Articles

L’Islam et la République : La classe politique et les imams décriés

[Par Larbi GRAÏNE]

Actualité oblige, avec la tuerie de Charlie-Hebdo, la Mairie du XVe arrondissement de Paris a récemment accueilli une conférence sur le thème « l’Islam et la République », organisée par le Forum France-Algérie (FFA) en présence de son président, Farid Yaker.

Edwy Plenel et Ghaleb Bencheikh

Edwy Plenel (source : blogs.mediapart.fr) et Ghaleb Bencheikh (source : algeriepatriotique.com)

A la tribune, deux invités bien connus : il s’agit de Ghaleb Bencheikh, franco-algérien, docteur en sciences qui dirige la conférence mondiale des religions pour la paix et Edwy Plenel, journaliste-essayiste, ancien directeur du quotidien le Monde et cofondateur du journal en ligne Médiapart.
Les deux hommes ont paru s’accorder sur l’essentiel à savoir : la nécessité d’amorcer des réformes profondes à l’effet de renforcer le régime laïque, qui à leurs yeux est le plus à même de garantir l’ensemble des libertés pour tous les Français. Cependant si le premier a axé son intervention sur le culte musulman dont il a dénoncé le mauvais fonctionnement qu’il a attribué du reste à certains imams, le second, quant à lui, a fustigé la gestion de l’Islam par l’Etat français. Plenel est revenu sur la marche des « Beurs » en 1983 pour expliquer, que pour une fois que des Français d’origine algérienne ont manifesté pour l’égalité, c’est-à-dire en faisant valoir des revendications citoyennes, on avait recouru à la manipulation en renvoyant les manifestants à leurs origines. Et l’orateur de rappeler que Pierre Mauroy, alors Premier ministre, avait taxé ce mouvement social de « grèves islamistes » allant jusqu’à proposer « un coin pour faire la prière ».

La haine ne peut être mêlée à l’humour
Développant une idée très rarement entendue en France à propos des caricatures de Mahomet, Edwy Plenel pense que « l’espace public n’est pas là pour offenser les identités, ni les moquer ». « La haine, soutiendra-t-il, ne peut être mêlée à l’humour ». Plenel s’est dit malgré tout fan du « droit à la liberté d’expression et du droit à la transgression ». Il s’en est pris à Manuel Valls à qui il a reproché d’utiliser le terme d’apartheid, inadéquat selon lui, avec la réalité française. C’est le seul point sur lequel il sera taclé par l’autre animateur de la conférence. En effet Bencheikh estime que l’apartheid est « de facto même s’il n’est pas de jure ».

Pour une refondation de la pensée théologique

Analysant l’organisation du culte musulman en France, Ghaleb Bencheikh s’est résolu finalement à lancer un appel pour l’adoption de « la modernité intellectuelle » et de « la refondation de la pensée théologique » non pas par simple « aggiornamento ». Très remonté contre les imams, il a dénoncé l’obséquiosité de certains d’entre eux qui « répondent à des convocations » de la part de l’administration, chose qu’on n’a jamais vu s’appliquer, a-t-il expliqué, aux représentants des religions chrétienne et juive. Soulignant « le naufrage de l’école », Bencheikh a également déploré la « défaite de la pensée et la démission de l’esprit » chez les élites musulmanes.
D’après lui, lors des campagnes électorales, certains imams sont enclins à dérouler le tapis rouge aux hommes politiques alors qu’ils devaient tout simplement les boycotter, estimant que ces derniers ne méritent pas qu’on leur porte tant d’attention.

Forum France-Algérie : Appel à l’effacement de la diversité

[Par Larbi GRAÏNE]

Réunie à la Mairie du XVe arrondissement de Paris, l’association Forum France-Algérie (FFA) a appelé, jeudi 27 novembre 2014, à « effacer » le concept de diversité et à lui substituer celui de la « compétence ».

Khalid Hamdani et Farid Yaker

Khalid Hamdani et Farid Yaker

Le président du FFA, M. Farid Yaker a plaidé du reste pour l’élaboration d’une méthode permettant de « mesurer » la diversité en vue de la « faire disparaître ». Et d’arguer: « nous ne voulons pas avoir (en France, NDLR), des Arabes, des Chinois etc., car on est dans le métissage ».

Contrairement donc à ce que laisse entendre le slogan apposé au fronton de cette rencontre «La diversité des origines : une chance pour la France », le vocable diversité fait grandement polémique. Beaucoup lui trouvent des connotations  avec des formes d’exclusion sociale. M. Khalid Hamdani, directeur de l’Institut Ethique et Diversité explique que la mesure de la diversité est absente en France. Selon lui la diversité est « ethnicisée de fait et non de droit », ce qui, a-t-il ajouté « pose de grands problèmes ». Il relève que 1800 procès pour discrimination ont eu lieu en Angleterre alors qu’en France il y en a eu aucun. « Selon une première lecture la France ne discrimine pas » a-t-il ironisé.

Des médecins étrangers pourtant utiles

© SIMON ISABELLE / SIPA (source : lepoint.fr)

© SIMON ISABELLE / SIPA (source : lepoint.fr)

Pour sa part le Dr Madjid Si Hocine a retracé le parcours de ces médecins étrangers dont 8000 praticiens algériens. Ceux-ci, malgré leur compétence et leur diplôme n’ont pas échappé à l’inégalité dans le traitement. Ces médecins étrangers venus combler le manque généré par la diminution du budget alloué à la santé publique, ont eu toutes les peines du monde à s’imposer. « Ils doivent prouver leur compétence mais quand cela est fait, on leur fait savoir qu’ils ne peuvent progresser dans leur carrière sous couvert que leur diplôme vient d’ailleurs » a-t-il déploré.

De son côté, développant au autre avis, Mme Nadia Hanni, fondatrice du Melting Book, a mis en exergue la percée de la diversité dans le 4e pouvoir (la presse) mais elle a exhorté les pouvoirs publics à rompre avec l’idée de talents. Idée qui, d’après elle, repose sur le lien unissant réussite sociale et origine raciale. Et Mme Hanni de défendre la diversité dans « ses côtés banals ».

Najat Vallaud Belkacem, Ministre de l'Éducation national  (source : rue89.nouvelobs.com)

Najat Vallaud Belkacem, Ministre de l’Éducation national (source : rue89.nouvelobs.com)

Analysant le recrutement au niveau des entreprises, Mme Sonia Hamoudi  membre du Conseil économique social et environnemental (CESE), a, pour sa part indiqué que « la diversité offre de grands atouts sous réserve qu’elle soit bien gérée ». « La mesure de la diversité se pratique dans l’entreprise » a-t-elle notamment souligné. Mais elle s’est montrée peu convaincue de la thèse selon laquelle la diversité s’est installée dans les entreprises. A ses yeux, la diversité est absente au niveau des élites.

« Je trouve très grave le fait que Najat Vallaud-Belkacem soit désignée ministre parce qu’elle est d’origine étrangère » a asséné un intervenant. Et d’ajouter que « si la diversité est un sujet, ça devient un problème ».

Au final, les participants au forum ont critiqué la représentation de la diversité dans le système politique et ont appelé les hommes politiques à revoir leur copie à ce sujet.

Forum-France-Algérie : La France, pays européen le plus ouvert aux mariages mixtes

[Par Larbi GRAÏNE]

La France connaît depuis des années un changement démographique énorme, les Franco-algériens, qui sont actuellement au nombre de quatre millions d’individus environ atteindront bientôt les huit millions et l’islam confirmera sa place de seconde religion de France. La France ne sera plus comme avant car les identités y seront plurielles. On en voit déjà les prémisses au niveau des grandes villes. Il y a 20 % de mariage mixte en France contre 3 % en moyenne dans le reste de l’Europe. Ce sont là quelques unes des conclusions auxquelles est parvenu le Forum France-Algérie, qui organisait jeudi 26 juin à la mairie du XVème de Paris, une rencontre-débat sur le thème « la France à l’heure de la diversité. Quels impacts sur le modèle d’intégration républicain et l’identité ? ».

Photo tirée par www.algerie-focus.com

Photo tirée par www.algerie-focus.com

Comme il fallait s’y attendre la prestation de l’équipe algérienne de football en coupe du monde a retenu l’attention des cinq conférenciers invités : Karim Amellal, co-fondateur de Chouf-chouf.com, maître de conférences à Sciences Po, Nadir Kahia, Président de Banlieue Plus, Nacer Kettane, PDG de Beur FM, Fadila Mehal, Présidente d’honneur des Marianne de la diversité et Madjid Si Hocine, animateur du site l’Egalité d’Abord. Le débat a été modéré par Farid Yaker président du Forum France-Algérie.

Pour Madjid Si Hocine la question de l’identité a été posée tardivement en France, elle a été versée d’après lui au débat public suite à la guerre franco-allemande de 1870 où il s’agissait de séparer l’identique du différent. Selon lui une nouvelle catégorie de Français , les « néo-Français » (pas blancs et pas catholiques) fut alors mise à l’honneur. L’émergence plus tard du Front national a-t-il argumenté servira en même temps de venin, en polluant le débat politique, et d’aiguillon en favorisant la montée des courants opposés. « Sarkozy apparaît alors dans un contexte psychiatrique marqué par l’hystérie et un glissement vers l’islamophobie ».

De son côté, Nadir Kahia insiste sur l’importance de l’aspect historique, rappelant que la France a eu de la peine à intégrer dans son giron la Bretagne et la Corse. « Ce qui pose problème, c’est qu’on veut mettre les mêmes caractéristiques pour tout le monde , ce qu’une partie de citoyens n’est pas prêt d’accepter a-t-il soutenu. Et de citer l’exemple des habitants de Mayotte qui ne peuvent s’illustrer que différemment. « Les choses sont très simples, on les complique, ceux qui les compliquent sont les hommes politiques » accuse Nacer Kettane. Et de marteler quand j’ai lancé la radio Beur FM, la première page de Minute a proclamé en grosse manchette « l’invasion maghrébine » sur les ondes. Et de déplorer «  nous ne sommes pas dans le roman français ».

« Ce n’est pas l’identité arabe ou musulmane qui pose problème mais c’est la crise économique. Je pense que les choses vont s’empirer » s’alarme pour sa part une intervenante franco-algérienne, qui exerce en tant que journaliste dans la presse régionale. Elle réfute la thèse selon laquelle les Franco-algériens ne s’identifient pas à la France, du fait du soutien infaillible qu’ils expriment à l’égard de l’équipe algérienne de football, en lice au Mondial. « Nous défilons pour l’Algérie mais nous sommes prêts pour la France quand c’est la France qui joue » a-t-elle expliqué.

Madjid Si Hocine n’en exprime pas moins un avis opposé : pour lui les Franco-algériens sont victimes de l’exclusion plus que le reste des Français d’origine étrangère. Les Franco-portugais estime-t-il sont mieux intégrés alors que leur présence sur le territoire français ne date que des années 80. Or les Algériens ont foulé le sol français au début du XXe siècle. L’assimilation des émigrés autres que maghrébins s’est posée en termes socio-économiques mais pour les Algériens, l’assimilation s’est heurtée au paradigme socio-culturel » a-t-il argué. Il rassure : « ce n’est pas grave de ne pas chanter la Marseillaise ». Et de juger idiote cette question de savoir si l’on est Algérien ou Français (allusion aux déclarations d’officiels français), ça me rappelle la question stupide qu’on nous posait, enfants, ”est-ce que tu préfères ta mère ou ton père ? ”. Et d’ajouter «  tous ceux qui arrivent en France, l’ont fait pour de bonnes raisons ». Et d’appeler les communautés et l’islam de France à s’organiser.

Karim Amellal, quant à lui, juge que « l’identité française est difficile à cerner ». Se référant à un ancien sondage, Amellal soutient que la plupart des Français auxquels on a posé la question de savoir ”qu’est-ce que l’identité française” ont répondu « c’est la sécurité sociale et le service militaire ». Selon lui, la France est en crise depuis 30 ans, cela coïncide avec l’ émergence des Néo-français ». Amellal a tiré quand même un satisfecit, en comparant la situation française à celle des États-Unis, «  ça va mieux en France, en Amérique les Noirs sont moins bien lotis qu’il y a dix ans » a-t-il lancé. Et de marteler « Cessez de parler de modèle d’intégration, ça n’a pas de sens, c’est anecdotique, anachronique et obsolète ». Le Pr Amellal plaide pour la création des médias afin de permettre l’expression des opinions. Pour lui « l’émigration est la chance de ce pays ».