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« Être journaliste en Haïti, c’est être un héros »

Lundi 23 octobre, le Rapporteur Spécial de l’ONU en Haïti a publiquement dénoncé la hausse des violences en Haïti, alors que 5 millions d’habitants ont besoin d’assistance humanitaire. Dans l’ouest du pays et à la capitale, les gangs font régner le chaos et terrorisent la population. Entre janvier et octobre 2023, plus de 2 800 personnes auraient été tuées. Les médias locaux tentent tant bien que mal de couvrir les événements mais ne bénéficient d’aucun soutien, et beaucoup de journaux télé, radio et papier ont dû fermer boutique. Avec une telle insécurité, comment garantir la pratique du journalisme ? 

L’ONU a validé l’envoi de forces internationales pour maintenir l’ordre, sans qu’il n’y ait plus d’avancées. Les frontières restent fermées à la circulation des hommes avec la République dominicaine, qui avait pris cette décision le 15 août dernier, face à la recrudescence de violence. Plus de 200 000 Haïtiens ont dû fuir les villes, en particulier Port-au-Prince, et ont perdu leur logement. Un millier d’hommes du Kenya devaient être envoyés pour rétablir l’ordre (sous l’égide de l’ONU), mais les parlementaires du pays ont suspendu la décision, de crainte d’ingérence étrangère. Suspension confirmée par un tribunal kenyan le 24 octobre dernier, laissant Haïti se débrouiller seule.

Mais la capitale n’est pas la seule à être menacée : les multiples attaques dans la région rizicole de l’Artibonite font craindre une perte des récoltes, dans un pays où plus de 100.000 enfants sont en état de malnutrition sévère. « De plus en plus de parents ne parviennent plus à nourrir convenablement leurs enfants ni à leur prodiguer les soins appropriés, et l’escalade terrible des violences perpétrées par les groupes armés les empêche de se rendre dans les centres de santé », selon le Représentant de l’UNICEF en Haïti, Bruno Maes.

Près de 30 places perdues dans le classement RSF en un an

Pour le site d’informations en ligne Haïti Libre, fondé dans les années 2000, la situation critique pèse sur l’objectivité des journalistes. « L’information diffusée par nos médias haïtiens est fortement influencée par les aspects commerciaux, la pression de divers groupes d’intérêts, la crainte de représailles politiques, sans parler des menaces de mort ou d’enlèvement. De plus, ne le cachons pas, nos médias dans ce pays souffrent d’un manque criant de ressources qualifiées et doivent, de surcroît, exercer leur mission d’information dans une situation post-séisme, ce qui ajoute beaucoup de stress quotidien. »

Anderson D. Michel, journaliste haïtien et réfugié politique en France, a accepté de répondre à nos questions. Bien qu’exilé, cet ancien résident de la MDJ continue à travailler pour plusieurs médias, mais officieusement « car ma situation peut mettre mes proches en difficulté sur place. » Il collabore aussi avec l’École de la Radio et Guiti News. « C’est également complexe pour mes collègues de collaborer explicitement avec moi, ce pourquoi je reste dans l’ombre. »

Classé 99e sur 180 du classement RSF, Haïti est devenu ces dernières années un pays où il ne fait pas bon vivre pour les journalistes. Premier obstacle de taille à l’accomplissement du travail d’Anderson, les menaces qui pèsent sur lui et ses confrères. Selon lui, « les journalistes haïtiens ne sont pas protégés par les lois, contrairement aux européens. » Si Haïti est bel et bien dotée de l’article 28.1 de la Constitution de 1987 garantissant l’exercice du journalisme, la protection de la liberté de la presse est plus ténue. Aucun article de loi ne la garantit explicitement, elle ne s’exerce que par la liberté d’expression.

« Cela devient très précaire pour mes confrères et consœurs au niveau juridique et économique », en plus des pressions et de la censure. Lui-même s’y soumet volontairement pour protéger sa famille, de nombreux sujets demeurant tabous : la corruption des juges, les gangs, la sécurité… Les journalistes sont « libres » d’en parler (ou plutôt libres de s’exposer), mais pas n’importe comment s’ils ne veulent pas risquer leur vie.

« Cinq à six journalistes sont tués tous les ans. Récemment, la journaliste émérite Marie Lucie Bonhomme a été enlevée puis libérée quelques heures après, sans qu’il n’y ait d’enquête ouverte ni même d’explications. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres : pas un seul crime envers les journalistes n’a été puni depuis plusieurs années. »

© Sergey Nemirovsky

Anderson est formel, « le simple fait de sortir représente un risque mortel : nous sommes la cible des gangs, des politiques et parfois même de la police. Les violences peuvent être des agressions, des critiques, voire de la censure. » Lui-même se soumet volontairement à la censure pour protéger sa famille. « Certains policiers appartiennent à un gang ou fraternisent avec ces derniers, nous ne pouvons avoir confiance ni nous tourner vers personne. » Un fait déjà rapporté par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) basé en Haïti. 

« La Police nationale d’Haïti (PNH) ne pourra obtenir des résultats durables que lorsque la sécurité publique sera rétablie et que l’Etat reprendra ses fonctions, en particulier dans les quartiers défavorisés où sévissent les gangs », a pour sa part déclaré Maria Isabel Salvador, Rapporteur Special de l’ONU ce 23 octobre.

La précarité économique, sociale et sécuritaire des journalistes

Des attaques que Radio Télé Zénith, média d’opposition au pouvoir, a violemment expérimenté. « Il a été la cible d’une attaque armée de plusieurs individus cagoulés. Le local a été criblé de balles et les journalistes employés ont décidé de prendre la fuite, faute de protection. » Il existe « plus d’une centaine de groupes armés dans le pays, principalement basés à Port-au-Prince, qu’ils contrôlent à 80%. »

Aux agressions, la censure et à l’absence de protection juridique, s’ajoute la précarité économique des acteurs de la presse : « beaucoup vont sur le terrain sans équipement, qu’ils ne peuvent pas acheter », confie Anderson. « La plupart de mes collègues gagnent moins de 200 euros par mois en tant que journaliste. Il est devenu impossible de vivre de son métier ou de réaliser certains reportages. Ils sont en situation d’extrême précarité », appuie-t-il d’une voix ferme.

C’est bien pour toutes ces raisons qu’il considère qu’il « n’y a pas de liberté de la presse en Haïti : non pas parce qu’il n’y a pas de médias, mais bien parce que les journalistes ne sont pas libres dans leur travail et mouvements. »

Même son de cloche pour Mederson Alcindor, ancien journaliste reporter pour Radio Nativité Internationale à Port-au-Prince. Il est aujourd’hui rédacteur en chef adjoint de l’agence Clin d’œil Info (CDI), et rédacteur HIP (Haiti Info Pro). Il affirme privilégier le télétravail pour des questions de sécurité. « Je me déplace s’il y a un évènement d’intérêt général (conférence de presse du gouvernement ou d’autres officiels, interview avec des sources clés, couverture de manifestation entre autres). » 

« Dans les zones contrôlées par les hommes armés, il est très difficile voire impossible parfois pour les travailleurs de la presse de pratiquer ou d’avoir accès à certaines informations. Et depuis la dégradation du climat sécuritaire, un nombre incalculable de travailleurs de la presse ont quitté le pays. »

« La conjoncture sociopolitique, économique et sécuritaire d’Haïti n’est pas sans conséquence sur les médias car les entreprises commerciales sont frappées de plein fouet par la crise multidimensionnelle et alarmante. Les médias pour lesquels je travaille ne sont pas exempts », conclut tristement Mederson Alcindor. 

Des gangs désormais populaires

Comme si les difficultés des journalistes n’étaient pas assez grandes, la croissante popularité de certains membres et chefs de gang commence à peser lourdement dans l’opinion publique. Y voyant une certaine légitimation, les bandits n’hésitent pas à se mettre en scène dans des clips musicaux enregistrant des milliers de vues et d’abonnés. « Ils sont sur tous les réseaux sociaux : Twitter, Tik Tok, Facebook… Ils ne se cachent pas, dévoilent leur visage, car ils vivent dans l’impunité la plus totale. Certains sont devenus des blogueurs ou des stars des réseaux sociaux ! » A l’instar d’Izo Lucifer, accusé de multiples assassinats mais avec 80.000 abonnés sur Tik Tok

Pourtant, les journalistes haïtiens continuent d’accomplir leur travail malgré les difficultés. « Ils font du journalisme par vocation, alors qu’il n’y a rien pour encourager les jeunes à faire ce métier maintenant. Être journaliste en Haïti c’est être un héros, car tu sais que ta vie est en danger sitôt que tu prends un micro. Le prix de l’info en Haïti est payé par la vie de plusieurs journalistes », conclut Anderson. 

Crédits photos : © Sergey Nemirovsky, © Cindy Régis Page Facebook.

Maud Baheng Daizey

L’homme politique haïtien Jerry Tardieu visite la Maison des journalistes

Pendant sa tournée pour sensibiliser les médias et différentes institutions européennes sur la crise actuelle d’Haïti, l’ancien député et leader du mouvement politique En Avant, Jerry Tardieu, a accepté d’accorder un entretien au journal en ligne de la Maison des journalistes.

Par Anderson D. Michel

Jerry Tardieu, âgé de 54 ans, est un homme politique, un ancien député de la 50ème législature en Haïti (2016-2020). Il a lancé en octobre 2021 son mouvement politique En Avant. Selon lui, En Avant part d’une volonté d’hommes et de femmes de se mettre ensemble pour fournir à Haïti une offre politique différente de ce qui est à l’œuvre dans le pays. Un mouvement politique qui est constitué surtout de jeunes leaders en vue du renouvellement de la classe politique actuelle.

Axée sur trois piliers, la jeunesse, la femme et la diaspora, ce mouvement politique à travers son leader entend porter un souffle de changement à Haïti.

Jerry Tardieu : « Haïti est un pays en danger »

Le point sur la situation actuelle d’Haïti

Depuis plusieurs années, Haïti traverse une période très chaotique, tant au niveau des catastrophes naturelles que politiques. Le phénomène d’insécurité n’arrête pas de s’accroître sur l’île. Et les derniers rapports de l’ONU et d’autres institutions habilitées, font état d’une augmentation de 200% des cas d’insécurité dans le pays. Le leader de En Avant nous explique que le pays fait face à une crise multidimensionnelle, une crise institutionnelle, politique, économique et sécuritaire. Selon lui, les autorités expriment clairement leur impuissance par rapport au phénomène de gangs armés sur territoire haïtien qui, depuis plusieurs années, tuent, pillent, violent en toute impunité.

Jerry Tardieu affirme que le premier objectif de En Avant est de restaurer l’autorité de l’Etat et la sécurité en Haïti : « Il faut que les Haïtiens puissent vaquer librement à leur activité, quelle que soit leur condition sociale et les villes dans lesquelles ils vivent. Pour cela, la création au sein de la Police nationale d’une nouvelle structure anti-terroriste avec un équipement adéquat permettra de lutter contre les milices armées qui gangrènent le pays ».

L’ancien député revient sur son expérience au parlement haïtien.

 « Mon expérience à la chambre des députés a été une expérience enrichissante. Le parlement vous aide à mieux comprendre les rouages de l’administration publique, du système politique. Cela permet aussi de comprendre le mécanisme de cette grande corruption qui existe dans le pays », explique Jerry Tardieu. Se qualifiant d’ancien député de la minorité, il regrette de ne pas avoir eu la possibilité de tout faire à cause de la dictature du nombre qui règne au parlement haïtien. L’homme politique revient sur les différentes propositions de lois qu’il a présentées durant son mandat, notamment celles sur la Police nationale, la double nationalité, l’introduction du crédit bailleur comme outil financier. Il rappelle que certaines de ces propositions de lois ont été adoptées par décret et ont eu un impact considérable sur la société haïtienne.

Les priorités de En Avant

Donner à la police nationale d’Haïti la capacité de protéger et servir est la première préoccupation du mouvement politique En Avant, insiste Jerry Tardieu. Il parle aussi de l’emploi en faisant remarquer qu’il y a dans le pays beaucoup de jeunes diplômés et talentueux qui, malheureusement, ne peuvent pas trouver de travail. « Notre responsabilité est d’assurer les conditions aptes à garantir l’investissement privé, local ou étranger qui peuvent faciliter la création de millions d’emplois dont le pays a besoin », souligne l’ancien député. Il parle de d’éducation en soulignant, qu’en Haïti, il y a 4 000 000 d’enfants pour budget de 200 000 000 de dollars affectés à l’éducation. Ce qui représente un investissement de 50 dollars par année pour chaque enfant. Une situation que le député juge anormale en la comparant à celle de la République Dominicaine, le pays voisin d’Haïti, qui consacre 1000 dollars par année pour l’éducation de chaque enfant.

Des élections en 2022 ?

Pour Jerry Tardieu, les conditions ne sont pas réunies
Pour organiser les élections en Haïti, en raison de l’instabilité politique et la situation d’insécurité. « Quand est-ce que les conditions seront réunies ? On ne le sait pas. Mais elles devraient l’être tôt ou tard, parce que la démocratie passe par les élections », conclut-il.

Jerry Tardieu avec Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes

Jerry Tardieu interviewé par le journaliste haïtien Anderson D. Michel, résident de la Maison des journalistes.

Crédit photo : Ahmad Muaddamani, Karzan Hameed
Vidéo et montage : Ahmad Muaddamani

HAÏTI. Les dessus de l’assassinat du Président, un chaos politique

Depuis plus de 3 ans, Haïti est en proie à crise d’insécurité démesurée. Cette situation dévaste la sécurité de tous les citoyens résidant sur le territoire haïtien, au point d’en entraîner l’assassinat de Jovenel Moise.

Les gangs armés sont omniprésents dans toutes les villes, de la capitale Port-au-Prince à la province, Le G9, -coalition de 9 gangs lourdement armés, émanation du pouvoir-, est devenu incontrôlable. L’évasion de centaines de prisonniers de la prison de croix-des-Bouquets, le 25 février 2021, a renforcé ce phénomène de banditisme.

Le jeudi 17 juin 2021, le rapport périodique (émis tous les 120 jours) du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), sur la situation en Haïti, a été présenté au Conseil de Sécurité des Nations-Unies à New York. Ce rapport signale l’aggravation de la criminalité en Haïti, et révèle l’incompétence de l’Etat dans la gestion de cette crise d’insécurité affligeant la population.

Acheminements en quantités importantes de cargaisons d’armes dans les ports.

Depuis 2016 les ports du territoire haïtien reçoivent fréquemment des cargaisons d’armes illégales, certaines ont été saisies par la police, mais d’autres en circulation,  sont aux mains des gangs. Malheureusement aucune mesure n’a été prise pour enrayer cette situation.

L’affaire des sept mercenaires en 2019

Le 17 février 2019 la police nationale d’Haïti (PNH) arrête 8 personnes lourdement armées à bord de deux véhicules. Selon l’ex premier ministre Jean-Henry Céant, ces mercenaires (1 haïtien, 5 américains, un russe et un serbe) avaient pour mission de l’assassiner. Néanmoins, Moise Jean Charles, leader très influent de l’opposition a déclaré que ces mercenaires préparaient un coup d’Etat contre le président Jovenel Moise. Le 20 février 2019 ces mercenaires sont libérés sans aucune justification des autorités judiciaires à la population haïtienne. Le président de son côté, via son conseiller, Jude Charles Augustin informe la presse qu’il ignorait leur départ vers les Etats Unis. Cela démontre un grave problème d’organisation et de gestion au plus haut niveau de l’Etat.

L’assassinat de Jovenel Moise

Lors d’une intervention à radio télé caraïbe (RTVC), le 7 juillet 2021, le premier ministre par intérim, docteur Claude Joseph a confirmé l’assassinat de Jovenel Moise en sa résidence à Pèlerin 5, zone de la capitale dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Le premier ministre affirme que l’épouse de Jovenel Moise a été touchée par balle lors de cette attaque, et qu’elle reçoit les soins nécessaires. Par ailleurs, Claude Joseph lance à la population, un appel au calme, déclarant, que la situation est sous contrôle et qu’il assure la continuité de la l’Etat.

La police haïtienne a procédé à l’arrestation de 19 des mercenaires, selon la déclaration du directeur général de la police nationale d’Haïti (PNH), Léon Charle dans une conférence de presse le 8 juillet. Parmi eux, 15 colombiens et 2 américains d’origine haïtienne. Selon la PNH, l’assassinat du président a été perpétré par un groupe de 28 personnes, dont 26 colombiens. Deux des assaillants ont été tués lors d’une opération menée par la PNH.

Selon le juge de paix Carl Henry Destin  “Le président fut touché plusieurs fois à la tête, mais aussi dans les oreilles et les yeux, nous avons constaté douze orifices sur corps du président”.

Aujourd’hui beaucoup de questions se posent sur la situation actuelle d’Haïti. Mais ce qui est clair, est que la situation d’insécurité sur le territoire haïtien n’est que l’aboutissement d’une mauvaise gestion politique.

Anderson D. Michel

Anderson D. Michel est un journaliste haïtien, résident de la Maison des journalistes (MDJ). twitter-logo-1-1 - Culligan recrute

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Haïti. L’enjeu de la presse à travers le photojournalisme

Parti en reportage le 14 mars 2018, le photojournaliste indépendant Vladjimir Legagneur n’est jamais revenu. L’anniversaire des 3 ans de sa disparition, le collectif “50 milimèt” lui a rendu hommage.

Photojournaliste indépendant, Vladjimir Legagneur collaborait avec plusieurs médias (Le Matin, Loop Haiti, etc.) et ONG. 

Le 14 mars 2018, il part réaliser un reportage à Grand Ravine, l’un des quartiers les plus dangereux de la capitale Port au Prince. Il souhaite montrer les conditions de vie des gens de ce quartier, qui sont livrés à eux même, sans aide ni présence des autorités centrales de l’Etat. Depuis ce jour, personne ne l’a revu. 

Edris Fortuné, photojournaliste et président du collectif, nous a confié avoir tout essayé afin de dissuader son ami de faire un reportage à Grand Ravine. “Il est passé chez moi récupérer un trépied. J’ai essayé de le retenir en lui demandant de rester manger avec moi mais cela n’a pas marché. Je suis la dernière personne parmi ses proches à l’avoir vu avant sa disparition.”

Ce que révèlent les enquêtes  

Deux semaines après sa disparition, la police mène une opération à Grand Ravine (Port Au Prince), sur un terrain vague. Des ossements et un chapeau sont retrouvés. Selon Fleurette Guerrier, l’épouse de Vladjimir Legagneur, il s’agit bien du chapeau de son mari. La police effectue alors un test ADN. Mais depuis trois ans, c’est silence radio. La police n’a transmis aucune information sur ce test ni sur ce qui a pu arriver au journaliste.

Edris Fortuné dénonce un blocage politique. “Cela fait trois ans qu’on attend le résultat d’un test ADN et on n’a toujours pas d’information sur ce qui est réellement arrivé à mon ami Vladjimir.”

Pour lui, c’est clair, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ne prend pas au sérieux l’enquête.  

Dénoncer l’impunité de la justice 

En guise de protestation, le collectif 50 milimèt et d’autres personnes ont décidé de façon très symbolique de commémorer la disparition du photojournaliste Vladjimir Legagneur devant le local du réseau national des droits humains (RNDDH). 

Le collectif a déposé des gerbes devant un graffiti de Vladjimir peint sur un mur. Puis, Edris Fortuné a tenu à lui rendre hommage dans un discours tout aussi politique que religieux. ”Je remercie les artistes qui ont décidé d’immortaliser ce grand jour. Vladjimir, si nous dessinons ton portrait ici sur ce mur, c’est pour dénoncer l’impunité qui règne dans ce pays depuis des années. Des journalistes comme Jean Dominique, Brignol Lindor, Rospide Pétion, et tant d’autres ont été assassinés, mais comme toi ils n’ont pas eu droit à une justice équitable. Vladjimir tu n’es pas mort, au nom de toutes les forces cosmiques, au nom de tous nos ancêtres, nous saluons ta mémoire, et nous te demandons encore de lutter ...” 

Un prix pour honorer sa mémoire

Afin de parler de l’importance du métier de photojournaliste, Edris a tenu à rappeler que “la mémoire est la plus grande arme, et qu’un peuple sans mémoire est un peuple appelé à disparaître.

50 milimèt” est né dans cette optique. Le projet regroupe des photojournalistes partageant le même intérêt pour cette profession et qui collaborent entre eux. Ce projet est aussi voué à honorer la mémoire de Vladjimir Legagneur. 

Selon Edris Fortuné, le prix Vladjimir Legagneur « récompensera plusieurs photojournalistes ayant accompli un travail remarquable sur l’année. Il y aura deux prix : un prix senior et un prix junior”. Cette initiative a été approuvée par l’épouse de Vladjimir Legagneur. 

L’inquiétante situation de la presse en Haiti 

Le photojournaliste Edris Fortuné, victime de plusieurs agressions policières, reste très pessimiste quant à la situation de la liberté de la presse en Haïti. “Il n’y a [même] pas une maison de photographie en Haïti [et] le droit d’auteur n’est pas respecté”. Haïti occupe la 83 ème position dans le classement de Reporters Sans Frontières (RSF).

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HAÏTI : La normalisation du kidnapping au sein d’un régime “je m’en foutiste”

Le phénomène de kidnapping ne cesse de gagner du terrain en Haïti, passant par les enlèvements de plusieurs personnalités publiques, comme l’ex-footballeur international haïtien Johnny Descollines ou Magdala Louis, une vendeuse de saucisses qui raconte son enlèvement à travers la presse.

L’enlèvement contre rançon du maestro Dickens Princivil et de Magdala Louis une vendeuse de saucisse que Dickens reconduisait en voiture chez elle en sortant d’une activité le dimanche 6 décembre 2020, montre à quel point Haïti devient un pays dangereux au niveau sécuritaire.

https://www.youtube.com/watch?v=yYr4HQ858cQ&feature=youtu.be&list=TLPQMDgxMjIwMjBqmyopFzrW_Q

“On m’a brûlé les cheveux, les mains, les pieds avec un briquet”

Magdala Louis raconte comment elle a été torturée, “On m’a brûlé les cheveux, les mains, les pieds avec un briquet”. Les larmes aux yeux, elle affirme ne pas avoir été violée : “J’avais mes menstruations mon sang coulaient beaucoup peut être c’est cela qui les ont empêché de me violer’’. Les ravisseurs ont demandé à la famille de Magdala d’apporter une somme d’environ 700 000 euros pour sa libération.

Le maestro Dickens affirme lui ne pas avoir subi de maltraitance, et que les ravisseurs l’ont bien traité. Sachant tout de même qu’il y avait une demande de rançon d’environ 850 000 euros pour sa libération.

Il y a eu une très grande mobilisation pour la libération de ces deux otages, initiée par quelques journalistes de la radio Télé Caraïbes, mais aussi par plusieurs centaines d’internautes haïtiens sur Facebook, Instagram et d’autres plateformes en ligne.

Le Mardi 8 décembre à 1h du matin les kidnappeurs du gang ‘’400 marozo’’ ont libéré les deux otages après avoir empoché l’argent sollicité auprès des proches de chaque victime.

 

La réaction de l’ambassade américaine par rapport à l’insécurité en Haïti

 

La mise en garde de l’ambassade américaine

L’ambassade américaine en Haïti lance une alerte de sécurité pour sensibiliser ses concitoyens sur la limitation de déplacement en Haïti par rapport au phénomène de kidnapping qui ne cesse d’effrayer la population haïtienne et la communauté internationale.

L’ambassade conseille les ressortissants américains à prendre les actions suivantes :

1- Évitez certaines zones

2- Surveillez les médias locaux pour les mises à jour

3- Faites profil bas

4- Informez vos amis et votre famille de votre sécurité

5- Soyez conscient de votre environnement

6- Soyez vigilant lorsque vous visitez des banques ou des guichets automatiques

7- N’affichez pas de signes de richesse, comme le port de bijoux ou de montres coûteux

8- Soyez prudent lorsque vous marchez ou conduisez la nuit

La position du gouvernement haïtien

Pendant cette crise d’insécurité, le gouvernement ne fait rien pour améliorer cette situation. Il se préoccupe de trouver un moyen pour rester au pouvoir pendant les cinq prochaines années, en commençant par des réformes constitutionnelles, et des nominations à des postes stratégiques sans se soucier des compétences, la publication de décrets en l’absence de la chambre du sénat et des députés, ce qui est formellement interdit par la constitution selon l’ancien sénateur haïtien Steven Benoit.

L’ancien sénateur poursuit en disant que “nous allons vers la dictature, après la publication des nouveaux décrets du gouvernement dans Le Moniteur, le journal officiel de la république d’Haïti. Le président veut créer une milice connu sous l’acronyme ANI (Agence Nationale d’Intelligence) pour déstabiliser plusieurs institutions qui gèrent la sécurité et la bonne marche de l’Etat” .

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HAÏTI – Les actes inhumains sur de très jeunes femmes s’amplifient

20 membres du gang armé connu sous le nom “400 marozo” ont attrapé le sida après avoir violé une jeune orpheline de 18 ans à tour de rôle. Le groupe dirigé par “Lanmò san jou” opère à Ganthier. Leur mode opératoire est connu : vol, viol, meurtre et kidnapping. Retour sur une histoire sordide qui dévoile laviolence omniprésente sur l’ïle d’Haïti. 

C’est l’histoire d’une jeune fille orpheline de 18 ans, vivant à la capitale Port au Prince. Après s’être disputé avec la dame qui l’hébergeait, elle est jetée à la rue. Le motif de dispute est simple : la jeune femme refusait de continuer la prostitution. Elle voulait s’occuper de la maison.

La prostitution pour survivre quand on nait orpheline sans avoir connu ses parents…

En Haïti, la pauvreté gangrène toute la société, à commencer par les plus faibles. Et tout le monde a besoin d’un toit pour survivre. Or, une dame lui proposa de l’héberger contre des services. Il s’agissait en faite de prostitution pour payer son loyer.

Ainsi, encore mineure, elle fut contrainte de coucher avec des personnes pour participer économiquement à la vie de la maison. Parmi ces personnes, beaucoup refusait de mettre des préservatifs. Peu importe son avis, ils abusaient d’elle sexuellement. C’est selon elle, la façon dont elle a attrapé le sida.

Il faut donc imaginer la détresse de cette jeune femme qui a fêté ses 18 ans, ne voulant plus continuer ce travail. La dame qui l’hébergeait l’ a alors mise à la porte. Seule, sans rien, la jeune orpheline est terrifiée par la nuit qui s’approche. 

Innocence et fragilité dans une ville cruelle

La jeune orpheline rencontre alors un jeune homme qui lui propose de l’héberger chez sa tante pendant quelques jours. Elle accepte en toute innocence et décide de le suivre sans la moindre hésitation.

Le jeune homme l’amène dans un lieu différent de ce qu’elle attendait. Le lieu est rempli de gens armés, des personnes bizarres, leur attitude est orageuse. Elle se rend vite comtpe “qu’ils n’en ont rien à foutre des problèmes des autres”.

En effet, la jeune orpheline se retrouve face aux membres du groupe ‘’400 marozo’’. Ils ont selon l’enquête embauché le jeune homme pour récupérer des personnes. En se servant d’une apparence de bienfaiteur, le jeune homme est rabbatteur pour le gang.

Parmi les personnes présentes, 20 membres décident de violer la jeune orpheline par groupe de 10. Les lignes qui suivent sont insoutenables, mais c’est son histoire.

Elle avoue avoir saigné, tordu de douleur, ses cris se transforment en hurlement, mais rien ne s’arrête.

Finalement, elle est relâchée, à nouveau seule et déboussolée. Elle fait alors le seul acte libre qui lui reste possible : contacter une radio haïtienne pour témoigner et partager sa détresse.

Bouleversé par ses révélations, preuves à l’appui, elle trouve enfin des personnes qui lui propose une aide bienveillante. Elle obtient un suivi médical, un logement provisoire et de l’aide pour ouvrir un petit commerce.

Mais le bilan est lourd. Le kidnapping continue de gagner du terrain comme si c’était devenu une tradition locale d’Haïti, tandis que les actes de violences sexuelles se font sentir quotidiennement dans la société haïtienne. Les plus pauvres sont les premières cibles. La situation se dégrade, les autorités n’agissent pas, la presse libre est muselée. Haîti est un si beau pays qu’on le décrit comme “l’enfer au paradis” à cause de ses très dures conditions de vie. De nombreuses jeunes femmes, qui pour beaucoup sont mineures, se retrouvent ainsi livrer à la violence la plus abjecte, dans un pays où le chaos et l’enfer règnent en maitre pour tout le monde. 

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HAÏTI – Les assassinats continuent alors que le président appelle à fêter Noël

Plus d’une trentaine d’actes d’assassinats, environ une vingtaine d’enlèvement contre rançon ont été recensés depuis le commencement de l’année 2020. Des cas de trafic d’organes ont été egalement constatés. Malgré ce carnage, le président d’Haiti Jovenel Moise invite la diaspora à venir fêter Noël avec leur proche.

L’année 2020 est un moment de deuil qui touche tous les secteurs de la vie nationale.

Le bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, professeur et juriste, Me Monferrier Dorval, a été tué par deux projectiles à la poitrine le vendredi 28 août 2020 dans la rue Pomier, Pèlerin 5, non loin de la résidence privée du président de la République Jovenel Moïse. Cet assassinat interpelle la conscience collective sur le véritable problème d’insécurité en Haïti, sans compter plus d’une dizaine de policiers de différentes unités assassinées. Parmi eux, des commissaires du gouvernement.

Un escadron de la mort qui frappe fortement les écoliers et les universitaires

Evlyne Sincère est une jeune écolière de 22 ans. Elle a été kidnappée au dernier jour des examens de philosophie le jeudi 29 octobre 2020. Les ravisseurs ont exigé une somme de 100.000 dollars haitiens (l’équivalent de 7932 euros) avant d’accepter 15.000 dollars haitiens (soit 220 euros). Mais cela n’a pas empêché les ravisseurs d’assassiner et violer (probablement selon les constats). On a retrouvé son cadavre abandonné dans une décharge.

Il ne faut pas oublier également la mort de Jimmy Telson âgé de 17 ans après une tentative de kidnapping qui a mal tourné le mardi 17 novembre 2020. Il a été assassinée en sortant de l’école.

Grégory Saint-Hilaire, étudiant à l’École Normale Supérieure, a été tué le vendredi 2 octobre 2020 atteint au dos par un projectile d’un des agents de l’Unité de sécurité générale du Palais national. Cet assassinat a eu lieu au moment où un groupe d’étudiants tenaient un mouvement pour réclamer l’application d’un protocole d’accord signé avec le Ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP) concernant leur stage et leur nomination dans différents établissements publics. Différentes sources fournies par d’autres étudiants protestataires confirment les faits.

En parrallèle de ces meurtres, les policiers ont incendié la bibliothèque de l’École Normale Supérieure.

Insouciance du chef de l’Etat et trafic d’organes

Pendant que le président continue à faire des promesses anodines et ferme les yeux sur le grave problème d’insécurité qui ravage le pays, le trafic d’organes commence à regagner du terrain.

Rappelons qu’un policier connu sous le nom de Wildophe appartenant à un gang opérant dans le kidnapping et dans le prélèvement d’organes a été arrêté en essayant d’enlever le coeur d’une jeune fille pendant qu’elle est encore vivante. “Si je suis encore vivante c’est parce que le coeur servira à rien si on me tue avant de l’enlever.” Heureusement, ces agresseurs n’ont pas eu le temps de le faire. Le policier a été arrêté et a fourni le nom de ses complices.

Le jeudi 12 novembre 2020, on a retrouvé le corps d’un hougan (prêtre vaudou) dans des toilettes. Son ou ses agresseurs l’avaient dépecé de son coeur, de ses bras, de son foie et d’autres organes. Il ont été retrouvés chez un dénommé Pikan qui semble être l’auteur de cet horrible meurtre.

Ce Noël nous prend tout et ne donne rien. Certe Noël arrive, mais cela ne change rien à la situation politique, économique et sociale du pays. Il y a un cas de kidnapping quasiment toute les douzes heures, ainsi que des assassinats. Le père Noël ferait mieux de passer ailleur s’il tient à sa vie car cette annee les cadeaux prennent la forme de projectiles.

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