge ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, mais aime ton prochain comme toi-même: je suis l’Éternel [Jéhovah]. » (Lévitique 19:17, 18Rabbinat français).

A la Bible mentionne : « Mais je vous le dis, à vous qui écoutez : Continuez d’aimer vos ennemis, de faire du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maltraitent (…) et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très-Haut, car il est bon pour les ingrats et les méchants.» Luc 6 : 27-35. Sous le titre « L’Examinée », le Qurʼān émet un principe similaire (Sourate 60:7, RB): « Peut-être Allah établira-t-Il de l’amitié entre vous et ceux [des Infidèles] que vous traitez en ennemis. Allah est omnipotent. Allah est absoluteur et miséricordieux. » ; le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible constitue chez les Juifs, la base de Judaïsme, la Torah « doctrine », « Loi ».

De même, on retrouve l’ensemble de ses textes dans le Coran. Ces textes sont presque communs aux trois monothéistes ( Christianisme, Islam et Judaïsme). Vous conviendrez avec nous, que, seul, l’interprétation des extrémistes et des politiciens véreux sèment les graines de désolation.

Les voix de sorties de crise

Au-delà de la foi et des croyances religieuses qui ne sont pas des éléments anodins, la géopolitique, la vraie, doit être convoquée pour permettre de suggérer quelques pistes pouvant contribuer à la paix. Si l’on peut avant tout admettre que les belligérants sont des croyants, il faudra envisager constamment des rencontres des plus hautes autorités religieuses israéliennes et palestiniennes.

La paix sans la foi ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Personne ne peut exclure que les conflits au Proche-Orient ont plus ou moins un fondement religieux ou spirituel.

S’il est vrai, qu’une musique ségrégationniste commence à se faire entendre en Europe avec des nouvelles lois sur l’immigration et la monté du panafricanisme, cependant, il sied de reconnaître que, la France et l’Angleterre par des gouvernements successifs composés des ministres d’origine asiatique, africaine, indienne ayant de culture variée, donnent des bons signaux du vivre ensemble que des négociateurs ou les soutiens d’Israël peuvent s’inspirer.

Ensuite, il faut arriver à un cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU en mettant en place une force de paix internationale ( force d’interposition) et non Tsahal qui doit contrôler Gaza comme le fait entendre Benyamin Nétanyahou qui s’oppose ces derniers jours à la « souveraineté palestinienne ».

Les parties en conflit doivent jeter du lest en procédant à la libération de tous les otages et prisonniers. On penserait à installer une personnalité reconnue à la tête d’un État palestinien parce qu’il faut bien que les parties comprennent que chaque communauté a besoin d’une entité administrative. La libération de Marwan Barghouti ne serait pas vaine, dans ce cas de figure.

L’État palestinien doit connaître une existence matérielle dans la frontière de 1967 quitte à en confier, le cas échéant, l’autorité à une administration temporaire internationale. Mais qu’en son sein, comme le suggère le professeur Vincent Lemire, “puissent demeurer les colons, qui le souhaitent.” Idem pour les quelques deux millions de Palestiniens vivant en Israël et pour les réfugiés palestiniens qui bénéficieraient d’un droit au retour.

Cette solution, dite (deux États une patrie) repose sur une forme confédérale qui peut sembler un peu baroque, mais l’Europe à montrer après des tragédies terribles qui l’était possible de la mettre en œuvre. Si vous êtes français et que vous vivez à Berlin, vous payez les impôts locaux et vous votez aux élections locales en Allemagne, aux élections présidentielles, en France, et aux élections européennes comme tous les ressortissants de l’Union.

De même, les deux États d’Israël et de Palestine pourraient s’articuler autour d’institutions locales, nationales et transnationales, avec des élections à différents niveaux et un passeport communaux Israéliens et aux Palestiniens comme le passeport européen ».

En définitive, si les rencontres des dirigeants religieuses et les soutiens occidentaux tels que les U.S.A qui fournissent nuit et jour des armes aux Israéliens, encouragent, la laïcité, mettent un peu de la volonté politique, cette guerre va s’arrêter.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

RD Congo :  de la peur à l’horizon post-électoral ?

Une tribune de Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

Le président Félix Tshisekedi a prêté serment samedi 20 janvier, pour un second mandat de cinq ans. Il a raflé la mise avec un « score stalinien », qui laisse tout de même perplexe : 73,4 % des suffrages exprimés. Pour autant, faut-il considérer que l’affaire est définitivement dans le sac ? voire !

En attendant, la circonstance d’investiture, haute en couleur, a été honorée par une vingtaine de chefs d’Etat africains, ainsi que par des délégations de plusieurs dizaines d’autres pays.

D’aucuns, de ce fait, y ont vu une sorte d’onction internationale accordée à « Fashti », pour Félix Antoine Tshisekedi, en entier. Nombre de ses inconditionnels, fascinés par ce tape-à-l’œil, jurent que ce pouvoir est un « don divin, qui risque d’être pérenne ».

Or, par anticipation, l’Eglise Catholique avait déjà eu à contester cette perception des choses. En effet, dès les premiers jours de la consultation, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de la ville de Kinshasa, s’était pressé de qualifier ces élections de « gigantesque désordre organisé ». Dans ce cas, pérennité rimerait-elle avec désordre ?

La roue tourne mal

A tout prendre, ces élections sont à nulles autres pareilles, de par leur dimension d’exploitation de la fraude. Une tricherie à ciel ouvert. L’image l’a montré et démontré. On a vu sur les réseaux sociaux (avec ce qu’ils ont de bon et de mauvais), machines à voter, bulletins de vote ou kits électoraux se retrouvant dans la nature, détenus par des personnes non habilitées. Et à qui mieux mieux.

De cet imbroglio, après tout, est sorti un gagnant : Félix Tshisekedi. Ainsi donc, la roue de l’Histoire, qui s’est immobilisée le temps des votes, s’est remise à tourner. Mais, à mal tourner : dans la boue. Créant par la suite la peur du lendemain.

S’agissant de la boue, l’image renvoie aux contestations véhémentes, de la part de tous ceux dont les voix ont été « volées », au niveau des législatives. Ils sont nombreux ceux-là qui ont gagné, preuves matérielles à l’appui, mais curieusement remplacés par d’autres personnes. Ils crient haut et fort « à la fraude ». Et « au clientélisme, sinon au tribalisme ».

Ce mélodrame se joue au sein même de l’Union sacrée, le propre camp de la majorité présidentielle.

Il y a, aussi, dans cette optique, les vingt-cinq autres concourants « malheureux » à la présidentielle, membres de l’opposition. Qui, pour le moment, n’ont que leurs yeux pour pleurer. En fait, le désordre électoral les a tous humiliés en ne leur accordant que de « miettes ». Dr Mukwege, Nobel de la paix, par exemple, n’a récolté que 1% des suffrages. Alors que Moïse Katumbi et Martin Fayulu, ces deux poids lourds de l’opposition, n’ont affiché respectivement que 18 % et 5 % des votes.

Le peuple n’est pas en reste. La plupart des Congolais estiment que le départ de la démocratie a, encore une fois, loupé le coche.

A l’école du doute

Ce tableau ne décrit en rien une situation post-électorale reluisante. En gros traits, on y lit le doute. Or, à l’école du doute, on aboutit ipso facto à deux résultats différents : la vérité ou le mensonge.  Dans le cas d’espèce,  il s’agit plutôt d’un mensonge de nature à générer la peur.

De fait, il faut s’attendre à une réaction en chaîne de tous ceux, et à tous les niveaux, ont le sentiment d’avoir été floués. Il pourrait naître, au sein même de la majorité présidentielle, des ruptures d’alliances. Au mieux. Et à des naissances de rébellions, à grande échelle, suscitées par les opposants déçus. Au pire. Il en a toujours été ainsi en Afrique.

C’est donc de la peur, à l’horizon. Peur, à deux paliers différents. Au premier degré, les populations éprouvées par les situations de guerres, depuis 1960, date de l’indépendance. Elles ont peur que cette cacophonie politique, de haute intensité s’il en est, n’aboutisse à un drame national.

Enfin, le pouvoir lui-même n’est pas dans son assiette : il a peur des réactions à venir, pour avoir menti, triché. A ciel ouvert. Or, on ne peut conduire un peuple dans les mensonges. Démosthène, penseur grec du IVe siècle avant l’ère commune, l’avait déjà prévu : « Il n’est rien qui ne vous fasse plus grand tort qu’un homme qui ment. Car, ajoute-t-il, ceux dont la constitution réside dans les paroles, comment peuvent-ils, si les paroles sont mensongères, conduire une politique en toute sûreté ? ».

Instauration de la dictature

En termes homogènes, un menteur ne peut, en aucun cas, conduire dignement les autres. D’ailleurs, chez les Bantous, on a coutume d’associer un menteur à un sorcier.

Le président Tshisekedi échappera-t-il à cette logique, alors que ce deuxième mandat est le fruit des mensonges ? Rien n’est moins sûr. Même si il arrive que l’on pense que l’air du temps n’est pas conforme à l’ère du mensonge. Mais, puisque son pouvoir est un pouvoir par défi, il va devoir user de la force, à outrance, pour régner. Autrement dit, instaurer de la dictature.

Comprenne qui pourra.

Présidentielle/RD Congo :  David contre Goliath

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

Depuis dimanche 8 octobre, le tableau des candidats à la présidentielle de la République démocratique du Congo 2023 est complet. Ils sont 25 prétendants sur la ligne de départ. Le président sortant, Félix Tshisekedi rempile pour un second mandat, à côté des poids lourds de l’opposition que sont Martin Fayulu, Moïse Katumbi ou Matata Ponyo. Y compris le Dr Mukwege pour le compte de la société civile. Et consorts.

Jamais élections n’auront suscité autant de frénésie que de paroles vaines, jusqu’à la bêtise. En raison du contexte tout particulier qui les caractérise : le vide du pouvoir. Mais, aussi, paradoxalement, le plein de moyens de communication et la vitesse qu’ils donnent à l’information. Tout se sait. A la minute près.

Mais, frénésie, pourquoi pas intérêt, alors que cette dernière dimension intègre les éléments constitutifs d’une élection ? Parce que, à vrai dire, depuis que le général Mobutu a confisqué la démocratie, en 1965, la politique en RD Congo est devenue l’objet de folklore. Par la force ou par la fraude, on y accède pour détourner les deniers publics, faire bombance et tourner le peuple en bourrique.

 Il y va ainsi d’élections en élections. Y compris celles auxquelles le peuple est appelé à participer, en moins de trois mois. Au fait, si les hommes passent, le système de prédation qu’ils ont érigé à tous les niveaux du fonctionnement de l’Etat demeure intact. Félix Tshisekedi ne s’en est pas écarté. Au contraire, il y a remis une couche. Népotisme, tribalisme, chapeautés par un début de dictature redoutable, sont des faits indéniables, qui ont émaillé son quinquennat.

Cas Mukwege : en délibération

Les exemples en cela sont légion. Mais, on en choisira que le plus illustratif d’entre tous et, sans doute, le plus discréditant. Il s’agit de cette promesse faite, en fanfare, par le chef de l’Etat, en juin 2021, à Butembo, dans l’est du pays : « Tant que je n’aurai pas réglé le problème de sécurité dans l’est du pays, je considérerai n’avoir pas réussi mon mandat ». A tout le moins, une telle promesse au peuple a valeur de serment.

Bien plus, depuis, le phénomène a pris de l’ampleur. Selon la déclaration de la représentante de l’ONU en RD Congo, Madame Bintou Keïta, sur les antennes de RFI, mercredi 11 octobre, neuf personnes par jour perdent la vie, du fait des violences des groupes armés. Et ce, depuis le mois de janvier 2023. Plusieurs provinces en font actuellement les frais, apprend-on des sources concordantes, jusqu’aux portes de Kinshasa.

Qu’en dire, sinon réclamer haut et fort la démission du chef de l’Etat, pour parjure ? Dans d’autres cieux, c’est une affaire entendue. Sans autre forme de procès.

© Valeriano Di Domenico

La question reste donc posée, parce qu’au sommet de l’Etat, on n’en a pas conscience. Mais, surtout, parce qu’il y a une nouvelle donne dans le paysage politique. Il s’agit de l’entrée dans la danse électorale d’un groupe d’opposants populaires, diplômés, crédibles, sinon ayant montré leur efficacité pour la promotion de la chose publique.

Ils s’appellent Martin Fayulu, vainqueur des élections de 2018, mais privé de sa victoire par l’ancien président Joseph Kabila (situation désignée par la diplomatie française de « compromis à l’africaine »), Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la province du Katanga, Augustin matata Ponyo, ancien premier ministre, économiste de haute volée et les autres, Delly Sesanga, juriste apprécié.

Mais le plus coriace des challengers face au président sortant, c’est le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. De son état, médecin gynécologue-obstétricien, le Nobel est aussi professeur des universités ; bâtisseur affirmé – ayant construit plusieurs écoles, ainsi que le célèbre hôpital spécialisé de Panzi, à Bukavu, le tout dans la province du Sud-Kivu -, pasteur adulé dans sa ville natale de Bukavu, polyglotte et écrivain de talent, avec à son actif plusieurs ouvrages, dont le tout dernier intitulé « La force de la femme ».

Bien sûr, sa popularité ne crie pas sur tous les toits comme celle, jadis, attribuée à l’ancien président américain Obama, aux Etats-Unis. Néanmoins, le Dr Mukwege est dans l’esprit de la plupart des Congolais. En situation de délibération.

Qu’en penser ? Un tel homme intelligent, travailleur acharné, qu’accompagne une probité indubitable, serait-il incapable de « réparer » le pays, à l’instar de ce qu’il réalise dans son hôpital, en « réparant » des milliers de femmes violées ? En quoi l’image, pour ceux qui l’ont critiquée, est-elle fausse ? L’image n’est-elle pas l’une d’expressions de la pensée et même des figures de style préférée en journalisme, en particulier ?

Le dictateur Yahya Jammeh, battu

On a évoqué, au début, la présence de la « parole vaine », en voilà une, explicite ! Quand on parle, en public, de ce qu’on ignore… on glisse vite vers la bêtise. Boileau ne conseillait-il pas sans cesse : « Evitez la bassesse »

Qu’on s’entende sur la personnalité d’un Nobel : c’est un « grand ». Ailleurs, c’est une autorité dont la voix porte, et qui mérite respect. Dans l’imaginaire collectif, un Nobel est un personnage qui habite le nouvel Olympe, au-dessus de nos têtes. Aussi voit-on rarement un Nobel descendre de son piédestal pour une arène politique. Ce qui démontre pour le médecin congolais son ardent désir de servir son peuple, en perdition, aux dépens de toutes les autres considérations.

C’est que le Nobel congolais, du coup, a accepté de « jouer le jeu » : l’arène politique est comme un ring de boxe, où on se donne des coups. Il devra porter les coups contre son adversaire, mais des coups francs… et il en a plein dans son carcois, pour vaincre. C’est vrai qu’il se trouve en face d’un président en exercice, bien loti, soutenu en plus par ce qu’on qualifie de « prime du sortant ». Mais, l’histoire pointe, parfois, des paradoxes ahurissants, où un David parvient à battre un Goliath.

Le cas de la Gambie, en décembre 2016, est encore présent dans la mémoire. Adama Barrow, candidat de l’opposition unie, simple fonctionnaire, a battu le dictateur Yahya Jammeh, réputé féroce multi millionnaire, au pouvoir depuis 22 ans.

Cela peut être possible en RD Congo. Pourvu que l’opposition s’unisse et que chacun oublie son ego, au bénéfice du pays à l’article de la mort.

Pendant ce temps, des propositions se forgent et s’échangent. On voit acceptée, en majorité, une composition « idéale » de tête, formée du Dr Mukwege, auréolé de son estime internationale, comme président de la République, Fayulu, chevronné en politique, comme Premier ministre, Katumbi, à l’Intérieur, Matata Ponyo, à l’Economie et Sesanga à la Justice…

Si jamais ces élections ont lieu…

France – Afrique : va-t-on vers une mauvaise rupture ?

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

Rien ne va plus entre la France et l’Afrique. Le premier constat est la situation des coups d’Etat successifs en Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée Conakry, Burkina Faso et Niger). L’autre observation est que cette révolte des militaires n’est pas menée seulement à l’interne, comme ce fut jadis le cas ; elle se retourne aussi contre l’ancien colonisateur, la France.  Et au-delà, contre l’Occident. Avec, régulièrement, un brin de brutalité verbale. Marquée, une fois, par un acte de violence sur l’ambassade de France, partiellement vandalisée à Niamey.

Cela est nouveau. Les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest s’apparentent à un fait d’incubation, qui a cours depuis des décennies. En d’autres termes, c’est l’écho aux ressentiments qu’exprime, désormais, tout le continent africain à l’égard de l’Occident. Côté pays francophones, la France, bien sûr, étant placée en première ligne, autant pour son passé colonial que pour ses attitudes jugées impérialistes.

La Françafrique, cette Hydre de Lerne, qui a traversé tous les gouvernements de la Ve République, est citée en mauvaise référence. En utilisant contre la bête la même épée que ses prédécesseurs, cabossée par des promesses non tenues, le président Macron a fini par mettre les feux aux poudres.

C’est le fait, global, dans lequel se détachent d’autres éléments répréhensifs, pour les Africains, tels l’indécision des troupes françaises à neutraliser les djihadistes au Sahel ou la présence de ces mêmes troupes pour constituer des bases militaires sur le sol africain, notamment.

S’y ajoute, en veilleuse,  l’appel lancé par Aminata Traoré, dans « Le viol de l’imaginaire ». L’écrivaine malienne demandait de tout faire pour « restituer aux Etats du continent leur pleine souveraineté et leurs prérogatives dans l’œuvre de réhumanisation de l’homme ». C’est tout dire.

De là à penser « coup d’Etat », il n’y a qu’un pas à franchir. Y compris, dans la foulée, à organiser des manifestations hostiles contre la France.

Le torchon brûle entre le Niger et la France

On le sent, l’idée, dans cet espace géographique, est d’arracher le continent des griffes du néocolonialisme. En vue de s’approprier une sorte de deuxième indépendance, après celle des années 1960.  Ainsi donc, le Niger ne sera pas le dernier de la série. Le coup d’Etat y est consommé, et rien d’autre ne dérangera ce nouvel ordre des choses. Lequel, à n’y prendre garde, fera tache d’huile.

Cependant, on n’en restera pas là. Il faut penser au revers du décor, à l’image des réactions qui ont suivi les indépendances africaines. L’Occident n’avait pas lâché prise, tout de go. Pour nombre de pays, il a fallu subir des guerres dites de « libération ».

Des guerres pour la préservation par l’Occident des matières premières (pétrole, uranium, cassitérite, diamants, etc.). Or, le même schéma, aujourd’hui, semble se redessiner… en creux.

La France, et par ricochet l’Occident, assisterait-elle les mains croisées devant la perte de son pré carré, surtout que celui-ci a tendance à basculer dans les mains de la Russie et de la Chine ? Ce qui saute déjà aux yeux, en attendant, est que les choses commencent à prendre une mauvaise tournure, avec cette crainte que la rupture ne risque d’être fâcheuse. Simple exemple : le Niger demande à l’ambassadeur de France de plier bagages, Paris dit sèchement « non ».

C’est un premier craquement de l’arbre sur lequel repose le poids des relations séculaires entre les deux pays. En tout cas, mauvais signe des temps !

Crédit photo : James Wiseman.