“Le régime nous faisait une guerre physique et psychologique, tu n’es jamais en paix, jamais en sécurité” – Témoignage d’un journaliste syrien exilé
/dans Journaliste MDJ, Moyen et Proche Orient /par Alexandre GarnierUn bracelet aux couleurs de l’Armée Syrienne Libre au poignet, l’air détaché, Hasan ne parvient pas à se remémorer d’un seul journal “indépendant” en Syrie. “Je suis certain, en tous cas, qu’il n’y avait aucune couverture médiatique de ce qu’il se passait dans le pays.”
En février 2011, Hasan a 21 ans, il vit à Douma dans la banlieue, à l‘est de Damas. Alors qu’il termine des études de tourisme à l’université, les révolutions arabes au Maghreb, encore naissantes, trouvent un écho jusqu’aux réseaux sociaux syriens.
“J’aimerais que tu parles dans le portrait de ‘révolution syrienne’, ce n’était pas une ‘guerre civile’ ou un ‘mouvement’, il faut l’appeler par ce que c’était : une révolution.”
Le mois suivant, des manifestations s’organisent sur Internet. Dans les rues, quelques centaines de militants les composent, la répression est sévère. Mais les timides cortèges du début grossissent de semaines en semaines, la répression cimente la contestation et les réseaux sociaux font le reste.

copyright Hasan – AFP – Hôpital de Douma
De révolté à journaliste pour témoigner
Hasan ressent le besoin de couvrir les évènements, de “montrer ce qu’il se passe ici”. Il débute avec d’autres journalistes activistes filmant les rassemblements et postant le soir sur Facebook ou YouTube. Dans les manifestations, les caméras et appareils photos sont interdits et confisqués par les moukhabarats (services secrets du régime) mais impossible d’interdire les téléphones.
Dès 2012, les massacres et tortures perpétrés par les forces du régime et ses milices scellent le destin du pays : des dizaines de milliers de manifestants ont défilé, en dépit des menaces, dans les rues de Damas. “Bashar doit tomber”, ce sera une révolution.
Durant l’été, le gouvernement perd le contrôle et le siège de la Ghouta se forme. Trois zones contrôlées par différents groupes révolutionnaires apparaissent, Douma sera le dernier quartier contrôlé par les rebelles, huit années plus tard.
Une fois la Goutha isolée, l’eau courante fut rapidement coupée par le régime. Afin d’assurer les besoins de la population, la solution fut de puiser l’eau du sol par des trous de 40 à 60 mètres de profondeur.
“Pour pomper l’eau, on utilisait des moteurs mais bientôt, c’est l’énergie qui venait à manquer. Tirer l’eau avec des pompes manuelles n’était pas suffisant, alors on a commencé à utiliser toutes les sources d’énergie qu’on pouvait trouver : les sacs plastiques, l’huile de cuisine et même de la margarine”.

copyright Hasan – AFP – Hôpital de Douma
Hôpital de Douma et attaque chimique
Hasan rejoint en 2013 l’équipe de l’hôpital de Douma, il photographie les blessés, dont de nombreux enfants, et les opérations chirurgicales qui s’y déroulent.
L’hôpital de banlieue se transforme en hôpital de guerre et s’organise en différents services de soin.
Fin mars, des blessés avec des symptômes anormaux arrivent à l’hôpital, cornée des yeux et muqueuses respiratoires brûlées, suffocation, nausées et vomissements : Bashar el-Assad expérimente les armes chimiques sur les populations rebelles. C’est à ce moment que les médias internationaux commencent à s’intéresser à l’hôpital de Douma.
“Le régime nous faisait une guerre physique et psychologique, tu n’es jamais en paix, jamais en sécurité. À cette époque, nous ne pouvions plus vivre que dans les caves.”
Entre 2011 et 2013, c’est au moins 110 acteurs de l’information qui ont été tués dans le conflit selon un recensement de Reporters sans frontières, face à un tel constat, les médias internationaux décident de ne plus envoyer de correspondants sur place.
Témoignage de #Syrie: «Cela devient extrêmement difficile de référer des patients. Chaque fois qu’une ambulance part d’ici, elle est bombardée», docteur travaillant dans un hôpital de la #GhoutaOrientale, le 24/02 https://t.co/1Jyx2EXXRF
— MSF France (@MSF_france) February 25, 2018
Hasan sera contacté par l’AFP après un bombardement dans un marché de Douma en août 2015, l’agence le forme au photojournalisme par internet. À partir de ce moment, les photos d’Hasan se retrouvent en illustration des articles de médias français évoquant les bilans meurtriers du quotidien de Douma.

copyright Hasan – AFP – La Goutha
En novembre 2017, les bombardements sont aléatoires, impossibles à prévoir.
“Le régime nous faisait une guerre physique et psychologique, tu n’es jamais en paix, jamais en sécurité. À cette époque, nous ne pouvions plus vivre que dans les caves.”
Un obus tombe, les secours s’activent pour sortir les victimes des décombres, puis quelques minutes après, une seconde détonation, une nouvelle frappe, visant cette fois-ci les secouristes.
“Je suis parti avec mon appareil photo, un ordinateur emprunté à un ami et les clefs de mon appartement à Douma.”
En février 2018, l’étau se resserre autour de Douma, les bombardements s’intensifient de nouveau. Les quartiers voisins de Mesraba puis Harasta tombent. Les gens fuient la ville. “Le régime voulait une évacuation totale. Si l’on restait, c’était les prisons du régime qui nous attendaient.”
En avril, Hasan quitte sa région natale pour Idleb, puis prend la direction de la Turquie.
À dix reprises, il essaya de traverser la frontière turc, et à la dixième il parvint finalement à échapper aux garde-frontières turcs. “Je n’avais plus de repères, plus d’émotion, je ne pouvais pas regarder de vidéos de Syrie. Avec ou sans papiers syrien, hors du pays je n’étais personne.”
C’est l’AFP qui lui proposa un exil en France. Le voyage, sans argent ni contact, pris onze mois à Hasan. Désormais, il souhaite reprendre des études en journalisme, en France, loin de la Syrie.
“Quand je couvrais la révolution en Syrie, j’emportais toujours ce keffieh avec moi, je le portais durant chaque attaques chimiques.”
Liberté de la presse : la démocratie est-elle en danger ?22/09/2023 - 1:15
Ce mardi 19 septembre à la Bourse du travail dans le 3ᵉ arrondissement de Paris était organisé un colloque sur la thématique « Conditions de travail des journalistes : la démocratie est-elle en danger ? Quelles solutions ? ». L’objectif : échanger sans filtres avec plusieurs intervenants sur les différentes pressions exercées sur les journalistes et sur la fracture […]
FRANCE. La journaliste d’investigation Ariane Lavrilleux en garde-à-vue20/09/2023 - 11:12
La journaliste du site Disclose, Ariane Lavrilleux, a été placée en garde-à-vue. En cause, ses révélations sur les “Egypt Papers.”
Procédures-bâillons : bientôt une nouvelle législation européenne ?18/09/2023 - 1:20
Comment la directive anti-SLAPP de la Commission européenne va-t-elle protéger les journalistes de l’UE des procédures judiciaires abusives ?
Rentrée 2023 : JARIS, un centre de formation qui prône l’inclusion 13/09/2023 - 2:03
JARIS accueille pour sa rentrée 13 personnes en situation de handicap ou avec des troubles du développement. Focus avec son fondateur, Eric Canda.
Les résidences de journalistes, fer de lance de l’EMI ?01/09/2023 - 9:00
L’Oeil vous fait découvrir la résidence de journalistes, un projet national d’éducation aux médias et à l’information (EMI) pour tous.
PORTRAIT. Farhad Shamo Roto, Ézidi « apatride dans mon propre pays »04/08/2023 - 10:00
Lauréat 2023 de l’Initiative Marianne et fondateur « Voice of Ézidis », Farhad n’a cessé de se battre pour son peuple et les droits humains.
PORTRAIT. Farhad Shamo Roto, Ézidi “stateless in my own country”04/08/2023 - 8:00
Winner of the 2023 Marianne Initiative and founder of Voice of Ezidis, Farhad has never stopped fighting for his people and human rights.
PORTRAIT. Tamilla Imanova : « Il était impossible que le peuple russe se taise »24/07/2023 - 10:31
Lauréate 2023 de l’Initiative Marianne, Tamilla Imanova revient pour l’Œil sur la défense des droits de l’Homme et l’activisme en Russie.
RD Congo : Tshisekedi met les gants contre l’Eglise Catholique05/07/2023 - 8:52
Les tensions entre l’Eglise catholique et le président de la RDC s’aggravent quant à l’élection présidentielle, prévue pour décembre 2023.
Wagner : comment la mutinerie a-t-elle été traitée par les médias russes ?28/06/2023 - 1:14
En Russie, comment les médias d’Etat et la presse indépendante ont-ils analysé la mutinerie de Wagner contre Vladimir Poutine ce week-end ?
CHOKRI CHIHI, exiled journalist: “In Tunisia, it’s a nightmare”14/06/2023 - 10:16
Chokri Chihi, a journalist who has been a victim of police violence for years, was forced to leave Tunisia to stay alive.
In Burkina Faso, is the government trying to silence the French media ?13/06/2023 - 2:28
Disinformation, threats and political propaganda have been the order of the day in the French media since the coup d’état in September 2022.
Brazil : does Lula’s re-election mark the return of the free press ?13/06/2023 - 10:11
More than 150 days after the inauguration of Luiz Inácio Lula da Silva, what has become of the press muzzled by Bolsonaro and his supporters?
CHOKRI CHIHI, journaliste exilé : “En Tunisie, c’est un cauchemar”08/06/2023 - 9:26
Né à Tunis (Tunisie) le 29 avril 1983, Chokri Chihi grandit avec ses quatre frères au sein d’une famille modeste. S’il suit un master en droit international privé en 2006 à la faculté de Tunis, le journalisme apparaît rapidement comme une évidence pour Chokri : “Depuis petit, je suis bavard, je parle beaucoup, je participe […]
Brésil : la réélection de Lula signe-t-elle le retour de la presse libre ?06/06/2023 - 10:38
Plus de 150 jours après l’investiture de Luiz Inácio Lula da Silva, qu’est devenue la presse muselée ? L’Œil de la maison des journalistes fait le point.
PORTRAIT. « Nous n’avons rien fait de mal, juste tendu notre micro et allumé la caméra »05/06/2023 - 12:28
Malgré les menaces de mort et les intimidations, le journaliste malien Malick Konaté n’a jamais tourné le dos à sa vocation : l’information.
À l’Hôtel de ville de Paris, une cérémonie d’accueil des plus symboliques15/05/2023 - 4:13
Ce 3 mai, la MDJ a tenu sa cérémonie d’accueil des journalistes à l’Hôtel de ville avec FMM, RSF, Ouest-France ou encore France Télévisions.
Élections présidentielles turques 2023 : La propagande est de mise15/05/2023 - 9:48
Depuis la tentative de coup d’État ratée contre Recep Tayyip Erdogan en juillet 2016, les journalistes sont muselés, bâillonnés en Turquie. Ce dimanche 14 mai 2023 se déroulaient les élections présidentielles turques, opposant principalement le président actuel Recep Tayyip Erdogan à Kemal Kiliçdaroglu. Erdogan est en tête, mais un second tour se profile. Depuis 20 […]
Au Burkina Faso, le gouvernement tenterait-il de faire taire les médias français ? 10/05/2023 - 9:47
Désinformation, menaces et propagande politique rythment la vie des médias français au Burkina depuis le coup d’Etat d’Ibrahim Traoré en 2022.
En Afghanistan, les talibans répandent encore et toujours la peur auprès des journalistes02/05/2023 - 2:26
Depuis août 2021, les talibans censurent, torturent et assassinent les professionnels des médias afin d’asseoir leur pouvoir sur le pays.