Les islamistes, une marque déposée en Algérie
/dans Afrique, Chroniques, Tribune Libre /par Larbi GraineL’image des islamistes est une « marque déposée » en Algérie. Nul ne peut y toucher sans se rendre coupable de félonie. C’est une image maudite et immuable qui annonce la condamnation à la perpétuité.
C’est ainsi qu’en a voulu le régime en place. Confronté à une opposition inédite, qui menace de l’emporter, le pouvoir algérien est en train d’engager en ce moment la bataille de l’image et de la mémoire autour de la guerre civile des années 1990. Au fur et à mesure que le mouvement anti-régime, Hirak, prend de l’envergure, les islamistes sont montrés du doigt comme les instigateurs sournois de cette insurrection populaire. Du coup, ils sont renvoyés à leur violence djihadiste. C’est eux qui seraient à la manœuvre pour manipuler les millions d’Algériens qui manifestent dans les quatre coins du pays. Comme le dit Gaston Bachelard « Les images ne sont pas des concepts. Elles tendent à dépasser leur signification. » Ainsi, la télévision d’État n’a pas lésiné sur les mises en scène en montrant des « terroristes ‘daechisés’ » tenant des propos selon lesquels ils seraient impliqués dans un projet violent au sein du Hirak. Depuis Bouteflika, et même au-delà, le récit sur les islamistes est sous contrôle, et il n’est pas jusqu’à la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » qui ne les considère comme les uniques responsables de la décennie sanglante. Aucune nuance n’y est permise. Le régime tente une énième division des populations en espérant voir des pans de la société se désolidariser du courant islamiste Rachad, qui s’est tenu à l’écart du système rentier. Ce qui confère à ce mouvement politique une certaine virginité politique par rapport à ses homologues islamistes corrompus et largement discrédités.
Que ce courant ait pu, depuis, évoluer dans le bon sens, ou qu’il ait pu aspirer à se conformer aux desiderata de la démocratie, ou même qu’il ait pu vouloir s’inspirer du modèle islamiste à la tunisienne; cela doit relever du domaine de l’impossible et de l’impensable. Si la presse algérienne était véritablement libre, elle aurait pu se faire l’écho des mutations de l’acteur islamiste qui outre, refuse lui-même l’étiquette d’« islamiste », affirme vouloir contribuer à bâtir un État de droit.
La transgression du « politiquement correct » par le journaliste El Kadi Ihsane
N’empêche, la presse algérienne recèle des individualités remarquables, qui de temps en temps, parviennent à briser la loi de l’omerta. Un petit article intitulé « Pourquoi la place de Rachad doit être protégée dans le Hirak » paru le 23 mars 2021, a mis sens dessous dessus le régime algérien. Signé par le journaliste et éditeur de presse électronique, El Kadi Ihsane (proche de la mouvance laïque), ce papier qui plaide pour l’intégration de l’acteur islamiste dans le mouvement anti-régime, a valu à son auteur d’être convoqué par la gendarmerie nationale sur une plainte, tenez-vous bien, du ministère de …la Communication. El Kadi Ihsane avait, par message vidéo, averti avant de se rendre à la convocation qu’il observerait une « grève de la parole » face aux gendarmes au cas où on l’interrogerait sur le contenu de son travail journalistique. Évidemment, il a tenu parole, ce qui, irrémédiablement en dit long sur la portée de cette affaire.
Journaliste algérien établi en France
D’autres articles sur l’Iran
Iran – Coronavirus, la réalité des chiffres
New balance from collapse of a weakened Iran
Rebin Rahmani, la voix des Kurdes d’Iran
L’oeil de Reza Jafarian
Liberté : Le fruit défendu des iraniens
Tous les chemins mènent à la prison !
- Portrait. Sharareh Mehboudi, journaliste et militante iranienne 07/02/2024 - 2:12 pm
- Mortaza Behboudi, reporter de guerre : “tous les médias doivent s’assurer que les pigistes sont en sécurité”29/01/2024 - 1:49 pm
- Mortaza Behboudi, reporter franco-afghan : en prison, « on m’a fait avouer des crimes que je n’ai pas commis » 22/01/2024 - 10:15 am
- En Afghanistan, les talibans répandent encore et toujours la peur auprès des journalistes02/05/2023 - 2:26 pm
- La fin de l’espoir pour les journalistes afghans ?09/01/2023 - 4:28 pm
- SYRIE. La difficile intégration des citoyens-journalistes dans l’industrie des médias29/12/2022 - 2:00 pm
- Iran : les femmes, « l’avant-garde de la révolution » nationale09/12/2022 - 12:00 am
- Afghanistan: women’s journalists cry of alarm23/11/2022 - 10:32 am
- War in Afghanistan : one year under the Taliban regime08/11/2022 - 9:57 am
- Afghanistan : un an sous le régime des Talibans08/11/2022 - 9:17 am
- ELYAAS EHSAS : COUVRIR LA GUERRE LORSQU’ON Y EST NÉ 03/11/2022 - 9:29 am
- Karzan Hameed, journaliste Kurde exilé, “ Il a toujours son nom : Irak, mais le pays n’existe plus” (#Portrait)01/08/2021 - 12:07 pm
- Ahmad Muaddamani, journaliste syrien exilé: « Les Misérables » me rappelle ma situation22/07/2021 - 12:44 pm
- ISRAËL – Le logiciel espion de NSO Group traque les journalistes en toute impunité19/07/2021 - 2:52 pm
- Les morts peuvent-ils migrer et demander l’asile ?19/07/2021 - 3:50 am
- RENCONTRE. Ignace Dalle, le récit de carrière d’un véteran de l’AFP15/07/2021 - 10:21 am
- PORTRAIT. Avec Anas, photojournaliste syrien, «dans sa maison»12/07/2021 - 1:50 pm
- IRAN. Élection présidentielle : Aggravation de la crise hégémonique et du contrôle politique15/06/2021 - 4:10 pm
- Dara (dessinateur iranien) : “Des jeunes vivent la liberté sans en avoir conscience”10/05/2021 - 3:27 pm
- Ibrahim Cheaib : La Maison des journalistes m’a sauvé !10/05/2021 - 1:48 pm