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À l’Hôtel de ville de Paris, une cérémonie d’accueil des plus symboliques

Ce mercredi 3 mai, la Maison des journalistes a tenu sa cérémonie d’accueil des nouveaux journalistes exilés, dans les salons de l’Hôtel de ville de Paris. Aux côtés de Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la mairie de Paris en charge des droits humains, et Arnaud Ngatcha, adjoint chargé des relations internationales, la MDJ a célébré la liberté de la presse avec ses journalistes et de nombreux ténors du monde de la presse : France Média Monde, Reporters sans Frontières, Ouest-France ou encore France Télévisions, beaucoup se sont joints à la célébration pour nous soutenir.

Dans un cadre solennel, au milieu des tableaux et moulures des salons de l’Hôtel de ville, douze journalistes se sont vus offrir une carte de la citoyenneté. Chaque année, la MDJ convie ses nouveaux résidents à l’événement, afin qu’ils reçoivent de la mairie de Paris cette carte, leur permettant d’accéder gratuitement à un large panel d’activités culturelles.

Grâce à elle, nos journalistes peuvent désormais découvrir les coulisses des services publics et rencontrer des élus. Elise Lucet, journaliste d’investigation, nous a fait l’honneur d’être la marraine de la promotion 2023.

Une photo d’Atef Ammari. Elise Lucet en plein discours à l’Hôtel de Ville.

Une solidarité sociale et professionnelle

Dix nationalités ont été représentées : l’Ukraine, la Russie, l’Iran, la Syrie, l’Afghanistan, Cuba, la Guinée Conakry, la Chine, Haïti et le Bangladesh. Des pays qui traversent actuellement de nombreuses crises, qu’elles soient politiques, sociales, économiques ou environnementales, et qui connaissent tous une mauvaise liberté de la presse.

L’occasion parfaite pour raffermir la solidarité de la Ville de Paris et de la MDJ envers les journalistes accueillis, et leur rappeler qu’ils peuvent jouir d’une véritable solidarité professionnelle et française. “Nous sommes là chaque fois qu’un média ou qu’un journaliste est attaqué, nous nous tenons à leurs côtés”, a par exemple salué Isabelle Parion, représentante du bureau du 15e arrondissement de la Ligue des Droits de l’Homme.

Photo d’Atef Ammari. De gauche à droite : Ihsan Ismail , Geneviève Garrigos, Omaima Al Majarish, Elise Lucet, Arnaud Ngatcha, Ahsan Ahmed, Darline Cothière, Adnan Hassanpour, Samereh Rezaei.

Ouest-France, France Média Monde et France Télévisions marchent aux côtés de la MDJ et des résidents depuis plusieurs années, ne s’arrêtant pas au simple soutien financier d’une chambre. Entre les reportages de Mortaza Behboudi pour France 2 ou encore les stages dans les rédactions de Ouest-France, nos collaborations ont nourri un journalisme objectif, passionné et libre.

Le devoir de solidarité doit se traduire de manière concrète”, a martelé François-Xavier Lefranc, récemment nommé président du directoire Ouest-France. Le journal tient depuis plusieurs années un stage d’immersion pour les journalistes de la MDJ, afin de leur permettre de s’insérer dans le milieu médiatique français.

Ouest-France a toujours parlé de l’actualité internationale, et “les contacts que nous avons avec vos journalistes réfugiés sont extrêmement importants et intéressants, sur une matière que l’on veut suivre en permanence. Ils apportent un regard différent sur l’analyse de l’actualité et les manières de travailler, ce qui est toujours passionnant et très enrichissant” autant pour Ouest-France que pour nos résidents.

Les journalistes et dessinateurs, “fantassins de la démocratie”

Mais tous n’ont pas la chance d’effectuer un stage, de trouver directement du travail après son exil ou d’échapper purement et simplement à la censure. Mortaza Behboudi, journaliste franco-afghan, se rendait régulièrement en Afghanistan pour dénoncer le régime des Talibans. Depuis le 7 janvier 2023, il est enfermé dans une prison à Kaboul et est accusé d’espionnage, ayant été arrêté en plein milieu d’un tournage.

Geneviève Garrigos, élue conseillère de Paris, a tenu à rappeler que le franco-afghan, ancien résident de la MDJ, devait être libéré au plus vite. La Mairie de Paris a donc réaffirmé son appui envers sa personne et pour la presse indépendante.

Nous savons combien, dans le cadre actuel, il est important que nous soyons mobilisés pour défendre la liberté de la presse. […] J’ai une pensée toute particulière pour les journalistes emprisonnés, en particulier Mortaza Behboudi, dont nous demandons la libération immédiate avec la Ville de Paris, car le journalisme n’est pas un crime.”

Une photo d’Atef Ammari.

Pour Barbara Moyersoen, déléguée générale de l’association Cartooning For Peace, la mobilisation doit également s’étendre à tous les acteurs de la presse. En effet, “les dessinateurs de presse, à l’instar des journalistes d’investigation et photographes, sont parfois les premières cibles” des censure et répression de la liberté d’expression.

Les dessins de presse vont dénoncer les travers du pouvoir ou de la société à travers l’humour et la satire, ce que les autoritarismes détestent le plus. Ce sont les premiers fantassins de la démocratie”, a-t-elle affirmé. Leur emprisonnement et les répressions qu’ils subissent témoignent de l’état général de la liberté de la presse dans un pays ou un domaine, ce pourquoi leur protection demeure si cruciale pour le monde de la presse et la Maison des journalistes.

Maud Baheng Daizey

La Maison des Journalistes au cœur de la lutte contre la désinformation

Ce jeudi 26 janvier, la Maison des Journalistes a accueilli une conférence sur l’action européenne en faveur de la liberté de la presse et contre la désinformation, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères. La MDJ a eu l’honneur de recevoir la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, ainsi que Patrick Penninckx, chef du service « Société de l’Information » au Conseil de l’Europe.

Dans son propos introductif, Darline Cothière directrice de la MDJ a rappelé l’étendue de l’action de la Maison des journalistes en faveur de la liberté de la presse et la lutte contre la désinformation. « Cette conférence a toute sa pertinence dans ce lieu unique au monde qui accueille des journalistes exilés venus des quatre coins du monde. Elle permet d’apporter un éclairage sur les initiatives européennes pour lutter contre le fléau de la désinformation qui affecte nos sociétés », a-t-elle déclaré avant d’adresser ses remerciements à la Secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, initiatrice de l’événement. 

La directrice de la MDJ Darline Cothière avec la secrétaire d’Etat Laurence Boone. Crédit photo : MEAE

Au micro de la MDJ, la secrétaire d’Etat affirme avoir choisi la Maison des Journalistes pour sa raison d’être, à savoir protéger la liberté de la presse et d’expression. « Tenir cette conférence au sein de la MDJ était l’évidence-même », a-t-elle assuré avec le sourire.

La secrétaire d’Etat chargée de l’Europe Laurence Boone ouvre la conférence. Crédit photo : MEAE

La secrétaire d’Etat Laurence Boone.

Sciences Po Media Lab, l’AFP et l’INA étaient également présents pour discuter du projet, accompagnés de divers journalistes européens. Sabina Tsakova, responsable juridique et politique de la DG Connect de la Commission européenne, a évoqué le « Media Freedom Act », instauré en septembre 2022 et dont les bénéfices se font déjà sentir auprès des populations concernées. Cet acte permet en effet de préserver l’indépendance éditoriale des médias, tant de la part des états-membres que de la presse elle-même. La nouvelle législation accorde également un large pan à la protection des sources et à la transparence des détenteurs de médias (qui possède quoi).

Des outils toujours plus nombreux pour assister les journalistes

« La vérité n’est pas une chose absolue, nous pouvons tous avoir des opinions, mais les faits demeurent une fondation stable. » Ainsi fut lancé la seconde partie de la conférence, consacrée à la lutte contre la désinformation en Europe. Des journalistes biélorusse, maltais, polonais, lituanien se sont succédés pour évoquer la censure, les mensonges étatiques et l’exil que certains ont subi. Antoine Bayet, directeur éditorial de l’INA, était chargé de la modération. Pour éviter les fake news, deux grands outils : l’éducation et les fact-checker.

Soutenue par l’AFP, le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) et le Media Lab de Sciences Po, « De Facto » est la plateforme recensant les outils de fact-checking des médias français, pour permettre à tous de lutter contre la désinformation. Affiliée au réseau européen EDMO (European Digital Media Observatory), « De Facto » sera en position jusqu’en 2024 et continue de présenter ses nouveaux outils et méthodes dans les écoles et pour le grand public.

Pour ce faire, la plateforme européenne « De Facto » permet aux professeurs, citoyens, et organismes de presse d’utiliser les outils en ligne pour vérifier les informations, apprendre à s’informer ou encore « debunker » les rumeurs les plus populaires (notamment sur la guerre en Ukraine). Mais ces outils et plateformes peuvent se révéler insuffisants, à l’instar de la lutte contre la désinformation en Lituanie, très préoccupante depuis le début de la guerre. 

« Certains des outils créés pour combattre la désinformation ne s’appliquent pas sur les petites langues comme le lituanien. Ce pourquoi nous avons besoin de spécialistes et chercheurs pouvant adapter nos outils à tous les pays-membres », a expliqué un des intervenants.

Autre problème, la plupart des lois européennes se basent sur la démocratie et la pluralité, poussant les Etats-membres à ne pas interdire certaines chaînes d’informations russes sur leur territoire. Alors, comment l’Europe va-t-elle se prémunir de la désinformation ? Patrick Penninckx, chef du service « Société de l’information » au Conseil de l’Europe, a accepté de nous adresser quelques mots, notamment sur la mauvaise situation de la presse en Grèce.

Le chef de service Patrick Penninckx

Une conférence réussie au sein de la Maison des Journalistes, qui continue d’œuvrer pour la liberté de la presse et de protéger des journalistes du monde entier.

Un article de Maud Baheng Daizey. Tournage d’Alhussein Sano.

Stage d’immersion dans les rédactions de Ouest-France : Dix jours d’intenses inspirations

Par Manar Rachwani
Traduction Zouheir Ait Mouhoub

Paris.
La domination des réseaux et des médias sociaux laissait penser que le journalisme tel que nous le connaissons était voué à disparaître comme le soutiennent de nombreux observateurs.

Hélas, pour les plus sceptiques, ce n’est heureusement pas le cas. Grâce au généreux stage d’immersion que le Groupe Sipa-Ouest France en partenariat avec la Maison des journalistes a offert à huit journalistes exilés et réfugiés résidant à Paris, la sentence est vite balayée. À voir de près le travail de fourmis dans les locaux des journaux d’Ouest France, le journalisme a encore de beaux jours devant lui. Et à travers ce journal , une bonne impression sur les communautés locales et la société française en général s’y dégage.

À Rennes, durant dix jours, nous avons pu voir de près le travail acharné des journalistes dans presque tous les services d’information du journal Ouest France, ainsi que celui de leurs confrères des rédactions de Presse Océan à Nantes, Courrier de l’Ouest à Angers, et Maine libre au Mans.

À travers cette immersion intense dans ces rédactions, il en ressort que le journalisme ne se meurt pas, il se réinvente, s’adapte et poursuit son chemin pour au mieux éclairer les lecteurs, et ce, à travers des informations fiables et recoupées.

La survie d’un journalisme fiable, comme le montre ces journaux, exige, d’ailleurs, une adhésion solide aux principes de pluralité afin que la presse puisse remplir son rôle en tant que moteur de la vie démocratique.

Il est évident que le journalisme doit s’adapter à l’environnement médiatique en constante évolution notamment à l’ère des évolutions technologiques et faire face aux nombreuses menaces qui le guettent. Cela passe inéluctablement par la capacité de la presse à rapporter une information juste et vérifiée afin de se distinguer par rapport aux informations erronées, et autres fake news qui circulent sur les réseaux.

Un tel succès ne peut être atteint sans l’adhésion des lecteurs et des communautés qui ont pris conscience de l’indispensabilité d’une presse professionnelle et de son importance dans la vie de la communauté locale. De l’autre, cet attachement constaté parmi les professionnels des médias quant aux valeurs du métier. Et c’est là, la recette adoptée par Ouest France et ses publications annexes pour atteindre cet objectif.

À travers la publication d’un reportage consacré à notre stage dans les colonnes d’Ouest France et ses rédactions à savoir Presse Océan, Courrier de l’Ouest et Maine Libre, nous avons pu rentrer dans ses milliers de foyers français, ce qui démontre toute l’hospitalité de la société française. Pour nous, comme pour de nombreux autres journalistes exilés en France, cela démontre une fois de plus que nous étions toujours les bienvenus dans ce pays, et notre reconnaissance à la République française de nous avoir permis d’échapper aux risques graves encourus dans nos pays respectifs. Se sentir bien accueilli, nous permettra certainement au mieux d’intégrer en douceur la société française, tout en continuant à exercer notre métier et de tenir compte de ce qui se passe dans nos pays. Une manière à nous, de contribuer à un avenir meilleur fondé sur les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et surtout de la tolérance.

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Les journalistes de la MDJ devant les locaux du Club de la Presse de Rennes et de Bretagne
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Il est n’est plus question ici de comparer toute l’étendue entre le paysage médiatique en totale détérioration dans nos pays, notamment en Moyen-Orient considéré à juste titre comme le terrain le plus dangereux pour les journalistes dans le monde et celui de la France. Le fossé est tellement grand, que cela bien entendu ne nous empêche pas d’espérer mieux et de nous inspirer.

 © Ouest-France / © Asghar Noor Mohammadi / © Club de la Presse

Revue de presse :
Le Mans. « La guerre nous fait oublier que le reste existe », selon ces journalistes réfugié
Rennes. Journalistes et réfugiés : « Faire notre métier était devenu impossible »

Journée internationale de la liberté de la presse : mise à l’honneur de la résistance Ukrainienne par la Maison des journalistes

Par Emma Rieux-Laucat

« C’est une guerre géopolitique mais c’est aussi une guerre de l’information avec tout ce qui va avec : les fakes news, la manipulation, le complotisme. Présenter ce travail c’est montrer en « toute objectivité » ce qui se passe en Ukraine » a expliqué Darline Cothière, directrice de la MDJ, invitée par la chaîne de télévision TV5 monde pour présenter l’exposition grand format «Portrait(s) d’une Résistance. Ukraine 2004-2022. Justyna Mielnikiewicz » accueillie sur la façade de l’association du 3 mai au 3 septembre 2022.

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*S.E Vadym Omelchenko, ambassadeur d’Ukraine, pendant sa prise de parole
* Natalia Barbarska, chef de projet à l’Institut Polonais de Paris, et Laetitia Ganaye, coordinatrice chez MAPS, en train de présenter l’exposition
*Darline Cothière, directrice de la MDJ, lors de sa prise de parole

Le 3 mai dernier, journée mondiale de la liberté de la presse et dans le cadre des célébrations de ses vingt d’existence, la Maison des journalistes a mis à l’honneur le travail de Justyna Mielnikiewicz, journaliste polonaise qui documente la situation ukrainienne depuis le début des années 2000. Résidents-journalistes, partenaires et amis de la MDJ ont pu découvrir sur la façade de la Maison, 13 photos grands format prises en Ukraine par la photographe entre 2004 et 2022. Date à la symbolique forte, pour la liberté de la presse et les droits des journalistes dans le monde et aussi fête nationale pour la Pologne.

En collaboration avec l’Institut Polonais, l’Ambassade d’Ukraine en France et la Communauté des Bélarusses à Paris, ce projet, lancé à une date hautement symbolique pour la défense du droit à l’information et des droits des journalistes, a surtout été l’occasion de mettre en lumière l’actualité immédiate du conflit en Ukraine, notamment en offrant une tribune à son Ambassadeur en France, S.E Vadym Omelchenko. Devant une assemblée de représentants diplomatiques et politiques européens et internationaux, tels que l’Ambassadeur de Colombie en France, l’Ambassadeur d’Haïti en Belgique, le Ministre plénipotentiaire auprès de l’Ambassade d’Allemagne, la Représentante de la France auprès de l’Unesco ou encore le Maire du 15ème arrondissement,  l’ambassadeur ukrainien en France a délivré un poignant discours.  Prenant en exemple l’assassinat de la journaliste russe Anna Politovskaïa et le rapprochant des décès des 12 journalistes depuis le début du conflit, il a rappelé l’importance de documenter la guerre et a salué cette exposition expliquant, qu’ « être ukrainien c’est le choix d’être libre et cela est très bien exprimé dans le travail de Justyna Mielnikiewicz ».

Monsieur l’ambassadeur d’Ukraine S.E Vadym Omelchenko accompagné de son traducteur, pendant sa prise de parole le 3 mai 2022.

Sur le terrain en Ukraine, au moment du vernissage, la photographe a cependant rédigé un texte pour accompagner ses photographies. Elle y explique notamment son travail de documentation depuis plus de 10 ans sur les divergences politiques entre l’Ukraine et la Russie vis-à-vis de leur passé soviétique commun et des conflits idéologiques et territoriaux qui en ont découlés. Les photographies de Justyna Mielnikiewicz sont prises dans les régions avoisinantes du Dnipro, fleuve qui traverse le Bélarus et l’Ukraine, que la documentariste  a choisi comme ligne métaphorique de son travail. Ce choix n’est pas le fruit du hasard :  ce courant d’eau est devenu au fil des années la ligne de défense des soldats ukrainiens face à l’arrivée des troupes russes. Au travers de ses reportages, la photographe cherche à mettre en lumière l’omniprésence de la guerre et ses impacts immédiats sur le quotidien des Ukrainiens. Dans le texte accompagnant l’exposition, elle explique d’ailleurs que « les récits rassemblés ici sont le témoignage d’expériences individuelles sur fond de problèmes fondamentaux, moteurs de la transformation d’un pays et de sa société ».  Des portraits de femmes et d’hommes dans l’ombre de la guerre pour parvenir à dresser celui d’un peuple en résistance.

Au premier plan, Laetitia Ganaye membre de l’agence MAPS qui représente Justyna Mielnikiewicz en France, entrain de faire une présentation du travail de la photographe.

« Portrait(s) d’une Résistance. Ukraine 2004-2022. Justyna Mielnikiewicz » est exposée jusqu’au 3 septembre sur la façade de la Maison des journalistes. 

Le travail de la photographe est aussi  visible sur les grilles de l’Hôtel de ville à Paris du 10 mai et jusqu’au 20 juin 

Une table-ronde est organisée à l’Académie du Climat, le 08 juin 2022, avec la participation de Justyna Mielnikiewicz, Mohamed Badra photojournaliste syrien lauréat des Prix Bayeux Calvados-Normandie et Worldpress photographie, Julie Dungelhoeff grande reporter à France 24 et à RFI, Stefan Foltzer journaliste franco-polonais correspondant de la radio “Polskie Radio SA” et Manon Loizeau grande reporter franco-britanique prix Albert Londres et spécialiste de la Russie. Albéric de Gouville, président de la MDJ et Secrétaire général de l’info à France 24  est en charge de la modération de la discussion. 

©Ahmed Muaddamani

REPORTAGE, FRANCE 24

MORT À PARIS D’UN EXILÉ CUBAIN : JESÚS ZÚÑIGA

Par Jacobo Machover

Jesús Zúñiga à la Maison des journalistes. © Lisa Viola Rossi

Jesús Zúñiga était un combattant pour la liberté de la presse et pour la liberté tout court. Mais il était incompris car il avait osé s’attaquer à un régime communiste qui bénéficie encore de la sympathie de nombre de ses collègues journalistes et intellectuels à travers le monde, celui de la Cuba des frères Castro et de leurs épigones. 

Il y avait pourtant vécu l’enfer. Journaliste indépendant, c’est-à-dire en dehors de la presse officielle, entièrement inféodée au Parti communiste (unique) depuis le début des années 1990, il avait été harcelé par la police politique, la Seguridad del Estado, et détenu pendant plusieurs semaines dans ses locaux, que tous les Cubains craignent particulièrement. La raison ? Il racontait, pour les journaux et les radios de l’exil, principalement installés aux États-Unis et diffusant à l’intérieur de l’île, la réalité quotidienne, celle de la corruption (secret d’État !) et de la prostitution (comment ? cela ne pouvait exister dans un pays socialiste !). Il avait même été cité dans un discours par Fidel Castro en personne, pas de manière élogieuse, évidemment. Bien qu’il en fît un titre de gloire, montrant à qui voulait l’entendre l’exemplaire de Granma, le quotidien officiel, qui reproduisait l’interminable discours en question,cela pouvait lui valoir une longue peine de prison. Ce fut le cas, durant la primavera negra (le « printemps noir ») de 2003, pour 75 dissidents et journalistes indépendants, condamnés, en moyenne, à vingt ans (ils purgèrent pour la plupart sept ans, avant d’être envoyés loin de Cuba, en Espagne. Jesús Zúñiga échappa à cette rafle mais, dès lors, il savait qu’il était à la merci de n’importe quelle vague répressive qui pouvait avoir lieu par la suite et ce, jusqu’à nos jours.  

Sa collaboration avec moi, écrivain exilé, par la rédaction d’un chapitre d’un de mes livres, Cuba, totalitarisme tropical, ou par la participation à des revues, le condamnait à la répression à court ou à moyen terme. Il en fut averti lors d’une convocation -une de plus- au siège de la Seguridad. Dès lors, il fallait organiser son départ à l’étranger. Cela devait se faire avec  sa femme, Margarita, et sa fille, Amelia, mais pour des raisons tenant au désintérêt, à l’inconscience et l’irresponsabilité de diverses personnalités françaises de tous bords, cela n’a pu se faire. Jesús est donc arrivé en France en juin 2006, seul. Peu après, il a été accueilli à bras ouverts à la Maison des journalistes, qui est devenue, comme il ne cessait de le répéter, sa « maison ». Il convient d’en remercier ici Philippe, Manu, Darline, Viola, qui ont été ses protecteurs et ses plus proches amis, ainsi que nombre de ses collègues, auxquels il s’évertuait à rappeler avec conviction le sens de son combat. 

Cependant, personne n’a pu faire pièce à l’absence de sa famille. Il portait sur lui une éternelle tristesse, à laquelle personne ne pouvait pallier. Au départ, juste après l’éloignement du pouvoir de Fidel Castro, suite à sa maladie, à partir de juillet 2006, nous avons cru que son exil n’allait pas durer, bien que Raúl Castro lui ait succédé. Il s’est prolongé jusqu’à sa mort.

Pendant ces quinze ans, Jesús est devenu une personnalité de l’exil. Il intervenait régulièrement dans les médias français, se désespérant toujours du manque de réactions aux injustices commises dans notre pays. Il organisait des débats et des réunions autour de la situation à Cuba, qui reste désespérément la même depuis des décennies. Il participait aux manifestations hebdomadaires devant l’ambassade castriste à Paris pour réclamer la libération des prisonniers politiques, dont bon nombre étaient ses amis. Par là, il a contribué grandement à la liberté qui vient, comme l’annoncent les manifestations spontanées contre le régime du 11 juillet 2021, qu’il a suivies avec enthousiasme et espoir.

J’ai malheureusement l’habitude d’apprendre à intervalles réguliers la mort de mes frères d’exil, dispersés aux quatre coins du monde. Mais celle de Jesús m’a particulièrement touché : c’est celle d’un frère de cœur, qui avait fait de la France, malgré toutes ses souffrances, sa terre d’asile. Il nous reste à perpétuer une solidarité toujours vivante envers sa mémoire et sa détermination à voir un jour, de là où il est, sa terre natale, qui est aussi la mienne, enfin libre de la tyrannie, qu’il a combattue de toutes ses forces.   

L’homme politique haïtien Jerry Tardieu visite la Maison des journalistes

Pendant sa tournée pour sensibiliser les médias et différentes institutions européennes sur la crise actuelle d’Haïti, l’ancien député et leader du mouvement politique En Avant, Jerry Tardieu, a accepté d’accorder un entretien au journal en ligne de la Maison des journalistes.

Par Anderson D. Michel

Jerry Tardieu, âgé de 54 ans, est un homme politique, un ancien député de la 50ème législature en Haïti (2016-2020). Il a lancé en octobre 2021 son mouvement politique En Avant. Selon lui, En Avant part d’une volonté d’hommes et de femmes de se mettre ensemble pour fournir à Haïti une offre politique différente de ce qui est à l’œuvre dans le pays. Un mouvement politique qui est constitué surtout de jeunes leaders en vue du renouvellement de la classe politique actuelle.

Axée sur trois piliers, la jeunesse, la femme et la diaspora, ce mouvement politique à travers son leader entend porter un souffle de changement à Haïti.

Jerry Tardieu : « Haïti est un pays en danger »

Le point sur la situation actuelle d’Haïti

Depuis plusieurs années, Haïti traverse une période très chaotique, tant au niveau des catastrophes naturelles que politiques. Le phénomène d’insécurité n’arrête pas de s’accroître sur l’île. Et les derniers rapports de l’ONU et d’autres institutions habilitées, font état d’une augmentation de 200% des cas d’insécurité dans le pays. Le leader de En Avant nous explique que le pays fait face à une crise multidimensionnelle, une crise institutionnelle, politique, économique et sécuritaire. Selon lui, les autorités expriment clairement leur impuissance par rapport au phénomène de gangs armés sur territoire haïtien qui, depuis plusieurs années, tuent, pillent, violent en toute impunité.

Jerry Tardieu affirme que le premier objectif de En Avant est de restaurer l’autorité de l’Etat et la sécurité en Haïti : « Il faut que les Haïtiens puissent vaquer librement à leur activité, quelle que soit leur condition sociale et les villes dans lesquelles ils vivent. Pour cela, la création au sein de la Police nationale d’une nouvelle structure anti-terroriste avec un équipement adéquat permettra de lutter contre les milices armées qui gangrènent le pays ».

L’ancien député revient sur son expérience au parlement haïtien.

 « Mon expérience à la chambre des députés a été une expérience enrichissante. Le parlement vous aide à mieux comprendre les rouages de l’administration publique, du système politique. Cela permet aussi de comprendre le mécanisme de cette grande corruption qui existe dans le pays », explique Jerry Tardieu. Se qualifiant d’ancien député de la minorité, il regrette de ne pas avoir eu la possibilité de tout faire à cause de la dictature du nombre qui règne au parlement haïtien. L’homme politique revient sur les différentes propositions de lois qu’il a présentées durant son mandat, notamment celles sur la Police nationale, la double nationalité, l’introduction du crédit bailleur comme outil financier. Il rappelle que certaines de ces propositions de lois ont été adoptées par décret et ont eu un impact considérable sur la société haïtienne.

Les priorités de En Avant

Donner à la police nationale d’Haïti la capacité de protéger et servir est la première préoccupation du mouvement politique En Avant, insiste Jerry Tardieu. Il parle aussi de l’emploi en faisant remarquer qu’il y a dans le pays beaucoup de jeunes diplômés et talentueux qui, malheureusement, ne peuvent pas trouver de travail. « Notre responsabilité est d’assurer les conditions aptes à garantir l’investissement privé, local ou étranger qui peuvent faciliter la création de millions d’emplois dont le pays a besoin », souligne l’ancien député. Il parle de d’éducation en soulignant, qu’en Haïti, il y a 4 000 000 d’enfants pour budget de 200 000 000 de dollars affectés à l’éducation. Ce qui représente un investissement de 50 dollars par année pour chaque enfant. Une situation que le député juge anormale en la comparant à celle de la République Dominicaine, le pays voisin d’Haïti, qui consacre 1000 dollars par année pour l’éducation de chaque enfant.

Des élections en 2022 ?

Pour Jerry Tardieu, les conditions ne sont pas réunies
Pour organiser les élections en Haïti, en raison de l’instabilité politique et la situation d’insécurité. « Quand est-ce que les conditions seront réunies ? On ne le sait pas. Mais elles devraient l’être tôt ou tard, parce que la démocratie passe par les élections », conclut-il.

Jerry Tardieu avec Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes

Jerry Tardieu interviewé par le journaliste haïtien Anderson D. Michel, résident de la Maison des journalistes.

Crédit photo : Ahmad Muaddamani, Karzan Hameed
Vidéo et montage : Ahmad Muaddamani

Les journalistes de la MDJ aux assises de Tours et aux prix Bayeux

La Maison des journalistes (MDJ) a pris part à deux événements médiatiques majeurs : les assises du journalisme de Tours et le prix Bayeux. Au cours de ces deux rendez-vous annuels, les journalistes afghans résidents de la MDJ ont été particulièrement honorés.

Assises de Tours (4 et 8-10 octobre)

Darline Cothière, directrice de la MDJ, Najiba Noori, journaliste afghane résidente de la MDJ et Mariam Mana, journaliste afghane ancienne résidente de la MDJ ont participé à la table ronde “Solidarité Afghanistan : les Assises ont donné la parole aux journalistes afghans exilés” animée par Catherine MONET, rédactrice en chef à Reporters sans frontière.

Animé par Catherine MONET, rédactrice en chef à Reporters sans frontières avec Akbar Khan ARYOBWAL, fixeur et interprète des médias français ; Darline COTHIÈRE, directrice de la Maison des journalistes ; Ricardo GUTIERREZ, président de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) ; Mariam MANA, journaliste afghane réfugiée ; Najiba NOORI, journaliste afghane réfugiée ; Rateb NOORI, directeur vidéo du bureau de l’AFP à Kaboul ; Solène CHALVON, grand reporter, correspondante en Afghanistan ; Lotfullah NAJAFIZADA, directeur de Tolo News.

Darline Cothière est revenue sur la mission de la Maison des journalistes en rappelant que cette structure, unique au monde, a accueilli plus de 400 journalistes de 70 origines, en danger et arrivant en catastrophe pour fuir la répression.

“La Maison des journalistes est une sorte de baromètre de la répression dans le monde. En 2011, par exemple, nous avons eu un afflux de journalistes syriens. Maintenant nous sommes très sollicités par les journalistes afghans”, a déclaré Darline Cothière. Depuis le 15 août, la Maison des journalistes travaille étroitement avec ses partenaires pour (i) aider les journalistes afghans sur place et (ii) accueillir et installer dans de bonnes conditions ceux qui ont pu fuir. En effet, la MDJ a placé en priorité les journalistes afghans, tout en élargissant son dispositif d’hébergement limité à 14 chambres. “Nous avons besoin de les accueillir. Ils sont utiles à la France et au monde car, sans repères [qu’offrent le journalisme], on ne peut pas comprendre le monde dans lequel on vit”, explique Darline Cothière.

Crédit : Manuela Thonnel /EPJT

Arrivée en France en 2016, Mariam MANA fait partie de ces journalistes afghans ayant fui le pays bien avant la crise actuelle. Accueillie à la Maison des journalistes, elle est aujourd’hui heureuse de son intégration facilitée en grande partie par son passage à la MDJ. “C’est grâce à la MDJ que j’ai pu entrer en contact avec la communauté francophone. Cela m’a beaucoup aidé dans mon intégration en France. Car, il y a deux types d’exil : l’exil physique et l’exil linguistique. Ce dernier est encore plus dur”.

Arrivé en août dernier, Najiba Noori décrit la situation critique dans son pays bien avant la crise. « Avant le 15 août, les assassinats ciblés contre les journalistes ont augmenté, la violence s’est accrue, mais on continuait de travailler. Mais quand les talibans ont défilé devant chez moi, j’ai décidé de partir[1]. » Une décision difficile pour cette journaliste. “Quitter mon pays a été la décision la plus dure de toute ma vie. Tout ce que nous avons construit en tant que femme s’est effondré.” affirme émue Najiba Noori.

A retenir : “​​Il y a beaucoup d’axes d’aide aujourd’hui pour les journalistes afghans. Il faut penser à ceux qui sont arrivés, mais aussi à ceux qui restent. Il faut maintenir la pression sur les chancelleries occidentales et donner des fonds aux organismes qui peuvent aider comme la Maison des journalistes, la Fédération européenne des journalistes ou Reporters sans frontières. Ils ont aussi un besoin de transfert de compétences, d’enseignement ou de matériel.[2]

Lors de deux autres rencontres, cette fois devant des lycéens, les deux journalistes de la MDJ Samad Ait Aicha (Maroc) et Anderson D. Michel (Haïti) sont intervenus dans le cadre des missions de sensibilisation et d’éducation aux médias que mènent la MDJ. Accompagnés d’Albéric De Gouville, président de la MDJ, qui anime ces rencontres, les deux journalistes ont mis en lumière les violations de la liberté de la presse dans leurs pays respectifs en prenant comme exemple leur propre parcours et les raisons qui les ont obligés à fuir et à demander l’asile en France.

Rappelons que la Maison des journalistes effectue cette mission d’éducation aux médias dans des collèges, lycées et centres d’arrêts dans le cadre du programme “Renvoyé spécial”.

Prix Bayeux Calvados-Normandie (29 septembre – 1er octobre)

Accompagnés d’Albéric De Gouville, président de la Maison des journalistes, et de Hicham Mansouri, chargé d’édition de L’Oeil, cinq autres journalistes résidents de la Maison des journalistes ont participé au Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre : le syrien Ahmed Muaddamani, le guinéen  Mamadou Bah et trois journalistes afghans, Asghar Noor Mohammadi, Najiba Noori et Farshad Usyan.

De gauche à droite : les journalistes afghans Najiba Noori, Farshad Usyan et Asghar Noor Mohammadi.

Arrivée le 19 août en France, Najiba Noori a particulièrement attiré l’attention lors de la cérémonie de clôture en témoignant sur la liberté de la presse en Afghanistan et plus particulièrement celle des femmes.

Aux côtés de deux autres jeunes journalistes syriens, anciens résidents de la Maison des journalistes, Ahmed Muaddamani a pris la parole lors de la conférence “Syrie, la guerre est-elle finie ?”. Les témoignages émouvants, issus du vécu de la guerre, des trois journalistes ont recueilli des applaudissements chaleureux du public. “Les femmes, les femmes journalistes notamment, ne peuvent plus travailler ni même sortir dans la rue. Les talibans les privent des plus basiques de leurs droits” a affirmé Najiba Noori devant une audience déjà acquise à la cause.

Ahmed Muaddamani a participé à une seconde conférence, animée cette fois par Albéric de Gouville, avec Mamadou Bah et Hicham Mansouri. 

De gauche à droite : Hicham Mansouri, Ahmad Muaddamani, Mamadou Bah et Albéric De Gouville au prix Bayeux.

Devant des élèves et des enseignants de l’Académie de Normandie, les trois intervenants ont à tour de rôle analysé la situation de la liberté de la presse et d’expression dans leurs pays.

Quatre autres journalistes de la Maison des journalistes sont également intervenus auprès de collégiens et de lycéens : Makaila Nguebla (Tchad), Anderson D. Michel (Haiti), Samad Ait Aicha (Maroc) et Ghys Fortuné (Congo Brazaville).

[1]   https://assises-journalisme.epjt.fr/

[2]  https://assises-journalisme.epjt.fr/

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