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GUINÉE CONAKRY – Quand les fêtes religieuses développent le pays…

La célébration des fêtes est devenue l’occasion de favoriser l’économie locale et la protection de l’environnement. Cette transformation sociale a commencé par les tisserands pour s’étendre au renouvellement des arbres et aux fameuses pommes de terre de Guinée. Entre promesse politique non tenue et crise du covid19 empêchant l’export, les guinéens, à commencer par les jeunes, ont décidé de se prendre en main. 

Lors de la fête musulmane de l’Aïd el-Kebir (Eid el-Adha ou Tabaski en guinéen) durant laquelle un mouton (ou une chèvre) est sacrifié,  les familles se réunissent et partagent un grand moment de convivialité. C’est ainsi que les guinéens reviennent dans leur localité familiale pour fêter ensemble ce jour saint. 

Depuis l’an dernier, les efforts des habitants de la Moyenne-Guinée s’orientaient sur le textile guinéen appellé “Donkin léépi”. Ces habits que les tisserands et teinturiers locaux confectionnent sont idéals pour les fêtes comme l’Aïd. Or, le secteur était en perte de vitesse et les débouchées commerciaux se faisaient rares. La fête de l’Aïd a permis de booster les ventes. 

La Basse-Guinée a emboité le pas. Le textile de Kindia fut mis a l’honneur. Idem en Guinée-Forestière où les yeux des habitants sont ornées par des textiles. Cette partie du pays qui s’appelle “La Forêt Sacrée” a une tradition ancestrale de travailleurs locaux. 

En somme, les guinéens ont trouvé un équilibre assez simple : consommer des produits locaux pour relancer l’économie locale.

Délaissée malgré les promesses politique, la pomme de terre est de la fête

Sur la même lancée, les habitants de la Moyenne-Guinée ont compris que cette année 2020 allait être très difficiles. Des milliers de tonnes de pomme de terre (plus de 20.000 tonnes en 2010 pour la fameuse pomme de terre dite la “Belle de Guinée”) ont été produits pour l’export. Les frontières étant fermés, il suffit de les stocker. 

Sauf qu’il n’y a nulle part où les stocker à faute de graves faits de corruption et un manque de responsabilité de la part des autorité incapable de construire un lieu de stockage. Conséquence, les pommes de terre pourrisent. Imaginez le désastre sociale et économique plongeant la Moyenne-guinée dans une crise sans précédent. 

Un appel a été lancé pour sauver le secteur des pommes de terre. C’est le président de la Fédération des paysans du Fouta Djalon (FPFD) et du Conseil national des Organisations paysannes de Guinée (CNOPG) Moussa para Diallo qui a osé. Pari réussi ! Les guinéens, comme un seul homme, sont allés acheter des pommes de terre permettant la pérénité des commerces locaux. L’Aîd a été le point culminant de ce sauvetage in-extremis. 

En effet, le produit guinéen le plus vendu à l’étranger est la pomme de terre. Fait surprenant, la plupart des plats guinéens sont à base de riz, alors que la Guinée Conakry ne produit pas de riz ! A l’inverse, la consommation des pommes de terre n’est pas un aliment de base en Guinée malgré le fort coût d’importation.

Exclu du secteur économique, la jeunesse guinéenne pense au futur écologique

Dans notre prochain article, nous analyserons en détail la dégradation catastrophique de l’environnement en Guinée, une zone d’investigation à haut risque pour les journalistes. 

Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il existe aussi un rapport entre la fête de l’Aïd et les arbres. En effet, la déforestation sauvage a joué un rôle désastreux pour l’environnement. Les sources ont besoin des arbres pour s’étendre et rejoindre le lit des fleuves, particulièrement nombreux en Moyenne-Guinée. Leurs suppressions ont tari plusieurs rivières.

Reprenant une tradition nouvelle qui consiste à planter un arbre à chaque anniversaire, les familles profitent de l’Aïd pour le faire à leur tour et ainsi reboiser la Guinée Conakry qui en a besoin. 

C’est dans ce sens que les filles et fils de la région de Moyenne-Guinée construisent ensemble une union sacrée autour des valeurs culturelles, économique et écologique. Bien loin des promesses non tenues par Alpha Condé et son gouvernement qui préfèrent l’argent de la corruption que le bien être des citoyens, que ce soit au présent ou dans l’avenir.

D’autres articles

Les journalistes environnementaux : un climat hostile

Forbidden Stories, plateforme destinée à sécuriser le travail des journalistes, a dévoilé son projet environnemental. Une enquête aux côtés de 30 médias sur le secteur minier, particulièrement répressif à l’égard des reporters. L’occasion de faire le point sur l’une des formes de journalisme les plus menacées ; le journalisme environnemental.

“Les rapports d’enquête sur l’environnement peuvent être aussi dangereux que les rapports sur le narco-trafic”


Le Green Blood Project ou “le projet sang vert” est une enquête réunissant 40 journalistes, 15 médias dans 10 pays différents durant 8 mois. La série qui en découle est publiée à compter du 18 juin dans 30 organes de presse du monde entier dont Le Monde, The Guardian au Royaume-Uni, Expresso au Portugal et Süddeutsche Zeitung en Allemagne.

Ce nouveau projet est une enquête collaborative internationale lancée par le collectif Forbidden Stories qui poursuit les enquêtes de journalistes menacés, emprisonnés ou assassinés.

Trois continents sont explorés : l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie

L’enquête se penche sur les pratiques de trois compagnies minières, milieu opaque et devenu interdit aux journalistes et à l’investigation. “Sur chaque continent, l’industrie minière dissimule certains secrets inavouables” peut-on lire dans le teaser dévoilé ce jour.

Green Blood Project permet de dénoncer l’impact des mines sur la santé et l’environnement ainsi que leurs politiques d’expansion brutales tout en rendant publics les actes de censure et les menaces touchant les journalistes.

L’aventure commence en Tanzanie, où le journaliste Jabir Idrissa dénonce les agissements autour d’une mine d’or. Elle se poursuit au Guatemala, où l’industrie du nickel provoque la colère des populations locales et les autorités tentent de bâillonner le journaliste Carlos Choc. Elle se termine en Inde, où des journalistes comme Sandhya Ravishankar dévoilent au péril de leur vie les agissements de véritables “mafias du sable”.

Le journalisme environnemental sous haute tension

Couvrir l’environnement est l’une des formes de journalisme les plus dangereuses, après le reportage de guerre” souligne The Guardian.

Bruce Shapiro, directeur du Dart Center for Journalism and Trauma a déclaré dans les pages du quotidien britannique que “les rapports d’enquête sur l’environnement peuvent être aussi dangereux que les rapports sur le narco-trafic”.

Lundi 17 juin, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) livre son rapport. Au moins 13 journalistes ont été tués depuis 2009 pour avoir enquêté sur des scandales environnementaux. Le total pourrait même atteindre 29 cas, le CPJ enquête toujours sur 16 autres décès suspects.

Une constatation qui n’épargne aucun continent

L’Inde se classe parmi les endroits les plus dangereux pour exercer le  métier de journaliste environnemental.

Trois des treize personnes qui ont été tuées au cours de leur travail depuis 2009 étaient originaires du pays.

Trois autres étaient basées aux Philippines.

Les autres sont morts au Panama, en Colombie, en Russie, au Cambodge, au Myanmar (ex-Birmanie), en Thaïlande et en Indonésie.

Pour le directeur exécutif du CPJ, Joel Simon, “la couverture de tels articles pour les médias nationaux et internationaux implique souvent de se rendre dans des communautés éloignées et de faire face à des intérêts puissants. Cela le rend intrinsèquement dangereux. […] Ce n’est pas un problème nouveau, mais il est devenu plus aigu à mesure que le changement climatique a un impact plus direct sur le quotidien des gens“.

La hausse des menaces envers les journalistes environnementaux pose des questions sur la vulnérabilité de ces derniers. Pour Eric Freedman, professeur de journalisme au Knight Center for Environmental Journalism, les “reporters devraient recevoir une formation à la sécurité, comme beaucoup de correspondants de guerre ou internationaux”. Comme le rappelle le Comité pour la protection des journalistes, “le meurtre est la forme ultime de la censure”.