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Blaise Compaoré : Game over

[Par Armand IRE’]

Il a fallu attendre 27 ans pour que l’auteur de l’un des putschs des plus sanglants que l’Afrique ait subi passe à la trappe de l’histoire. La rue burkinabé a eu raison du plus grand déstabilisateur de la région ouest africaine. Vendredi 31 octobre 2014, jour historique pour l’Afrique de l’ouest. Sommes-nous cependant sortis de l’auberge ?

Alassane Ouattara et Blaise Compaoré (source : http://news.abidjan.net/)

Alassane Ouattara et Blaise Compaoré (source : http://news.abidjan.net/)

C’est à Yamoussoukro district, capitale dans le centre ivoirien, région natale de son épouse Chantal que Blaise Compaoré après moult péripéties a posé ses valises après son départ du pouvoir. Officiellement, il a démissionné, mais nous savons qu’il a été contraint au départ par le peuple burkinabé qui est massivement sorti pour barrer la route à la modification de l’article 37 de la constitution de ce pays, modification qui devait permettre à l’ex-homme fort d’Ouaga de briguer un énième mandat présidentiel. Celui qui a soutenu le viol de la constitution ivoirienne pour permettre l’installation de son « protégé » au palais d’Abidjan n’a pas réussi à berner à nouveau ses compatriotes.

 

Pays en coupe réglée

Thomas Isidore Sankara (source : lefaso.net)

Thomas Isidore Sankara (source : lefaso.net)

Le « Beau Blaise » comme on l’appelle dans le milieu politique et diplomatique n’est pas monté sur le tapis rouge de manière décente. En octobre 1987, il est l’auteur d’un coup d’état qui emporte son meilleur ami et président de la république du Faso, l’inégalable et inoubliable capitaine Thomas Isidore Sankara. Compaoré poursuivra sa purge en envoyant au poteau pour fusillade ses compagnons Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo. Seul désormais aux commandes il accapare son pays qui constitue la base arrière de toutes les rebellions ouest-africaines. L’homme des basses besognes de la communauté internationale dans la région c’est lui, le pyromane-pompier qui déstabilise et devient ensuite médiateur. L’armée burkinabée est à ses pieds et les contestataires se retrouvent au cimetière avec l’aide de son cadet François Compaoré dont on aurait retrouvé des restes humains dans sa résidence lors de la chute du régime de son frère.

Norbert Zongo (source : rfi.fr)

Norbert Zongo (source : rfi.fr)

Les opposants et journalistes envoyés ad-patres, le Burkina en compte un bon nombre. Le plus célèbre est le journaliste Norbert Zongo qui a osé enquêter sur la famille Compaoré suite au meurtre inexpliqué de David Ouédraogo le chauffeur de François Compaoré. Le journaliste a été brûlé vif dans sa voiture en compagnie de trois de ses compagnons à quelques kilomètres de Ouagadougou. Les coupables n’ont jamais été inquiétés.

 

 

Parti… mais trop proche

Allassane Dramane Ouattara (source : abidjan.net)

Allassane Dramane Ouattara (source : abidjan.net)

Blaise Compaoré a quitté le Burkina-Faso, mais se trouve à un vol d’oiseau de la capitale burkinabée d’où il est parti avec 27 véhicules. Il a trouvé refuge chez quelqu’un qui lui doit beaucoup, Allassane Dramane Ouattara, l’actuel homme fort d’Abidjan. A Ouagadougou, la transition est chaotique, les proclamations, déclarations et autoproclamations se succèdent. Nul ne sait qui dirige véritablement le pays aujourd’hui. Des militaires fidèles à Compaoré ont pris les commandes de l’état sous la grogne de l’opposition. L’armée burkinabée est en train de voler la révolution du peuple au grand dam de l’union africaine qui somme les militaires de remettre sans conditions le pouvoir aux civils. Alors que plusieurs ivoiriens grognent et demandent le départ de Blaise Compaoré du pays et sa remise à la CPI pour son rôle supposé dans la crise ivoirienne, le nouveau locataire du « Giscardium » de la « villa des hôtes » de Yamoussoukro pense sans doute à tous ceux dont il a été le bras séculier pour de basses besognes et qui l’ont tous lâché aujourd’hui.
Rideau sur un éternel putschiste.

 

Crimes contre l’Humanité : L’histoire du Rwanda jamais contée

[Par Sintius MALAIKAT]

La Journée des Nations Unies marque l’anniversaire de la fondation des Nations Unies, le 24 octobre 1945 à la suite de la Seconde Guerre mondiale. L’institution mondiale a été créée afin de préserver les générations futures du fléau de la guerre et des crimes contre l’humanité, comme le génocide dans le monde, de réaffirmer la foi des pays membres envers les droits fondamentaux de l’homme dans le monde, de favoriser le progrès social et d’ instaurer de meilleures conditions de vie pour une liberté plus grande et plus sécurisée pour tous.

La Journée des Nations Unies est aujourd’hui célébrée dans les 192 États membres des Nations Unies. Le drapeau des Nations Unies est arboré symboliquement dans les lieux publics. En cette journée, des rencontres et des débats sérieux sont organisés sur la place publique traitant de questions sur lesquelles travaillent les Nations Unies. Des propositions y sont également formulées quant à la façon de résoudre les problèmes mondiaux par la coopération internationale. La Journée des Nations Unies donne la possibilité aux groupes et aux particuliers de mieux connaître les activités et les réalisations des Nations Unies et de relever les défis auxquels tous les pays sont confrontés au 21e siècle.

Dans le documentaire, le chef de l'Etat Paul Kagame est accusé d'être le commanditaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana (source : Rfi)

Dans le documentaire, le chef de l’Etat Paul Kagame est accusé d’être le commanditaire de l’attentat contre l’avion de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana (source : Rfi)

Au Rwanda : En 1994, le pays a connu “le génocide”, crime contre l’humanité. Lors de la 20ème commémoration du génocide, le Secrétaire Général de l’Onu, Ban Ki-Moon, présent à l’événement, a reconnu la faiblesse de la communauté internationale qui a « assisté » de loin à ce qui se passait. « Nous aurions pu faire beaucoup plus. Nous aurions dû faire beaucoup plus… »
Le 1er octobre, la BBC diffuse Rwanda’s untold story, « L’histoire du Rwanda jamais contée ». Un documentaire à charge contre le président rwandais Paul Kagame, l’accusant de crimes de guerre pendant le génocide, de massacres au Congo, d’assassinats politiques et d’être responsable de l’attaque contre l’avion du président Habyarimana. Dans ce film, Marie, jeune femme belgo-rwandaise hutu témoigne des atrocités commis par l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) contre des réfugiés rwandais hutus qui étaient en République Démocratique du Congo entre 1996-1998. Très triste, en larmes, Marie condamne la communauté internationale qui n’a joué aucun rôle pour empêcher les crimes contre les hutus : « C’était l’apocalypse. C’était la fin du monde. Un jour je me suis demandée : si la Communauté Internationale existe, pourquoi sommes-nous en train de mourir comme ça sans aucune aide ? … il fallait tuer le plus grand nombre possible de réfugiés hutus …et on les tuait parce qu’ils étaient nombreux. » Aujourd’hui, le film documentaire a fait polémique ; des manifestations ont été organisées au Rwanda contre la BBC et le parlement rwandais demande la suspension de la diffusion des émissions de la BBC au Rwanda. Finalement, ce 24 Octobre, l’Agence Rwandaise de Régulation, RURA décide de suspendre toute émission de la BBC en langue nationale.

En Centrafrique : L’Amnesty international dénonce des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les deux parties en conflit.

Laurent Gbagbo (source : apricainfo.com)

Laurent Gbagbo (source : apricainfo.com)

En Côte d’Ivoire : La crise de 2010-2011 a commencé quand le président Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle de 2010 face à l’actuel chef d’Etat, Alassane Ouattara.
Dans son mandat d’arrêt, la CPI estime qu’il est raisonnable de croire que cet ancien fer de lance des violentes manifestations antifrançaises en 2003 et 2004 recevait des instructions de la part de Laurent Gbagbo, qui comparaît également devant les juges de la CPI, dans le cadre d’un “plan commun”, pensé par M. Gbagbo et son entourage. Il donnait des instructions directement aux jeunes qui étaient systématiquement recrutés, armés, formés et intégrés à la chaîne de commandement des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS) et Il a été surnommé “général de la rue” ou encore “ministre de la rue” pour sa capacité de mobilisation.
La Cour a également émis un mandat d’arrêt contre son épouse Simone, mais Abidjan refuse de la transférer à La Haye, avec pour motif que la justice ivoirienne est désormais en capacité d’assurer équitablement son procès. Inculpée le 18 août 2011 pour atteinte à la défense nationale, attentat ou complot contre l’autorité de l’État, constitution de bandes armées, direction ou participation à un mouvement insurrectionnel, trouble à l’ordre public ou encore rébellion, elle a vu, en février 2012, les charges retenues contre elles s’étendre à des “faits de génocides”.
Plus de 90 pro-Gbagbo sont jugés à partir du 22 octobre. Ils sont poursuivis pour leur rôle dans la crise postélectorale de 2010-2011. Outre Simone Gbagbo, l’ex-première dame et plusieurs personnalités de haut rang sont concernées. Qui sont-ils et que leur reproche la justice ivoirienne ? Si certains devront un jour répondre des chefs de génocide ou de crimes économiques, le procès qui a démarré ne concernera que l’accusation d'”atteinte à la sûreté de l’État”.

Uhuru Kenyatta (source : telegraph.co.uk)

Uhuru Kenyatta (source : telegraph.co.uk)

Au Kenya: Le président kényan Uhuru Kenyatta a comparu devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, le 8 Octobre, où l’un de ses avocats a demandé l’abandon des poursuites pour crimes contre l’humanité à son encontre. “Ce n’est pas le moment d’affaiblir un pays et une région en renvoyant un président en justice” Le monde livre une terrible bataille contre des terroristes insurgés radicaux dont l’intention est de détruire notre mode de vie. La Corne de l’Afrique et l’Afrique de l’Est sont un théâtre crucial de cette même guerre.
Il y a un an, réunis en sommet extraordinaire à Addis-Abeba, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine avaient pareillement demandé le report du procès en s’inquiétant de voir la CPI pratiquer la règle du “deux poids, deux mesures” en concentrant ses procédures sur l’Afrique tout en ignorant les crimes commis dans d’autres régions du monde.
Elu à la présidence du Kenya en mars 2013, Uhuru Kenyatta est accusé d’avoir co-orchestré les violences à caractère ethnique qui ont fait 1.200 morts après l’élection présidentielle de décembre 2007, remportée par Mwai Kibaki.
Le crime contre l’humanité est sans doute le procès du siècle aujourd’hui, le genre d’événement qui tient tout un peuple en haleine. C’est pourquoi le monde aujourd’hui doit s’ unir contre les crimes contre l’humanité partout dans le monde : au Rwanda, au Congo, en République Centrafrique, en Côte d’Ivoire, au Soudan et contre la menace que font peser les groupes armés contre l’Afrique de l’Est, à commencer par les miliciens islamistes somaliens AL-Chabaab qui ont tué 67 personnes dans un centre commercial de Nairobi en septembre dernier.

Onze ans après sa création, la CPI n’a prononcé que deux condamnations contre deux ex-chefs de guerre de la République démocratique du Congo, Thomas Lubanga et Germain Katanga. D’autres procédures sont en cours, notamment contre Jean-Pierre Bemba du Congo Kinshasa et le président Soudanais Omar Hassan al Bachir et l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, en attente de son procès. Des enquêtes sont ouvertes sur la situation au Mali ou bien encore en Centrafrique.
Le bureau du procureur effectue parallèlement des examens préliminaires dans un certain nombre de pays dont l’Afghanistan, la Géorgie, la Colombie, le Honduras et la Corée du Sud. Mais ils n’ont pas encore débouché sur des affaires.

Germain Katanga (afriqueredaction.com) et Thomas Lubanga (afriqinter.com)

Germain Katanga (afriqueredaction.com) et Thomas Lubanga (afriqinter.com)

Côte d’Ivoire : Le grand « exorcisme » ?

[Par Armand IRE’]

Judiciairement le compte à rebours démarre sur la vérité de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Du côté de la Cour Pénale Internationale (CPI), l’autre bras de la justice des vainqueurs et du pouvoir d’Abidjan, les dates se mettent en place pour juger les présumés coupables de la sanglante et brève guerre d’après élection de 2010. Elle est elle-même résultante de la rébellion armée de 2002 et de règles électorales mal ficelées. La justice nationale et internationale réconciliera-t-elle un pays en lambeaux ?

Laurent Gbagbo (source : cameroonvoice.com)

Laurent Gbagbo (source : cameroonvoice.com)

A la CPI, en attente de jugement après la confirmation des 4 chefs d’accusation à son encontre après une longue procédure de confirmation des charges (la plus longue de l’histoire de la cour pénale internationale), Laurent Gbagbo sera fixé sur la date exacte du début de son procès à partir du 4 novembre, après la conférence de mise en état. L’ancien président  de la République de Côte d’Ivoire est incarcéré depuis plus de trois ans au pénitencier de Scheveniggen, dans la banlieue de La Haye aux Pays-Bas.

A Abidjan les autorités ivoiriennes ont fixé le procès de 83 anciens proches collaborateurs et partisans de Laurent Gbagbo au 22 novembre 2014. Parmi ces personnalités qui passeront aux Assises, il y a : Simone Gbagbo son épouse, son dernier premier ministre  l’universitaire et économiste Gilbert Aké M’bo, Pascal Affi Nguessan ancien premier ministre et président du FPI, le parti de Laurent Gbagbo, et Aboudrahamane Sangaré ami de combat et intime du reprouvé de Scheveniggen.

L’opposition dénonce un procès politique et accuse Allassane Dramane Ouattara de refuser une véritable compétition électorale lors de la présidentielle de 2015.

Des jurés contestés pour des raisons ethniques

Pascal Affi N’guessan (source : free.niooz.fr)

Pascal Affi N’guessan (source : free.niooz.fr)

Lors d’un point de presse tenu le lundi 20 octobre au siège provisoire de son parti à Abidjan, Pascal Affi N’guessan (qui bénéficie d’une liberté provisoire) a stigmatisé la duplicité du gouvernement. Face aux journalistes, le président du principal parti d’opposition s’est interrogé en ces termes : « ce procès est-il nécessaire ? En quoi contribue t-il à la normalisation, à la paix et à la réconciliation nationale ? Comment le gouvernement peut-il dire, à l’issue du dernier conseil des ministres, qu’il continue de tendre la main à l’opposition et ouvrir en même temps les portes des prisons pour y conduire les opposants et les enfermer à perpétuité ? ». Il aussi dénoncé la mise en place d’un jury ethnique puisque selon lui tous les jurés à ce procès sont « des membres de l’ethnie de l’actuel chef de l’Etat. »

Une réconciliation très incertaine

 Jean-Pierre Bemba (source : jeuneafrique.com)

Jean-Pierre Bemba (source : jeuneafrique.com)

La réconciliation n’est pas pour demain dans un pays qui peine toujours à retrouver sa cohésion suite à une crise politico-militaire aiguë qui perdure depuis 1999 et dont les points principaux sont la rébellion de 2002 et la sanglante crise postélectorale de 2010. A moins que la justice ne réussisse là où la politique a échoué… mais pour cela il aurait fallu tant à la CPI qu’à Abidjan juger les véritables coupables de la crise ivoirienne. Ces procès vont donc s’ouvrir au moment où dans des cercles avisés l’on se demande si la Cour Pénale Internationale donnera l’autorisation à Laurent Gbagbo d’assister aux  obsèques de sa mère décédée 3 jours après son retour d’exil de plus de trois ans du Ghana voisin. Ses partisans qui le réclament aux obsèques soulèvent la « jurisprudence Bemba » du nom de l’homme politique congolais Jean-Pierre Bemba qui avait pu sortir de la CPI pour assister aux obsèques de son père en 2009.

 

Des apatrides en Côte d’Ivoire : réalité ou fiction politique ?

[Par Armand IRE’]

La célèbre cantatrice Barbara Hendricks, revenue d’une mission en Côte d’Ivoire pour le compte du Haut Commissariat Réfugiés – HCR- dont elle est ambassadrice de bonne volonté, a brossé un tableau peu reluisant de la situation des apatrides dans ce pays.

Visite de Mme Barbara Hendricks, Ambassadrice de bonne volonté pour le HCR au bureau de Côte d'Ivoire Cote d'Ivoire  (source : http://data.unhcr.org/)

Visite de Mme Barbara Hendricks, Ambassadrice de bonne volonté pour le HCR au bureau de Côte d’Ivoire Cote d’Ivoire (source : http://data.unhcr.org/)

Selon la chanteuse et les nouvelles autorités ivoiriennes, ceux-ci sont au nombre de 700.000. Les « apatrides ivoiriens », sujet qui suscite bien des débats et qui a occupé une part non négligeable dans les causes de la crise ivoirienne. Retour sur un sujet brûlant, objet d’une communication lors de la conférence sur l’apatridie organisée le lundi 29 septembre 2014 à Paris par le HCR et le journal Le Monde diplomatique.
Dans un pays qui vit une vive tension politique découlant d’une crise armée qui a débuté en 2002, avec au centre la question de l’éligibilité d’un candidat qualifié d’étranger, il faut marcher sur des œufs lorsqu’il s’agit d’aborder l’épineuse question de l’apatridie. Lors des fameux accords de Linas-Marcoussis, accords signés dans le cadre de la résolution de la crise et difficilement appliqués par les partis en conflit, la question des apatrides avait été mise sur le tapis. Selon la table ronde initiée par le Président français d’alors Jacques Chirac, il fallait à tour de bras naturaliser des personnes, qui en disposition des articles 17 à 23 de la loi 61-415 abrogée par la 72-852, font des personnes nées en Côte d’Ivoire de parents étrangers, des Ivoiriens qui (dans le cadre du droit du sol qui a cédé la place ensuite au droit du sang) n’ont pas exercé leur droit à la nationalité ivoirienne mais sont devenus des Ivoiriens de facto. Le paradoxe ici, pour qui connaît ce pays de l’Afrique de l’ouest, c’est qu’il avait, avant la guerre, un bon état civil. Les personnes n’ayant pas pu bénéficier d’une déclaration de naissance pouvaient obtenir un jugement supplétif par voie de justice et cela d’une manière simplifiée. Des audiences foraines se sont déroulées sur toute l’étendue du territoire, malgré quelques soubresauts et ce pour permettre à chaque Ivoirien d’avoir une identité. Alors, d’où viennent ces nombreux apatrides ? Il va sans dire que cette récurrente question des apatrides en terre ivoirienne répond à des visées électoralistes.

Désormais une simple déclaration suffit
Il fallait créer un « bétail » électoral acquis à la cause du chef de l’état ivoirien actuel dont la nationalité a toujours été sujette à caution car, pendant longtemps, il a bénéficié de la nationalité burkinabée et ce, jusque dans l’exercice de fonctions de prestige et à l’international lorsqu’il était le représentant de l’Afrique au FMI dans les années 80. Avoir le courage de dire qu’il faut naturaliser plus d’un million de burkinabés qui vivent en Côte d’Ivoire depuis des décennies et qui n’ont jamais manifesté le désir d’être Ivoiriens, comme le stipule le code de nationalité, est, comme on le dit à Abidjan « le vrai point » de cette campagne médiatique sur les apatrides. De toute façon, désormais en Côte d’Ivoire l’acquisition de la nationalité en dehors du droit du sang ne passe plus par la naturalisation mais par une simple déclaration et ce depuis le 23 août 2013. Résultat d’une loi votée par les députés et qui a entraîné une véritable colère de plusieurs élus de ce parlement monocolore et de l’opposition mais surtout de la population.
L’Apatridie est un fléau qui existe dans le monde et qui touche dix millions de personnes. En embouchant la trompette de la lutte contre ce fléau, le Haut Commissariat des Refugiés-HCR- et ses partenaires tel que l’OFPRA-Office Français de Protection des Refugiés et Apatrides- et des organisations des Droits de l’Homme entendent mettre fin au calvaire de millions de personnes qui n’ont pas d’existence officielle. Un exemple, celui de l’Ouzbèque Anastasia Trévogin qui parce que, née dans un avion entre Moscou et Tbilissi, n’a jamais pu avoir un pays à cause de la dislocation de l’URSS. Son histoire, qui cependant s’achève bien grâce à la France est celle, sans heureux dénouement, de dix millions d’apatrides dans le monde parmi lesquels l’on a parfois compté des personnalités célèbres comme Daniel Cohn-Bendit qui a recouvré sa nationalité allemande il y a seulement quelques années.

Daniel Cohn-Bendit  (source : commons.wikimedia.org)

Daniel Cohn-Bendit
(source : commons.wikimedia.org)

 

 

Apatrides, ils seraient 10 millions selon l’UNHCR : Comment vivre sans exister ?

[Par Sékou Chérif DIALLO]

La résolution du problème d’apatridie dans le monde reste un défi majeur pour le XXI e siècle. On estime actuellement à quelque 10 millions le nombre d’apatrides dans le monde.

UNHCR

L’auditorium du Monde, 80 boulevard Blanqui à Paris, a accueilli le lundi 29 septembre 2014 une conférence-débat sur la problématique de l’apatridie dans le monde. En présentant l’état des lieux, les défis, les causes, les conséquences mais aussi les stratégies pour éradiquer l’apatridie, les conférenciers ont mis ainsi un accent particulier sur cette question cruciale de la dignité humaine et des dispositions juridiques qui protègent cette catégorie marginale d’êtres humains.

Un moment de la conférence-débat à l’auditorium de Le Monde (photo crédits : Pierre Toh)

Un moment de la conférence-débat à l’auditorium du Monde (photo crédits : Pierre Toh)

Concernant les dispositions juridiques, il a été précisé que la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie constitue un ensemble d’instruments juridiques essentiels pour la protection des apatrides dans le monde et pour la prévention et la réduction des cas d’apatridie. Bien que complétées par des normes découlant de traités régionaux et par le droit international des Droits de l’Homme, ces deux conventions sur l’apatridie sont les seules au monde dans leur genre.

Barbara Hendricks, ambassadrice de bonne volonté honoraire à vie auprès du HCR, source unhcr.fr

Barbara Hendricks, ambassadrice de bonne volonté honoraire à vie auprès du HCR, source unhcr.fr

De retour de Côte d’Ivoire pays, qui compte l’une des plus importantes populations apatrides de tout le continent africain (700 000 personnes selon les estimations de HCR), Barbara Hendricks, ambassadrice de bonne volonté honoraire à vie auprès du HCR présentera de façon émouvante les témoignages des personnes apatrides rencontrées sur le terrain. Impossible pour ces personnes d’avoir des documents d’identité, de scolariser leurs enfants, de trouver du travail, d’ouvrir un compte bancaire… autant d’obstacles insoutenables qui se dressent devant ces populations qui vivent sans nationalité. Malgré la ratification en octobre 2013 par la Côte d’Ivoire des deux conventions relatives à l’apatridie, la question reste préoccupante.

UNHCR

L’apatridie comme une conséquence de la dissolution de certains états a été illustrée lors de cette conférence par le témoignage de Anastasia Trevogin, originaire d’Ouzbékistan, reconnue apatride en 2008 après plus de dix ans de clandestinité en France. Un récit de vie qui relate un parcours difficile et plein d’obstacles. Jusqu’à 25 ans elle n’avait qu’un acte de naissance comme seule preuve d’identité. A l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, ndlr), les démarches relevaient d’un parcours du combattant pour justifier son apatridie, chose difficile, dans la mesure où il fallait démarcher des ambassades d’Ouzbékistan et de Russie pour qu’elles envoient un certificat prouvant qu’elle n’était pas ‘’l’une des leurs’’. Après l’obtention du statut d’apatride, Anastasia est restée pendant très longtemps cette femme qui vivait sans véritablement exister.

Les apatrides comme les réfugiés se trouvant dans une situation de précarité en rupture de lien avec leurs Etats ont tous besoin de protection. Le HCR est l’organe chargé d’aider les Etats à protéger les apatrides et à résoudre les situations d’apatridie non seulement parce que les problèmes des réfugiés et de l’apatride se recoupent parfois mais aussi parce que la protection des apatrides nécessite à maints égards une approche similaire à celle des réfugiés.

A cet effet, le HCR aide les Etats à mettre en œuvre la Convention de 1954. Elle offre des conseils techniques en matière de législation et un appui opérationnel afin de promouvoir l’instauration de procédures de détermination et de mesures visant à garantir les droits prévus dans la Convention. Malgré les multiples appels internationaux en faveur de l’adhésion des états à l’instrument juridique qu’est la Convention de 1954, très peu de pays sont actuellement parties prenantes de cet instrument (80 états à la fin de janvier 2014).

 

Côte d’Ivoire, Présidentielle 2015 : Retour à la case 2010 ?

[Par Armand IRE’]

Photo tirée de ceici.org

Photo tirée de ceici.org

On prend les mêmes et on recommence, serait-on tenté de dire au vu des récents développements de l’actualité préélectorale de 2015 en Côte d’Ivoire. Le renouvellement du bureau de la commission électorale indépendante-CEI- et les échauffourées inters-partis n’augurent pas d’un horizon arc-en-ciel pour les ivoiriens, traumatisés par plus de 10 ans de crise politique.

Les accord de Linas-Marcoussis [Image tirée de dailymotion.com / Ina.fr]

Les accord de Linas-Marcoussis [Image tirée de dailymotion.com / Ina.fr]

Une commission électorale consensuelle et équilibrée, voilà le vœu de l’opposition et de nombreux ivoiriens. Dans sa mise en place, cette commission qui date des accords de Linas-Marcoussis- du nom du centre national français de Rugby situé dans les communes éponymes où a eu lieu du 15 au 26 janvier 2003 la signature des accords inter-ivoiriens sensés ramener la paix en terre ivoirienne- présentait toutes les caractéristiques d’un détonateur à retardement. Commission uniquement composée alors par les partis politiques et mouvements armés signataires de l’accord. Ceux qui pour le pouvoir se sont étripés dans une guerre devaient donc arbitrer une compétition électorale à laquelle ils prenaient tous part. Charybde en Scylla.

Youssouf Bakayoko, la rebelote fatale ?

Youssouf Bakayoko / imatin.net

Youssouf Bakayoko / imatin.net

La suite est connue. Le mauvais arbitrage de la présidentielle de 2010 par toutes les entités institutionnelles chargées de valider le processus électoral aurait conduit à la mort, officiellement, de 3000 ivoiriens et personnes vivant en Côte d’Ivoire et de plus selon plusieurs décomptes quasi-officiels. N’ignorons pas les milliers d’exilés et refugiés. Celui par qui le malheur est arrivé s’appelle Youssouf Bakayoko, ancien député et ministre du Pdci-Rda, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire ; il avait, à trente minutes de minuit, heure qui marquait la fin des trois jours francs accordés par la loi à la commission électorale pour transférer les procès-verbaux des résultats au conseil constitutionnel , déclaré qu’ « il n’est pas encore minuit ». On le verra un jour plus tard prononcer des résultats globaux sans détails à l’hôtel du golf, QG de campagne d’Allassane Dramane Ouattara le candidat opposé au président sortant Laurent Gbagbo. Cette proclamation donnant Ouattara vainqueur est battue en brèche 24h après par Yao Ndré le président du conseil constitutionnel qui ensuite, avec détails et arguments, dénoncera des irrégularités dans le scrutin suite à une saisine de Laurent Gbagbo, notamment sur l’opacité et les attaques physiques poussées, perpétrées sur des électeurs et agents de bureau de vote dans le nord du pays par des partisans de l’actuel chef d’état ivoirien et qui étaient pour la plupart en armes.

Le poker menteur continue

Pascal Affi N'Guessan / fr.wikipedia.org

Pascal Affi N’Guessan
/ fr.wikipedia.org

La mise en place donc de la nouvelle commission électorale indépendante démontre que la Côte d’Ivoire est toujours en crise car cette institution est calquée sur celle issue des accords de Linas-Marcoussis comme nous l’avons écrit plus haut. Alors, pourquoi une telle commission dans un pays dont on dit qu’il est sorti de crise ? Les hommes politiques ivoiriens, toutes tendances, en acceptant ce remake qui a engendré des milliers de cadavres en 2010, sont loin de la volonté de leurs militants et du peuple ivoirien. La preuve, c’est que le FPI -Front populaire ivoirien- de Laurent Gbagbo a été au bord de l’implosion parce que son actuel président Pascal Affi Nguessan a décidé unilatéralement de l’entrée du parti dans cette commission. Un vote en interne a mis fin à cette crise intra muros qualifiée de séisme dans le paysage politique ivoirien et le parti est sorti de la CEI suite à la victoire du « non ». On assiste donc de nouveau à un vaste poker en Côte d’Ivoire. On met en place les ingrédients qui ont entraîné la déflagration de 2010 et on accuse tous ceux qui le contestent d’être des ennemis de la paix. Sans oublier qu’à tout moment,les armes peuvent tonner comme récemment à savoir le 19 septembre 2014 jour de la commémoration du déclenchement de la rébellion armée de septembre 2002. Ce jour-là, les nouvelles autorités ivoiriennes ont annoncé qu’Akouédo, la plus grande base militaire ivoirienne située dans la banlieue abidjanaise avait été attaquée. Croisons les doigts.

 

 

Côte d’Ivoire-Paris : l’affaire des « nounous esclaves » au tribunal de Nanterre

[Par Armand IRE’]

Elle s’appelle Sy Kadidia. Elle est de nationalité burkinabé et est la compagne attitrée de l’ex-chef de la rébellion ivoirienne, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro. Elle était à la barre du tribunal correctionnel de Nanterre en région parisienne le lundi 8 septembre 2014, pour trafic d’êtres humains, travail dissimulé et absence de bulletins de paie. Cette affaire qui a cours depuis 2008, l’oppose à deux de ses compatriotes qu’elle a engagées à son service et qui l’accusent de les avoir soumis à des traitements dégradants. Nous étions à Nanterre.

Tribunal correctionnel de Nanterre [Photo tirée de affiches-parisiennes.com]

Tribunal correctionnel de Nanterre [Photo tirée de affiches-parisiennes.com]

Allure guindée, démarche assurée, visage affublé d’une paire de lunettes de correction, Sy Kadidia a le visage serein lorsque, accompagnée d’une amie, elle quitte pour un temps court la salle d’audience, quelques minutes avant le début de son procès. Lorsqu’à sa sortie de l’ascenseur, nous tentons de lui arracher quelques mots, celle qui lui sert, on va dire, de garde du corps s’interpose. La compagne de Guillaume Soro file vers la salle d’audience. Quelques minutes après 15h, elle est appelée à la barre. Veste noire et pantalon assorti soutenu par une sorte de body blanc, Sy Kadidia vue de près est d’allure juvénile. Elle tente tant bien que mal de faire face à l’armada de questions parfois intimes que lui pose le juge. Pour elle, ses ex-employées sont bien ingrates. Elle les a nourries, logées, blanchies et voilà comment elle est récompensée. « Elles voyageaient en business class aux frais de mon mari », dira-t-elle en substance. Aux frais de son « mari » ou aux frais du contribuable ivoirien ?

Alain Lobognon et de fausses attestations

Alain Lobognon veut les CAN 2019 et 2021 pour la Côte d'Ivoire. [Photo tirée de rti.ci]

Alain Lobognon  actuel ministre des sports de la Côte d’Ivoire.
[Photo tirée de rti.ci]

Tout commence en 2008. Guillaume Soro est alors Premier ministre suite aux accords de Ouagadougou. Son fils, aujourd’hui âgé de 7 ans, est victime d’une très grave maladie du sang : l’hémophilie. Sy Kadidia, la mère de l’enfant, l’envoie rapidement en France pour des soins. L’état du petit Soro demande une surveillance constante. Kadidia décide de prendre une nounou pour s’occuper de son fils. Les services de Guillaume Soro entrent alors en scène. Selon le juge dans sa présentation des faits, Alain Lobognon, actuel ministre des sports ivoirien, à cette époque conseiller spécial en charge de la communication à la Primature, aurait fait de fausses attestations où il présente Rosalie Nabi, la première nounou, et plus tard la seconde, comme des personnes travaillant pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire, et étant affectées à ce titre comme dames de compagnie de Kadidia. A la question du juge, à savoir pourquoi avoir produit ces attestations non conformes à la qualité des plaignantes, Sy Kadidia avouera que c’était dans le but de leur obtenir des visas. Traitées comme des esclaves de Ouagadougou, elle et sa patronne débarquent dans le 16e arrondissement, quartier chic de Paris, dans un trois pièces. Après plusieurs va et vient entre Ouaga , Abidjan et Paris, Sy Kadidia décide de s’installer en France : sa fille de 17 ans, issue d’une première union et qui vit avec elle à Ouaga, est française. Ce qui lui permet de bénéficier d’une carte de séjour. A Paris, le caractère acariâtre de Sy Kadidia atteint son paroxysme, selon les explications de Rosalie Nabi mais aussi de la seconde nounou, Marie Drabo qui, à un an d’intervalles a vécu le même calvaire que sa compatriote. Être au service de la compagne de Guillaume Soro n’est pas une partie de plaisir, disent-elles. Le salaire est dérisoire au vu du droit du travail en France et même au Burkina Faso. 45 euros (29.475 FCFA environ) de salaire mensuel selon les filles, 80 euros (52 400 FCFA environ) selon la version de Kadidia. On est bien loin du compte. Les deux travailleuses ne sont pas déclarées, elles n’ont aucun bulletin de salaire, travaillent dès le lever du jour et finissent tard dans la nuit. Malgré qu’elles n’aient pas vécu à la même période chez leur ex-patronne, leurs récits se rejoignent très souvent. Elles affirment manger les restes de leur patronne, veiller à l’hôpital Necker où était souvent hospitalisé le petit Soro. Elles n’ont pas droit à des congés, reçoivent des insultes lorsque dame Kadidia jugeait que leur cuisine n’était pas bonne. De véritables esclaves en somme selon leur avocat. Fatiguées de vivre ce calvaire, l’une a récupéré son passeport alors que sa patronne était sortie et l’autre a profité du fait qu’elle devait retirer un colis avec son passeport qui lui avait donc été remis par sa patronne… pour prendre le large.

Me David Desgranges avocat des nounous de la compagne de Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire. [Photo tirée de ivoirebusiness.net]

Me David Desgranges avocat des nounous de la compagne de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. [Photo tirée de ivoirebusiness.net]

Aujourd’hui, épaulées par le Comité contre l’esclavage moderne, elles ont porté plainte. Après la remarquable plaidoirie de leur avocat, Maitre David Desgranges, et le réquisitoire très dilué du procureur qui a requis trois mois de prison avec sursis et une amende de 5000 euros (3.275.000FCFA environ) à l’encontre de la prévenue, le tribunal a renvoyé son verdict au 6 octobre prochain. Le principal axe de la ligne de défense de Sy Kadidia est qu’elle ignorait tout du droit du travail en France. Selon elle, son compagnon a les moyens de lui permettre de payer ses employées en conformité avec le barème français. C’est la tête enveloppée d’un foulard blanc que l’épouse de Guillaume Soro a quitté le tribunal de Nanterre pour s’engouffrer à l’arrière d’une grosse cylindrée en compagnie de sa famille.