Articles

Covid-19 : l’Afrique en passe de lâcher prise?

Nombre d’observateurs prévoyaient les ravages du Covid-19 en Afrique. Ces prophéties ne s’étant pas réalisées totalement, les Africains ont cru disposer, à leur avantage, de jours moins lugubres que d’autres continents. Ils pensaient qu’il en serait ainsi, jusqu’à la disparition totale du virus. C’était sans compter avec la capacité de celui-ci à revenir par vagues successives et à muter. Et, même, pourquoi pas, à resurgir un jour ici et là, comme c’est le cas d’Ebola.

Nombre d’observateurs prévoyaient les ravages du Covid-19 en Afrique. Ces prophéties ne s’étant pas réalisées totalement, les Africains ont cru disposer, à leur avantage, de jours moins lugubres que d’autres continents. Ils pensaient qu’il en serait ainsi, jusqu’à la disparition totale du virus. C’était sans compter avec la capacité de celui-ci à revenir par vagues successives et à muter. Et, même, pourquoi pas, à resurgir un jour ici et là, comme c’est le cas d’Ebola.

Effectivement, pendant qu’on déplorait, dans les pays du Nord, des dizaines de milliers de personnes infectées et de milliers d’autres mortes, en Afrique subsaharienne, en revanche, le Covid-19 était comme inhibé. Et l’occasion faisant le larron, les charlatans, pour leur gloriole, qualifiait le virus d’une vue de l’esprit. Alors que le président tanzanien, John Magufuli, y ajoutant de son grain de sel, invitait son peuple à éviter tout produit pharmaceutique et à le remplacer par une prière fervente. Le sophisme marquait des points!

Pendant ce temps, le virus, lui, continuait son œuvre destructive. En Occident, la crise sanitaire devenait incontrôlable. Au point que quelques sociologues et philosophes, à cause des statistiques effrayantes de personnes atteintes ou mortes de la maladie, commençaient à voir le spectre de la peste noire asiatique, en 1330. Ou celle plus proche de nous, la peste espagnole, en 1918. Des crises ayant emporté des millions de personnes. La peur gagnait en intensité.

Les carottes étaient cuites

Aujourd’hui, la preuve de ce sentiment est là. À titre d’exemple, la France a enregistré jusqu’au 02 février 2021, 76 512 décès, tandis que la Grande-Bretagne en comptait 106 564.

Frémissements en Afrique ? Sans doute. La brutalité de la réalité était telle que toute superstition se rétrécissait comme peau de chagrin. Le nombre des morts ici et là commençait à inquiéter, malgré le fait que beaucoup ne croyaient pas à la fiabilité des statistiques, pourtant données par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon cette organisation, en août 2020, soit cinq mois après la manifestation de la pandémie, l’Afrique comptait 21 000 décès pour un million des cas confirmés.

Les carottes étaient donc cuites pour le continent noir, en dépit des mesures prises par les gouvernements dans le cadre de la réponse sanitaire. En ce début du mois de février 2021, l’OMS recense 3 569 145 cas confirmés pour 90 955 décès. L’impact économique, selon le cabinet britannique Brand Finance, s’élève à 50 milliards.

Quelle sera la situation de ce continent, à l’économie précaire, devant la violence de la deuxième vague du Coronavirus déjà présente ? Qui plus est, il semble que les « conditions naturelles » le protégeaient jusque-là sont en train de lâcher prise. Et, une faiblesse en plus pourrait lui être fatale. A moins que les vaccins en cours d’utilisation soient une bonne solution pour lui. 

 

Jean-Jules LEMA LANDU

Journaliste congolais, réfugié en France.



D’autres articles

Le docteur Muyembe Tamfum, un héros tapi dans l’ombre

[Par Léon KHAROMON]

 Le prix Christophe Mérieux que vient de lui décerner l’Institut de France permet au monde de découvrir ce chercheur qui consacre sa vie dans la lutte contre Ebola depuis 1976.

Le Docteur Muyembe Tanfum, virologue congolais venu à Paris pour recevoir le prix Christophe Mérieux. (Photo Mathieu Alexandre © AFP)

Le 26 mai 2015, en France, le Docteur Jean-Jacques Muyembe, directeur à l’Institut national de recherches biomédicales de Kinshasa a reçu le prix Christophe Mérieux pour ses recherches sur le virus Ebola. La Fondation Christophe et Rodolphe Mérieux reconnaît au professeur Muyembe d’avoir contribué à la découverte de cette fièvre hémorragique et d’avoir été le premier chercheur à se rendre sur le site de la toute première épidémie, à Yambuku en RDC en 1976.

Quelques années plus tard en 1995, lors de la deuxième épidémie qui va toucher la ville de Kikwit, au sud-ouest de la RDC, le professeur Muyembe et son équipe ne se font pas prier pour sauver une population en détresse. Depuis lors il a commencé par décrire les manifestations cliniques de la maladie à partir d’observations faites ainsi que les complications tardives, les aspects épidémiologiques, virologiques et thérapeutiques. A l’issue de cette deuxième épidémie, il élabora un ensemble de techniques et une méthodologie efficace pour riposter contre toute nouvelle épidémie, devenant ainsi une référence absolue dans la lutte contre Ebola. C’est pourquoi lorsque l’épidémie qui vient de frapper l’Afrique de l’Ouest pour la première fois se déclare, le médecin congolais, par le biais des autorités de son pays, propose son intervention aux pays concernés (fin décembre 2013). La maladie s’est déclarée en Guinée où le gouvernement, pris au dépourvu, ne peut que constater les dégâts et compter les morts. Très vite, elle se propage en Sierra Leone et au Liberia. Ici, la présidente Sirleaf Johson va lancer un cri de détresse à la communauté internationale pour sauver son pays qui selon ses propres mots « risquait d’être rayé de la carte du monde » à cause d’un taux de mortalité très élevé au début de l’épidémie, si des mesures urgentes n’étaient pas prises.

Dans un premier temps, l’Organisation mondiale de la santé va rester sourde à ce cri de détresse. Quelques ONG internationales, dont Médecins Sans Frontières se rendent dans les pays touchés pour combattre l’épidémie. Sur place, ces ONG seront confrontées au manque de structures sanitaires adéquates, à la méfiance des populations et à leur forte mobilité, alors qu’une riposte efficace contre la maladie nécessite la mise en quarantaine de la population et du territoire touchés. Comme des vases communicants, les populations de trois pays concernés se contaminaient réciproquement à cause de la porosité de leurs frontières respectives. Mais ces facteurs n’expliquent pas à eux seuls la virulence de l’épidémie et le fort taux de mortalité constaté en Afrique de l’ouest. En novembre 2014, on comptait déjà plus 7.000 morts dans les trois pays évoqués ici.

Riposte défaillante

Dans un rapport publié le 11 mai dernier, un groupe d’experts indépendants mandaté par l’ONU a dénoncé « le retard et les défaillances de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans la gestion de “l’épidémie sans précédent” d’Ebola ». Il a fallu attendre plus de 8 mois pour que l’Organisation Mondiale de la Santé décrète une « urgence de santé publique mondiale » et demande une « réponse internationale coordonnée ». A ce moment là, on comptait déjà plus d’un millier de morts en Afrique de l’Ouest et des villes entières prises de panique, tandis que d’autres se trouvaient au bord du soulèvement, protestant vigoureusement contre des mesures de quarantaine qui risquaient de les tuer de…famine. Ce qui aurait été d’une absurdité totale. C’est pourquoi dans ce rapport, le groupe d’experts indépendants souligne qu’il y a eu « de graves lacunes dans les contacts avec les communautés locales au cours des premiers mois de l’épidémie.”

Les experts avancent une « mauvaise compréhension du contexte de cette épidémie différente des autres, des informations peu fiables du terrain, des négociations difficiles avec les pays concernés, ainsi que des lacunes dans la stratégie de communication de l’OMS ». On peut se demander à ce stade, pourquoi l’OMS et même certaines ONG qui étaient sur place avaient longtemps hésité avant d’accepter l’intervention du professeur Jean-Jacques Muyembe et de son équipe. Est-ce par négligence coupable ou par condescendance, pour ne pas dire par mépris de services proposés par un « médecin du Sud » ? On ne le saura jamais. Pourtant, dès leur arrivée en Guinée, ce médecin, formé à la faculté de médecine de Kinshasa et son équipe ont appliqué une riposte axée sur 4 points.

Maladie « socioculturelle »

Ce quatre points sont les suivants : la reconnaissance de la maladie grâce à une définition simple et adaptée au contexte rural ; la rupture de la chaîne de transmission du virus dans la communauté en isolant le malade dans un centre de traitement ; le suivi des contacts pendant 21 jours et la mise en place des mesures d’hygiène nécessaires pour les enterrements et la sensibilisation des communautés.

Dans une interview accordée à RFI, le professeur Muyembe Tamfum insiste sur la nécessité de sensibiliser les populations concernées avant même de monter des centres de traitement. Selon lui, « Ebola est une maladie socioculturelle ». Les équipes médicales qui se sont ruées en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia n’ont pas tenu compte de certaines mœurs africaines, concernant notamment l’organisation du deuil. Elles étaient certes de bonne foi, mais n’avaient pas impliqué dès le départ les populations concernées dans la lutte contre cette épidémie.

C’est pour reconnaître l’apport exceptionnel du Docteur Muyembe et de son équipe que l’Institut de France lui accorde le prix Christophe et Rodolphe Mérieux. Doté d’une enveloppe de 500.000 euros, ce prix lui permettra de renforcer les équipements de son plateau de travail à l’INRB Kinshasa afin de poursuivre ses recherches. « Nous allons continuer de récolter des échantillons sur les chauves-souris et de les analyser pour vraiment chercher à mettre la main sur ce problème qui reste l’énigme scientifique d’Ebola », dit-il. En entendant, le médecin congolais expérimente une sérothérapie. (Ndlr : un traitement à base du sang d’une personne convalescente). Testée sur 8 malades, cette thérapie en a permis la guérison de 7 d’entre eux…un espoir !

Ebola : La Zambie directement concernée

[Par John CHITAMBO LOBE]

Un laboratoire d'analyse du virus Ebola [Photo tirée de daily-mail.co.zm]

Un laboratoire d’analyse du virus Ebola [Photo tirée de daily-mail.co.zm]

Chaque pays africain tente de protéger ses frontières contre la maladie Ebola. Ainsi, des officiels botswais de l’immigration, à la frontière entre la Zambie et le Botswana – à Kazungula border post – ont refusé l’entrée des toutes les personnes en provenance de Zambie ayant un visa d’entrée ou de sortie sur la frontière avec le Katanga en République Démocratique du Congo. Par la suite, la Zambie va réagir contre les officiers Congolais et leurs concitoyens qui ont interdit l’accès de leur pays pour se préserver du virus Ebola : une mesure assez surprenante de la part du peuple Congolais qui dépend en grande partie économiquement de la Zambie. Dans le même temps, au Katanga, on a démenti toute présence de la maladie.

Des cas suspects multiples

Le ministre de la Santé en Zambie [Photo tirée de Joseph Kasonde en.africatime.com]

Le ministre de la Santé en Zambie, Joseph Kasonde  [Photo tirée de en.africatime.com]

Plus précisément, on sait que l’épidémie d’Ebola sévit dans la région de l’Equateur. Quatre cas sont confirmés. La souche de la maladie serait celle du Zaïre. Pour le ministre congolais de la Santé, monsieur Félix Kabange Numbi, cette épidémie n’a aucun lien avec celle d’Afrique de l’Ouest. Pour sa part, la Zambie a signalé quelques cas suspects dans une petite ville du sud appelée Mumbwa. Ici, quelques personnes ont été en contact avec des chauffeurs de camions des marchandises en provenance du Katanga. L’un des chauffeurs est mort de la maladie. Dans ce contexte, le pays a engagé la construction d’un centre de traitement et d’un laboratoire mobile. Des mesures préventives sont aussi prises dans cette petite ville reculée où se concentre l’épidémie d’Ebola. Le ministre de la Santé, le Docteur Joseph Kasonde, a confirmé très récemment avoir demandé tout de même plus de moyens pour lutter contre la maladie :« Nous lançons un appel à tous les partenaires nationaux, internationaux, pour nous venir en aide. L’alerte est déjà lancée dans la province pour pouvoir orienter les mouvements de populations, mais il y a des besoins énormes en termes de finance et en termes de logistique médicale. »

MSF sur le terrain

A Teldou, en Guinée, les habitants regardent Médecins sans frontières pour prendre des mesures pour lutter contre la propagation du virus Ebola. [Photo par Samuel Aranda, The NY Times/Redux]

Teldou (Guinée) : les habitants regardent Médecins sans frontières pour prendre des mesures pour lutter contre la propagation du virus Ebola. [Photo par Samuel Aranda, The NY Times/Redux]

Médecins Sans Frontières, pour sa part, a déjà lancé une opération d’urgence dans beaucoup de pays africains où la maladie est signalée. Des spécialistes et du matériel sont attendus sur place. Pour le coordinateur MSF en RDC, Jeroen Beijnberger, l’expérience acquise par les autorités lors des six épidémies précédentes est atout indéniable pour contenir la flambée : « La situation en Afrique de l’Est est tout à fait exceptionnelle. Il est vrai que cela mobilise beaucoup de moyens de MSF pour faire face. Le point positif, c’est qu’il y a déjà un certain savoir-faire au regard de l’expérience acquise. Ceci étant dit, la zone est assez reculée. Cela pourrait peut-être faciliter la maîtrise de la situation. Cela n’empêche pas qu’il faut organiser un suivi rigoureux en certains points précis aux environs immédiats cette région.»
Selon Félix Kabange Numbi, le ministre de la Santé, il va falloir au moins trois mois pour venir à bout de cette épidémie.

Ebola : Questions sur la déliquescence du système de santé guinéen

[Par Sékou Chérif DIALLO]

Il ne restait que “Ebola” pour procéder à la reconstitution du puzzle guinéen caractéristique de pays pauvre et totalement dépendant de l’aide au développement, même pour assurer la santé de sa population. A toutes les victimes guinéennes et africaines de cette épidémie, j’exprime ma compassion. Au-delà de la spécificité de cette épidémie pour laquelle, jusque là, aucun vaccin efficace n’est disponible, je m’interroge sur les capacités du système de santé guinéen à faire face à une telle situation.

L’Hôpital Donka de Conakry, où sont isolées les personnes atteintes du virus Ebola. Source : AFP, site lemonde.fr

L’Hôpital Donka de Conakry, où sont isolées les personnes atteintes du virus Ebola. Source : AFP, site lemonde.fr

 

A l’instar de tous les secteurs sociaux, celui de la santé présente des faiblesses notoires et les réalités sont ahurissantes quand on sait le rôle que l’Etat que devrait jouer pour assurer la santé de sa population. Le faible accès aux services sociaux de base constitue une dimension importante de la pauvreté et une préoccupation essentielle des populations.

Pour commencer, procédons à une présentation succincte du système de santé guinéen. Il est composé des sous-secteurs issus du public et du privé. Le sous-secteur public est organisé de façon pyramidale. Il comprend, de la base au sommet: les postes de santé, les centres de santé, les hôpitaux préfectoraux et régionaux et les hôpitaux nationaux.
En élaborant en 2002 son premier document de stratégie de réduction de la pauvreté, l’Etat guinéen se fixait comme objectif, dans le domaine de la santé « d’assurer à tous les hommes et femmes vivant sur le territoire, sans barrière géographique, économique et socioculturelle, des services de santé de qualité. Il s’agit donc de mettre en place, d’ici l’an 2010, un système de santé accessible et capable de répondre aux besoins de santé de la population. » Cet objectif général ressemble plutôt à un vœu pieux quant on sait les faibles capacités de l’Etat guinéen pour la mobilisation de ressources internes et l’absorption des fonds disponibles auprès des partenaires au développement. Il faut noter que la part du budget national consacrée au secteur de la santé est l’une des plus faibles de l’Afrique. Sur la foi des données mentionnées dans le second document de stratégie de réduction de la pauvreté de 2007, le financement du secteur de la santé représentait, en 2006, 6% du budget total de l’Etat (0,4% du PIB). Dans une récente interview (24 août 2014 ndlr), le ministre guinéen de la Santé affirmait : « La part de la Santé dans le budget national est très faible (moins de 3% par rapport aux 15% recommandés par la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ndlr). Le poids de la maladie pèse directement sur le malade et sa famille qui supportent plus de 65% des coûts de santé. Les partenaires techniques et financiers appuient le gouvernement dans le financement de certains programmes de santé comme celui du Sida, le paludisme, la tuberculeuse… » Ce qui est nettement insuffisant pour assurer des services de santé de qualité au niveau de l’ensemble du pays. Il existe plus discriminant encore: une part importante des dépenses publiques de santé est concentrée sur les services urbains et bénéficie aux groupes les plus riches de la population. A cela s’ajoute l’absence d’assurance maladie mais aussi la mauvaise gestion des ressources du secteur liée à la corruption. Tous ces facteurs réduisent l’accès des populations nécessiteuses aux soins de santé.

 

Des disparités régionales importantes

En ce qui concerne la disponibilité et la répartition du personnel opérationnel de santé, les disparités sont importantes d’une région à une autre. Selon les résultats de l’enquête intégrée de base pour l’évaluation de la pauvreté de 2003, la proportion de médecins par habitant dans le pays est de 1 pour 8.323 personnes, celle des infirmiers de 1 pour 6.345 et celle des matrones [voir la note en bas de page*] de 1 pour 20.876. La capitale Conakry se taille la part du lion (plus de 60% du personnel de santé). Toutes les autres régions ont un ratio personnel/population inférieur à la moyenne nationale. Dans une étude réalisée en 1999, 40% des ménages souffraient d’une incapacité temporaire à payer les services de santé et prés de 15% d’une incapacité permanente. Avec l’accroissement de l’incidence de la pauvreté au niveau national, passant de 53% en 2007 à 55,2% en 2012, cette tendance se confirme. Du fait de l’insuffisance des infrastructures et équipements sanitaires, la couverture géographique est très faible. Pour illustrer cet état de fait, l’évaluation à mi-parcours du deuxième document de stratégie de réduction de la pauvreté avait révélé qu’au cours de la période 2004-2005, le nombre de postes de santé intégrés est passé de 604 à 623, soit une faible augmentation de 3% environ. Quant aux centres de santé intégrés, le nombre est passé de 395 à 399 durant la même période soit un accroissement de 4 unités. Les hôpitaux nationaux (aussi connus sous le nom de CHU, Centres Hospitaliers Universitaires) sont au nombre de 2 et se trouvent à Conakry. Il faut signaler que plusieurs unités sanitaires au niveau local ne sont plus fonctionnelles aujourd’hui par manque d’entretien, de subventions et de la corruption qui gangrène le secteur. La dernière sortie médiatique du ministre guinéen de la santé en témoigne : « On ne peut pas comprendre que ces structures ne soient pas fonctionnelles. J’ai mis en demeure les autorités de ces structures de les réhabiliter. »
L’insalubrité de l’habitat et de l’environnement et la consommation d’eau insalubre sont citées comme des causes sous-jacentes du taux élevé de mortalité notamment infantile en Guinée. La mauvaise évacuation des ordures ménagères, des eaux usées sont des sources de propagation de maladies (comme le choléra par exemple) où à chaque période pluvieuse la Guinée enregistre des cas importants de choléra.

 

Des problèmes d’assainissement

L’assainissement qui a un impact sur la santé des populations est une autre réalité qui se caractérise par des manques et des insuffisances. L’évacuation des eaux usées par exemple se fait généralement par fosses ou par épandage sur le sol. Elles sont le plus souvent déversées dans des caniveaux, les rues et les espaces libres. Il n’existe pratiquement pas d’infrastructures d’assainissement collectif ou semi-collectif d’évacuation et de traitement des eaux usées à l’exception des équipements de Conakry où le réseau d’égouts se limite à une seule commune (Kaloum) sur les cinq que compte la capitale.
En outre, il faut noter l’inexistence de latrines publiques à l’exception de quelques-unes mal entretenues desservant certains marchés de Conakry, quelques rares gares routières, et les bâtiments administratifs. Les autres centres urbains sont quasiment dépourvus d’assainissement collectif malgré la densité élevée de peuplement.
S’agissant des déchets solides, le principal mode d’évacuation des ordures ménagères est le rejet dans la nature (espaces libres, cours d’eau, mer, caniveaux, etc..). Selon les résultats de la dernière enquête intégrée de base pour l’évaluation de la pauvreté, cette pratique est le fait de 77% des ménages (93% en milieu rural, 18,1% à Conakry et 64,4% dans les autres centres urbains). Le ramassage public des ordures ménagères ne se fait qu’à Conakry et concerne 55,4% des ménages. Des caniveaux remplis d’ordure, des eaux stagnantes et des tas d’ordures ménagères dans les rues, c’est l’image que présente la capitale guinéenne.

 

Des risques de contamination

Les risques de contamination dans les centres de soins sont aussi très élevés du fait de l’insalubrité des lieux. En 2012, la délégation en Guinée de l’organisation internationale ‘’Terre des hommes’’ déplorait les causes de cet état de fait : « l’eau n’arrive que 2 à 3 fois par semaine dans les centres de santé, et pendant seulement quelques heures. Ils ne peuvent donc ni soigner convenablement les patients, ni nettoyer les salles de soins et assurer l’hygiène des équipes de manière adéquate »
Dans un tel environnement, la propagation d’épidémies comme l’Ebola serait facilitée par les faiblesses structurelles du système de santé de la Guinée. A cela, il faut ajouter les choix que je qualifierais d’irresponsables de la part des autorités guinéennes en voulant minimiser (voire nier) la propagation de l’épidémie au sud de la Guinée dont les premiers cas ont été signalés depuis décembre 2013 par les médecins locaux mais sans confirmation officielle de la nature de l’épidémie. Si des mesures idoines étaient prises promptement par les autorités guinéennes avec l’appui des partenaires, elles permettraient de circonscrire l’épidémie, stopper sa propagation et éviter au monde entier cette psychose terrible qui met en quarantaine toutes les populations des zones touchées.

 

[*] “Matrone” : Femme qui exerçait illégalement le métier d’accoucheuse. Il faut noter que ces matrones sont reconnus comme personnel de santé et elles exercent dans les structures sanitaires pour répondre à l’insuffisance d’infirmières. Cette appellation est toujours employée dans le jargon officiel dans le domaine de la santé en Guinée.