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En Irak, l’étau juridique se resserre autour de la liberté d’expression

Par Zara Alasade

Le projet de loi sur la liberté d’expression en Irak est toujours dans les tiroirs des bureaux du Parlement, en raison d’un large désaccord sur certains de ses paragraphes, que beaucoup considèrent comme une menace et une restriction supplémentaire du droit de manifestation pacifique et la liberté d’expression garantie par la Constitution.

Cette loi permet aux autorités d’interdire les rassemblements publics, sauf autorisation préalable des autorités au moins cinq jours à l’avance. Ici, il ne mentionne pas les critères que les autorités irakiennes appliqueront pour approuver ou interdire les manifestations, ce qui laisse la possibilité de proscrire toutes les manifestations de la part des autorités.

Depuis 2010 jusqu’à aujourd’hui, le projet de loi sur la liberté d’expression en Irak a fait l’objet d’une part de controverses parlementaires et politiques, et d’autre part du rejet et des critiques de militants et défenseurs des droits de l’homme, qui y voient un obstacle sur la voie émergente et chancelante de la démocratie en Irak.

Ce projet est discuté à chaque session parlementaire, dont la dernière a eu lieu en octobre 2023 pour une seconde lecture, afin de le légiférer et l’approuver.

Le projet de loi et le « défi aux religions »

L’article 1 du chapitre deux de cette loi concernant les règles de diffusion des médias interdit « la diffusion ou la publication de documents promouvant les opinions du parti Baas, ou promouvant des activités criminelles qui peuvent être interprétées comme étant contre les institutions de sécurité », ou comprenant des « déclarations émises par des groupes armés d’opposition ou un entretien avec l’un de leurs membres, ou des documents appelant à cibler le processus politique démocratique ou à provoquer des conflits entre partis ou clans ou entre partis de la société irakienne », ce qui est un paragraphe vague, selon les spécialistes.

Il convient de noter que la corruption a été l’un des problèmes les plus importants des manifestations de masse qui ont éclaté en octobre 2019. Des manifestations qui ont connu des réponses dramatiques : Human Rights Watch avait indiqué dans un rapport que sept journalistes et militants avaient été attaqués en raison de leur travail de documentation. 

Et des doctrines et des sectes. Quiconque prouve avoir « publiquement insulté un rituel, un symbole ou une personne vénérée, glorifiée ou respectée par une secte religieuse » encourt une peine de prison pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement assorti d’une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 000 de dinars irakiens (soit 7 600 dollars américains). Ce fut le cas en août 2008 lorsque la chaîne irakienne Djilah, qui avait diffusé un reportage comportant des chants et des danses, vues comme une « insulte à la religion. » Les locaux de la chaîne avaient été saccagés, alors qu’elle avait déjà été interdite de diffusion pendant un mois en janvier 2020.

Quiconque suit la scène politique irakienne sait que les symboles religieux jouent un rôle important dans les principaux partis politiques, et prohiber leur critique limiterait gravement l’exercice par les citoyens de leur droit à la liberté d’expression.

Les militants estiment que les faits indiquent que le recours délibéré à des lois formulées de manière vague dans tout l’Irak, y compris dans la région du Kurdistan irakien, permet en réalité aux procureurs d’engager des poursuites pénales contre des opinions qui ne leur plaisent pas. 

Les autorités des zones contrôlées à la fois par le gouvernement fédéral et par le Gouvernement Régional du Kurdistan (GRK) utilisent les procès en vertu de ces lois comme une forme d’intimidation et, dans certains cas, pour faire taire les journalistes, les militants et autres voix de l’opposition. Même si peu de personnes ont passé du temps en prison pour diffamation, la procédure pénale elle-même peut servir de sanction.

L’Irak, environnement hostile pour la liberté d’expression

Le Code pénal irakien, qui remonte à 1969 et a fait l’objet de modifications mineures au fil des ans, notamment avec la promulgation du code pénal des forces de la sécurité intérieure irakienne en 2008, contient de nombreux paragraphes vagues qui parlent de crimes de diffamation, qui étouffent la liberté d’expression, comme l’insulte à la « nation arabe » ou tout représentant du gouvernement, que la déclaration soit vraie ou non.

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Une photo de Saba Kareem.

Pendant deux décennies, l’ancien président Saddam Hussein a contrôlé toutes les institutions irakiennes, y compris les médias, et n’a pas permis de critiquer la famille du président ou ses hauts responsables. Après qu’une intervention militaire menée par les États-Unis ait renversé le régime de Saddam en 2003, certaines structures de gouvernance démocratique ont été établies, mais la liberté d’expression n’a pas prospéré. L’Irak est plutôt devenu un environnement hostile pour quiconque souhaite critiquer le gouvernement, les partis ou même les groupes armés.

Si nous revenons à la Constitution irakienne, aux lois de Bremer dans le domaine de l’édition et à l’article (130) de la Constitution irakienne, qui confirme la validité du Code pénal n° 111 de 1969, nous trouvons également une contradiction évidente et d’autres restrictions légiférées en plus de l’activation d’anciennes lois pour limiter la liberté d’expression. Ce qui rend impossible l’exercice de ce droit sans tomber sous le coup de la loi, qui entraîne parfois la peine de mort.

En conclusion, activer les lois susmentionnées. Même si elle n’est pas utilisée et si l’on tente de faire adopter le projet de loi sur la liberté d’expression dans sa version qui fait encore l’objet de controverses, elle reste pleine de dangers et une arme menaçante pour quiconque tente d’exercer son droit d’expression. 

Crédits photos : Ahmad Al-Buraye, Saba Kareem.

PORTRAIT. Farhad Shamo Roto, Ézidi « apatride dans mon propre pays »

Toujours accompagné de son fidèle sourire aux lèvres, Farhad Shamo Roto respire la joie de vivre. Lauréat 2023 de l’Initiative Marianne et fondateur de l’association « Voice of Ézidis », Farhad aide aujourd’hui les réfugiés Ukrainiens à trouver un foyer d’accueil. Des montagnes du Sinjar à l’Elysée, Farhad n’a cessé de se battre pour son peuple et les droits humains. Rencontre avec le défenseur des droits pour l’Œil de la Maison des Journalistes.

Malgré les épreuves et obstacles, le quasi trentenaire Ézidi continue de tracer sa route avec une énergie folle. Il a fait de sa communauté sa vocation, ou plutôt la liberté de son peuple.

Minorité réprimée en Irak, les Ézidis craignent que leur histoire et culture ne disparaissent avec les génocides.

Un peuple millénaire harcelé et massacré

Ézidis et non Yézidi, comme le veut l’erreur internationale. Car le terme « Yézidi » est incorrect pour la communauté concernée : à travers cette appellation se cache une manipulation politique, afin de catégoriser les Ézidis en tant que groupe terroriste.

« Le mot Ézidi est la bonne version. Il date des époques sumérienne et babylonienne et est dérivé de Khuday Ez Dam, qui signifie « J’ai été créé par Dieu », nous confie Farhad.

« Mais au cours des dernières décennies, les érudits et les médias ont associé les Ezidis à Yazid Bin Mawia, le deuxième calife du califat omeyyade qui s’était opposé au prophète Mahomet. »

Un usage qui coûtera très cher au peuple Ezidi, car des conflits très anciens entre Yazid Bin Mawia et Mahomet divisent toujours l’Irak.

« Nous ne devrions donc laisser personne nous associer à un tel conflit qui n’a pas de fin. Nous sommes issus d’une communauté remontant aux anciennes civilisations mésopotamiennes. C’est pourquoi j’écris notre nom en tant qu’Ezidi et j’encourage les autres à faire de même. »

« Je suis né en 1994, dans un village du nord de l’Iraq, dans la région de Sinjar. Nous étions une famille de fermiers qui cultivait l’ail, et notre seule source de lumière était celle du jour. »

« J’ai été un des premiers de mon village à accéder à l’école sous le régime de Saddam Hussein, et j’ai même obtenu mon diplôme avec mention. »

Etant un Ézidi et considéré comme indigène, Farhad a été longtemps victimes d’harcèlement et de brimades de la part de ses camarades.

Sa communauté connaissait et connait toujours des vagues de violences extrêmes de la part du reste de la population.

Les Ézidis pratiquent en effet une religion non-musulmane, ont leur propre langue et disposent d’une culture spécifique.

Sous le commandement de Saddam Hussein, le gouvernement a tenté d’assimiler les Ézidis, notamment en leur faisant abandonner leurs us et coutumes et en les convertissant de force à l’Islam.

Les groupes terroristes islamiques, eux, prônaient leur disparition totale.

« Les pleurs des mères ne quitteront jamais mon esprit »

Un échec suivi d’une violente répression à partir de 2014. « L’Etat Islamique nous a harcelés, torturés, puis a eu recours aux massacres et génocide, reconnu par l’ONU en tant que tel. Petit, je vivais dans des montagnes isolées, mais nous entendions parler des massacres en permanence. »

Du 3 au 15 août 2014, les Ézidis plongent au fond de l’enfer. L’Etat islamique décide de procéder à une purge ethnique, coûtant la vie à 5 000 personnes au minimum, et conduisant à l’exil de plus de 300 000 Ézidis. Plus de 5 000 femmes ont également été enlevées et vendues comme esclaves sexuelles.

Des chiffres qui ne cessent de grimper au fur et à mesure des langues qui se délient et des recherches indépendantes.

« J’étais un sans-abri, un apatride dans mon propre pays », témoigne avec émotion Farhad, qui était alors en première année à l’université où il étudiait la biologie.

Impossible de retourner dans son village natal, même aujourd’hui. « Ma famille et moi-même n’avons survécu que par miracle. »

« Nous étions piégés, l’unique voie de sortie était dans les montagnes, dans un corridor traversant la Syrie avant de remonter vers l’Irak. Nous nous sommes retrouvés dans des camps de déplacés internes. »

Ces camps, mis en place par l’ONU au début du génocide, restent un enfer pour les réfugiés. « J’y ai vécu 3 ans et demi avec ma famille. »

« Beaucoup de réfugiés se suicidaient, nous étions terrorisés et perdus. J’ai vécu cette expérience comme des années de prison. Les hurlements et pleurs des mères ne quitteront jamais mon esprit. »

Impossible pour autant que Farhad de rester cloîtré dans sa prison : le jeune homme s’active, monte un réseau pour aider les nouveaux arrivants au fil des années à s’installer, et met sur pied avec des camarades un millier de tentes.

« Je m’étais lancé dans la biologie car mon village avait besoin de personnes compétentes en soins médicaux. » Sans aide extérieure, les déplacés doivent se procurer leurs denrées alimentaires et autres fournitures.

« Je n’avais pas le choix, je devais régulièrement traverser la frontière pour ramener à manger à ma famille. Et pour pléthore de volontaires, il s’agissait d’un aller sans retour. »

« L’Etat Islamique nous bombardait et nous tirait dessus lorsque ses membres nous apercevaient. Toutes ces expériences ne m’ont donné que plus envie de dédier ma vie aux autres. »

La Drôme, surprenant havre de paix pour les Ézidis

Au bout de trois longues années, une lumière d’espoir jaillit au fond du tunnel. L’un des oncles de Farhad est alors le garde du corps d’un diplomate positionné en France, et négocie depuis août 2014 la venue de son neveu.

Son oncle y a échappé de peu lui-même, et parviendra à extraire Farhad et ses parents du pays. « Des groupes de volontaires dans la Drôme acceptent de nous accueillir chez eux, mais obtenir notre visa nous prend un an. En 2017, nous nous envolons alors pour la France. »

Il atterrit avec sa famille à Grane, non loin de Valence. Grâce à des organisations telles Val de Drôme Accueil Réfugiés, des familles entières peuvent fuir le génocide et savourer la paix.

Plus de 80 familles sont ainsi hébergées dans le département depuis 2015. Aujourd’hui, la France accueille plus de 10 000 Ézidis sur son territoire.

Après quelques mois dans la Drôme, Farhad s’installe à Lyon pour quatre semaines. Il saisit l’opportunité de se rendre sur Paris en 2018, grâce à un service civique jusqu’en 2019.

Il y fait la rencontre de Mario Mažić, co-fondateur de l’ONG « Youth Initiative for Human Rights in Croatia » et enregistre en 2019 son association « Voice of Ézidis » (VOE) dans la capitale française.

Paris lui permet par ailleurs de faire grandir VOE, chose qu’il ne pouvait pas faire dans la Drôme.

Pourtant en activité depuis plusieurs années, il avait par le passé tenter d’enregistrer VOE en Iraq, sans succès : il devait changer le nom de l’organisation, ce qui revenait à lui faire perdre son essence-même.

Mais sous le manteau, en Iraq comme en France, Farhad Shamo Roto soulève des montagnes pour aider ses compatriotes. « J’ai travaillé sur de nombreux cas très divers », explique-t-il le regard au loin, se remémorant le passé.

« J’ai fourni des conseils juridiques, en aidant les survivants installés en France à remplir leurs papiers et à s’intégrer, j’ai organisé de nombreux événements pour lier les communautés françaises et Ézidis en France. »

« Nous nous sommes mobilisés pour aider la communauté durant la pandémie, j’ai parfois été un support financier… » Enumère-t-il. Au total, plus de 500 familles bénéficient de son aide, même durant la pandémie.

Mario Mažić, avec qui il garde un lien fort, l’appelle par une belle après-midi de juin 2020 pour lui parler du programme initié par la fondation Obama, appelé « European Leaders. »

Selon Farhad, « Mario était persuadé que je pouvais faire partie du programme. J’ai donc passé une interview et j’ai été sélectionné. »

European Leaders et Initiative Marianne, le tournant international

Fort de ses expériences, d’un master Relations Internationales à l’HEIP et de sa volonté inarrêtable, Farhad est sélectionné pour participer au « Leaders Programs » en 2020, pour une durée de six mois.

Celui-ci a pour objectif « d’inspirer, de responsabiliser et de mettre en relation » des activistes et défenseur.es des droits des quatre coins du globe, à l’instar de l’Initiative Marianne.

Le premier stage a été un « très bon entraînement en défense des droits » pour Farhad, qui souhaite développer son organisation VOE à l’internationale, et qui lui a permis de solidifier son carnet d’adresses.

« Ce programme a été un véritable tournant pour moi. Les autres participants font partie de ma famille maintenant, nous nous serrons vraiment les coudes ! »

Il y rencontre le Biélorusse Nick Antipov, défenseur des droits LGBTQ+. Les deux hommes sympathisent et gardent contact, animés par la même passion pour l’humain.

Ravi de son expérience, Farhad se mobilise pour trouver un stage similaire : il finit par être sélectionné pour la promotion 2023 de l’Initiative Marianne, où il a postulé en décembre 2022.

Lancée en décembre 2021 par le président Emmanuel Macron, l’Initiative Marianne pour les défenseurs des droits de l’Homme est un programme qui comporte trois volets. Le premier est international, comprenant le soutien des défenseur.es des droits humains dans leurs pays respectifs par le biais du réseau diplomatique français.

Un volet national, impliquant l’accueil en France pendant six mois de défenseur.es des droits humains issu.es du monde entier pour permettre leur montée en compétence et leur mise en réseau, est également de mise. Enfin, un volet fédérateur vise la constitution d’un réseau international des acteurs de la défense des droits humains à partir des institutions (associatives, publiques, privées) françaises.            
   
Ces défenseurs et défenseures des droits humains venus du monde entier peuvent, durant six mois, construire et lancer leur projet en France. Cette année, treize personnes de diverses nationalités ont été primées pour leurs combats : la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, le Venezuela, l’Ouganda, la Russie, le Mali, le Bangladesh, le Bahreïn ou encore le Pérou ont été mis à l’honneur pour cette édition.

Après avoir reçu quatorze femmes l’année dernière, c’est au tour d’une promotion mixte d’être accueillie en France dans le cadre de l’Initiative. Les lauréats accéderont à un programme de formation afin de renforcer leurs capacités et leur engagement dans leur pays d’origine ou en France, qu’il soit en faveur des droits des minorités, de la liberté de la presse et d’expression, des droits civiques et politiques, des droits des femmes ou encore des droits environnementaux.

Grâce au programme, les lauréats peuvent développer leur association ou leur travail depuis la capitale française, ainsi que tisser un solide réseau de défenseur.es des droits. Un moyen pour la France de fédérer les lauréats et de faire rayonner son action à l’étranger. Depuis 2022, la Maison des journalistes et l’Initiative Marianne s’associent afin de renforcer les échanges entre journalistes exilés et défenseur.es des droits humains du monde entier.

« J’ai pu participer à l’Initiative grâce à des référents qui ont appuyé ma candidature », précise le jeune homme.

« Pendant six mois, j’ai encore mieux développé mes compétences en défense des droits, gestion d’association, agrandi mon réseau d’institutions et ONG nationales et internationales. Au final, l’Initiative se poursuit bien au-delà des six mois. »

La guerre en Ukraine, triste écho à sa vie

Lorsque l’invasion de l’Ukraine est déclarée par la Russie le 24 février 2022, Farhad et son ami Nick sont effondrés. Co-fondateur du projet anti-discrimination MAKEOUT, Nick Antipov est bien renseigné sur les questions d’exil et de migration forcée.

Les deux s’interrogent : comment venir en aide aux milliers d’Ukrainiens qui seront bientôt obligés de se déplacer loin du conflit ?

Se souvenant du système d’accueil dans la Drôme, où des familles françaises hébergent des Ézidis, Farhad mobilise avec l’aide de son ami la société civile. Objectif, trouver des foyers pour les familles et civils ukrainiens au plus vite.

En quelques jours, l’association ICanHelp est montée : le site internet enregistre des centaines de visites par jour, et comptabilise autant de demandes. Aujourd’hui, plus de 13 000 hôtes ont ouverts leur porte.

L’interface permet en effet aux Ukrainiens de se signaler et aux hôtes, de proposer leur domicile comme refuge. Nick et Farhad se chargent de la mise en relation.

« Très vite, nous sommes devenus le lien entre les deux parties en France, nous avons reçu énormément de soutien. L’Union européenne, le Canada, l’Allemagne, la Turquie se sont joints au programme. Un Français a même hébergé 20 familles à lui seul ! »

Toujours très attaché à son travail pour la cause Ézidie, Farhad continue d’aider les réfugiés de sa minorité en France.

Il est actuellement en collaboration avec l’ONU afin de protéger son peuple en Irak, où ils ne bénéficient d’aucun statut.

« L’ONU nous permet d’être entendu et d’avoir une voix au chapitre de nos vies », qu’il espère seront bientôt « paisibles. »

Le mois prochain soufflera le triste anniversaire des neuf ans du génocide. Farhad organise des commémorations en France avec une vingtaine d’autres associations Ézidies. Ces dernières ont par ailleurs lancé un appel à l’Irak pour la reconstruction de la région de Sinjar, leur maison natale.

Crédit photo : Marcus Wiechmann.

Maud Baheng Daizey

IRAQ. Abduction and disappearance: Powerful weapons to intimidate protests activists

On February 22, 2020, at around 8 p.m., the young protester “Muhammad Ali” (a pseudonym) was waiting alone near Kahramana square in central Baghdad, for a taxi to take him to New Baghdad in the south-east of the capital, where he will continue his way home on Palestine Street, but the vehicle he took moved him to another world that changed his life forever.

 

  •  Ahmed Hasan, Iraqi journalist resident at the MDJ (Maison des journalistes). Translated by Walaa Rayya

The cold and the darkness surrounded the place near the Chevrolet Car Company office, which is about several kilometers from Tahrir Square, the center of the popular protests when a white Kia car with four passengers in it stopped, they were unsuspicious. Muhammad slipped in it quickly as he exchanged greetings with them before silence prevailed.

A few minutes later, the car changed its way and was headed towards Abu Nawas Street on the Tigris River, when one of the passengers pointed his gun with a silencer placed under his jacket at Muhammad and said “Shut up if you want to live.” With these words, his kidnapping journey had begun and ended with a troubled life, isolation, paranoia, and great fear.

Muhammad (23 years) has been unemployed and was seeking work since graduating from the University of Baghdad’s Faculty of Political Science in the summer of 2019. Amid the wave of protests demanding reform in October 2019, he quickly became involved in supporting the protest movement and contributed to the establishment of the student sit-in tents on Saadoun Street leading to Tahrir Square. For months, he has worked passionately in fundraising to provide essential supplies of food, bedding, medicines, and face masks against deadly gas bombs.

“Hopes of ending corruption and reforming the political system were filling his soul before it all ended the moment he rode that white car that carried darkness into his world and turned his dreams into nightmares,” mentions one of his friends.

In early February 2020, after only four months of protests, the National Centre for Human Rights in Iraq reported the abduction of 72 people (22 of them was released.) , as well as 49 assassination attempts of 22 activists, journalists and bloggers. But the numbers escalated in the subsequent months.

Fadel al-Graoui, an OHCHR member, revealed, in early June 2021, what he termed the “numbers of missing persons,” and he said that all but 18 of the 76 disappeared persons have been identified.

Death alleys

With successive crackdowns of repression along with arrests and kidnappings, activists preferred not to ride in a car in areas near Al Tahrir Square that were known as “death alleys” and were turned into sites for masked gunmen who made it a field of abduction and murder away from the eyes of security agents and protesters.

Abbas, a twenty years old brown man and Tuk-tuk car owner, who for months has been transporting protesters from the protest center “Al Tahrir “ to the Kahramana square, says: “It was a necessary step for protection against targeting in Al Tahrir square, but armed groups linked to the power parties, for which the demonstrations were considered a danger, began to kidnap activists from Kahramana after tracking them carefully.”

During November and December 2019, at least 103 attempted killings and abductions took place in the streets of Al-Saadoun, Al-Nidal, and Abu Nawas, according to the testimony of 10 groups’ leaders, as well as the testimony of security agents of the Establishment Protection Service, which is responsible for inspecting those entering Tahrir Square.

For almost a year, the protesters, who were thousands in Tahrir Square or gathering around it, used to watch the death and fall of their comrades with live bullets, gas canisters, and sniping weapons. According to government numbers, more than 560 people were killed and over 20,000 were injured.

Identical abduction tales

On the night that Muhammad was kidnapped, Abbas had taken him on his bike with two of his companions (Wael and Maysara). In Kahramana, the three friends broke up, and Muhammad was alone for minutes, using his cell phone and waiting for a car to pick him up. Armed groups would have preferred “to hunt activists alone to facilitate their kidnapping with no witnesses,” Abbas says.

A year after his kidnapping, in a small room in the family home, Muhammad agreed to receive us with his father and sister and several preconditions: “No cameras, no phones, no recording devices.”

The young man kept looking at us for minutes as he tried to figure out our intentions while his father was talking about the difficult days they lived through then he said: ” That night they took me to an abandoned orchard in the Dawra area south of Baghdad, just near the oil refinery. They acted quietly, pulled my phone, and they did not blindfold me to pass through security checkpoints normally. At one checkpoint, they said they were affiliated with the National Security Service.”

“On the way, they told me that they were from the demonstrations room and they wanted to verify the sources of the funds that I collected to support the demonstrations, but after passing the presidential brigade checkpoint, at the exit of the “AL Tabikayen” bridge overlooking the presidential district, and before passing a crossroads leading to “Al-Zaafaraniya” and “ the new Baghdad”, they entered a dirt road that included a checkpoint in which two agents in military clothes stood next to a Toyota pickup, on which the flag of the Popular Mobilization was raised. The barrier was rapidly removed and the car was allowed to pass. After a few minutes, that seemed to me very long I was immersed in thinking about the fate that expected me. We ended up in an orchard.”

Muhammad says: “When we got there, the kidnappers beat me, and one of them grabbed my shirt and pulled me out of the car hard and I fell to the ground. There were four people with beards waiting for me while they were carrying batons. I woke up late at night and found myself locked in a small, windowless room with a filthy bathroom. The room was completely isolated, and I didn’t know when it was morning or night. The hours passed by slowly, interspersed with brief sessions of repeated questions, insults, and physical torture committed by men in their late thirties, all dressed in yellow shirts and green pants.”

Death threat, ransom, and conditional release

After eight days and no news about him, the security services that Muhammad’s family contacted had the same answer “Your son is not detained by us.” Muhammad’s father, who works as a government employee, received a message from the kidnappers via the Telegram application asking him to sign a white paper to prevent his son from participating in student sit-ins and collecting donations in exchange for his release and to not disclose to anyone any information about what he was exposed to.

Several days later, Muhammad came out, after a complicated release mechanism, which included the intervention of a Shiite cleric who lives in the Zaafaraniyah area, and act as a mediator between the families of the victims and the kidnappers and he received thousands of dollars in each operation.

We looked at the messages exchanged between Muhammad’s father and the mediator, in addition to voice calls and photos of the kidnapper with signs of torture on all parts of his body up to his face. The mediator received five thousand dollars in two payments. “Thank God my son survived and returned, but he became introverted. For weeks after his return, he refused to meet his friends and even his brothers.” Muhammad’s father says.

The protests stopped, but the kidnappings didn’t

At the peak of the demonstrations between October 2019 and January 2020, hundreds of activists were subjected to arrest, kidnapping and torture, and these attempts continued after the protests declined and stopped in some areas with the formation of the new government. Jaafar al-Khasib (a pseudonym), is one of the Basra activists, who preferred to change his name to avoid tracking him. In October 2020, he fled to Sulaymaniyah in Kurdistan Province and went to Turkey after a kidnapping attempt in central Basra, where he nearly lost his life.

The activist tells us the details of the kidnapping attempt: “It was in mid-September 2020, on Algeria Street, minutes after I left the house and while I was passing near a parked white Toyota pickup, I was surprised by a loud sound from its engine, I turned and saw someone pointing his gun at me. I was standing in front of one of the shops. Scared and without thinking, I entered the place screaming and jostling with the employees in it, while the sound of gunfire went up.”

“I was lucky because the shop had a back door overlooking a public street that I came out of and I went to a garage next door. I begged people to help me, one of them directed me into the bathrooms, I stayed there for about a quarter of an hour, I was almost paralyzed, and I didn’t know what to do, the death was stalking me. They told me then that the gunmen had fled after one of the workers had been shot in the left leg.” The activist says.

The group that chased Al-Khasib was composed of three persons. They were planning to kidnap him, not kill him.

Hours after the incident, the local police inspected the place and the home of al-Khasib family and conducted a formal investigation after the owner of the shop reported the incident. The activist submitted his statement to the investigating officer who blamed him for his participation in organizing the demonstrations and held him responsible for what happened.

“He also said that my family was suffering because of me, and he told me clearly that the police could not protect me and it will best for me to leave Basra quickly. Then he whispered in my ear a name of a well-known figure in Basra who has been pursuing activists and protesters.” He explains.

Homicide for treason

Throughout the months of documenting the kidnappings, activists informed us that between September and October 2020, many of them received information about the “intentions” of a specific group to execute activists in the demonstrations and that they had “fatwas” legalizing the murder of “traitors” working for America, Britain and the Gulf countries.

In the same period, journalists received information from security parties close to the Prime Minister’s office, that there is a list of about 70 names of journalists and activists threatened with death by armed groups close to the parties in power. The charges are “communicating with countries hostile to the resistance factions”.

Security services, which were unable to protect protesters from armed factions, “believe that the protests are a conspiracy to threaten their existence.” It seems that they preferred not to be a partner in the crime, so they leaked the names of activists and journalists who are threatened with kidnapping or murder.”

This information was leaked days after four of Basra’s most prominent activists were subjected to assassination attempts, Reham Yaqoub (she was murdered on August 19) and “Tahseen al-Shahmani” (he was murdered on August 14), while both Ludia Raymond and Abbas Subhi managed to escape.

291 assassination attempts

The kidnappings and assassinations that took place after the “October Movement” 2019 were not limited to Baghdad and Basra, but also included nine provinces, according to a document that mentioned the names and dates of the assassinations and showed that most of the operations took place between four o’clock and eleven in the evening and were carried out with a variety of machine guns, including silencer weapons.

n officer in the National Security Service who was contacted several times before agreeing to meet with us in a cafe in central Baghdad, said, on the condition that he not be identified, that the assassinations took place based on “an organized action carried out by an armed group that was operating under the watchful eye of the Ministry of Interior and with the support of Shiite political parties.”

The document counted 291 attempted murders directly or after the abduction, as a result, 80 activists and demonstrators were dead, 122 others were injured, and 89 survived without injury, in Baghdad, Babylon, Karbala, Najaf, Diwaniya, Muthanna, Nasiriyah, Missan, and Basra.

The special room

The officer reveals a “Protest Suppression Chamber” was formed under the chairmanship of Interior Minister Yassin Elyasri: “When the demonstrations intensified, they formed the Chamber to confront it, for them the demonstrations were an organized and funded operation to target the authority and the influential parties that have armed groups.”

He states further: “Its meetings included representatives of the Ministry of Defense, the Intelligence Service, officers in the National Security, the Popular Mobilization Forces, and influential actors of the partie.”

The officer in the National Security identified the party concerned with suppressing the demonstrators and prosecuting the activists: “We knew that there was a special operations room called the “Dealing with the Demonstrations” room. It seems that elements of it were planted within the riot police, and they were the ones who were throwing live bullets and tear gas bombs to kill and intimidate the demonstrators.”

This information intersects with statements by Yahya Rasoul, spokesman for the Commander-in-Chief of the Armed Forces, about the involvement of elements of the Ministry of the Interior (the Forces of Order and Riot Control), in using live bullets and tear gas to kill demonstrators. He accused the government of Adel Abdul Mahdi of these crimes.

Nasiriyah: From a protest center to a kidnapping square

For more than a year, Nasiriyah remained the center of the largest protests in southern Iraq. Kidnapping and assassination attempts were taking place in it to force the participants to withdraw from it.

Activist Ali Mehdi Ajil, who was subjected to two assassination attempts, the first one was on 28 November 2020, says “I was driving to the town police station in Nasiriyah to release the protesters who were arrested following clashes as a result of the burning of sit-in tents in Al – Habubi Square. On Prophet Ibrahim Street, I saw a large motorcycle following me with three hooded men on board. I quickly headed to the hall intersection. I knew the bike was chasing me.

A few days earlier, masked men on a motorbike fired three bullets, also on Nabi Ibrahim Street, one of which hit the windshield of his car.

Ajil, who survived the two attempts, ruled out the involvement of the Sadrist movement’s “Saraya Al-Salam” in the attempts. He believed that an armed political party affected by the demonstrations “sought to take advantage of the dispute between the demonstrators and Saraya Al-Salam and carried out a campaign of assassinations to sow discord and push the demonstrators to accuse the Sadrists who attacked the sit-in square and burned the tents after Al-Sadr called for an end to the sit-ins.”

The story of disappeared Sajjad

About months after the spread of the Coronavirus, which affected the momentum of the demonstrations, but did not end the sit-ins in Baghdad and Nazareth in particular, and the formation of the new government, the demonstrations ended.

On September 19, 2020, the young activist Sajjad Al-Iraqi was kidnapped in Nasiriyah, and his fate is still unknown.

Hajji Basem Falih, who was with the Iraqi during the kidnapping attempt and became a witness to the operation, said: “We were five persons in the car, heading to visit a friend who was injured in the protests. We discovered that two cars were chasing us, so we stopped. Four armed men wearing masks got out and asked us to remain silent and not move And they asked Sajjad to come down and go with them.”

In a quick quarrel that happened during the kidnapping attempt, the witness recognized one of the kidnappers by his voice, Idris Al-Ibrahimi.

According to Hajji Basem, Idris Al-Ibrahimi is an important figure who belongs to the Badr Organization led by Hadi Al-Amiri. He is a Dhi Qar Governorate resident and works as an employee of the Prisoners and Martyrs Foundation. He was formerly a prominent fighter in the Popular Mobilization Forces.

The witness called Idris Al-Ibrahimi for help, by his nickname: “Haji Abu Zahraa, please leave Sajjad.”

That did not work, and Ibrahimi became irritated and told the witness to remain silent, he broke the side window of the car with his pistol, while another gunman, who was carrying a pistol with a silencer, forcibly dragged Sajjad from the back seat and put him in the kidnappers’ car before returning and shooting Hajji Bassem because he identified Ibrahimi, but he miraculously survived after being transferred to Nasiriyah Hospital for treatment for a severe injury.

The incident sparked a wave of outrage among activists and forced the government to force the Counter-terrorism Service to search for Sajjad, to release him, and arrest the kidnappers after unsuccessful attempts to communicate with parties to which the kidnappers belong, but it completely failed and Sajjad remained disappeared, while the security services kept secret the identities of the kidnappers and the details of the operation.

Sajjad’s mother says that she knows the actors involved in the kidnapping of her son, and they are affiliated with an influential party: “There is no investigation. The case has been neglected and put on hold, so there is nothing new and the security services did not inform us of anything. Rather, we are the ones who provide them with information. The kidnappers names are recognized. Four witnesses have conclusive evidence that a person was involved in snitching on Sajjad and he has disappeared after the incident.”

Nine months after the incident and dozens of promises made to Sajjad’s mother by senior officials, the mother does not hide her despair of knowing the fate of her son, “I don’t know if he is dead or alive, nothing is more difficult than that.”

Endless wait

For nearly a year, activists have been waiting for the results of a fact-finding committee to uncover those involved in the killing and kidnapping of protesters, and the investigation committees that were formed after each operation did not identify the persons or parties involved. It’s an endless waiting to forget the causes, as activists see.

With the silence of the government, voices emerged among protesters pointing fingers directly at power parties and armed factions associated with the Popular Mobilization Forces. They note that factional media – specifically Kataeb Hezbollah and Asaeb Ahl Hak – shared statements, comments, and writings that attacked the protests and questioned activists’ motives, accusing them of employment, treason and receiving money from abroad.

Stalking Activists’ Families

Many activist homes have been attacked with firearms and sound packets, like the house of activist Hussein Al – Ghrabi in Dhi Qar, while other have received threatening messages through their phones or contact with their relatives.

Activist Ali Mahdi Ajeel confirms that the armed groups do not hesitate to do anything to stop the protests. “They hung a hanging and bloodied baby doll on the door of my house. It was a clear message that they know me, they know my house and the children, and they can kill anyone if I don’t withdraw.”

Malik al-Tayeb, whose brother, a prominent activist in Diwaniyah, Thaer al-Tayeb, was assassinated in mid-December 2019, says: “A while ago, while I was my car returning from work, near Al-Hussein Hospital, a motorcycle driven by a masked person followed me and he asked me to stop. He asked me to drop the lawsuit about revealing my brother’s killers because that’s a enormous risk to my life. He said his words and sped off. I tried tracking him down, but he went into the narrow alleyways and disappeared. ”

Will the killers be held accountable?

Even after the arrest of several members of the “death gang” in Basra accused of carrying out a series of killings, including the assassination of journalist Ahmed Abd Al-Samad and his colleague, the photographer Safa Ghali in January 2020, prominent activists question the accountability of those involved and believe that impunity will continue to prevail.

But a member of the Parliamentary Security and Defense Committee and representative of Basra, Bader Al-Ziyadi, shows some hope, and sees that the arrests of some members of the “death gang” as “a message of reassurance to the people of Basra that the security services can arrest the criminals, even after a while.”

He didn’t hide the fact that some security commanders requested to move the accused from Basra to Baghdad “so that there will be no pressure on the security services and no change of testimony under any internal influence or outside interference”.

Al-Ziyadi, who expressed his hope that the investigations will show “more and greater results about the motives behind these assassinations, and the nature of their members’ affiliations,” says that “the Parliamentary Security Committee will open the file and obtain accurate information from the security services to solve the murders”.

Yahya Rasoul asked to give chance to the intelligence effort to complete the investigations.

The head of the Supreme Judicial Council and Al-Kazemi’s office also rejected the claim of Adel Abdul-Mahdi’s government that there was a “third party” involved: “This is fake information and has nothing to do with the truth. There are two parties, the security forces, and the demonstrators.”

In November 2019, the former Defense Minister, Najah Al-Shammari, announced the presence of a third party accused of killing protesters.

“We are fighting a losing battle”

Under a powerless government that has been infiltrated by political groups with armed wings, Tishreen movement activists are almost unanimous in the impossibility of holding those involved in the kidnappings and assassinations accountable, and they doubt that the results will lead to effective detentions and trials and they mentioned the failure of the agencies to arrest suspects living in Iraq, and others will get out and this will be justified by the absence of evidence.

A renowned journalist in Basra, who refused to answer our questions many times, before accepting on condition that nothing indicating his identity be revealed: “We do not speak because we fear death, we do not trust the security services, they are infiltrated and helpless, and the militias have the final say. They arrested a few people here who are just tools while all the Basra agencies were unable to arrest the head of the group who was present in Basra. . And who says that these persons will be tried, there is pressure, and we may wake up one day and hear about their release due to insufficient evidence or their escape! We are in a losing battle.”

The despair over the possibility of achieving change through the elections and holding the perpetrators accountable pushed the “National House”, one of the forces emanating from the Tishreen movement, to announce its withdrawal, along with other Tishreen forces, from participating in the elections. Hussein Al-Ghurabi, one of the founders of “National House”, says: “It is useless under the government’s inability in front of the power of the militias and their weapons… How can I compete with them while they have all the cards in their hands?”

Abdul Qahar al-Samarrai, a member of Parliament, agrees with activists’ opinions on the government’s failure to identify the culprits: “Replacing Abdul-Mahdi’s government with this government was useless.”

He adds: “what the demonstrators were hoping for was not done by this government, so they are more resentful today than yesterday… and the forces that operate outside the state are increasing the street tension.”

He further states that “restoring confidence to the angry people comes from revealing the identities of the criminals, and this is a priority for the government, otherwise it will be described as its predecessors.”

The disappeared son and the murdered father

On March 10, 2021, Jaseb Hattab Al-Heliji,  father of the kidnapped lawyer Ali Jasp, was assassinated in the city of Amar, Missan province, hours after his participation in the commemoration ceremony of the murder of t Abdul Quddus Qassem, a prominent activist in Missan.

Jaseb is an old man known for his participation in the March protests and his activity on social media, after the kidnapping of his son, who was a lawyer and a civic activist, on October 8, 2019, in front of the Al Rawi Mosque in central Amara. Since then, he has been disappeared.

According to a relative of Jaseb, he was killed in Al-Amara, Al-Fiqa’i Al-Khaid, after he paid his respect to the Abd Al-Kuddus family.

Hours later, the police announced that they had arrested the culprit, “Hussein Abbas,” and that the motive was a clan dispute. Meanwhile, the Supreme Judicial Council reported that “the accused stated in his confessions that the victim (who is his uncle’s husband) was accusing him of kidnapping his son, which led to disputes and he filed a complaint against him. The pressures he was subjected to prompt him to kill the victim.”

However, the Jaseb family seemed unconvinced and demanded to reveal the identity of the entity who pushed the perpetrator to commit the murder and the one behind the abduction of their son Ali.

For about a year and a half, Jaseb has been trying to raise the disappearance issue, he participated in protests, raised a picture of his kidnapped son and his orphaned grandchildren, and demanded to reveal the fate of his son.

“Despite evidence in telephone calls and text messages, persons accused of kidnapping have been called as witnesses, not as defendants,” said Jaseb in a video.

Jaseb’s wait to know the fate of his gone son ended with his death, but his two grandchildren will grow up in a circle of waiting and revenge without a father or grandfather, while Sajjad’s mother will burn her remaining days between the pain of losing him and the hope of seeing him. She says: “I want to know his fate, whether he is alive or dead. His burial place. We do not deserve all this torment.”

Ahmed Hassan. © Karzan Hameed. 2021.

Ahmed Hassan © Karzan Hameed. 2021.

Ahmed Hassan, journaliste irakien résident de la MDJ

Contact : ahm_198950@yahoo.com

D’autres articles sur l’Iran

Karzan Hameed, journaliste Kurde exilé, “ Il a toujours son nom : Irak, mais le pays n’existe plus” (#Portrait)

Journaliste depuis 20 ans, Karzan, 42 ans, est né au Kurdistan Irakien, région autonome rattachée à l’Irak. Pour s’être intéressé de trop près au clan Barzani dirigeant le Kurdistan Irakien, il a dû fuir le pays où sa vie était menacée. Résident en France, Karzan est aujourd’hui un des 14 résidents de la Maison des journalistes (MDJ). Portrait.
  •  Ange Fabre, étudiant en droit et science politique, stagiaire à L’oeil de la  Maison des journalistes. 

“Les Kurdes sont un peuple différent des turcs, des arabes et des perses. C’est une autre ethnie, différente.” explique Karzan à propos des Kurdes. “Nous avons deux dialectes, le kurmandji, parlé par les Kurdes syriens et turcs. En Irak et Iran, les Kurdes parlent soranî”, ajoute-il. Il explique que les Kurdes sont éparpillés sur quatre États : la Syrie, la Turquie, l’Irak et l’Iran. Selon lui, la population kurde compte environ trente millions de personnes, chiffre inférieur aux 44 millions officiels. Au moment de présenter les villes du Kurdistan Irakien telles Erbil, la capitale et Souleimaniye une autre grande ville, il s’arrête sur Halabja et n’oublie pas d’évoquer un douloureux épisode historique. Halabja, a été bombardée chimiquement parle gouvernement irakien en 1988, ce fût un génocide pour nous, comme un second Hiroshima.”

Karzan entame sa carrière de journaliste en 2000, en tant que reporter-photographe à Erbil, capitale du Kurdistan, puis à Bagdad de 2003 à 2005 où il est témoin de la guerre en Irak, puis de la violence d’Al-Qaïda. De 2005 à 2007 il est envoyé à Kirkouk, au nord de l’Irak. Sa maîtrise des dialectes kurdes et arabe lui est un atout précieux.

Pourtant rien ne le destinait à devenir journaliste. “C’est bizarre (rire). Avant d’être journaliste,  ce que j’aimais beaucoup c’étaient les livres. A 20 ans j’ai suivi une formation de six mois pour devenir chercheur en économie, sociologie, science politique.  À la fin de cette formation, un étudiant, Hendren Ahmed, qui travaillait dans un journal, m’a contacté et proposé de venir travailler avec lui. Je ne connaissais rien au journalisme et avais un problème avec l’écriture.  Il m’a dit “c’est facile on va t’aider.” Cet ami et collègue, Hendren Ahmed, journaliste réputé, est secrétaire du Conseil du Syndicat de la Presse du Kurdistan. “ Tout le monde l’appelait “boss”, mais il disait “ Je ne suis pas votre boss, je suis votre collègue !”, on l’appelait comme ça quand même”. La vocation de Karzan a débuté par cette amitié. Il affectionne alors particulièrement le métier de reporter, entre l’Irak et la province du Kurdistan.  “Après trois ans, ils voulaient mon aide au bureau. Mais je préférais être reporter. De plus, j’avais acquis de bonnes connexions avec des hommes politiques.”

“Une main avec le diable et une autre avec Dieu”

Karzan est au Kurdistan lorsqu’éclate la deuxième guerre du golfe en 2003. Il ne peut aller en Irak alors que la coalition menée par les Etats-Unis envahit le pays. Lorsque le régime de Saddam Hussein tombe, en mai 2003, Karzan rejoint l’Irak et parcourt le pays. Il assiste alors à la violence des affrontements entre les forces américaines et les groupes armés irakiens et terroristes. “J’ai travaillé à Bagdad, un jour je suivais l’armée américaine, l’autre je suivais l’Armée du Mahdi, milice islamiste chiite combattant l’occupation américaine. Quand tu fais ce métier tu as une main avec le diable et l’autre avec Dieu.” Il a également assisté à la violence des attentats d’Al-Qaïda à Bagdad. “ J’ai encore des photos, je peux vous les montrer mais attention, elles peuvent être choquantes.” prévient-il au moment de nous les montrer.  Sur l’une d’elles, on voit des blessés ensanglantés  être évacués en urgence à l’arrière d’une voiture . “Cette photo date de mai 2005 après l’explosion d’une voiture piégée, près du ministère de la défense. C’était après la deuxième guerre du golfe, lors des attaques d’Al Qaïda contre le nouveau gouvernement et les américains.” Il vend certaines de ses images aux agences de presse internationales et les autres sont envoyées à un média Kurde d’opposition pour lequel il travaille alors.

Karzan évoque ensuite ses ennuis avec les autorités en Irak. Il est arrêté une première fois en 2005. Alors qu’il a rendez-vous à Bagdad, une explosion se produit, il prend des photos de l’évènement.  “Retenu trois heures, ils m’ont demandé comment il se faisait que juste après l’explosion je sois là à prendre des photos.” Ce jour-là, Karzan devait interviewer un professeur d’université. “Ils ne comprenaient pas, pensant que j’étais en lien avec les terroristes, qui m’auraient appelé, ils ont voulu voir mon téléphone. Heureusement, mon numéro uniquement adapté au réseau du Kurdistan, ne fonctionnait pas en Irak”, ils finirent par le relâcher.  “L’officier pensait que je mentais. Moi je n’en savais rien, en tant que journaliste, j’ai juste eu de la chance d’être au ‘bon endroit au bon moment’ !”

Mais Karzan a aussi eu de nombreux ennuis avec la police du Kurdistan. “ La police au Kurdistan, ils t’arrêtent trois fois. La quatrième fois tu meurs. J’ai été arrêté deux fois, avant la troisième j’ai quitté mon pays. Ce n’est pas possible de parler de certaines choses, si tu parles de la famille Barzani tu es fini.” En 2007, lors d’une manifestation à Erbil, il est arrêté alors qu’il prend des photos sur lesquelles figurent des policiers. Il parvient à effacer les clichés de son appareil mais les policiers le gardent une semaine. “Ils ne te disent rien, ils te mettent juste en prison. Tu ne sais pas pourquoi. C’est comme une guerre psychologique.” Quelques jours plus tard, il est à nouveau arrêté lors d’une nouvelle manifestation au même endroit. Cette fois, les policiers retrouvent les photos et le gardent à nouveau une semaine. Ils lui ordonnent de ne plus prendre de photos de policiers sans leur accord. Il parvient à récupérer son matériel et s’en sort sans conséquence grâce à une relation du ministère de la défense. “Ils m’ont dit : ‘Très bien, tu peux sortir mais on te connaît, ton jour viendra.’”

Karzan intègre ensuite la rédaction de la chaîne de télévision Rudaw basée au Kurdistan irakien, de 2012 en 2016. Après 2016, il s’oriente vers l’aide humanitaire, “Je travaillais avec les réfugiés, syriens, irakiens, arabes, qui fuyaient Daesh. Je travaillais entre le Kurdistan et l’Irak, à Mossoul. On les aidait dans leur démarche, on écoutait leurs histoires, on leur apportait des soins.”

De la corruption à la répression pour faire taire les journalistes

Il explique qu’en 2018, alors qu’il travaille au Kurdistan, beaucoup de choses changent pour lui en tant que journaliste. Le nouveau premier ministre est Masrour Barzani, la famille Arzani tenant les rênes du Kurdistan irakien depuis plusieurs décennies. C’est là que les vrais problèmes commencent pour Karzan et ses confrères journalistes. “Le nouveau premier ministre vient des services secrets. Fils de l’ex-président, il n’aime pas la démocratie. Il règne d’une main de fer. Il ne croit pas au dialogue, ni à la liberté de la presse.” Il explique alors, qu’exercer librement son métier devient impossible, sept de ses amis et collègues journalistes sont arrêtés pour “espionnage” et “collusion avec des puissances étrangères”. “Après 20 ans que fais-tu ? Tu quittes ton travail ? Non c’est ton travail, c’est ta vie. Te battre ? Tu ne peux pas te battre, ils ont les militaires, ils ont le pouvoir. Tu es seul. De plus, tu as une famille. Et ils peuvent s’en prendre à eux, ils se fichent que ce soient des enfants ou des femmes…”

Pour autant, il explique qu’avant 2018, “il n’y avait pas de liberté, on ne peut pas dire qu’avant on avait la liberté et qu’on l’a perdue, c’est différent.” Avant la violence, c’était plutôt la corruption. “Lors du mandat du précédent premier ministre il y avait un peu de liberté. Il y avait des médias indépendants, radios, télévisions… Si tu parlais de politique, il venait, et il t’achetait, maintenant il n’y a plus ce type de business, seulement le silence.”

En 2019, face à l’impossibilité d’exercer librement son métier de journaliste, Karzan fait une demande de visa au consulat français à Erbil. En mai de la même année, il obtient son visa et arrive en France en juin 2019. “C’était rapide” commente-t-il. Il vit à Paris chez des connaissances puis à Orléans pendant plusieurs mois. A Paris, il rencontre quelqu’un de la Fédération internationale des journalistes qui lui parle de la Maison des journalistes (MDJ), il fait donc sa demande et trois mois plus tard il intègre la résidence.

Aujourd’hui, Karzan suit des cours de français auprès de la Croix Rouge mais aussi de l’association France terre d’asile et de la professeure de français bénévole de la Maison des journalistes. Il écrit toujours et fait des traductions de l’arabe vers le kurde pour un média en ligne Kurde, AVA today.  Son projet désormais est d’aller vivre dans le Sud-Ouest avec sa famille, composée de sa femme, sa fille de dix ans et son fils de cinq ans, restée à Erbil. “J’ai fait un dossier pour les faire venir. Je l’ai envoyé au consulat, j’ai passé des entretiens et je dois attendre peut-être quatre ou cinq mois. Mes enfants et ma femme pourront venir.”. Contrairement à lui, Karzan estime que sa famille n’est pas menacée, et espère pouvoir bientôt la faire venir en France.  Sa fille lui demande régulièrement quand ils pourront enfin se rejoindre. “Ma fille lit en français. Je l’aide, je lui apprends les nombres, les semaines, à se présenter, à dire son âge, je lui dis “je t’aime”, “ tu me manques”… On communique via Whatsapp ou Telegram.”

Karzan n’a pas l’intention de retourner dans son pays. “Non, honnêtement non. Je peux dire que l’Irak et le Kurdistan c’est fini.” Un constat pessimiste au premier regard “ Le Premier ministre a détruit la politique, l’économie, il veut installer une dictature.  Cela ferme toutes les fenêtres de liberté, peu à peu il détruit le pays.” Karzan explique que les Barzani, puissante famille d’Erbil descendant de Mustafa Barzani[1], règnent de manière quasi-monarchique sur le Kurdistan, au-delà les institutions officielles. “ C’est la famille du premier ministre, son père, son grand-père… Ils dirigent tout au Kurdistan. Ils ont des affaires en Irak, en France et ailleurs dans le monde, la fortune de la famille Barzani se compte en milliards de dollars !”

Quant à l’Irak, “Après 2003, l’Irak c’était fini. Il n’y avait plus de pays irakien, seulement des groupes armés.” Il explique alors longuement les maux dont souffre l’Irak, pays qu’il a sillonné comme reporter durant les périodes les plus violentes. Il affirme que le gouvernement officiel, à part une green zone, une enclave hautement sécurisée dans Bagdad, ne contrôle plus rien. Le pays n’existe plus en lui-même, “Il y a toujours le nom, Irak, mais le pays n’existe plus. Il n’y a que le Hezbollah et les autres milices armées sunnites et chiites.” Il explique alors que les manifestations de 2019 étaient le signe d’un peuple orphelin de sa patrie, partagée entre groupes armés et influences des pays étrangers. “En 2019 lors des manifestations, que demandaient les gens dans la rue ? Juste un mot, ‘Nous avons besoin d’un pays.’ ‘Nous avons besoin d’une terre.’ Où est leur pays ?” Quant à une solution provenant de l’État irakien, cela paraît bien illusoire pour Karzan. “Le premier ministre n’est personne ! Il ne pourrait rien changer, même s’il le voulait, les militaires ne l’accepteront pas. Les groupes armés diront peut-être ‘d’accord on accepte mais on veut tant de millions, on veut du pétrole, on veut ce business, ce marché etc..’. C’est impossible pour l’Irak. Tous les ministères sont soutenus par des groupes militaires”. Il rappelle que la vie pour le peuple irakien est un calvaire quotidien. “Tout est privé, il faut payer pour tout, payer, payer… Tout appartient à des compagnies, des entreprises… Les compagnies tiennent le pétrole, les écoles, les affaires, le commerce, etc.”

Cette situation décrite par Karzan, entraîne l’Irak depuis de nombreuses années dans une crise profonde, des conflits interminables et fratricides dont le pays ne semble pas près de voir la fin. “En 2007 les chiites et les sunnites s’entretuaient, maintenant les chiites se tuent entre eux. Au Kurdistan c’est pareil.” Karzan indique alors du doigt un livre de sa bibliothèque, Léviathan (1651). “Thomas Hobbes a écrit “ la guerre, de tous contre tous[2].” L’Irak n’a plus d’État, le pays est maintenant toujours en guerre, si tu veux voir la guerre, tuer des gens, va en Irak.” L’ancien reporter, ayant vu de ses propres yeux le drame irakien ne se fait pas non plus d’illusions sur la possible aide américaine ou occidentale. “Pour eux, c’est du business. Avant ils devaient négocier avec le pouvoir central Irakien, qui avait le contrôle des richesses. Maintenant ils peuvent le faire avec tous les groupes armés, c’est plus profitable.” La part de responsabilité américaine est selon lui indéniable, le “business” prime sur la reconstruction d’une démocratie en Irak. “Aujourd’hui ils t’aident, demain ils t’achèteront, ils s’en fichent, ils ne se soucient pas des réalités du pays.” Au moment de terminer notre entretien, il clôt la question par un constat clair : “ L’Irak meurt car  déchiré entre les militaires, le Kurdistan meurt car sous le joug d’un seul homme.”

 

[1] Mustafa Barzani est le principal chef du mouvement national kurde d’Irak au XXᵉ siècle. Il est le président-fondateur du Parti démocratique du Kurdistan et un symbole de la cause kurde.

[2] Bellum omnium contra omnes : « la guerre de tous contre tous », est la description que Thomas Hobbes donne à l’existence humaine dans l’expérience de pensée de l’état de nature qui le conduit au Léviathan.

 

 

D’autres articles 

Les morts peuvent-ils migrer et demander l’asile ?

Le demandeur d’asile a toujours deux histoires, une qu’il présente aux services de l’immigration et une autre qu’il ne peut révéler et qu’il garde pour lui.”

Les services d’asile occidentaux interrogent les arrivants sur les menaces qui les poussent à quitter leurs pays d’origine en quête d’une nouvelle vie. Le demandeur d’asile a toujours deux histoires, une qu’il présente aux services de l’immigration et une autre qu’il ne peut révéler et qu’il garde pour lui. C’est une question complexe et épineuse que l’écrivain et cinéaste irakien Hassan Blasim résume bien dans son recueil de nouvelles Cadavre Expo (Seuil, 2017).

Pour comprendre la réalité de cette menace, il faut se demander si les militants et les journalistes sont en danger en Irak ? Les empêche-t-on de faire leur métier ? Risquent-ils leur vie s’ils ne font pas assez attention et s’ils ne se préparent pas à fuir leur pays ?

D’où vient cette menace et dans quel contexte ces nombreux militants et civils sont-ils morts ? Après chaque assassinat, le gouvernement : « des parties inconnues avec une déclaration accompagnée, entre autres, par l’ouverture d’une enquête pour trouver et poursuivre les tueurs devant la justice ». Ce qui est étrange, c’est qu’il s’agit toujours des mêmes déclarations, même si le gouvernement a changé, comme s’il s’agissait systématiquement d’une réponse toute faite.

Nous sommes donc face à une nouvelle théorie : quiconque va manifester et revendiquer ses droits risque de mourir et quiconque essaie de critiquer le régime, qu’il soit journaliste ou militant, fera face à la menace directe de la mort.

Cette nouvelle série d’assassinats a commencé le 1er octobre 2019 lors de la Révolution d’Octobre. Suite à des interventions de la police anti-émeute (ou d’autres forces encore inconnues), ces manifestations ont coûté la vie à plus de 600 jeunes Irakiens.

Countryman, un court métrage de Hassnaien Khazaal.

Parmi eux, des journalistes et des militants assassinés dans des opérations planifiées. À Bassora, dans le sud de l’Irak, Hussein Adel et sa femme ont été tués chez eux après un assaut organisé par des hommes armés. Amjad Al-Dahamat, lui, a été assassiné au sortir du domicile du chef de la police du gouvernorat de Maysan. Dans le gouvernorat de Karbala, devant un hôtel, un motard a tiré sur Fahim al-Ta’i puis s’est enfui, etc.

Des femmes ont également été visées comme Reham Shaker Yaqoub, médecin, assassinée dans sa voiture par trois balles.

Cette série d’assassinats se poursuit, bien après la Révolution d’Octobre. Il y a quelques jours, Ihab al-Wazani, un autre militant de Karbala, a été tué devant sa maison avec un pistolet silencieux. Pour avoir exprimé leurs opinions ou revendiqué leurs droits et les droits du peuple, les militants sont visés. 

Qu’en est-il des forces de sécurité, du gouvernement et des services du renseignement ? L’Irak est considéré comme un système démocratique, mais de quelle démocratie parle-t-on lorsque le pays reste sous l’influence des États-Unis et de l’Iran ?

Quel est l’intérêt de ce système démocratique et des élections si chaque candidat au poste de Premier ministre n’est pas nommé sans l’accord préalable des États-Unis et de l’Iran ?

L’organisation que les États-Unis ont mis en place après 2003 n’est pas une démocratie mais plutôt un système de quotas sectaires.

Qu’en est-il des Nations Unies ? Leur rôle s’apparente à celui des grandes institutions islamiques. L’ONU condamne le gouvernement seulement lorsqu’il y a des soulèvements et des révolutions lors desquels de nombreuses personnes perdent la vie mais en dehors de cela, on ne l’entend pas.

Qui sont les premières victimes de ce système ? L’ensemble du peuple irakien. Car, si on met de côté la guerre, les arrestations et les assassinats, nous sommes aujourd’hui confrontés à un processus de politisation du peuple. C’est-à-dire que les Irakiens sont incités à parler politique, mais pas à débattre tranquillement… Ils sont encouragés à s’écharper sur les réseaux sociaux. Objectif : créer des tensions entre les enfants d’un même peuple. Et gare à ceux qui s’opposent à ce système, comme les journalistes ou les militants, car dès lors le gouvernement n’hésitera pas à les éliminer.

Puisque ces personnes ciblées ne sont plus de ce monde et prouvent ainsi que leur vie était en danger, une question reste sans réponse : peuvent-elles maintenant émigrer et demander l’asile ?!

Hassanein Khazaal, journaliste et réalisateur irakien. Ancien résident de la Maison des journalistes. Il est l’auteur de Jidar Baghdad (“Le mur de Bagdad”).

En sept semaines de révolte en Irak, il y a eu plus de 330 morts, avec environ 15.000 blessés.

Les jeunes Irakiens revendiquent l’accès à l’emploi, l’égalité sociale et la fin du régime politique totalement corrompu selon eux.

La plupart des personnes tuées ont été abattues à balles réelles, d’autres ont subi des blessures mortelles causées par des grenades lacrymogènes tirées à bout portant sur les manifestants.

En outre, des canons à eau ont été utilisés, pulvérisant de l’eau bouillante selon les informations fournies par les manifestants.

Il n’y a pas que la jeunesse de Bagdad qui se soulève en Irak, la ville pétrolière de Bassorah a réduit sa production de 50% suite au mouvement de protestation dans la ville. 

Pour mieux comprendre la situation actuelle en Irak, voici une série de reportages traitant de la révolte irakienne.

IRAN. Élection présidentielle : Aggravation de la crise hégémonique et du contrôle politique

A quelques jours des élections présidentielles prévues en Iran le 18 juin, le Conseil des gardiens de la Constitution (un organe non élu opérant sous les auspices de Khamenei chef suprême du régime) a évincé, le 25 mai, tous les candidats rivaux crédibles d’Ebrahim Raïssi, candidat favori de Khamenei.

Ebrahim Raïssi, chef du système judiciaire iranien, a été l’un des quatre membres du « Comité de la mort » lors de l’extermination en 1988 de milliers de prisonniers politiques. Désigné par les Iraniens comme le « juge de la mort », il figure sur la liste des personnes sanctionnées par le Département du Trésor des États-Unis depuis 2019.

Parmi les évincés, figurent des responsables de la République islamique dont l’ex-président Mahmoud Ahmadinejad (2005 – 2013), Eshaq Jahangiri, premier vice-président, Hassan Rouhani, président sortant, et Ali Larijani, ancien commandant des IRGC [Corps des Gardiens de la révolution islamique] et ancien président de l’Assemblée consultative Islamique.

L’éviction des candidats à la présidence est une pratique courante en Iran. Seuls les très fidèles du régime passent le filtre du Conseil des gardiens de la Constitution. Mais le limogeage de représentants de factions proches de Khamenei lui-même, reste paradoxal.

ISNA.IR, Ebrahim Raïssi, le candidat préféré du Guide suprême parmi ses partisans.jpg

ISNA.IR, Ebrahim Raïssi, le candidat préféré du Guide suprême parmi ses partisans.jpg

Le point de vue développé dans cet article est qu’éliminer les rivaux du candidat favori du régime soit la seule alternative pour sa survie. Ainsi, les récentes interventions du régime pour exclure du pouvoir certaines de ses factions, ne sont pas des événements exceptionnels mais constituent une tendance à long terme en réponse à la crise hégémonique croissante.

Cette montée élèverait un rempart contre la société iranienne, toujours au bord de l’explosion. Cette société ayant choisi la voie des manifestations de rue comme lors des deux derniers soulèvements de janvier 2018 puis novembre 2019.

La mère des crises

Au cours des quatre dernières décennies, le nom de la République islamique a été associé, par les analystes politiques, à une combinaison de crises, de sorte que son existence même est clairement définie selon le type, l’ampleur et la gravité des crises auxquelles elle est confrontée.

Cette crise considérée comme un état instable, résulte de la perturbation et du dysfonctionnement d’un système politique pouvant ébranler sa stabilité et son équilibre. Au-delà d’un certain palier, un changement définitif peut en résulter.

Certains théoriciens de l’Etat considèrent que celui-ci a trois fonctions fondamentales. La plus importante est de créer la cohésion dans le bloc du pouvoir et d’exercer une hégémonie idéologique. En d’autres termes, la tâche la plus importante de l’Etat (quelle que soit la nature sous-capitaliste de la « République islamique ») est d’organiser et de donner une cohérence politique aux classes dirigeantes.

La crise hégémonique en tant que crise structurelle a coïncidé avec l’établissement de la République islamique, ainsi, après seulement deux ans et demi de présence, du 13 février 1979 au 20 juin 1981, la faction libérale a été complètement évincée du pouvoir.

Plus tard, en écartant M. Montazeri,- (seul ayatollah à s’indigner du massacre de prisonniers politiques à l’été 1988)-, de la succession de Khomeiny, ce qui était visé était la cohésion et l’uniformité après la mort du fondateur du régime.

La présidence du fondateur de la République islamique, bénéficiant toujours du potentiel laissé par une révolution populaire, n’a pas donné d’occasions d’enflammer les contradictions entre les différentes factions du bloc de pouvoir. La bourgeoisie commerciale, le clergé, les gardiens de la révolution et les forces de sécurité formaient un bloc.

 

La poursuite de la guerre catastrophique avec l’Irak (1980-1988) a été un facteur d’unification interne du système, limitant ces conflits. Mais la mort du fondateur du Velayat-e Faqih en 1989 a eu un effet ravageur sur l’embrasement de ces contradictions les années suivantes. Cette disparition a définitivement privé le régime du rétablissement de l’hégémonie idéologique dans le bloc du pouvoir.

À la lumière des travaux de théoriciens de l’État, nous pouvons affirmer que la crise hégémonique en Iran découle de l’incapacité à créer une cohésion entre les factions composant le bloc du pouvoir. Dans la mesure où aucune de ces factions n’est dans une position hégémonique, l’État est confronté à des lacunes et des conflits irréconciliables.

Selon des théoriciens et des commentateurs de la théorie de l’hégémonie presque tous inspirés par les travaux d’Antonio Gramsci, ce n’est que dans l’ombre de l’hégémonie idéologique que le pouvoir dominant est en mesure d’attirer le soutien et la coopération d’autres puissances et de les adapter à son système. En raison de cette incapacité structurelle, le régime est incapable de remplir les deux autres fonctions vitales : (i) empêcher l’unification des forces et des classes dominées, et (ii) mobiliser les forces politiques et idéologiques partisanes.

Le régime n’est plus en mesure de créer de différences entre les classes dirigeantes et de monter différentes sections de la société les unes contre les autres, cela été démontré dans la solidarité et l’unanimité des classes dominées au cours des soulèvements sanglants de décembre 2017-janvier 2018 et novembre 2019. Durant ces événements, plus de 200 villes, à forte diversité culturelle, ethnique et religieuse, se sont soulevées

Il convient également de mentionner la longue série de grèves quotidiennes, de manifestations syndicales et politiques et des efforts inlassables des travailleurs pour organiser et former des syndicats clandestins dans des conditions d’oppression. Ce sont bien les signes que les contradictions d’une grande partie de la société avec le pouvoir en place évoluent vers l’antagonisme.

Quant à l’échec du régime à mobiliser politiquement ses forces de soutien traditionnelles, forces extérieures à la lutte de classe dans le bloc du pouvoir (dans son sens marxiste : la petite bourgeoisie et la paysannerie) et sa reproduction idéologique, les deux derniers soulèvements l’attestent

Le mythe de la base partisane de la République islamique parmi les classes inférieures de la société notamment les bidonvilles et la périphérie de la capitale, s’est effondré. Ces zones, ainsi que les petites villes de tout l’Iran étaient impliquées dans le centre du conflit.

L’afflux des classes populaires dans les manifestations anti-régime sanglantes et les slogans scandés par les manifestants en Novembre 2019 notamment, ont contraint Khamenei à proposer une nouvelle définition du mot « opprimés » (Mostazafin) le 26 décembre de la même année. « Mostazafin» est le mot le plus largement utilisé pour s’adresser à la classe défavorisée ou ” va-nu-pieds” selon la rhétorique du régime de Khomeiny. Khamenei redéfinit désormais les Mostazafin comme les « Imams et dirigeants potentiels du monde humain » Ce discours était une reconnaissance claire de l’absence de base de classe revendiquée par le régime.

La somme de ces trois échecs dans l’analyse de l’État conduit à une « crise du contrôle politique », explication la plus claire de la situation actuelle du régime. Situation renvoyant spécifiquement à la crise politique dans la société, situation dans laquelle toutes sortes de crises peuvent se multiplier et créer une synergie.

La nature de la crise

La faction ayant toujours le dessus dans ce fragile équilibre, – le corps des Pasdaran (IRGC) et de Khamenei-, est la plus consciente de la nature et de la profondeur de la crise actuelle.

Le conflit au sommet de la pyramide du pouvoir, comportant une mafia de clercs, de gardiens de la révolution, de forces de sécurité et d’une partie de la bourgeoisie commerciale, s’est réellement intensifié.

Peut-être plus que l’éviction d’Ali Larijani, celle des cinq autres candidats occupant des échelons supérieurs des Gardiens de la révolution, caractérise clairement l’ampleur de la crise. L’annonce de ces candidatures fut le premier signal de la rupture avec la machine répressive, son manque d’intégration voire une coercition interne entre rivaux.

Par ailleurs, elle a révélé comment ces candidats ont servi les intérêts de certaines puissances politiques et économiques qu’ils représentent au sein du Corps des gardiens de la révolution.

Par conséquent, il semble qu’un changement qualitatif et décisif se soit produit dans le système de contrôle de ces contradictions : les factions dirigeantes du régime se sont battues dans le passé, et ce mécanisme de partage des conflits est largement sous le contrôle et l’influence de Khamenei. Khamenei lui-même, – au moins depuis les élections de 2009 -, est devenu partie prenante dans ces conflits.

 Les conflits brutaux pour des intérêts politico-économiques spécifiques dans le cadre de relations de pouvoir, et les titres communs de fondamentaliste, réformiste, modéré, technocratique, etc., en sont la représentation idéologique.

Réponse à la crise

Le régime Velayat-e-Faqih a trois options pour répondre à la crise hégémonique et tenter de réduire les conflits au sein du bloc de pouvoir : éliminer les factions rivales, impliquer une partie des factions rivales en apportant des contributions économiques et politiques, et enfin, harmoniser afin de créer une coordination des revendications des factions belligérantes.

La première option a toujours été choisie au cours de ces quatre dernières décennies. D’où la politique d’élimination, de chirurgie ablative. En bref, «la contraction » du bloc de pouvoir est le monisme qui régit le comportement du régime.

Le régime a été contraint d’accepter (sous la pression) cette ligne dite de l’« expansion » suite à deux évènements historiques. Le premier a conduit à la scission du régime en 1997 avec l’arrivée au pouvoir de Mohammad Khatami et l’acceptation de la faction évincée après la mort de Khomeiny. Cette rupture ayant conduit à des soulèvements populaires (protestations étudiantes de 1999 et ses conséquences) et une guerre de factions au sein du régime.

En 2005 avec l’élection de Mahmoud Ahmadinejad, les mollahs tentent d’unifier et combler le fossé dans le bloc de pouvoir, bien qu’Ahmadinejad ait évincé la faction rivale, son deuxième mandat a conduit à de nouvelles divisions au sein de la soi-disant faction conservatrice.

Pour la deuxième fois, lors de l’élection présidentielle de 2013, le régime a dû renoncer à son programme nucléaire pour conclure un accord nucléaire avec l’Occident, se tournant vers une version légèrement modifiée de Khatami : Hassan Rohani et l’ancienne faction de Hashemi Rafsandjani.

Mais le deuxième mandat de la présidence de Rohani, surtout sous l’influence des changements géopolitiques résultant de l’élection de Donald Trump, a intensifié les conflits au sein du régime à tel point que cette fois Khamenei et les autres dirigeants du régime ne cachent pas leur volonté d’établir le gouvernement. Il apparaît que l’approche d’apaisement des tensions avec les États-Unis (pas même la normalisation des relations) conduira à un recul significatif du régime dans certains domaines vitaux. En fait, ce que le régime veut dans sa situation déplorable actuelle, est une levée significative des sanctions, la vente libre de son pétrole et l’acquisition de « cash ». Mais l’Occident, dirigé par les États-Unis, veut faire plus (développement du programme de missiles, soutien aux groupes terroristes ou fondamentalistes, interventions régionales …), et implique de poursuivre une politique d’ouverture et de changement dans les stratégies constructives de la République islamique, ce qui déclenchera davantage de conflits internes.

Selon certains analystes sur l’Iran, accepter un nombre important de demandes occidentales signifierait non seulement abaisser l’équilibre des pouvoirs du régime dans la région mais aussi réduire l’équilibre des pouvoirs du régime avec la société explosive de l’Iran.

En d’autres termes, à la fois la politique de réduction des tensions avec l’Occident et l’ouverture (avec l’escalade des conflits internes) dans le contexte susmentionné enverra un message de faiblesse et conduira à une explosion dans la rue.

Khamenei en est conscient. Ses tentatives d’éviction d’un potentiel futur président gênant est une tentative pour restituer un minimum de cohésion interne. La probabilité de la mort de Khamenei (82 ans) et la question critique de sa succession est un autre facteur important amplifiant la nécessité de cette cohésion.

Comme nous l’avons dit, dans les deux cas, le nouvel arrangement politique du régime est un barrage contre la société explosive et le danger d’un soulèvement. Un danger connu de tous y compris de Mahmoud Ahmadinejad (ancien président du régime).

Actuellement, pour les ayatollahs, toutes les autres questions tournent autour de cette préoccupation majeure.

Par Rasoul Asghari journaliste et analyste politique iranien

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A l’entrée de l’EI [Etat islamique] en Irak en 2014, les IRGC ont englouti toutes les factions irakiennes. Le rôle du VEVAK disparaît complètement et toutes les factions chiites s’associent aux Forces de mobilisation populaire (PMF), entièrement dirigées par Qassem Soleimani. Les Gardiens deviennent alors leur soutien direct en fournissant renforts, logistiques et armes. Grâce à ces factions, ils ont pu renverser le projet du VEVAK et contrôler tous les rouages de l’État en étendant l’influence des factions qui leur sont loyales sur des dossiers qui leur rapportent désormais de l’argent. Ainsi, le VEVAK a été vaincu parce qu’il a perdu la Syrie, l’Irak et le Liban. À l’origine, il n’avait d’ailleurs aucune influence au pays du Cèdre car Hassan Nasrallah avait un lien direct avec les Gardiens de la révolution et le duo Soleimani-Nasrallah est devenu dominant sur le dossier irakien, sur celui des factions et des groupes armés, sur les PMF et d’autres encore.

Tout au long de cette période, les négociations se sont poursuivies entre les IRGC et le politicien chiite qui penchait vers le VEVAK. Nouri al-Maliki, premier ministre sur le départ, coopérait avec eux tandis que le gouvernement de son successeur, Haider al-Abadi, essayait de les pousser à stopper le passage d’un avion iranien par l’aéroport de Bagdad pour aller soutenir le régime syrien, à la demande de l’administration américaine comme condition pour continuer à soutenir l’Irak dans la guerre contre l’EI. 

Le VEVAK, en accord avec l’Agence nationale de Sécurité dirigée par Ali Shamkhani (d’origine arabe), prévoyait de briser l’emprise des Gardiens sur le dossier irakien et de le ramener dans le giron des renseignements, bénéficiant de l’opposition de la plus haute autorité religieuse chiite, l’Ayatollah Ali Sistani, aux actions des IRGC et des factions qui les suivent à cause de leur manque de respect pour les valeurs de l’État irakien, projetant le pays dans des conflits en dehors de ses frontières qui se sont pas basés sur ses intérêts nationaux. Le chef du mouvement sadriste, Moqtada al-Sadr, s’aligne alors sur la position du Marja, en essayant de punir les dissidents de son courant ayant fait défection et ralliés à l’axe des Gardiens de la révolution, notamment Asa’ib Ahl al-Haq.

Ces développements ont abouti à une scission au sein des Chiites en Irak et en Iran. La scène était déjà claire avant les manifestations de 2018 à Bassora. Maytham al-Zaidi, l’un des chefs des factions chiites fidèles au grand Ayatollah d’Irak Ali Sistani, a annoncé son opposition à Abou Mahdi al-Mouhandis en raison de la subordination des PMF aux directives de Qassem Soleimani plutôt que du Marja et du gouvernement.

Najaf a répliqué aux gardiens de la révolution en recevant le président réformiste iranien Hassan Rohani et son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. En revanche, il n’a pas reçu Soleimani ou encore Mahmoud Ahmadinejad, qui s’était rendu en Irak fin 2009. Le VEVAK était au courant de tout et savait qu’une frénésie populaire chiite sévissait à l’intérieur de l’Irak en raison du manque de services, de la misère, du chômage, de la sécurité délétère et de la corruption due à une classe politique protégée par les IRGC, jusqu’à ce que les manifestations d’octobre 2019 surviennent et représentent une occasion précieuse pour le VEVAK d’isoler les Gardiens.

Ces derniers peinent à trouver des solutions afin de faire face aux manifestations d’octobre, étendues à l’Iran. Leur fonction principale se limite en effet à autonomiser les groupes armés. Le VEVAK y a identifié l’opportunité de reprendre le contrôle sur le dossier irakien. Les États-Unis ont également exploité cette escalade en leur faveur en procédant, début janvier 2020, à l’élimination de Soleimani et d’al-Mouhandis pour profiter de la dispersion des factions armées et de l’élargissement du différend entre le VEVAK et les Gardiens, ceux-ci regardant celui-là comme s’il était impliqué dans le double-assassinat. Les renseignements iraniens commencent à reprendre le contrôle sur le dossier irakien à partir des manifestations de 2018, après que les Gardiens ont échoué à contrôler le mouvement dans le sud de l’Irak, en particulier à Bassora, où des manifestants chiites ont incendié le plus grand consulat d’Iran et brûlé les drapeaux et symboles de la République islamique, plongeant l’Iran dans l’embarras. 

La première pression exercée par le VEVAK sur les Gardiens a été de céder le pouvoir à Adel Abdel Mahdi mais ce dernier n’a pas réussi à faire face aux Gardiens de la Révolution. Ils ont ensuite favorisé Moustafa al-Kazimi, l’actuel Premier ministre, en espérant qu’il puisse réaliser ce qu’a fait Nouri al-Maliki au cours de son premier mandat. La stratégie des Gardiens et de ses ailes irakiennes est de poursuivre la confrontation militaire avec les Américains en Irak, même si elle consiste en des activités civiles, éducatives et d’investissement, pour briser la volonté de leurs adversaires chez eux (VEVAK) et de respecter l’accord avec les alliés chinois et russe.

Les raisons du conflit d’intérêts entre le VEVAK et les Gardiens en Irak sont les suivantes :

  • Premièrement : le VEVAK soutient le projet de diviser l’Irak en quatre régions, « sud, centre, ouest et nord ». Ses mandataires étaient chiites en 2004 et dirigés par le Conseil suprême islamique irakien, dans lequel il s’est beaucoup investi. Les gardiens de la révolution ont rejeté le projet et l’ont considéré comme un ciblage direct de leur plan dans la région dont ils espèrent une extension à l’Afrique.
  • Deuxièmement : le VEVAK s’oppose à la poursuite du soutien au régime de Bachar al-Assad, qui a coûté de lourdes pertes à la République islamique. Quant au soutien à Hassan Nasrallah, il doit s’inscrire dans la vision de la politique étrangère iranienne régionale. Nasrallah n’est pas censé se représenter lui-même mais agir comme le mandataire du système Velayat-e faqih.
  • Troisièmement : La popularité des conservateurs purs et durs a décliné à l’intérieur de l’Iran en raison de leur soutien continu à l’activité des Gardiens de la révolution dans les zones d’influence, à savoir en Irak, en Syrie et au Liban. Cet appui était centré autour du bloc conservateur au sein de l’Assemblée consultative islamique légiférant sur les lois pour soutenir les Gardiens, y compris à travers une augmentation de leur budget à des niveaux très élevés courant 2020.

Le soutien présent et passé que les Gardiens reçoivent des conservateurs a conduit à l’imposition de plus de sanctions économiques américaines contre le régime et à l’effondrement de la monnaie iranienne, avec, comme première victime, le citoyen iranien. De leur côté, les réformistes tentent de réduire le soutien aux Gardiens de la révolution au détriment d’un soutien croissant aux forces militaires iraniennes (l’armée). Les conservateurs interprètent l’opposition à la reprise du soutien aux Gardiens comme une tentative de leurs opposants réformistes visant à les isoler du contrôle du dossier externe iranien, en particulier dans les zones d’influence. Selon de nombreux observateurs, la mort du Guide suprême sera l’étape la plus difficile. Les deux partis (« conservateurs » et « réformistes ») envisagent d’acquérir le poste de nouveau guide de la République islamique.

  • Quatrièmement : continuer à violer les terres irakiennes et à traverser les frontières en Syrie et au Liban afin d’assurer l’expansion de l’influence des Gardiens de la révolution dans les pays du soi-disant Axe de la résistance, établir des groupes plus fidèles dans ces régions et gagner la loyauté des partis et des autorités en leur faveur au détriment des efforts de la diplomatie réformatrice iranienne.
  • Cinquièmement : Pour restaurer leur popularité, présenter les Gardiens de la Révolution devant l’opinion publique iranienne comme les seuls guerriers et véritables défenseurs des Perses, et la force principale contre les ennemis de la République islamique.

Alors que se profile l’élection de juin, Le VEVAK estime que la popularité de son aile politique, le mouvement réformiste, a reculé à l’intérieur de l’Iran. Cela est lié aux sanctions américaines imposées à Téhéran en raison du dossier nucléaire et du rôle des Gardiens dans la région. Cela est aussi dû à l’élimination de l’ancien commandant en chef de l’unité al-Qods au sein des Gardiens, Qassem Soleimani, et du savant spécialiste du nucléaire (Mohsen Fakhrizadeh NDLR), les bras les plus importants de Khamenei et des conservateurs. Les Gardiens ont donc commencé à battre en retraite à l’intérieur de l’Irak et la confusion a commencé à se faire sentir au sein des factions et ailleurs.

Le VEVAK considère Moustafa al-Kazimi comme un allié qui a commencé à retirer le bras des Gardiens de l’État en empêchant les PMF de continuer à surveiller la « sécurité des communications », à « contrôler la banque d’informations » et en levant les pouvoirs des IRGC les plus importants, tel que ceux de Abou Ali al-Basri et des responsables de la sécurité.

L’État a commencé à s’effondrer, permettant au VEVAK de parvenir à un accord avec les Américains et avec Mustafa Al-Kazimi pour avoir la main dans la construction d’un dossier irakien libéré des factions et des IRGC. Si ces derniers perdaient les élections, les « réformistes » gagneraient alors l’hégémonie et un nouveau contrôle sur les dossiers de sécurité qui étaient auparavant contrôlés par les Gardiens de la Révolution.

Quoi qu’il en soit, relier la question irakienne à l’escalade américano-iranienne, rappelle ce qui s’est passé dans les années 90, à l’époque du blocus américain, quand les Irakiens vivaient dans l’illusion que la pauvreté et la misère avaient été causées par l’embargo et que, par conséquent, sa levée signifierait leur sauvetage. À la fin de l’année 2003, le blocus a pris fin mais les Irakiens sont toujours confrontés à la pauvreté et à la privation. Beaucoup d’entre eux souhaitent même aujourd’hui revenir à l’époque pour pouvoir réceptionner des denrées alimentaires qui étaient alors distribuées gratuitement. Entre ce triste passé et ce présent tragique, l’illusion revient, portée par l’espoir d’un accord américano-iranien. 

Ahmed Hassan. © Karzan Hameed. 2021.

Ahmed Hassan © Karzan Hameed. 2021.

Ahmed Hassan, journaliste irakien résident de la MDJ

Contact : ahm_198950@yahoo.com

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