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« Portrait(s) d’une Résistance » La MDJ reçoit la photographe Justyna Mielnikiewicz.    INTERVIEW

Traduction Rim Benomar

Invitée à La Maison des journalistes à l’occasion de son exposition photo « Portrait(s) d’une Résistance », Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise installée à Tbilissi (Géorgie) a été interviewée par Manar Rachwani, Journaliste syrien actuellement résident de La MDJ.

M.R : Généralement, les gens admirent les photos, mais s’intéressent peu à la personne derrière l’objectif. Selon vous, quelle est la différence entre un photojournaliste et un journaliste, et comment pourriez-vous décrire votre expérience en tant que photographe de guerre ? 

J.M : La photographie est un outil de communication dont disposent les journalistes, à travers lequel ils peuvent transmettre au monde des fragments de nos réalités. J’ai capturé ces cinq dernières années l’évolution de l’invasion russe et ses conséquences sur la vie quotidienne du peuple ukrainien. C’était important pour moi de dévoiler la réalité d’une vie en guerre et de raconter l’histoire d’une résistance qui dure depuis 2014. J’ai vécu sous l’ombre de l’invasion russe en Géorgie et notamment en Ukraine. Ma motivation pour documenter la guerre est surtout personnelle avant d’être professionnelle. Je raconte tout simplement les difficultés des deux pays qui m’ont accueillie. Je considère que la technologie permet de faciliter la communication dans le monde, ma mission est de donner une voix à l’Ukraine et la Géorgie. Ces deux pays manquent de moyens nécessaires pour transmettre leurs propres messages. Depuis le début de l’invasion russe, de nombreuses fausses informations sur l’Ukraine ont été diffusées sur internet. La Russie a le pouvoir d’orchestrer de diverses campagnes de désinformation sur la guerre en Ukraine. En tant que photographe, je désire partager la vérité.

M.R : On parle souvent de l’objectivité et surtout de l’obligation de neutralité en journalisme. Selon vous, est-ce que chaque journaliste doit disposer d’un message particulier à transmettre ?

J.M : En tant que journalistes, l’objectivité est un outil que nous devons appliquer et respecter dans nos recherches. Il faut partager l’information sans faire intervenir des préférences personnelles. C’est à nous de restaurer la crédibilité des médias, et dévoiler les vérités. Toutefois, il est difficile d’atteindre l’objectivité dans certaines situations, surtout face à des événements monstrueux. 

M.R : Que représente pour vous cette exposition de vos portraits à la Maison des journalistes ?

J.M : Voir mes portraits tirés en grand format et exposés sur la façade de la MDJ me fait très plaisir, cela les rend beaucoup plus accessibles, en effet, les passants s’arrêtent et peuvent découvrir les photographies directement, contrairement aux galeries. De plus, j’admire beaucoup le travail de cette structure qui défend les journalistes menacés. La France se mobilise beaucoup plus que la Géorgie et l’Ukraine pour les journalistes.  

Quelques pages du livre “Ukraine Runs Through it (2019)” de Justyna Mielnikiewicz

M.R : Les photos affichées sur la façade de la MDJ ne sont qu’une petite partie des portraits que vous avez pris lors de votre déplacement en Ukraine. Quelle est la particularité de ces photos et est-ce qu’elles montrent les différents aspects de la guerre ? 

J.M : La guerre n’est qu’une partie de la vie parmi tant d’autres, et elle n’empêche pas les habitants du pays de pratiquer leurs activités et d’assurer les responsabilités quotidiennes : faire les courses, emmener les enfants à l’école, etc.. Ces aspects de la vie, certes, impactés par la guerre, continuent d’exister.

Le but de ces photographies est de montrer que la vie de ces femmes et ces hommes continue malgré la pression du conflit, afin que chacun puisse s’identifier dans leur quotidien et de se retrouver dans leur histoire.

Dans mon travail, j’essaye de mettre en avant la résistance de tous ces gens ordinaires face à cette guerre qu’ils sont en train de subir, et essentiellement les femmes, afin de déconstruire les idées reçues et démontrer que la guerre n’est pas qu’une affaire d’hommes.

M.R : En tant que photographe qui documente la vie en Ukraine depuis 2014, est-ce que vous étiez surprise par la résistance Ukrainienne, ou vous vous y attendiez ? 

J.M : En 2014, un grand nombre d’Ukrainiens s’est porté volontaire dans l’armée et l’État ne pouvait pas fournir l’équipement à tout le monde. Donc les Ukrainiens ont organisé plusieurs campagnes de collecte de fonds afin de se procurer des armes, des gilets de sauvetage et des médicaments. C’est en restant unis qu’ils ont réussi à résister face à l’invasion russe. Actuellement, l’armée de l’Ukraine est mieux équipée et mieux gérée, mais  les Ukrainiens continuent à faire des dons et d’aider de toutes les manières possibles. Par exemple, une de mes amies a perdu son compagnon durant le conflit de 2014. Suite à ce drame, elle a décidé de travailler dans le bureau des personnes disparues à Dnipro en tant que bénévole en parallèle de son travail à l’Université. Quand la guerre a éclaté en 2022, elle a commencé à récolter les dons pour les réfugiés et à préparer les médicaments pour les soldats. Les gens qui sont bien informés sur la situation de l’Ukraine, savent très bien que les Ukrainiens ont toujours résisté face à l’occupant russe. 

M.R : Est-ce que vous avez peur que le monde commence à oublier la guerre en Ukraine et à négliger la souffrance du peuple ukrainien ? 

J.M : Je pense que c’est un souci qui vient avec chaque guerre. Les guerres en Syrie et Afghanistan ont été oubliées au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine. J’espère que le monde n’oubliera pas l’Ukraine et que le peuple ukrainien continuera à écrire son histoire. 

Justyna Mielnikiewicz avec Darline Cothière, directrice de la MDJ, et Alberic De Gouville, président de la MDJ

 « Portrait(s) d’une Résistance – Ukraine 2004-2022 » est une exposition de photographies de la photographe-documentaire Justyna Mielnikiewitcz, mise en place par la Maison des journalistes en partenariat avec L’Institut polonais de Paris, le Centre Culturel Ukrainine et la communauté des bellaruss à paris 

Justyna Mielnikiewicz, photographe polonaise, vit à Tbilissi, en Géorgie, depuis 2003. Ses travaux ont été publiés dans le monde entier entre autres par le New York Times, Newsweek, Le Monde, Stern et National Geographic. Elle a été lauréate du World Press Photo, de la Bourse Canon de la Femme Photojournaliste , du prix du jeune photographe du Caucase de la Fondation Magnum, de l’Aftermath Project Grant et du Eugene Smith Fund. La plus grande partie de son travail est consacrée à des projets personnels de long terme, publiés sous forme de livres: Woman with a MonkeyCaucasus in Short Notes and Photographs (2014), Ukraine Runs Through it (2019). Ce dernier a été présélectionné parmi les 20 meilleurs livres par Paris Photo et Aperture. Justyna Mielnikiewicz est représentée par l’agence MAPS

© Elyaas Ehsas


Revue de presse

« Photographie : la résistance ukrainienne dans l’objectif de Justyna Mielnikiewicz », La Croix

« Exposition « Portrait(S) D’une Résistance – Ukraine 2004-2022 » À Paris XV », Carnets de Week-end

« L’Ukraine dans le viseur de Justyna Mielnikiewicz : « Portrait(s) d’une résistance ». Maison des Journalistes, Paris », Blog de Philippe Rochot

« UKRAINE : UNE EXPO PHOTO À LA MAISON DES JOURNALISTES », Sgen-CFDT 

« Portrait(s) d’une ukrainienne sur les grilles de l’Hôtel de Ville », Mairie de Paris

« Portrait(s) d’une résistance ukrainienne sur les grilles de l’Hôtel de Ville », Sortir à Paris

« Journée internationale de la liberté de la presse : mise à l’honneur de la résistance ukrainienne par la Maison des journalistes », L’Oeil de la Maison des journalistes 

« Une exposition pour rendre hommage aux reporters de guerre en Ukraine », France 24, reportage 

« Portrait(s) d’une résistance en Ukraine », TV5 monde

L’homme politique haïtien Jerry Tardieu visite la Maison des journalistes

Pendant sa tournée pour sensibiliser les médias et différentes institutions européennes sur la crise actuelle d’Haïti, l’ancien député et leader du mouvement politique En Avant, Jerry Tardieu, a accepté d’accorder un entretien au journal en ligne de la Maison des journalistes.

Par Anderson D. Michel

Jerry Tardieu, âgé de 54 ans, est un homme politique, un ancien député de la 50ème législature en Haïti (2016-2020). Il a lancé en octobre 2021 son mouvement politique En Avant. Selon lui, En Avant part d’une volonté d’hommes et de femmes de se mettre ensemble pour fournir à Haïti une offre politique différente de ce qui est à l’œuvre dans le pays. Un mouvement politique qui est constitué surtout de jeunes leaders en vue du renouvellement de la classe politique actuelle.

Axée sur trois piliers, la jeunesse, la femme et la diaspora, ce mouvement politique à travers son leader entend porter un souffle de changement à Haïti.

Jerry Tardieu : « Haïti est un pays en danger »

Le point sur la situation actuelle d’Haïti

Depuis plusieurs années, Haïti traverse une période très chaotique, tant au niveau des catastrophes naturelles que politiques. Le phénomène d’insécurité n’arrête pas de s’accroître sur l’île. Et les derniers rapports de l’ONU et d’autres institutions habilitées, font état d’une augmentation de 200% des cas d’insécurité dans le pays. Le leader de En Avant nous explique que le pays fait face à une crise multidimensionnelle, une crise institutionnelle, politique, économique et sécuritaire. Selon lui, les autorités expriment clairement leur impuissance par rapport au phénomène de gangs armés sur territoire haïtien qui, depuis plusieurs années, tuent, pillent, violent en toute impunité.

Jerry Tardieu affirme que le premier objectif de En Avant est de restaurer l’autorité de l’Etat et la sécurité en Haïti : « Il faut que les Haïtiens puissent vaquer librement à leur activité, quelle que soit leur condition sociale et les villes dans lesquelles ils vivent. Pour cela, la création au sein de la Police nationale d’une nouvelle structure anti-terroriste avec un équipement adéquat permettra de lutter contre les milices armées qui gangrènent le pays ».

L’ancien député revient sur son expérience au parlement haïtien.

 « Mon expérience à la chambre des députés a été une expérience enrichissante. Le parlement vous aide à mieux comprendre les rouages de l’administration publique, du système politique. Cela permet aussi de comprendre le mécanisme de cette grande corruption qui existe dans le pays », explique Jerry Tardieu. Se qualifiant d’ancien député de la minorité, il regrette de ne pas avoir eu la possibilité de tout faire à cause de la dictature du nombre qui règne au parlement haïtien. L’homme politique revient sur les différentes propositions de lois qu’il a présentées durant son mandat, notamment celles sur la Police nationale, la double nationalité, l’introduction du crédit bailleur comme outil financier. Il rappelle que certaines de ces propositions de lois ont été adoptées par décret et ont eu un impact considérable sur la société haïtienne.

Les priorités de En Avant

Donner à la police nationale d’Haïti la capacité de protéger et servir est la première préoccupation du mouvement politique En Avant, insiste Jerry Tardieu. Il parle aussi de l’emploi en faisant remarquer qu’il y a dans le pays beaucoup de jeunes diplômés et talentueux qui, malheureusement, ne peuvent pas trouver de travail. « Notre responsabilité est d’assurer les conditions aptes à garantir l’investissement privé, local ou étranger qui peuvent faciliter la création de millions d’emplois dont le pays a besoin », souligne l’ancien député. Il parle de d’éducation en soulignant, qu’en Haïti, il y a 4 000 000 d’enfants pour budget de 200 000 000 de dollars affectés à l’éducation. Ce qui représente un investissement de 50 dollars par année pour chaque enfant. Une situation que le député juge anormale en la comparant à celle de la République Dominicaine, le pays voisin d’Haïti, qui consacre 1000 dollars par année pour l’éducation de chaque enfant.

Des élections en 2022 ?

Pour Jerry Tardieu, les conditions ne sont pas réunies
Pour organiser les élections en Haïti, en raison de l’instabilité politique et la situation d’insécurité. « Quand est-ce que les conditions seront réunies ? On ne le sait pas. Mais elles devraient l’être tôt ou tard, parce que la démocratie passe par les élections », conclut-il.

Jerry Tardieu avec Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes

Jerry Tardieu interviewé par le journaliste haïtien Anderson D. Michel, résident de la Maison des journalistes.

Crédit photo : Ahmad Muaddamani, Karzan Hameed
Vidéo et montage : Ahmad Muaddamani

Témoignage de trois journalistes syriens : la guerre passe aussi par l’information

Le métier de journaliste est défié par la question syrienne, qui ouvre des nouvelles problématiques sur cette profession dont le but principal est d’informer. La Maison des journalistes a interviewé trois journalistes syriens qui ont vécu ce conflit interminable. Fatten, Omar et Rafat répondent aux questions non résolues sur la guerre en Syrie.

La Maison des journalistes à la Radio Libertaire

[ENTRETIENS] A l’occasion d’une émission de 2 heures  en direct sur Radio Libertaire 89.4, la Maison des journalistes a pu mieux se faire connaître des auditeurs de cette fréquence francilienne historique. Deux journalistes ex-résidents de la Maison des journalistes, étaient donc récemment présents à l’antenne pour témoigner de leurs parcours d’exil et de leurs trajectoires professionnelles depuis leur arrivée en France. Il s’agit de Béatrice Cyuzuzu et Mortaza Behboudi, journalistes exilés du Rwanda et d’Afghanistan.