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Dans la société des héros… Attention, une vérité peut en cacher une autre !

C’est à se demander si l’on est encore en droit de prendre du recul. Reculer pour mieux sauter ? Non : reculer pour mieux voir. Parole de Yuan Meng, panda né en exil en France qui ose, ici et maintenant, s’interroger sur le spectacle donné depuis quelque temps en France.

Certes, on va me rétorquer que j’ai bien de la chance de pouvoir m’exprimer… Ce serait me donner encore un peu plus raison. Selon moi la chance c’est au Loto qu’elle a toute sa place et sûrement pas dans le domaine sensible de la liberté d’expression, l’un des piliers de la Démocratie. Alors : j’y vais. Je fonce (heu, virtuellement, bien sûr, parce que, pris dans mon enclos, pas possible d’aller bien loin, tu vois).

Alors voilà et voici, en quelques mots, dans mon bel élan doublé d’un remarquable esprit de synthèse, nom d’un animal à poils dressés, voici ce que j’ai à vous dire cette semaine, en trois points :

  • Il s’avère que je suis moi-même devenu une sorte de héros (bé oui) destiné à émouvoir le bon peuple et à servir de support à une conception de la politique qui rappelle de vieilles traditions royales. Vous savez : de cette époque où les ambassadeurs offraient des animaux au Rois de France afin de susciter leur bienveillance. M. Macron s’est plu à me voir. Il a eu raison.
  • Un migrant sans papiers, cet authentique héros (lui aussi), a eu le courage de grimper le long d’un immeuble parisien afin de sauver un enfant accroché à l’extérieur d’un balcon. Le monde entier s’en est ému. M. Macron s’est plu à le voir et à lui manifester sa royale bienveillance. Il a eu raison.
  • Je suis un héros, il est un héros, nous sommes des héros qu’il convient – bien que venus d’ailleurs – de vénérer. Vous n’avez pas le choix. Celui qui émettrait le moindre doute passerait pour un abominable, un rustre, un mal élevé, un ennemi de l’humanisme. A sa manière, M. Macron a raison, non ?

Reculez et vous verrez mieux !

Allez, come on, laissez passer la page de publicité qui précède et reprenez enfin le micro, le stylo, le clavier et la caméra.

Prenez donc un peu de recul, histoire d’élargir le point de vue. Oui, oui, oui : reculez, reculez… en prenant, bien sûr, le temps de regarder aussi derrière vous (dans ce genre d’exercice le précipice n’est pas loin et le parcours est toujours piégé). C’est fait ? Vous avez suffisamment reculé ?

Là, ça y est, vous le voyez le monde ? Vous la voyez la Méditerranée ? Vous les apercevez les barrières qui se ferment ?  Vous les entendez, les contes qu’on vous dit avant d’aller dormir ?

Moralité : dans les tempêtes il y a toujours des héros, debout, admirables et justement admirés… mais souvent placés tout devant, au premier plan, pour mieux dissimuler le décor, lequel n’est plus très frais. Non : pas frais du tout, nom d’un bambou !

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)

Exclusif : «JE NE SUIS PAS UNE FICTION» nous déclare le panda !

Moi, Yun Meng, panda né en exil au zoo de Beauval et mangeur de bambou, je finis par me poser des questions sur moi-même … au moins autant que les animaux humains qui me rendent quotidiennement visite. Qui suis-je? Et vous? Où vais-je? Et vous? Selon que vous serez informés ou non, vous ne vous situerez pas dans le monde de la même manière.

Etre ou ne pas être, telle est la question quasi shakespearienne que je suis en droit de me poser. Et de même on peut s’interroger sur tout ce qu’on nous laisse plus ou moins voir et entendre. Cela marche ensemble, sur deux pattes, voyez-vous.

Je préfère le bambou à la banane

Y a pas à dire : à force d’écouter les leaders de la planète arranger la réalité à leur avantage, ça m’agace, ça me chatouille et ça me gratouille. Je suis un panda : pas un âne, ce confrère souvent présenté comme un niais (mais je n’ai pas eu l’occasion de vérifier l’information). On ne me fera, en tout cas, jamais prendre une banane pour un bambou, même en la maquillant comme une voiture volée.

Parfois, j’en suis tout de même à me demander si j’existe vraiment ou si je ne suis qu’une fiction. Pour certains beaux esprits je suis une curiosité touristique, pour d’autres : un enjeu diplomatique entre Chine et Occident. Pour les enfants : je suis un jouet vivant et pour les scientifiques : un objet d’étude.

La réalité n’est pas une fable

Vous voyez ce que je veux dire ou bien faut que je vous explique, hmmm ?…

… Bon… alors j’explique, comme Tarzan à Jane : MOI panda, VOUS lectrices et lecteurs. Et entre nos deux univers il y a qui ? Les journalistes ! Yes ! Ils et elles sont là pour remettre les pendules à l’heure. Et, on peut le dire : ils et elles sont utiles parce que, pendant ce temps-là, à force de nous raconter des fables (sans morale) les puissants de la Planète Bleue finiraient même par croire ce qu’ils affirment.

Une cuisine à toutes les sauces

Du coup, nos chefs suprêmes tendent à réduire, pour prendre un exemple illustre, le panda à une attraction de zoo, comme je le supputais plus haut. Et ils ne se gênent pas pour accommoder cette manière de procéder à toutes les sauces (drôle de cuisine), selon leurs intérêts immédiats, à tous propos : l’économie, la politique, les tensions internationales afin de mieux manipuler les opinions. (Je ne sais pas s’ils influent sur le résultat du Loto… mais je finis par avoir des doutes CAR… je ne gagne jamais !)

Le vieux poilu avait raison

Museler la presse permet à leurs fictions successives de prospérer et de faire office de réalité. Soit par la fascination des masses, soit par la contrainte, ceux à qui on laisse la bride sur le cou contribuent à « une diminution de la Civilisation » comme l’écrivait un autre, au moins aussi poilu que moi : ce bon vieux Victor Hugo dans « Les Misérables ».

En attendant – croyez-moi – je ne suis pas une fiction et suis bien là, ici et maintenant, pour commenter le monde grâce aux relais des médias. Cela, au moins, c’est sûr. Le panda sait, le panda ressent et le panda dit, le panda discute, le panda « point ne se dédit », nom d’un bambou!

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)

A l’Ouest, du nouveau… Ne vous Trumpez pas de Donald !

Panda s’écrit avec un « P » comme « Psychiatre ». On n’en voudra donc pas au mangeur de bambou que je suis, le panda Yuan Meng, fixé depuis sa naissance au zoo de Beauval, de tenter une (forcément brillante) analyse psychiatrique du Donald déjanté qui s’amuse à inquiéter la Planète Bleue que nous partageons avec lui.

France 24 (l’un des chaînes d’infos que je regarde avec assiduité, mais si, mais si) dispose aussi d’un site web où l’on confirme ce truc pitoyable que j’avais cru entendre de mes oreilles incrédules (et, effectivement, je l’avais bel et bien entendu) :

«Le président américain Donald Trump, invité vendredi 4 mai à la convention annuelle de la puissante National Rifle Association (NRA) à Dallas, au Texas, a pris l’exemple de l’attentat du Bataclan, à Paris, pour justifier le droit de porter une arme. Il affirme que la tuerie du 13 novembre 2015 aurait fait moins de morts si les victimes avaient été armées».

Et le Donald (animal humain au poil blond) n’a évidemment pas manqué de développer sa judicieuse idée avec la finesse qui a fait sa réputation : il a carrément mimé l’exécution de chacune des victimes en y ajoutant le son : «Boum, boum, boum». Pathétique.

Le bonhomme est – disent des « psy » et autres observateurs US – narcissique, impulsif, moins porté sur la méditation que sur la contemplation béate des présentateurs de Fox News. Ajoutez à cela que comme il n’est pas totalement dépourvu d’intelligence, le Donald compense sciemment son absence de culture par une agressivité exacerbée à l’égard des métiers intellectuels ou de celles et ceux qui les pratiquent… à commencer par les journalistes.

Un Donald c’est parfois Trumpeur !

Mon diagnostic de psychiatre amateur est le suivant : le grand blond – c’est tout simple – a peur de se sentir seul. Il envoie donc constamment des signaux de détresse à ses semblables de l’Amérique profonde : ces cow-boys de série B dont l’horizon s’arrête là où commence le monde.

Mon ordonnance est la suivante : qu’il absorbe chaque matin trois petites pilules, une bleue, une blanche et une rouge. Un peu de France de La Fayette dans l’estomac lui ferait le plus grand bien. Et, sait-on jamais, cela pourrait même avoir un effet sur le cœur.

Mon Donald préféré n’est décidément pas celui-ci, vous l’avez compris. Je préfère, croyez-le bien, l’Amérique des dessins animés et des bandes dessinées… à celle que l’on nous promet : celle des destins décimés… Nom d’un bambou !

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)

L’animal humain vit dans un zoo

J’ai beau n’être qu’un panda né en exil, un mangeur de bambou que des gens viennent voir à Beauval, je n’en suis pas moins capable de comprendre ce qui se passe. Et je peux maintenant vous le dire : le zoo, ce n’est pas qu’ici. C’est aussi dehors !

Oui : dehors. Par-delà les grilles du parc animalier où je réside. Mon petit monde, aussi contraint soit-il, n’en est pas moins organisé et pacifié. Parfois plus qu’ailleurs.

Vous me direz que ce n’est tout de même pas l’idéal et que je serais sûrement plus à ma place dans les forêts d’Asie. Certes… mais là-bas tout le monde n’est pas forcément bien intentionné. D’ailleurs, mes parents ont débarqué ici en exilés. Ce n’est pas un hasard. Bien accueillis puis ayant obtenu un bon travail (cela arrive) ils se sont suffisamment détendus pour se reproduire enfin.  Du coup : me voici, me voilà. J’en viens à me féliciter de me trouver du bon côté de la barrière. Dehors « l’homme, cet animal social » (comme disait curieusement – et à peu près – le dénommé Aristote, un brave grec d’antan dont m’a causé le soigneur) passe son temps à se compliquer la tâche. Social, peut-être, mais assez peu sociable.

L’animal humain s’agite bien plus qu’un panda

Vous le savez déjà : l’animal humain s’angoisse lorsqu’il se trouve seul, étripe ses semblables lorsqu’il en croise ou tente encore de les dominer par tous les moyens. Mais si :  voyez la sarabande sanglante dans laquelle il se complaît avec jubilation, jour après jour.

Il pourrait pourtant vivre tranquillement, zen, en harmonie avec l’Univers (avec un grand «U»). Héééé bien non : il préfère tomber dans le trou noir, creuser sinistrement sa tombe à coups de petits «u» (comme «ulcère») plutôt que d’escalader, d’un gai et vigoureux mollet, les pentes prometteuses du mont Bonheur, au son d’un chant montagnard entraînant qui embaumerait le cœur du vaillant marcheur (un fantasme bucolique comme on les apprécie chez les pandas !)

L’animal humain me distrait et me désole

A le regarder, je me distrais et me désole aussi. L’animal humain, dans sa folie perpétuelle, s’agite bien plus qu’un panda dans son espace clos. Je sais ce que je dis. J’ai fini par distinguer chez lui des manières et des coutumes absurdes, sans compter qu’il passe à côté de l’essentiel. Par exemple : il ne consomme du bambou que très, très rarement…. Et encore : des pousses, seulement.

La Planète Bleue où il prétend montrer ses biceps n’est en réalité qu’un zoo géant fait de grandes terres et d’océans infinis qu’il use parce qu’il en abuse (j’aime bien ce genre propos de bistrot définitif et radical : ça me défoule, non mais). Et ledit zoo, les amis, je l’examine de loin en attendant d’y pénétrer.

L’animal humain soumis à mes caprices

Tant pis pour lui, l’animal humain. Quand il en aura fini, je serai peut-être grand-père. Notre heure sera venue. Ce sera notre tour, à nous les bêtes, pandas et autres semblables poilus. «La planète des singes» ce n’est pas qu’un roman du Français Pierre Boulle ayant inspiré le septième art US. Ce ne sera peut-être plus de la science-fiction, tout ça, un jour … c’est là une possibilité que j’attends parfois avec intérêt : passer triomphalement, sur un char romain tiré par des hommes, la porte du Grand Zoo dans le but de le visiter et d’en prendre le contrôle. Enfin, enfin, enfin : LE Pouvoir !

…Tiens, tiens, tiens… tiens : serais-je en train de basculer du mauvais côté de la Force et de muter en animal humain ?

L’exilé est une valeur ajoutée

Attendez. On me dit, à l’instant, que ce ne serait pas une idée judicieuse… Bon, d’accord. Panda je suis, panda je reste. A ma place d’exilé je préfère, au bout du compte, apporter ma contribution plutôt que de prendre ma part à la destruction. Cohabitons, ce sera plus simple. Ayant vécu ce que les pandas ont vécu, je peux éventuellement vous dire comment faire.  La balle est dans votre camp. C’est aussi cela la valeur ajoutée de l’exilé, nom d’un bambou !

Crédit : Sylvie Howlett

Yuan Meng

(Traduction de Denis PERRIN)