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Rwanda : 10 ans de prison pour Kizito Mihigo

[Par Sintius MALAIKAT]

L’artiste Kizito Mihigo a finalement été condamné à 10 ans de prison lors d’un procès durant lequel il plaidé coupable (cliquez ici pour lire l’article publié sur l’affaire Mihigo, le 7/11/2014).

Kizito Mihigo (source: ikazeiwacu.fr/

Kizito Mihigo (source: ikazeiwacu.fr/

Le verdict est tombé le 27 février. Accusé de conspiration contre le gouvernement du président Paul Kagame, de formation d’un groupe criminel, d’entente en vue de commettre un assassinat et de complicité dans un acte terroriste, Kizito Mihigo avait été arrêté en avril dernier.

Kizito Mihigo durant le procès

Kizito Mihigo durant le procès

Kizito Mihigo et les autres accusés

Kizito Mihigo et les autres accusés

Dans un procès qu’il partageait avec 3 autres accusés, Kizito s’est passé définitivement de ses avocats et a plaidé coupable et a demandé pardon au Chef d’Etat et à tous les Rwandais.
Dix ans de prison contre la perpétuité qu’ avait proposée le procureur, tel est le sort de l’artiste reconnu coupable des 2 premières accusations, et dont le juge n’a pas retenu l’accusation de complicité dans un acte terroriste, « faute de preuve ». Ici se pose la question de savoir ce que dit la loi quand une personne plaide coupable d’un crime que la cour jugera qu’il n’a pas commis ! Ceci ne devrait-il pas affecter la véracité des informations que le présumé a données ?

Le journaliste Cassien NTAMUHANGA

Le journaliste Cassien NTAMUHANGA

Jean Paul Dukuzumuremyi, ancien militaire et Cassien Ntamuhanga, journaliste, ont quant à eux été reconnus coupables de toutes les charges, et condamnés respectivement à 30 et 25 ans de prison. A la sortie du tribunal, Cassien n’a pas caché son indignation : « C’est incroyable, c’est une honte, ce n’est pas une justice. » Agnès Niyibizi, la seule femme de ce procès, a été acquittée.
Cette dernière vivait chez l’actuel ambassadeur du Rwanda lequel, au moment des arrestations, était ministre des Sports et Cultures, Protais Mitali.
Agé de 34 ans, l’artiste Kizito a contribué à la composition de l’hymne national. Rescapé du génocide, il est connu pour avoir composé différents chants liturgiques catholiques et plusieurs chansons utilisées pendant la commémoration du génocide, ainsi que des chants visant l’unité et la réconciliation. Avec sa fondation KMP (Kizito Mihigo pour la Paix), il faisait le tour des écoles pour éduquer les jeunes rwandais sur ce programme d’unité et réconciliation. Il visitait également des prisons sensibilisant les détenus à avouer leur rôle pendant le génocide et les appelant à demander pardon. Le gouvernement n’avait jamais cessé de saluer ses activités jusqu’en Mars 2014 quand il composa une chanson dans laquelle il demandait que me toute victime des massacres commis en 1994 soit commémorée, quelle que soit son ethnie ou la cause de sa mort. Cette chanson a été qualifiée par le gouvernement de Kagame de moyen de véhiculer le négationnisme du génocide. Après une semaine au cours de laquelle la police disait à sa famille et aux médias ne pas avoir de ses nouvelles, Kizito Mihio apparaîtra menotté le 14 avril, accusé des 3 crimes cités plus haut.

[Toutes les photos ont été tirés de www.imirasire.com]

 

Rwanda : le mystère persiste sur l’affaire Kizito Mihigo

[Par Sintius MALAIKAT]

Kizito Mihigo, artiste-musicien rwandais et rescapé du génocide, est incarcéré depuis le 14 avril 2014. Après une semaine de disparition la police nationale, malgré une série de déclarations, finira par reconnaître sa détention.

Kizito Mihigo (source: inyenyerinews.org)

Kizito Mihigo avec ses avocats (source: inyenyerinews.org)

Mihigo est poursuivi pour collaboration avec des groupes terroristes opérant à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et le RNC (Rwanda National Congres), parti politique de l’opposition fondé en Afrique du Sud par des anciens pro-Kagame. Ses accusations vont jusqu’à montrer qu’il planifiait l’assassinat du président rwandais, Paul Kagame et de certaines autres autorités du pays. Mais il avait évoqué, dans sa dernière chanson, «Igisobanuro Cy’Urupfu » « La signification de la mort », les crimes dont est accusé le Front patriotique rwandais (FPR), aujourd’hui au pouvoir. Cette chanson a été prise pour négationnisme du génocide car d’après ses mots, l’artiste veut que toute personne morte au Rwanda soit commémorée, quelle que soit la cause et l’ethnie.

« Je suis orphelin à cause du génocide, mais cela ne doit pas me faire oublier qu’il y a d’autres personnes qui ont été massacrées suite à la vengeance. Je leur rends hommage car elles aussi sont des êtres humains… »
Chrétien catholique, il est accusé de s’être attaqué contre le programme « Ndi Umunyarwanda » (Je suis Rwandais), programme dans lequel toute personne Hutu est obligée de demander pardon aux Tutsis pour les crimes commis en leur nom lors du génocide.
« Je suis Rwandais devrait être précédé par Je suis chrétien… »
Pourtant, ce programme a semé la polémique car beaucoup de gens ne sont pas pour cette politique de généralisation ; certains l’avaient trouvé comme une manière de criminaliser tous les Hutus et d’autres, dont Ibuka, association des rescapés du génocide, comme un programme pouvant contribuer à dissimuler la vérité sur ce qui s’est réellement passé. [Cette association avait désapprouvé ce programme à son lancement mais elle n’a pas tardé à se contredire].

Kizito Mihigo (source : inyarwanda.com)

Kizito Mihigo (source : inyarwanda.com)

Son procès a été ouvert à la Haute cour de Kigali le 12 septembre, en compagnie de ses 3 co-accusés dont un journaliste. Kizito plaide coupable de toute accusation et demande que son procès soit jugé séparément. Reporté, le procès réapparait ce 06 novembre et plaide coupable de tout chef d’accusation ; mais ses avocats ne sont pas d’accord surtout en ce qui concerne l’appellation des ses crimes et sur l’authenticité des preuves dont dispose le parquet, : preuves basées sur des messages via des réseaux sociaux, Skype et Whatsapp. Pourtant, l’artiste insiste et déclare que peu importe l’appellation, il plaide coupable et demande pardon au chef d’Etat qu’il a trahi alors que ce dernier l’avait beaucoup aidé dans sa carrière.
« Je ne l’ai jamais détesté [le Président Kagame]. Trahir une personne ne signifie pas qu’on la déteste. Seulement c’est comme si je m’étais révolté car j’avais des problèmes avec d’autres autorités,… Mais je regrette ce que j’ai fait contre le Président alors qu’il m’a aidé ».

Après Kizito Mihigo, ce fut le tour d’un de ses co-accusés, Cassien Ntamuhanga, ancien journaliste et directeur de radio privée religieuse, Amazing Grace. Ce dernier a immédiatement rejeté la première des quatre accusations qu’il partage avec Mihigo, mais le procès a été reporté au 14 novembre car l’un des juges est tombé brusquement malade.

Source : Umuseke.com, RFI