Les non-dits sur la messe françafrique du 17-18 et l’énigme Sassou

La France, craignant de perdre son pré-carré face à la Chine qui dicte de plus en plus la loi à travers ses investissements en Afrique et la Russie qui occupe le terrain militaire, ainsi que l’incontournable “dictateur-pyromane-pompier”, Sassou Denis, a lancé un appât les 17-18 mai 2021 sous le couvert du sommet sur la relance des économies africaines. 

Le 15 avril 2021, 18 dirigeants africains et européens ont publié une tribune pour affronter les conséquences de la crise sanitaire et économique consécutives à la Covid-19 en Afrique. Bondissant sur l’occasion, le président français Emmanuel Macron, qui meuble son bilan, appelait le 27 avril 2021 à “un New Deal”  pour “aider” les économies africaines dont les mécanismes de financement devraient être discutés au cours d’un sommet regroupant divers acteurs du 17 au 18 mai 2021.

Quelques jours après, la France passait à l’acte en invitant des pays et organisations internationales à participer à ce conclave. Ont été invités en présentiel : le Fonds monétaire international (FMI), la République démocratique du Congo (RDD), l’Angola, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, l’Egypte, l’Ethiopie, le Ghana, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Nigeria, le Rwanda, le Sénégal, le Soudan, le Togo, le Tchad, la Tunisie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Chine et en visioconférence : les Pays-Bas, l’Allemagne, le Japon, le Kenya, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque mondiale ainsi que plusieurs banques publiques internationales.

A la dernière minute, la France qui n’avait pas inscrit les mauvais élèves de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) à ce sommet, révise sa copie en conviant cette fois-ci, l’incontournable et l’indéboulonnable dictateur-pyromane-pompier Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville qui martyrise son peuple et tire des ficelles çà et là selon des sources concordantes. Dans la foulée, le président Sassou prend langue avec ses pairs Macky Sall, Félix Tshisekedi-Tshilombo et Faure Eyadema descendu en express à Brazzaville le 15 mai pour mettre en place une stratégie commune. Ce même jour, le colonel-Ambassadeur-directeur national du protocole congolais se plie en quatre pour le déplacement d’une petite délégation en France. Ali Bongo Ondimba, chef d’Etat gabonais par contre, se rend  au Royaume Uni. Le Camerounais Paul Biya hésite à se rendre en Europe depuis qu’il a été exposé à la vindicte populaire par les Occidentaux lors de son dernier séjour et il est toujours hanté par la mort d’Idriss Deby Itno alors qu’il rentrait d’une invitation à Brazzaville. Le centrafricain est en froid avec la France.   

Les grands axes du Sommet

Mardi 17 mai dès 9h00 GMT, des délégations, en format réduit dû au respect de mesures barrières, amorcent leur arrivée au Grand Palais Ephémère à Paris. Et à 11h00 GMT débute le sommet sur le financement des économies africaines clôturé le 18 mai 2021 par une conférence de presse animée conjointement par les présidents Emmanuel Macron,  Macky Sall, Félix Tshisekedi-Tshilombo de l’Union africaine et la Directrice générale du FMI Kristina Georgieva.

 

Ce sommet qui a regroupé une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que des dirigeants d’organisations internationales et quelques rares individualités, a tracé au cours de deux sessions de discussions, les grands axes de financement et de traitement de la dette publique et privée africaine jusqu’en 2023. 

Ladite dette avait pourtant baissé suite à l’initiative du FMI avec la Banque mondiale, avant de remonter en flèche entre 2006 et 2019, passant de 100 à 309  milliards de dollars par le fait de la gestion peu orthodoxe des pays d’Afrique, couplée à la crise sanitaire liée au Covid-19. Ainsi, les participants se sont convenus de la réaffectation des réserves du FMI « droits de tirages spéciaux » des pays riches vers les pays en développement qui sont exposés à un déficit de financement de 290 milliards de dollars d’ici 2023 nonobstant les prévisions de croissance de 4% du continent en 2022. S’il est vrai que le président Macron s’est  référé au « New Deal » mis en place par le président américain Franklin Roosevelt pour lutter contre la grande dépression des années 1930, cependant les initiés se demandent si l’Afrique va en tirer profit. Tenez ! Le FMI devrait décaisser 650 milliards de dollars pour les Africains mais 34 milliards de dollars seulement de ressources ont été actés, à la dernière réunion des ministres des finances et des gouverneurs du G20 et au sommet du 18 mai, qui leur seront attribués en juin 2021 via les DTS (droits de tirage spéciaux). Pire, ces 34 milliards devraient encore revenir aux Occidentaux par l’achat des produits de base et de matériel médical. Cela ressemble à “un usurier qui vous donne petit par la main gauche pour vous retirer gros par la main droite” ou encore, un “féticheur qui vous guérit d’une maladie mais vous colle un autre démon qui vous torture sur divers plans malgré la facture que vous payez”.

Les à-côtés du sommet

En marge de ce sommet, des audiences et des concertations ont eu lieu entre le 16 et le 20 mai. Les négociations du Soudan avec la France par exemple ont abouti à l’annulation de sa dette et d’un accompagnement. les cinq chefs d’Etat et de gouvernement du G5 Sahel ont tenu un mini-sommet le 16 mai 2021 à l’hôtel Péninsule où ils ont dégagé une position commune sur les moyens de lutter efficacement contre le terrorisme. M. Sassou a reçu à l’hôtel le Bristol le 18 mai entre 10 et 14h30, Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, Patrick Pouyanné, Pdg de Total, Cyril Bolloré, gérant statutaire du groupe Bolloré et Rachida Dati, maire du VII arrondissement de Paris. L’affront tant redouté par plus d’une personne à l’arrivée de M. Sassou, de la délégation tchadienne et autre n’a pas eu lieu. Toutes ses rencontres se sont déroulées en toute sérénité même quand d’infimes activistes se sont agités. Cela confirme que les intérêts diplomatiques et économiques ont primé sur le maintien des putschistes au Tchad et sur l’affaire Guy Brice Parfait Kolelas dont l’examen approfondi des conclusions confirme, le décès survenu le 21 et non le 22 mars 2021, ce qui reste un boulet sur le pied du pouvoir du Congo.

L’expert Lefort que nous avons interrogé au sortir de ce sommet nous avoue que, certes, la France offre des opportunités au Sud, cependant, le salut de l’Afrique ne viendra pas de la France mais, des Africains eux-mêmes. Par conséquent, ces derniers doivent transformer ou fabriquer des produits sur place, comme le propose Félix Tshisekedi pour les vaccins contre la covid-19. Mais pour obtenir les résultats escomptés, les africains doivent miser sur la formation tout en bannissant le tribalisme, qui est un frein au développement, au profit de l’amour, le patriotisme, la solidarité et par-dessus, chercher à rapatrier les fonds planqués dans divers paradis fiscaux pour le mieux vivre ensemble. 

Ghys Fortune BEMBA-DOMBE, journaliste congolais, ancien résident de la Maison des journalistes (MDJ). Auteur du livre “De l’Enfer à la Liberté” (2019)

 

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Michèle Léridon, notre grande amie de la Maison des journalistes n’est plus.

Ancienne directrice de l’information de l’Agence France-Presse, première femme à ce poste, Michèle Léridon est décédée brutalement, lundi 3 mai à l’âge de 62 ans, date de la journée mondiale de la liberté de la presse. Elle était une grande amie de la Maison des journalistes.

Figure du paysage médiatique français (lire sa biographie détaillée), membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en charge du pluralisme, elle a œuvré – avec l’AFP – pour l’accueil et l’insertion professionnelle des journalistes réfugiés.

Reconnue à l’unanimité par ses pairs, de nombreux hommages saluent son professionnalisme, son engagement et son courage. “Quelle tristesse! Quelle perte pour le journalisme! (…) Michèle était une vraie amie de la Maison des journalistes”, a twitté Darline Cothière, directrice de la Maison des journalistes.

En juin 2017, Michèle Léridon et ses collègues[1] avaient reçu une délégation de journalistes de la Maison des journalistes au sein du siège de la rédaction de l’Agence France Presse (AFP), dans le cadre du partenariat. « L’AFP est heureuse et fière de s’associer à la Maison des journalistes. Celle-ci joue un rôle essentiel dans l’accueil et l’accompagnement des journalistes qui ont fui leur pays pour avoir voulu exercer leur métier d’informer au péril de leur vie ou de leur liberté », avait déclaré à cette occasion la directrice de l’Information de l’AFP, Michèle Léridon.

Michèle Léridon aux côtés des journalistes résidents de la MDJ

Pour Fabrice Fries, président de l’AFP, Michèle était “l’archétype du journaliste de l’AFP avec un parcours varié, une expérience internationale et faisait preuve d’un grand courage sur le terrain”.

Roch-Olivier Maistre, président du CSA, très ému, a salué sa très grande rigueur intellectuelle et professionnelle.

Le personnel de la Maison des journalistes et ses journalistes résident.e.s adressent à sa famille, ses proches et ses collègues, de chaleureuses et affectueuses pensées. Ils s’engagent à poursuivre son combat aux côtés de l’AFP dans le cadre de leur partenariat.

[1] Boris Bachorz (directeur régional Afrique), Sonia Bakaric (adjointe au chef du Desk international et chargée de la cellule Afrique), Sophie Wronecki (assistante à la direction de la communication),  Frédéric Dumoulin, (chef du service politique), Philippe Chetwynd (rédacteur en chef central), Rémi Banet (Journaliste réseaux sociaux), Leon Bruneau (chef du Desk international), Sébastien Casteran (adjoint du chef de Service Infographie) et Frédéric Bourgeais (Graphiste Web/Designer interactif).

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Dara (dessinateur iranien) : “Des jeunes vivent la liberté sans en avoir conscience”

En collaboration avec la Maison des journalistes, L’Orient à l’envers vous présente Dara, caricaturiste iranien aujourd’hui réfugié en France. Via son parcours, cet ancien résident de la MDJ revient sur son métier, ses conditions de travail en Iran, son arrivée en France et les valeurs qu’il porte aujourd’hui.

Ancien résident de la Maison des journalistes (MDJ), Dara est arrivé en France en 2015 après la fermeture de son journal et fuyant les menaces à son encontre. “Je suis arrivé ici par hasard. C’est étrange, avec toutes les difficultés, comme l’obstacle de la langue. Un changement radical”.

Dessinant depuis l’âge de huit ans, ce langage universel lui permet de penser, communiquer et partager. C’est SA vie, résume-il. D’ailleurs, la première chose faite le jour de son arrivée à Paris, fut de se rendre au musée du Louvre. “C’était MON rêve d’enfant. C’était impressionnant. La culture française en général m’attire beaucoup”.

Dans ce podcast, Dara évoque aussi sa vision de la société française, estimant que son pays est incompris des Français, par leurs jugements “ erronés” sur les Iraniens. Ce constat le choque surtout lorsque les médias sont impliqués. “Nous sommes restés étrangers au monde occidental. L’Iran est malheureusement très absent des médias français, ses images très stéréotypées découlent d’un jugement partial, comme pour voile ou l’autorité religieuse. Parfois c’est vrai, mais ce ne sont pas des choses fondamentales. Nous pourrions par exemple évoquer différents Irans : Iran de la politique, de la culture, de la religion, etc.” Dara estime que les Iraniens sont “plus modernes” qu’ils ne paraissent. “L’Iran n’est pas un pays démodé. Les chiffres montrent que les femmes iraniennes sont plus éduquées que les hommes. Nous sommes une société moderne, bien à jour par rapport à l’actualité, et l’islam iranien est particulier.”

Membre de l’association Cartooning for Peace créée par le dessinateur Plantu et Kofi Annan, prix Nobel de la Paix et ancien Secrétaire général des Nations Unies, Dara est engagé dans des combats lui tenant à cœur. C’est le cas par exemple de l’éducation aux médias avec de multiples ateliers qu’il anime au profit des collégiens et lycéens français. “Il y a des jeunes qui vivent la liberté sans en avoir conscience. J’adore partager cela avec eux et leur dire combien ils ont de la chance”.


Halgurd S. © L’Orient à l’envers

Écoutez également le podcast de Halgurd, réfugié kurde d’Irak et un autre ancien résident de la MDJ.

https://podcast.ausha.co/l-orient-a-l-envers/portrait-du-kurdistan 


À PROPOS DE L’ORIENT À L’ENVERS

Le podcast de décryptage inspirant et réaliste sur le danger d’une histoire unique sur le Moyen-Orient. Une histoire de catastrophes, de guerres incessantes, de pauvreté, de désespoir, mais surtout une représentation incomplète, négative, stéréotypée, qui éloigne, dépossède et déshumanise.

L’Orient à l’envers se propose d’analyser et critiquer ces représentations, de découvrir ces sujets oubliés et de comprendre cette actualité compliquée, méconnue ou mal connue pour porter une représentation différente, juste, authentique.

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Tchad. La France de Macron à l’épreuve des réalités ?

La disparition du président tchadien Idriss Deby va-t-elle influencer la politique de la France envers ce pays? Le décryptage de Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France.

Françafrique ! Ce néologisme est très connu en Afrique. Il renvoie aux réseaux d’influence « opaques », militaro-mercantiles, entretenus par la France dans sa relation avec le continent africain. Le président Macron, qui voulait être le « dernier de cordée » dans cette mauvaise entreprise, avait promis d’y mettre un point final. Quelle sera l’attitude de la France vis-à-vis de la situation au Tchad, après la disparition du président Idriss Deby ? On sait qu’au-delà de l’inconnue politique qui se présente devant ce pays, ce chef d’Etat constituait un appui non négligeable aux forces françaises Barkane déployées au Sahel.

Pas que. Depuis des décennies, la France militaire campe au Tchad, pour diverses autres raisons, dont celle, capitale, de défendre et contrôler son pré carré.

Novembre 2017, à l’université de Ouagadougou (Burkina Faso), le président français casse les codes : « Il n’y a plus de politique africaine de la France », martèle-t-il. C’est direct. C’est précis. Tonnerre d’applaudissements parmi les 800 étudiants burkinabè qui s’y trouvaient. La déclaration a eu une grande résonance en Afrique. En effet, depuis la chute du Mur de Berlin, en 1989, tous ses prédécesseurs ont certifié la mort de la Françafrique, mais personne n’y est parvenu.

Les présidents François Mitterrand et François Hollande, les socialistes, se sont limités à des vœux pieux. Est-ce parce que la Françafrique avait la vie dure en soi ou, au contraire, c’est parce que ses tenants ne voulaient pas, tout simplement, lâcher leur pactole ?  Quant au président Sarkozy, son désir pour mettre fin à cette forme subtile de néocolonialisme n’avait rien de sincère. A preuve, dans un discours, à Dakar, 2007, il a traité les peuples africains d’arriérés, puisque « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », selon lui. Autrement dit, la notion de tuteur qui régente tout pour eux devait leur être appli

Ces propos méprisants ont suscité une véritable levée de boucliers en Afrique noire francophone. Plusieurs écrivains et penseurs ont réagi à la provocation dans un ouvrage intitulé « L’Afrique répond à Sarkozy » (Editions Philippe Rey, 2008). Son résumé est simple : « Sapere aude ! » de Horace ou « ose savoir ». Les Africains voulaient dire qu’ils « savaient se servir de leur entendement ».

C’est dans cette atmosphère de méfiance, exprimée de part et d’autre, que le président Macron entre en scène, en 2017. Figure de pédagogue – le bon – et le verbe haut, il promet la mort de la Françafrique dans une sorte de serment : « J’appartiens à une génération qui ne vient pas dire aux Africains ce qu’ils doivent faire », professe-t-il. Exit donc, la génération des Jacques Foccart et autres Albert Bourgi, ceux, qui, après le général de Gaulle, constituaient l’âme damnée des présidents français, à l’égard de l’Afrique.

Aujourd’hui, l’Afrique regarde la France de Macron sur le Tchad, en tourments. Elle est placée au pied du mur. Que va-t-elle faire pour ce pays considéré comme une sorte de fer de lance dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest, ensanglantée par des groupes terroristes ? En 2019, le président Macron avait déjà rompu le serment, en bombardant une colonne venue encore une fois de Libye, pour sauver l’ami Idriss.

La situation actuelle au Tchad nous apportera la preuve que la France de Macron a donné un coup de grâce à la Françafrique. Un vrai piège !

 

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France

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Guinée. Interview avec le député Sébastien Nadot

Réélu à la tête de la Guinée pour un troisième mandat (après avoir modifié la constitution, qui limitait le pouvoir à deux mandats), le président Alpha Condé accentue la répression à l’encontre de ses opposants. Bilan : plus de 200 personnes ont été tuées par les Forces de défense et de sécurité (FDS) depuis 2010. 

Sébastien Nadot, député de la Haute Garonne et membre de la commission des affaires étrangères à l’assemblée nationale française, suit de près la situation en Guinée. Il a accepté notre invitation et a répondu aux questions de Mamadou Bah.

 

 

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De Gouville : Le jour où j’ai rencontré Sankara

Figure révolutionnaire africaine, Thomas Sankara (1947-1987) est considéré comme le « père de la révolution » au Burkina Faso (ancienne république de Haute-Volta). Président du Conseil national révolutionnaire et chef de l’État de facto pendant quatre ans (1983 – 1987),  il est assassiné le 15 octobre 1987. A ce jour, plusieurs zones d’ombres persistent concernant sa mort ainsi que son personnage. 

Albéric De Gouville, rédacteur en chef de France 24 et vice-président de la Maison des journalistes, est l’un des derniers journalistes à avoir interviewé le “Che Guevara africain”. Retour sur cette rencontre dans une interview réalisée par Mamadou Bhoye Bah pour L’œil de la MDJ.

 

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FRANCE – La liberté d’informer contre la loi “Sécurité Globale”

La loi « Sécurité Globale » est beaucoup critiquée par les défenseurs de la liberté de la presse à cause de l’article 24 qui sanctionne la diffusion “malveillante”  de l’image des policiers notamment lors de manifestations.

Qui va décider quelle diffusion est “malveillante” ? On peut juger une intention plutôt que des actes beaucoup plus concrets capturés grâce à la vidéo ? Par exemple si je filme la violence de la police pendant une manifestation, est-ce qu’un jour, un pouvoir, en utilisant cette loi peut me chasser ? Un journaliste ou un réalisateur peuvent-ils demeurer libre avec de telles questions en tête ? Ou, par peur, peut-être commenceront-ils à s’autocensurer?

J’ai participé aux manifestations des samedi 21 et 28 novembre à Paris avec cette question en tête.

 

Des risques pour les libertés

Une chose est sûre, si la loi « Sécurité Globale » qui interdit de filmer la police, avait existé en 2016 je n’aurais jamais pu faire ce court documentaire reçu par des festivals et récompensés par des prix.

“Une fois j’ai perdu un pays. Je ne veux pas en perdre un deuxième.”

Je suis en France depuis maintenant 4 ans. J’ai décidé de vivre en France en tant que journaliste et réalisateur parce que j’ai cru qu’ici, la liberté d’expression régnait. Mais pendant ces 4 ans j’ai pu observer un manque de liberté, pendant les manifestations des Gillets Jaunes ou encore lors de la marche du 1 Mai 2019… La violence est partout même lors des manifestations pacifiques.

Et cette question de l’accréditation… Monsieur le Ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a déclaré que les journalistes “doivent se rapprocher des autorités, en l’occurrence les préfets de département, singulièrement ici le préfet de police de Paris, pour se signaler, pour être protégés par les forces de l’ordre, pour pouvoir rendre compte, faire [leur] travail de journaliste dans les manifestations »

Est-ce que je suis en Chine ou Corée du Nord ? Ces régime totalitaire au sein desquels les journalistes doivent se rapprocher des autorités pour exercer.

Dans le combat pour la liberté si on perd la France, où va-t-on pouvoir aller ? Je ne sais pas.

Une fois j’ai perdu un pays. Je ne veux pas en perdre un deuxième.

Photographies par Beraat Gokkus.

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