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Burundi : Recrudescence de l’insécurité, les militants FNL dans l’œil du cyclone

[Par Elyse NGABIRE]

Pas de répit pour les militants FNL fidèles à Agathon Rwasa. Depuis peu, une vague d’arrestations s’opère. Puis, ils sont retrouvés morts. Aimé Magera, porte-parole de M. Rwasa hausse le ton et accuse les jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure.

Bujumbura, 3 février 2016. Au Burundi, le cycle de violences et de répression enclenché il y a neuf mois n'en finit pas. ©

Bujumbura, 3 février 2016. Au Burundi, le cycle de violences et de répression enclenché il y a neuf mois n’en finit pas.
©RFI Afrique

Nshakiye, militant du parti FNL, habitant la colline Bihara, zone Kanyosha dans la commune de Muha (en mairie de Bujumbura) n’est plus. Il a été assassiné dans la nuit de ce mercredi, 17 février. Prosper Ndumbuye, également du même parti, lui, a échappé de justesse à l’attaque opérée contre sa personne le même jour. Grièvement blessé, indique Aimé Magera, porte-parole d’Agathon Rwasa, l’un des grands opposants de Bujumbura, M. Ndumbuye se fait soigné dans un lieu tenu secret : « Nous évitons que ses bourreaux ne viennent l’achever sur son lit d’hôpital comme cela se passe souvent lorsqu’une victime échappe dans ce cas. »

Guillaume Bunyoni, ministre de la sécurité publique

Alain Guillaume Bunyoni, ministre de la sécurité publique

Pour le porte-parole, la mort de M. Nshakiye rappelle ceux des milliers de militants Fnl assassinés depuis la prise du pouvoir par le parti Cndd-Fdd en 2005 : « Décembre 2015, quatre fidèles à
M. Rwasa ont été descendus par des Imbonerakure qui tenaient une barrière accompagnés par la police d’un bus chez Iwabo n’Abantu (café appartenant au défunt général Nshimirimana sur la route Bujumbura Bugarama) et leurs cadavres ont été retrouvés quelques jours en état de décomposition. Or, les hautes autorités de la police ont été bien tenues au courant mais n’ont rien fait pour secourir ces militants.»

Magera pointe du doigt les jeunes du parti au pouvoir. Pour lui, ils se font passer pour des forces de l’ordre et de sécurité et procèdent aux arrestations des militants du Front National de Libération (Fnl), considérés comme leurs véritables challengers. Après, déplore Aimé Magera, ils sont retrouvés morts. Il s’interroge: « Pourquoi ce sont les Imbonerakure qui arrêtent les gens dans les collines et sur les barrières sous la supervision de la police ? Pourquoi certains véhicules de la police ne portent pas de plaques d’immatriculation ?  Où est la quadrilogie (Population-administration-force de l’ordre-justice) tant chantée par Alain Guillaume Bunyoni, ministre de la sécurité publique ? Les Imbonerakure, représentent-ils tout ce monde qui constitue la quadrilogie ? »

Aimé Magera : « La vie est sacrée, nul n’a le droit de l’ôter à autrui. »

Aimé Magera : « La vie est sacrée, nul n’a le droit de l’ôter à autrui. »

Pour rappel, la plupart des jeunes arrêtés, puis tués à Bujumbura, sont ceux que le pouvoir accuse d’avoir participé au mouvement « insurrectionnel » d’avril 2015 contre la troisième candidature de Pierre Nkurunziza, président actuel du Burundi.

Non au, deux poids, deux mesures

« C’est déplorable qu’un pouvoir se prétendant issu du peuple se comporte comme les anciens régimes dictatoriaux. Quand des gens revendiquent leur droit en manifestant pacifiquement, ils ne sont ni terroristes ni insurgés », précise-t-il.

Aimé Magera rappelle au système du Cndd-Fdd qu’à l’époque de la 3ème République du Major Pierre Buyoya, le mouvement Fnl, encore au maquis, l’a contraint à négocier sans succès : « C’est après la mort des milliers de Burundais qu’il a ouvert ses yeux. » Il se demande combien de morts faudra-t-il attendre pour que le Cndd-Fdd comprenne qu’il est grand temps si ce n’est pas tard de négocier ?

Pour Aimé Magera, pourquoi le pouvoir Cndd-Fdd continue à réprimer dans le sang un peuple qui a manifesté pour défendre ses droits, en laissant ses militants se la couler douce dans les rues du pays, en s’insurgeant contre le royaume de la Belgique, les Etats Unis d’Amérique et surtout du pouvoir de le pouvoir de Kigali accusé de s’ingérer dans les affaires du Burundi ?

Après onze ans de gestions chaotiques et d’assassinats ciblés, le pouvoir CNDD-FDD veut montrer son patriotisme et nationalisme ! Nul, poursuit le porte-parole, n’ignore que le Cndd-Fdd, financé depuis le maquis par le FPR (Front Patriotique Rwandais), parti du Général Paul Kagame, était son allié incontestable, désormais devenu ennemi juré depuis avril dernier : « Nous disons non à ce traitement deux poids, deux mesures. » S’il y a des différends entre le Burundi et le Rwanda, constate-t-il, ce n’est pas par la rue et insultes qu’il faut régler l’affaire : « Le recours diplomatique est le mieux indiqué au lieu de la provocation et diversion. Le problème reste burundais et la question du troisième mandat illégal est le nœud de la crise burundaise.»

Au cours des questions orales à l’Assemblée nationale ce jeudi, 18 février, le ministre de la sécurité publique était invité et Agathon Rwasa n’a pas caché son inquiétude face aux crimes de sang qui continuent à s’observer et surtout l’assassinat de ses fidèles. D’après le ministre de la sécurité publique, ce sont des malfaiteurs portant l’uniforme policier qui commettent ces forfaits.

 

Burundi, l’envoi d’une force d’interposition est plus qu’urgent

[Par Yvette MUREKASABE]

Suite aux attaques et assassinats dans la capitale du Burundi, Bujumbura, mais aussi ailleurs, le porte-parole du chef de l’opposition Agathon Rwasa, Aimé Magera, estime que l’envoi d’une force d’interposition est plus qu’urgent.

aimé magera

Aimé Magera (source: iwacu-burundi.org)

 

La nouvelle spirale de la violence au Burundi inquiète Agathon Rwasa et son camp. Dans une déclaration sortie ce 15 novembre, Aimé Magera, son porte-parole, condamne le recours à la violence pour résoudre une crise fondamentalement politique.

Depuis peu, observe-t-il, la crise politico-sécuritaire qui sévit dans le pays prend une tournure de plus en plus dramatique. Outre des corps sans vie qu’on retrouve un peu partout, raconte M. Magera, des attaques et contre-attaques meurtrières pourtant jamais revendiquées sont signalées. Leurs cibles et les victimes civiles, indique-t-il, se comptent déjà par centaines, surtout à Bujumbura.

Pour lui, le modus operandi des acteurs rappelle tristement les dix ans des exécutions extrajudiciaires orchestrées contre des militants du FNL, fidèles à Agathon Rwasa. A la seule différence que celles-ci tendent désormais à s’étendre sur tout le territoire et sans exclusion.

Aimé Magera regrette qu’aucune explication convaincante de la part des Autorités ne soit jusque-là donnée alors que des cadavres jonchent les rivières, les lacs et les rues de la capitale.

Il apparait donc, selon M. Magera, que le gouvernement n’est plus capable d’assurer la sécurité de ses citoyens et celle des ressortissants étrangers. « Demain », lâche-t-il, « ce sera trop tard », compte tenu des répressions musclées et aveugles de l’armée et de la police dans la capitale burundaise.

Le porte-parole de M. Rwasa n’y va pas par quatre chemins : « On ne le dira donc jamais assez, le troisième mandat maudit, illégal et inconstitutionnel de M. Nkurunziza est le seul nœud de la crise burundaise et de la nouvelle spirale de la violence. »

Aimé Magera dément les accusations selon lesquelles M. Rwasa se serait rallié à la cause du régime Nkurunziza et les magouilles du Cndd-Fdd : « Ceux qui le disent étaient curieusement associés au pouvoir dans la chasse aux FNL, il n’y a pas longtemps. Jamais, Agathon Rwasa ne transigera au respect de la parole donnée, encore moins à la Constitution du pays et à l’Accord d’Arusha. »

M. Magera estime que plus de trente-cinq ans de lutte dont vingt-neuf de lutte armée pour un Etat de droit suffisent pour bien comprendre que le FNL ne peut jamais cautionner un coup de force : « Nous sommes toujours prêt à combattre politiquement toute dictature quels que soient sa couleur ou ses mobiles. » Et de signaler que son camp est au courant d’un plan peaufiné en vue d’éliminer physiquement le leader historique des FNL : « Le pouvoir doit mesurer toutes les conséquences nationales qu’un tel acte pourrait produire au cas où il est consommé. »

Contre un nationalisme « viscéral » et « hypocrite »

Selon Aimé Magera, aucun Etat, aucune personnalité étrangère, personne donc, n’a incité Pierre Nkurunziza à violer la Constitution et les Accords d’Arusha, seulement son propre entourage. Ainsi, il juge ridicules et honteuses toutes les accusations virulentes que le Pouvoir formule à l’endroit du gouvernement belge, des personnalités d’une grande renommée internationale comme l’Eurodéputé Louis Michel, Samantha Power, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès des Nations Unies, et d’autres.

Il se demande si c’est aujourd’hui, pendant ces dix ans de pouvoir, que le pouvoir du Cndd-Fdd se rend compte que la Belgique l’a colonisé : « Il n’a qu’à assumer pleinement la responsabilité des massacres à caractère politique et l’échec de sa gouvernance catastrophique depuis dix ans. »

En revanche, il se dit satisfait des mesures déjà prises par la communauté internationale, à travers des résolutions fermes du Conseil de sécurité des Nations Unies en vue d’aider les Burundais à sortir de cette crise qui n’a fait que trop durer : « Notre satisfaction est d’autant plus grande que ces résolutions rencontrent l’assentiment de l’Union Africaine. »

Autre satisfaction, continue-t-il, c’est la toute dernière décision du Conseil de sécurité des Nations Unies, issue d’un projet de résolution soumis par la France et qui demande à M. Nkurunziza d’accepter les pourparlers de paix entre tous les protagonistes à l’extérieur du pays : « Cette requête devrait siffler la fin de la récréation. C’est un signal fort, celui selon quoi le monde entier refuse de soutenir son gouvernement autoproclamé. »

C’est pourquoi, analyse-t-il, Pierre Nkurunziza doit accepter que le dialogue soit la seule et unique voie salutaire afin de mettre en place des institutions consensuelles à l’issue desquelles des élections inclusives doivent être organisées.

M. Magera appelle à la cessation des discours de haine ethnique ouvertement entretenus par certains hauts responsables, proches et fidèles au régime de Bujumbura.

Le camp Rwasa se dit disposé à apporter sa part à l’organisation, à l’agenda, au contenu, au déroulement et au suivi-évaluation de tout le processus de dialogue interburundais piloté par la médiation internationale.
Toutefois, dans l’attente d’une médiation fiable, à même de rassurer tous les protagonistes du conflit, le porte-parole d’Agathon Rwasa recommande le déploiement d’une force internationale d’interposition pour éviter que le pire ne se produise.

La réouverture immédiate, inconditionnelle de l’espace politique et de tous les médias indépendants, gages d’une vraie démocratie et d’une démocratie épanouie, conclut Aimé Magera, s’impose.