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SÉNÉGAL : UN PAYS AU BORD DU CHAOS

Armés de cailloux et de gourdins, des jeunes gens courent dans tous les sens, d’autres attisent le feu sur les chaussées, des coups de fusils qui tentent de les disperser. Telle est l’atmosphère qui prévaut sous le ciel de Dakar depuis le 10 février dernier. Mais que se passe-t-il exactement au pays de Cheick Anta Diop ?

C’est l’annonce de Macky Sall qui a mis le feu aux poudres. En effet, président sortant, ce dernier a unilatéralement décidé de prolonger son mandat en repoussant la date des élections présidentielles prévues le 25 février 2024. En guise de réponse, la jeunesse sénégalaise a décidé de protester par des marches pacifiques. Mais elle s’est aussitôt vue en train de faire face aux forces de l’ordre qui ont été mobilisées pour empêcher tout débordement.

Contexte

Arrivé au pouvoir en 2012, le président Macky Sall, comme la plupart des dirigeants africains, avait promis monts et merveilles, pendant sa campagne électorale, à la jeunesse sénégalaise en proie à une vie meilleure. Une jeunesse amèrement frappée par la misère et le chômage comme dans tout le continent. Mais après deux mandats à la tête de l’État, aucune de ses promesses ne s’est réalisée.

Comble d’étonnement et de frustration pour la population, les principaux opposants sont plutôt arrêtés et traînés devant les tribunaux avec des motifs le plus souvent imaginaires. Karim Wade, le fils de l’ancien président, Abdoulaye Wade et le maire de Dakar, Khalifa Sall, les deux principaux opposants, sont les premières victimes de cette justice à tête chercheuse. C’est d’ailleurs ce qui avait poussé celui-là même que Macky Sall avait remplacé à la tête de l’État à lancer un boycott général contre toute élection dans le pays après la victoire du camp présidentiel aux élections législatives de 2017 qui avaient été sévèrement contestées par l’opposition.

Mais la population va véritablement se réveiller après la dernière condamnation d’Ousmane Sonko, un jeune opposant adulé par tous. Ce dernier a été condamné en juin dernier pour débauche de mineure. Une condamnation que dénonçait un de ses avocats, Massokhna Kane, comme « une opération de liquidation politique d’un adversaire avec un chronogramme où on compte les jours pour dire que telle personne ne participera pas à l’élection présidentielle », ainsi rapporte TV5 Monde le 5 janvier dernier.

Coup d’État constitutionnel

Pour beaucoup de jeunes sénégalais, l’annonce de la date du 5 février par le président de la République a été perçue comme un coup d’État constitutionnel. C’est ce qui les a d’ailleurs poussé à inonder les rues de la capitale. Ainsi peut-on lire sur France Info dans un article du 5 février 2024 : « J’ai voté pour lui et soit il nous tue, soit il nous emprisonne, regrette un troisième qui l’assure : On reste ici. Il y aura une élection le 25 février ! ». Mais après plusieurs marches qui ont occasionné des dizaines de morts, Macky Sall a saisi l’Assemblée nationale afin de corroborer sa décision de repousser la tenue des élections présidentielles.

Mais le conseil constitutionnel a pris une décision très importante pour empêcher le pays de sombrer dans une guerre civile. Cette haute juridiction a exigé la tenue des élections présidentielles avant la fin de l’expiration du mandat présidentiel prévue le 2 avril prochain. « La fixation de la date du scrutin au-delà de le durée du mandat du président de la République en exercice est contraire à la Constitution », a précisé le conseil constitutionnel comme l’explique le journal Le Monde le 6 mars 2024. Depuis cette annonce, la jeunesse s’est calmée et attend d’aller aux urnes afin d’élire leur président.

Grégoire Blaise Essono

Sénégal : tentation du « 3e mandat » en embuscade ?

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

A dix mois de la présidentielle, l’année prochaine, le Sénégal est en ébullition. La tension se cristallise autour de la question ayant trait au « troisième mandat » du président Macky Sall.

L’histoire se répète, car le même problème s’est posé en 2011, quand le président Abdoulaye Wade, son prédécesseur, s’est avisé de rempiler pour la troisième fois. Après ses deux mandats autorisés. Le drame, c’est que cette entreprise s’accompagne toujours d’un bain de sang.

La notion de « troisième mandat » n’est pas un phénomène politique typique du Sénégal.

C’est une formule qui fait florès en Afrique, puisque au moins quatre autres présidents, auparavant, ont adopté la même ligne de conduite afin d’assouvir leur soif du pouvoir : le Burundais, Pierre Nkurunziza, en 2015, le Congolais Joseph Kabila, en 2016, le Guinéen Alpha Condé, en 2019 et l’Ivoirien Alassane Ouattara, en 2020.

Si seul Kabila n’est pas parvenu à ses fins, son échec autant que la réussite de ses trois compères ont été éclaboussés sang.

Partout dans le monde, le pouvoir attire et se dispute, mais le concept de « troisième mandat » semble une spécificité africaine.

Qu’en est-il ? Il s’agit tout simplement du non-respect des termes de la Constitution. Ce fait est comme l’arbre qui cache la forêt, sous lequel s’entremêlent plusieurs éléments associés, opposés aux principes de la démocratie classique.

De tous, domine l’idée de « chefferie » ou l’image de chef coutumier omnipotent, super intelligent et irremplaçable.

« Trop de pays restent à la merci de satrapes dont l’objectif unique est de rester au pouvoir à vie », explique le philosophe et écrivain Achille Mbembe. De là, à truquer les élections ou à modifier les Constitutions, pour gagner en longévité, il n’y a qu’un pas.

En faut-il plus pour établir un lien avec la situation qui prévaut actuellement au Sénégal ? Le président Macky Sall, qui arrive à la fin son deuxième et dernier mandat, en février prochain, ne semble pas vouloir s’en aller. Mais, il ne se prononce pas.

Un troisième mandat illégitime

Dans ce déni des règles démocratiques supposé, on y note la ruse, le refuge au juridisme ainsi que le recours à la brutalité aveugle.

Eléments relevés au Burundi, en RD Congo, en Côte-d’Ivoire et en Guinée, comme dispositif préparant le passage à l’acte. Surtout, dans cette façon de taire les intentions et, de ce fait, de faire tourner l’opinion en bourrique… Abdoulaye Wade a également pratiqué ces méthodes.

Là, c’est le côté pile. Or, sur l’autre versant, le décor a toujours été à la contestation véhémente. A travers un bras de fer sanglant engagé entre pouvoir, d’une part, et partis d’opposition, de l’autre.

Demain, le même scénario risque de se répéter, au Sénégal, si le président Macky Sall persiste à présenter sa candidature. En effet, depuis dimanche 16 avril s’est mise en place une coalition dénommée « M 24 », comprenant partis politiques d’opposition, société civile et syndicats, en vue de se mettre sur la route du chef de l’Etat.

Elle projette l’organisation d’une première manifestation monstre, le 12 mai prochain. Ce sera alors un véritable test pour elle.

Enfin, on en est là qu’aux simples hypothèses. L’année 2023 continue encore son cours. Rien n’empêche que la situation bascule du côté du bon droit. Quoi qu’il en soit, le cas du Sénégal interpelle, car ce pays constitue l’une des vitrines de la démocratie, en Afrique. Avec coups d’Etat : zéro.

Guinée: le troisième mandat présidentiel, un virus contagieux en Afrique

Plusieurs présidents de pays africains souhaitent changer la Constitution Nationale de leur pays… pour briguer un troisième mandat présidentiel. L’exemple russe Poutine – Medvedev, repris en République Démocratique du Congo par le duo Kabila – Tshisekedi, ne fait pas d’émule en Afrique, au contraire.

En Guinée, le président Alpha Condé, pourtant opposant de longue date aux dictatures, se laisse lui aussi tenter par ce troisième mandat. Au risque d’embraser les foules déterminées à faire respecter la Constitution pacifiquement.


Comment un Alpha Condé, opposant historique qui dénonçait avec tant de vigueur ses prédécesseurs, peut-il se rabaisser à ce point alors qu’il a plus de 80 ans?


Dans son discours du jeudi 19 décembre 2019 à la télévision nationale R.T.G, le président Alpha Condé a expliqué aux guinéens qu’il soumettra à referendum le projet d’une nouvelle Constitution.

En effet, le ministre de la justice a déjà supervisé la nouvelle version de la Constitution. Et le texte a déjà été envoyé au président de l’Assemblée Nationale, puis à la Cour Constitutionnelle, qui selon le ministre de la justice, a rendu un avis favorable.

Comment un Alpha Condé, opposant historique qui dénonçait avec tant de vigueur ses prédécesseurs, peut-il se rabaisser à ce point alors qu’il a plus de 80 ans?

Les conséquences d’un troisième mandat en Guinée aura un écho en Afrique

Si le troisième mandat présidentiel passe en Guinée, il est certain que la Côte d’Ivoire et le Sénégal emboiteront le pas, car ils ont déjà des velléités allant dans ce sens.

En Côte d’Ivoire, la déclaration d’Alassane Ouattara est claire: il veut se représenter en 2020.

De même, le mandat d’arrêt émis contre son opposant politique Guillaume Soro est un autre exemple.


Le Président Alpha Condé associe la mascarade déguisée sous le label de «consultation». Mais ce n’était qu’une manœuvre dilatoire (processus tendant à gagner du temps) destinée à servir d’alibi pour légitimer le coup d’Etat Constitutionnel en Guinée.


Au Sénégal, le fils de l’ancien Président Karim Wade est toujours en exil. Sans oublier l’emprisonnement des opposants politiques du Président sénégalais Macki Sall.

Aujourd’hui, même libre, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, reste inéligible au regard de la loi sénégalaise.

Libre Parole au journaliste M.B Bah


“Nous dénonçons une injustice, nous défendons les droits constitutionnels… Conséquence, nous sommes parmi les plus opprimés.


En Guinée, tous les massacres qui ont eu lieu au cours des dernières années, ainsi que la plupart des conflits sanglants sont liés à des situations politiques et/ou ethniques.


Les victimes sont les mêmes depuis toujours, tandis que les détenteurs de forces publics sont les bourreaux.


Depuis 2010, une centaine de jeunes a été assassinée sans qu’aucune enquête ne soit diligentée.


Je m’intéresse aux Droits de l’Homme et l’indignation est grande.


Je suis toujours ému en regardant les archives historiques qui montrent quarante années de lutte.”

Bah M.B, journaliste guinéen en exil

Alpha Condé associe la mascarade déguisée sous le label de «consultation». Mais ce n’était qu’une manœuvre dilatoire (processus tendant à gagner du temps) destinée à servir d’alibi pour légitimer le coup d’Etat Constitutionnel en Guinée.

Le FND (Front National pour la Défense de la constitution) organise une marche le lundi 6 janvier 2020 et une série de marches continue à partir du 13 janvier. L’objectif est de protester contre le projet d’une nouvelle Constitution ainsi qu’un troisième mandat pour Alpha Condé.

L’opposition annonce son intention de boycotter et d’empêcher la tenue de l’élection législative prévue pour février 2020. Elle exige par exemple la fin des communales et communautaires par l’installation de chefs de quartiers et de districts.

Pour éviter de nouvelles violences, en prélude aux marches pacifiques appelées par le FNDC, il est important de protéger le droit de manifester pacifiquement.

Selon le site visionguinée.info, Alpha Condé interdit toutes les manifestations dans les zones minières. «Toute manifestation qui sera faite subira la rigueur de la loi.»

Cette interdiction annonce un climat tendu entre pouvoir, opposition et FNDC. Pourtant, manifester pacifiquement est un droit fondamental en Guinée : article 10 de la Constitution.

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