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Procédures-bâillons : bientôt une nouvelle législation européenne ?

Depuis 2020, les institutions européennes s’inquiètent de la protection des journalistes dans l’Union, sujets au harcèlement judiciaire. La directive anti-SLAPP, aussi appelée “Loi Daphné” et actuellement débattue au Parlement, a pour objectif d’empêcher que les journalistes soient victimes de procédures judiciaires abusives. Quels en sont les dispositifs ? Pourra-t-elle suffire à protéger la liberté de la presse ?

Vincent Bolloré, Yevgeny Prigozhin, le Royaume du Maroc, Patrick Drahi (propriétaire d’Altice Media), Camaïeu, Total… Depuis quelques années, des individus et des grands groupes usent des procédures abusives (ou infondées) pour faire taire les journalistes. 

Affaire la plus emblématique, le cas de la maltaise Daphné Caruana Galizia, journaliste d’investigation aguerrie et fondatrice du site d’information Running Commentary. Elle est connue pour avoir enquêté et exposé des affaires de corruption au sein du gouvernement maltais. De nombreux scandales mettaient en cause le Premier ministre de l’époque, Joseph Muscat, ainsi que l’entourage de ce dernier, provoquant l’ire de la population. 

Le 16 octobre 2017, Daphné est assassinée alors qu’elle était en voiture. Une bombe est placée sous cette dernière, qui explose à quelques mètres de son domicile. Un meurtre dont la nouvelle fait immédiatement le tour du monde. 

A cause de ses enquêtes et révélations politiques, notamment sur l’entourage du Premier ministre Joseph Muscat (qui démissionnera en 2020), Daphné était la cible de 47 procédures judiciaires pour diffamation, qui auraient pu lui coûter des milliers d’euros en dommages et intérêts si elle avait été jugée coupable. 

Une situation désespérée et étouffante, reconnue par une enquête indépendante en 2021 : selon des magistrats maltais, le gouvernement a  « nourri un climat d’impunité favorisant l’assassinat de la journaliste », régulièrement sujette aux menaces de mort, et qui n’a jamais bénéficié de protection. Les menaces physiques allaient de pair avec l’intense harcèlement judiciaire dont elle a été victime jusqu’à sa mort. 

La loi anti-SLAPP, pourquoi faire ?

Les cas de procès abusifs ont en effet explosé en six ans, poussant l’Union européenne à réagir. La Pologne est le pays produisant le plus de SLAPPs (Strategic Lawsuit Against Public Participation), vite suivi par Malte puis la France. Pour rappel, la CASE, la Coalition contre les SLAPPs en Europe, a dénombré plus de 820 attaques abusives en justice depuis 2013. 

Une aberration pour l’Union européenne, qui lance en 2020 son plan pour la démocratie, sous la direction de la Commission européenne. Pour cela, la Commission prend des mesures en faveur « de la lutte contre la désinformation et de la liberté des médias. » 

Le meurtre de Daphné, qui a durablement marqué les esprits, conduit à des mesures plus concrètes, notamment la directive Anti-SLAPP de la Commission, surnommée « Loi Daphné ».

Elle impose « des règles communes concernant les garanties procédurales » à tous les Etats-membres. 

La directive permet aussi « le rejet rapide des procédures judiciaires manifestement infondées, les recours contre les procédures judiciaires abusives » ainsi que « la protection contre les décisions rendues dans un pays tiers. » 

Enfin, est prévue la création d’un « guichet unique » dans l’Union pour que les victimes puissent se signaler et obtenir de l’aide juridique. 

« Attendons de voir comment elle sera appliquée »

Le 27 avril 2023, le projet est présenté et débattu à la Commission européenne. Le 12 juillet, l’adoption de la directive est finalisée par un vote en Assemblée plénière lors du premier trilogue (négociations en trois actes entre la Commission, le Conseil et le Parlement). 

Pourtant aujourd’hui les négociations bloquent, notamment sur l’uniformisation de la directive entre les Etats-membres. 

Mais le rapporteur du Parlement Tiemo Wölken, espère pour sa part une adoption définitive d’ici décembre 2023. « Je pense que ce serait également un bon signe avant les élections européennes que nous indiquions une fois de plus que nous sommes vraiment du côté des plus faibles », avait-il déclaré en juillet dernier lors d’une conférence de presse sur les SLAPPs.

Depuis, de nombreux acteurs du monde politique, social et journalistique ont donné de la voix pour soutenir l’adoption de la directive. Pour le Premier secrétaire général du Syndicat National des Journalistes, Emmanuel Poupard, la directive demeure une petite victoire. 

Emmanuel Poupard explique pour la MDJ que « les pouvoirs publics européens se saisissent enfin de la question des procédures bâillons », qui minent le journalisme français. Le SNJ « espère néanmoins que la directive sera améliorée », bien qu’il voit sa création « d’un bon œil. » 

Il déclare également que le syndicat « attend une loi beaucoup plus protectrice, qui doit s’accompagner de mesures renforcées pour affirmer l’indépendance des journalistes. Et nous attendons de voir comment les pays vont l’appliquer, car il arrive que les Etats-membres réécrivent un peu les directives. »

Les Etats-membres, ennemis de l’anti-SLAPP ?

En effet, certains membres du Conseil des ministres de l’UE ont refusé la définition de « procédure bâillon » proposée par la Commission européenne, jugée « trop vaste ». La définition veillait à ce que les journalistes poursuivis dans leur propre pays puissent être protégés. 

Pour rappel, les SLAPPs sont majoritairement des affaires enregistrées dans un pays unique, et non pas plusieurs (les cas transfrontaliers). Mais les procédures transfrontalières, c’est-à-dire impliquant plusieurs Etats-membres, sont malheureusement les seules concernées par la directive

Par exemple, si les deux parties d’un procès-bâillon sont françaises mais que l’affaire impacte plusieurs Etats-membres (concernant des entreprises implantées à l’étranger notamment), le cas pouvait être considéré comme transfrontalier. 

Un point sur lequel le Parlement et le Conseil ne sont pas d’accord, préférant laisser les affaires nationales aux cours de justice compétentes. Il s’agissait pourtant d’un moyen pour la Commission d’englober le plus de SLAPPs possibles. 

Or, la plupart de ces procédures se réalisent dans un seul pays à la fois. Alors, comment protéger les journalistes lorsque les procédures sont exclusivement nationales ? Une question qui demeure malheureusement sans réponse à l’heure actuelle. Quant aux procédures transfrontalières, rendez-vous en décembre 2023, mois durant lequel le Parlement et le Conseil devront achever les négociations pour l’adoption de la directive.

Crédits photos : Civil Liberties Union for Europe

Maud Baheng Daizey

La Maison des Journalistes au cœur de la lutte contre la désinformation

Ce jeudi 26 janvier, la Maison des Journalistes a accueilli une conférence sur l’action européenne en faveur de la liberté de la presse et contre la désinformation, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères. La MDJ a eu l’honneur de recevoir la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, ainsi que Patrick Penninckx, chef du service « Société de l’Information » au Conseil de l’Europe.

Dans son propos introductif, Darline Cothière directrice de la MDJ a rappelé l’étendue de l’action de la Maison des journalistes en faveur de la liberté de la presse et la lutte contre la désinformation. « Cette conférence a toute sa pertinence dans ce lieu unique au monde qui accueille des journalistes exilés venus des quatre coins du monde. Elle permet d’apporter un éclairage sur les initiatives européennes pour lutter contre le fléau de la désinformation qui affecte nos sociétés », a-t-elle déclaré avant d’adresser ses remerciements à la Secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, Laurence Boone, initiatrice de l’événement. 

La directrice de la MDJ Darline Cothière avec la secrétaire d’Etat Laurence Boone. Crédit photo : MEAE

Au micro de la MDJ, la secrétaire d’Etat affirme avoir choisi la Maison des Journalistes pour sa raison d’être, à savoir protéger la liberté de la presse et d’expression. « Tenir cette conférence au sein de la MDJ était l’évidence-même », a-t-elle assuré avec le sourire.

La secrétaire d’Etat chargée de l’Europe Laurence Boone ouvre la conférence. Crédit photo : MEAE

La secrétaire d’Etat Laurence Boone.

Sciences Po Media Lab, l’AFP et l’INA étaient également présents pour discuter du projet, accompagnés de divers journalistes européens. Sabina Tsakova, responsable juridique et politique de la DG Connect de la Commission européenne, a évoqué le « Media Freedom Act », instauré en septembre 2022 et dont les bénéfices se font déjà sentir auprès des populations concernées. Cet acte permet en effet de préserver l’indépendance éditoriale des médias, tant de la part des états-membres que de la presse elle-même. La nouvelle législation accorde également un large pan à la protection des sources et à la transparence des détenteurs de médias (qui possède quoi).

Des outils toujours plus nombreux pour assister les journalistes

« La vérité n’est pas une chose absolue, nous pouvons tous avoir des opinions, mais les faits demeurent une fondation stable. » Ainsi fut lancé la seconde partie de la conférence, consacrée à la lutte contre la désinformation en Europe. Des journalistes biélorusse, maltais, polonais, lituanien se sont succédés pour évoquer la censure, les mensonges étatiques et l’exil que certains ont subi. Antoine Bayet, directeur éditorial de l’INA, était chargé de la modération. Pour éviter les fake news, deux grands outils : l’éducation et les fact-checker.

Soutenue par l’AFP, le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) et le Media Lab de Sciences Po, « De Facto » est la plateforme recensant les outils de fact-checking des médias français, pour permettre à tous de lutter contre la désinformation. Affiliée au réseau européen EDMO (European Digital Media Observatory), « De Facto » sera en position jusqu’en 2024 et continue de présenter ses nouveaux outils et méthodes dans les écoles et pour le grand public.

Pour ce faire, la plateforme européenne « De Facto » permet aux professeurs, citoyens, et organismes de presse d’utiliser les outils en ligne pour vérifier les informations, apprendre à s’informer ou encore « debunker » les rumeurs les plus populaires (notamment sur la guerre en Ukraine). Mais ces outils et plateformes peuvent se révéler insuffisants, à l’instar de la lutte contre la désinformation en Lituanie, très préoccupante depuis le début de la guerre. 

« Certains des outils créés pour combattre la désinformation ne s’appliquent pas sur les petites langues comme le lituanien. Ce pourquoi nous avons besoin de spécialistes et chercheurs pouvant adapter nos outils à tous les pays-membres », a expliqué un des intervenants.

Autre problème, la plupart des lois européennes se basent sur la démocratie et la pluralité, poussant les Etats-membres à ne pas interdire certaines chaînes d’informations russes sur leur territoire. Alors, comment l’Europe va-t-elle se prémunir de la désinformation ? Patrick Penninckx, chef du service « Société de l’information » au Conseil de l’Europe, a accepté de nous adresser quelques mots, notamment sur la mauvaise situation de la presse en Grèce.

Le chef de service Patrick Penninckx

Une conférence réussie au sein de la Maison des Journalistes, qui continue d’œuvrer pour la liberté de la presse et de protéger des journalistes du monde entier.

Un article de Maud Baheng Daizey. Tournage d’Alhussein Sano.

Cote d’Ivoire : l’Union européenne au secours de la concubine d’un ponte du régime

[VIOLENCE CONJUGALE] Année 1991. Le fringant nouveau douanier jette son dévolu sur la douce et frêle Awa Koné. Il venait à peine de sortir de l’école des douanes et vivait chez une tutrice à Williamsville, une commune du centre-nord d’Abidjan. Awa Koné quant à elle vivait chez son ainée, une transitaire habitant Yopougon, la célèbre banlieue proche d’Abidjan.

A Bruxelles, The Working Group for Syrian Detainees lance un plan d’action pour les détenus syriens

[Par Shiyar KHALEAL]

Traduction de Johanna GALIS

A l’origine de la création de The Working Group for Syrian Detainees (le Groupe de Travail pour les Détenus Syriens), l’initiative de plusieurs activistes et journalistes d’origine syrienne, dont Shiyar Khaleal et Sakher Edris. C’est en obtenant en avril dernier des informations de Syriens détenus dans différentes prisons du pays, par le biais de téléphones mobiles, qu’ils apprirent grâce à eux que des détenus politiques de la prison centrale d’As Swayda, à tire d’exemple, allaient être exécutés.

Pendant la réunion à Bruxelles ©Sakher EDRIS

Pendant la réunion à Bruxelles © Sakher EDRIS

D’où la création par la suite d’un groupe Facebook, The Working Group for Syrian Detainees, qui se fit en quelque sorte lanceur d’alerte sur le sort des détenus politiques en Syrie, et puis par extension, sur les conditions d’emprisonnement des Syriens.
De nombreux médias français, allemands et britanniques, dont la chaîne britannique Channel 4, firent pression sur la Syrie suite à la divulgation de ces informations, et par conséquent les exécutions de détenus politiques prirent fin. Le groupe prit de l’importance et se fit remarquer de certaines figures clé de la politique européenne.

Retour sur une rencontre-clé entre Bruxelles et une délégation du groupe
Une délégation de The Working Group for Syrian Detainees (le Groupe de Travail pour les Détenus Syriens) vient d’achever une visite de deux jours à Bruxelles pendant laquelle ils rencontrèrent des représentants des Etats membres de l’Union Européenne, des officiels de l’Union Européenne, ainsi que des membres du Parlement Européen. Ils les pressèrent d’établir de nouvelles règles concernant une nouvelle politique de l’Union Européenne sur le sort des détenus Syriens.

« Notre but premier est celui de soulager les souffrances du peuple syrien », souligna le porte-parole du groupe Sakher Edris. « Pendant nos réunions nous exhortons nos amis européens à protéger les civils de Syrie et à user de leur poids politique sur la Russie et l’Iran pour mettre sous pression le régime d’Assad afin que soit décrété un moratoire sur tous les ordres d’exécution pour ainsi permettre à des dispositifs de contrôle internationaux d’avoir accès à tous les équipements de détention. Le régime d’Assad n’a pas pris de réels engagements pour libérer les détenus. Nous avons répété pendant nos réunions à Bruxelles que l’Union Européenne doit faire pression sur ceux qui détiennent illégalement des civils syriens ».

Des milliers de Syriens innocents sont détenus et torturés dans des centres de détention d’Assad en Syrie. Cette souffrance et les attaques quotidiennes discriminantes contre les civils participent vivement à la crise des migrants en Europe et affectent l’équilibre mental de Syriens qui ont fui leur pays pour leur propre sécurité.

La torture et la mort, une routine dans les prisons syriennes ©Aljazeera.com

La torture et la mort, une routine dans les prisons syriennes ©Aljazeera.com

Il fut aussi abordé le besoin de former des tribunaux locaux et internationaux en dehors du Conseil de Sécurité pour poursuivre les attaques en justice d’anciens détenus résidant en Europe portant sur les services de sécurité syriens, et mettre une forme de pression sur le veto Russe-Chinois.

« L’Europe est l’un des précurseurs de la crise syrienne », rajouta M.Edris. « Nous avons fait la demande d’une mécanique de compensation  qui serait dirigée par l’Union Européenne pour les familles des détenus qui ont fui la Syrie. Dans ce cadre-là nous accueillons l’engagement de ceux que nous avons rencontré au Parlement Européen afin de soutenir nos appels pour un réel progrès sur le dossier des détenus en Syrie. Nous avons aussi appelé l’Union Européenne à l’établissement d’un Tribunal Spécial pour la Syrie afin d’apporter dans ce pays la justice et le sens de responsabilités dont il aurait tellement besoin ».

Il s’en suivit finalement une discussion sur le plan d’action qui prendra forme dans les prochains jours sur l’appel de l’Union Européenne à progresser sur la cause des détenus Syriens, ainsi que sur de nombreux autres points appartenant à la situation des détenus à l’intérieur des centres de détention.

A propos du Working Group for Syrian Detainees

Le Working Group for Syrian Detainees (Le Groupe de Travail pour les Détenus Syriens) est un groupe qui fait partie de la société civile syrienne, qui se concentre sur les abus et les violations contre les détenus en Syrie, et qui informe sur les détenus et leurs dossiers à l’intérieur de nombreux centres de détention. Il suit l’état moral et psychologique des détenus après leur libération pour les aider à s’intégrer positivement dans la société.

L’appel de Shiyar Khaleal, porte-parole de “Détenus d’abord” : “Les syriens méritent un futur libre de toute tyrannie”

13173116_1204431332902910_4281646736751400093_o[Par Shiyar KHALEAL]

Je me considère chanceux d’avoir survécu à l’épreuve de l’emprisonnement dans un des centres de détention de Bachar el-Assad. Depuis le début de la révolution Syrienne, en mars 2011, des centaines de milliers de personnes innocentes ont été arrêtées et retenues illégalement pour les mêmes motifs que ceux pour lesquels j’ai été accusé : la recherche de la liberté, de la démocratie et d’un gouvernement qui puisse rendre des comptes à son peuple. La vaste majorité de ceux qui ont été arrêtés n’ont pas survécu à leur détention et ne sont en conséquent pas capables de rapporter toutes les horreurs qu’ils ont vues et expérimentées. Et pour chaque personne tuée lors d’une incarcération, des milliers d’autres languissent dans une captivité où elles passent par la famine, la torture, et trop souvent par la violence sexuelle. L’ancien chef procureur de la Cour spéciale de Sierra Leone, Desmond Lorenz de Silva, a comparé la torture à l’intérieur des prisons d’Assad à « du meurtre à échelle industrielle »

Tandis que l’attention du monde se porte sur l’issue de l’élection des Etats-Unis, le 16 novembre j’ai voyagé à Bruxelles avec une délégation d’avocats défenseurs des droits humains des Syriens, ainsi que des anciens détenus pour rencontrer des diplomates européens d’expérience. Notre message est clair : appeler l’Europe à devenir un véritable partenaire moral du peuple Syrien et paver la route pour une nouvelle approche compréhensive de la Syrie. C’est aujourd’hui encore plus important étant donné le résultat des élections américaines. Notre délégation à Bruxelles porte la responsabilité d’être la porte-parole de tous ceux qui ont péri en détention. Ces personnes sont toutes une sorte de rappel constant de pourquoi nous, Syriens, sommes tout d’abord venus dans les rues, et pourquoi notre révolution perdure.

Les efforts pour assurer la libération des détenus sauveront des vies et aideront à débloquer certains efforts pour atteindre une solution politique. Le peuple syrien a demandé à de nombreuses reprises de libérer ces détenus dans l’optique de reconstruire une certaine confiance. Accomplir des progrès sur le dossier des détenus demeure un moyen de recommencer des négociations significatives pour une transition politique.

La justice et la paix en Syrie apporteront aussi plus de sécurité en Europe. La crise des migrants et la montée des attaques terroristes montre que l’Europe n’est pas isolée de la crise en Syrie. Cependant, ni le terrorisme ni la crise des migrants ne seront résolus sans réelle responsabilité de la Syrie. Sans des pas concrets pour s’occuper de la culture de l’impunité en Syrie, il y a un risque sérieux de voir le peuple syrien perde espoir en des principes tels que ceux des droits humains internationaux et la loi humanitaire. Un tel environnement ne fera qu’attiser le conflit.

C’est donc dans l’intérêt de l’Europe de s’assurer des conséquences des violations de ces droits humains et de mener des nouveaux efforts pour libérer tous les Syriens détenus sans aucuns droits. Il y a des pas concrets que l’Union Européenne peut faire pour garantir la justice et la responsabilité du peuple Syrien. Par exemple l’Union Européenne et ses Etats membres devraient mener un effort dans l’Europe et dans l’assemblée générale des Nations Unies pour que soient mis en place des dispositifs d’aide et de contrôle internationaux, tels que le Comité International de la Croix Rouge, pour avoir un accès immédiat à toutes les installations de détention syriennes, incluant des installations secrètes contrôlées par des milices étrangères. Comme l’horrible portrait de César le dépeint, certaines des formes les plus sévères de « justice » d’Assad sont distribuées avec une régularité intimidante dans ces installations mêmes, avec des détenus systématiquement sujets au viol, à la torture, à la famine, à la suffocation, et à des blessures par balle.

Tandis que la responsable des affaires étrangères de l’Union Européenne Federica Mogherini intensifie son engagement régional, nous l’appelons à pousser le régime – ainsi qu’à ses maîtres à Moscou et Téhéran – à suspendre tous les ordres d’exécution dans les centres de détention. Les auteurs de kidnapping, de torture et d’exécution de personnes innocentes doivent être tenus pour responsables. Cette responsabilité n’aidera pas seulement la volonté des victimes d’obtenir justice, mais elle empêchera d’autres crimes d’être commis dans le futur, sur le court terme et aussi dans l’optique d’apaiser la violence actuelle.

L’Europe a une longue et vénérable histoire en ce qui concerne son soutien aux efforts mis en place pour accomplir une justice qui fasse transition pour les victimes de crimes de guerre. Elle sert d’hôte à la Cour Criminelle Internationale, la Cour Internationale de Justice, ainsi qu’à d’autre tribunaux mis en place pour assurer la justice envers des victimes de crimes de guerre. Il est temps pour l’Europe de montrer ces mêmes qualités de leader dans sa recherche active pour protéger et apporter de la justice à tous les Syriens. Ceci doit être un message univoque de la part des dirigeants européens au président fraîchement élu Trump.

Les Syriens méritent un futur où ils puissent vivre en sécurité, libres de toute tyrannie et de la peur de bombes lancées à tort et à travers. Mais tant que des centaines de milliers de Syriens sont détenus illégalement, aucun Syrien n’est libre. C’est pourquoi nous avons besoin de l’Europe pour se mettre debout et assurer le fait que ceux qui sont responsables des abus et des tortures à l’intérieur des prisons Syriennes seront traduits en justice. Une responsabilité et une justice de transition sont des éléments essentiels pour garantir une Syrie libre pour tous les Syriens.

 

Traduction par Johanna Galis.

 

 

Avec l’agence Frontex, l’Europe fait la guerre aux migrants

[Par Johanna GALIS]

L’agence de contrôle des flux migratoires européens Frontex risque d’obtenir des pouvoirs plus étendus lors d’un vote au Parlement européen. L’occasion de revenir sur le fonctionnement clair-obscur de cette agence – citée dans les médias sans mécanique explicite développée -, pourtant l’une des pièces maîtresse de l’échiquier du flux des migrants vers les frontières.
Le déploiement des fonctionnalités propres à Frontex, créé en 2004, a permis au mythe de la crise migratoire dite dangereuse de prendre toute son ampleur. La campagne Frontexit (www.frontexit.org), menée par plus de vingt et une organisations européennes et africaines d’aide aux étrangers et aux immigrés, incite à prendre plus de recul sur les réalités de la crise migratoire actuelle, et à ainsi démanteler l’étendue de plus en plus accrue des pouvoirs donnés à cette agence.

© Frontexit.org

© Frontexit.org

Frontex, symbole d’un regard anti-démocratique

De nombreuses idées reçues sont véhiculées par les dirigeants européens contre les migrants. Les moyens financiers ne manquent pas : Frontex, soit l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (en abrégé : Frontières Extérieures) a vu son budget exploser en une dizaine d’années (19 millions d’euros en 2006 pour 114 millions d’euros en 2015).

Frontex, dont le siège est à Varsovie, a développé une politique de dénigrement du migrant qui a pris place par des moyens techniques – création de hotspots, afflux de moyens militaires maritimes et terrestres, systèmes de recueil de données, technologies pointues allouées aux garde-frontières pour répondre à leurs besoins – sur les frontières-mêmes des pays européens.
Et pourtant, l’agence aurait pu considérer l’arrivée des migrants d’un tout autre œil : en effet, l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme consacre la libre circulation de tout à chacun en garantissant le droit de quitter tout pays, même le sien, et d’y revenir. Son budget aurait pu servir, par exemple, à créer des ponts fermes entre les migrants et leurs pays d’accueils, des ports d’attache techniques et technologiques, pour que soit facilitée leur insertion.
Frontex est en quelque sorte le symbole du regard anti-démocratique porté par les Etats-membres de l’Union Européenne sur l’arrivée des migrants dans leurs pays. En effet, d’un fonctionnement obscur, l’agence a une personnalité juridique : elle peut signer des accords avec des pays non européens sans contrôle démocratique des Etats signataires, des parlements nationaux et du Parlement européen. Elle peut ainsi être susceptible de modifier la politique migratoire de pays hors de l’Europe de manière à influencer le flux des migrants.

©migreurop.org

©migreurop.org

La campagne Frontexit, pour plus de transparence

La campagne Frontexit soulève deux questions importantes qui n’ont jusqu’à aujourd’hui pas encore été élucidées.
Frontexit le dit noir sur blanc : la question fondamentale de la responsabilité de l’agence dans les actions qu’elle mène n’est toujours pas claire : qui est responsable en cas de violation du droit des migrants, entre l’agence, l’Etat hôte d’une opération, ou l’Etat dont relève l’agent qui a commis la faute ? Quels sont les mécanismes effectifs mis en place pour garantir l’accès des migrants à l’exercice de leurs droits ?
Le Parlement Européen décide le mercredi 6 juillet si Frontex peut s’arroger de pouvoirs encore plus grands en partageant ses données avec Europol, un office de police intergouvernemental qui facilite l’échange de renseignements entre les polices nationales. Le thème-clé de cet échange serait la diffusion de données à visée de lutte contre le terrorisme.
Si l’agence était en liaison directe avec Europol, elle serait ainsi plus en mesure de confondre les intentions des migrants avec celles de terroristes.

La campagne Frontexit apporte un éclairage important sur les dérives d’une agence très souvent citée dans sa relation aux flux migratoires, mais dont le fonctionnement est malheureusement trop peu connu. Il s’agirait maintenant de faire encore plus attention au fonctionnement de ce qui est considéré comme une « crise migratoire » pour démanteler les à prioris véhiculés par les Etats européens, et leurs organismes.

Burundi, un face à face financier avec l’UE

[Par Yvette MUREKASABE]

Le 8 décembre à Bruxelles, une délégation de 18 personnes envoyées par le Burundi participera aux consultations prévues par l’article 96 de l’accord de Cotonou de l’Union Européenne.

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Pierre Nkurunziza (source: rfi.fr)

Le gouvernement burundais accepte ce face à face avec l’Union Européenne après avoir été invité par la commission il y a de cela un mois. Ces consultations peuvent découcher sur des sanctions à l’endroit du Burundi en cas d’échec.

L’ambassadeur de l’Union Européenne à Bujumbura a accepté de donner 45 millions Fbu (monnaie locale du Burundi) pour frais de voyage et de séjour au ministre des finances du budget et de la privatisation. Ce dernier avait adressé une requête aux vingt-huit pays de l’Union Européenne suite aux difficultés financières que connaît le pays.

Les relations sont tendues entre le pouvoir de Bujumbura, la capitale du Burundi, et l’Union Européenne depuis que le chef de l’état Pierre Nkurunziza a brigué un troisième mandat illégitime.

Actuellement, Nkurunziza accepte de négocier de crainte de voir l’Union Européenne suspendre son aide financière, premier donateur du Burundi. Un pays en crise dont plus de 50% du budget dépend de l’étranger.

BELGIUM EU NEW COMMISSION BUILDING

La Commission européenne à Bruxelles (source: conseil-economique-et-social.fr)

Après plus de huit mois de crise politique, ce petit pays de l’Afrique de l’Est continue de s’engouffrer dans l’isolement suite à l’entêtement de ses dirigeants. Ce mercredi 3 décembre, l’Association des parlementaires européens partenaires d’Afrique (AWEPA ) a fermé ses portes à Bujumbura: « Il est impossible de développer des programmes avec un parlement issu d’élections qui ne remplissent pas les standards démocratiques reconnus internationalement », regrette Lydia Maximus sénatrice belge de l’AWEPA. Le Burundi perd un autre partenaire important de longue date.