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Congo – gouvernance : les turpitudes infinies du triumvirat Sassou, Collinet, et Mvouba.

Le début du mois d’avril au Congo fait tâche : des sanctions et interpellations discriminatoires des tiers en violation des procédures sont constatées à l’assemblée nationale et à la primature alors qu’à côté, des grands criminels se la coulent douce. Entretemps, le pays stagne.

Décryptage

Entre les études de faisabilité des projets et les approches méthodologiques que le Premier ministre Anatole Collinet Makosso (ACM) aime à prôner, on est perdu dans les dédales de la parole gouvernementale. ACM nous a habitué aux formules sibyllines telles que « le gouvernement y travaille », reprises en chœur et à tue-tête par ses ministres dont le bilan est plus que mitigé. On a l’impression que des grains de sable enrayent la machine de l’Exécutif.

On ne peut pas dire que c’est le fait d’un complot pour nuire à l’action du gouvernement. La machine s’est auto-enrayée par l’incompétence des animateurs des départements ministériels. Qu’il s’agisse d’éradiquer les phénomènes d’insécurité, de corruption, de concussion et de vol ou qu’il s’agisse d’améliorer les conditions de vie des populations, le gouvernement patauge et peine à donner les résultats escomptés. Au contraire, Il laisse se perpétrer et se développer les anti-valeurs.

Des dirigeants d’entreprises nationales dont on sait qu’ils ont amassé des fortunes colossales en détournant les deniers publics ne sont pas inquiétés ou sont, pour quelques-uns, théâtralisés par une fausse présentation devant le procureur et envoyés en petite et courte villégiature à la maison d’arrêt pour en ressortir illico presto comme si aucune charge ne pesait contre eux.

La toute dernière est celle de Ludovic Itoua, directeur général des impôts. ACM a lâché son bâton de commandement. Il ne frappe pas, surtout pas ceux de ses ministres indélicats à la boulimie financière reconnue, ou d’autres responsables tels que le directeur général du centre hospitalier universitaire de Brazzaville (CHUB), Thierry Ngombet ou celui de Energie électrique du Congo (E2C), Adou Danga qui brillent par une gestion peu orthodoxe. Ce sont de trop gros poissons, lourds à prendre au filet.

La sanction est réservée aux petites personnes, à l’instar de Jean Aimé Ndjembo, conseiller – chef du parc de la primature, suspendu de ses fonctions, il y a peu. Il est reproché à ce capitaine retraité depuis 2019, plusieurs fautes lourdes dont la dernière a été la subtilisation de deux véhicules 4×4 de commandement dont il a changé l’immatriculation avant de les prêter à Raoul Tchicaya qui s’en est gaiement servi aux obsèques de sa cousine, pour la frime rien de plus. La suspension de Njembo est l’exemple des petits fretins que l’on s’empresse de sanctionner tandis que les gros poissons continuent de vaquer à leurs activités de lucre. Njembo a été sanctionné et Tchicaya, le conseiller occulte d’ACM qui est à l’origine du problème, se frotte les mains. Une fois encore, la pression ethnique sera si forte que Njembo sera réhabilité sans doute.

ACM est même allé à la rescousse d’Adou Danga pour soutenir « l’incompétence » d’un DG qui ment chaque jour pour justifier le manque de fourniture d’électricité : en décembre 2023, il parlait de révisions des turbines, après ce fut les fortes précipitations qui ont endommagé les turbines, après c’est le manque d’entretien, puis la canicule, etc. Pire, ce dernier n’arrive pas à s’acquitter souvent des factures de la Société nationale d’électricité Snel de la RDC alors que E2C génère mensuellement 5 milliards de FCFA au minimum qui devraient lui permettre d’améliorer les services et régler divers problèmes de ladite société.

Curieusement ACM dédouane tous ces malfrats y compris Denis Christel Sassou Nguesso qui brade les terres arables et des polymétaux au profit des Rwandais sans tirer les conséquences que subissent les voisins de la RDC. On se demande ce que retiendra le citoyen lambda de la gouvernance d’ACM. De même, quid de l’Assemblée nationale où le maillet d’Isidore Mvouba dévie de la trajectoire réglementaire ?

Les manœuvres du président de l’Assemblée, Isidore Mvouba (Isis)

L’article 130 de la constitution congolaise de 2015 et 73 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale interdisent l’interpellation d’un député sans lever son immunité parlementaire. Isis s’est passé desdits articles en laissant les services de sécurité kidnapper le député Hydevert Moigny. Plus grave, pour montrer sa complicité avec les services de renseignements, Isis impose à ses collègues le vote à main levée alors qu’il existe, dans l’hémicycle, le système de vote électronique qui permet dans la discrétion à chaque député d’appuyer juste sur un bouton comme cela se fait au Sénat.

Sassou Nguesso à la manœuvre.

Mais ACM et Isis ont-ils assez de courage politique pour être objectifs et contrarier leur mentor Sassou Nguesso, pourraient se demander les âmes naïves ? Par le passé et même aujourd’hui, le Congo connaît les patriotes qui ont le courage et le sens de l’honneur, comme Gnali Gomez qui avait démissionné de ses fonctions, Clément Mouamba, Marcel Ntsourou et Cie qui ont pu résister aux injonctions de M. Sassou. Mais les gouvernants actuels ne sont aux affaires que pour se remplir les poches et non pour le bien-être et l’avenir harmonieux des congolais.

Face au désordre observé dans diverses administrations et à la violation permanente des libertés fondamentales et des droits humains, les Congolais patriotes doivent prendre des vraies résolutions pour faire bouger les lignes et réfléchir sur les contrats léonins notamment ceux liées à la cession des terres.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

La perfidie des alliances

Les alliances entre les États au XXIème siècle ! On doit encore en parler, vu la kyrielle des conséquences qu’elles génèrent sur la planète avec les risques d’occasionner une troisième guerre mondiale.

Deux siècles (XXème et XXIème) semblent s’être accordés pour se décliner en siècles de violence extrême, de tragédies humaines et de complots de tout genre. Les deux guerres mondiales (1914 et 1935) du vingtième siècle n’ont pas suffi à mettre en péril la terre entière, et voilà que le vingt-unième siècle prend le relais pour servir à l’humanité d’autres guerres essentiellement transfrontalières et dont moultes personnes disent qu’elles ouvrent le chemin à la 3ème guerre mondiale.

Pessimisme ou fatalisme, réalisme ou supputation, les guerres sont bien là, aussi cruelles et dévastatrices que celles du siècle dernier. Elles mettent en selle, cette fois encore, des alliances qui se dévoilent au fil des événements si elles n’ont pas été les instigatrices des conflits pour des raisons qui se laissent deviner.

À chaque belligérant ses alliés constitués sur la base d’intérêts. Personne ne peut soutenir que c’est pour de simples convenances que la fédération de Russie est en odeur de sainteté auprès de la Chine, l’Inde, la Corée du Nord, la Biélorussie, et de certains pays africains comme l’Érythrée et autres courtisans du continent venus en Russie pendant le sommet Afrique-Russie pour solliciter la bienfaisance du Kremlin.

Beaucoup de ces États se sont rapprochés de Poutine, soit pour des raisons d’instinct de survie (le cas de la Syrie de Bachar Al-Assad dont le régime ne tient que grâce au président russe). La Chine et l’Inde sont suspendues au pétrole de la fédération.

L’Iran et la Corée du Nord nourrissent une haine viscérale pour l’Occident. Kim Jong-Un trouve dans le discours du Kremlin le même tempo que celui qui fonde sa propre dynamique politique. Dans le réseau des alliances, l’Ukraine n’est pas l’enfant pauvre. Le soutien des États-Unis et de l’Europe lui est acquis.

Emmanuel Macron a franchi le Rubicon en annonçant urbi et orbi qu’il serait prêt à envoyer les troupes françaises combattre aux côtés des forces ukrainiennes. Biden continue de saigner le trésor américain dans la fourniture des armes et des munitions. Ainsi, la guerre change plus ou moins de front. Elle n’est plus russo-ukrainienne, américano-russe… 

À cette allure, la déflagration générale est au seuil de la terre. Les prémices de la troisième guerre mondiale sont visibles.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

DÉO NAMUJIMBO LAURÉAT DE L’ÉDITION 2024 DU PRIX VICTOIRE INGABIRE UMUHOZA : INTERVIEW

Déo Namujimbo, journaliste aux facettes multiples originaire de République Démocratique du Congo, exilé en France, fait partie des lauréats du Prix Victoire Ingabire. Décerné par le Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix en hommage à Victoire Ingabire Umuhoza, éminente militante rwandaise pour la démocratie et la paix, ce prix met en lumière le courage et les initiatives exemplaires de Deo Namujimbo ainsi que de ses compagnons lauréats.

À cette occasion, l’écrivain nous accorde une interview exclusive pour revenir sur son engagement et l’obtention de son prix. Il partage avec nous ses réflexions.

Félicitations pour ce Prix Victoire Ingabire, pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous ?

J’ai remporté plusieurs prix nationaux et internationaux tout au long de ma vie, mais je n’ai aucune difficulté à dire que le prix Victoire Ingabire Umuhoza est pour moi plus important que tous les autres réunis, en ce sens qu’il symbolise ce que j’appelle « mon combat », qui est aussi celui de cette noble dame que personnellement je surnomme la Aung San Suu Kyi de l’Afrique des Grands lacs. Le combat pour la paix, la justice, et le respect de la vie humaine et de la démocratie en Afrique centrale, principalement au Rwanda et en République pseudo démocratique du Congo.

En recevant le Prix Victoire Ingabire, votre engagement pour la liberté de la presse et la défense des droits de l’homme est consacré. Comment envisagez-vous de le poursuivre dans ce domaine ?

Jusqu’à mon dernier jour je poursuivrai mon combat en respectant à la lettre ma devise qui me convainc à continuer ma lutte au péril de ma vie : « Je me bats sans bombes ni fusils. Mes seules armes sont la loi et la justice, la plume et le papier ». Tant que j’aurai de l’encre dans mon stylo je continuerai à écrire, je participerai à tous les débats concernant les malheurs des peuples de mon pays d’origine la RDC et le silence – j’allais dire l’omerta institutionnalisée – qui frappe quiconque, journaliste, écrivain, activiste, qui ose dénoncer la férule subie par ces millions d’êtres humains de la part d’un régime dictatorial et sanguinaire installé et encouragé par les « dirigeants » de ce monde. Mais les Congolais et les réfugiés rwandais sont-ils encore considérés comme des êtres humains, combien pèsent-ils devant les intérêts des États et des multinationales ?

Y a-t-il des projets ou des initiatives futures auxquels vous participez ou que vous envisagez de mettre en œuvre pour soutenir la liberté de la presse et les droits de l’homme ?

Pour le moment je me limite, faute de moyens, à dénoncer à travers mes livres et les conférences-débats auxquelles je suis invité de temps en temps. Je dois ici crier mon découragement et mon désarroi en constatant que la France – et aussi la Belgique – n’est pas le pays de la liberté de presse que je m’étais toujours imaginé. Je ne vous en cite que quelques exemples : lors de la parution de mon livre intitulé La Grande manipulation de Paul Kagame aux éditions Arcane 17 en mai 2023, mon éditrice et moi-même avons pris grand soin d’en envoyer un exemplaire à pratiquement toutes les grandes rédactions régionales et nationales de la presse écrite et de la télévision. Aujourd’hui, près d’une année après, force est de constater que pas une seule ligne n’en a jamais été écrite ou publiée, pas un mot n’en a été dit à la télévision. De même que bien d’autres livres écrits et publiés par des journalistes et écrivains de talent comme les Américains Stephen Smith, et Reed Brody, la Canadienne Judi Rever ou encore la Britannique Michela Wrong et les prêtres belges Serge Desouter et Guy Theunis. Encore moins le professeur Filip Reyntjens… Même pas dans l’Humanité, journal communiste par excellence pour lequel ma co-autrice Françoise Germain Robin a été journaliste et grand reporter pendant 35 ans. Où est donc la liberté de presse quand on a vu il y a deux ans Mme Natacha Polony, directrice de rédaction du magazine Marianne, trainée devant la justice française pour avoir simplement dit dans une émission de radio, je la cite : « Pendant le génocide rwandais, il y avait des salauds dans les deux camps ». En résumé, je me battrai aussi longtemps qu’il le faudra pour rétablir la vérité sur ce sujet et tant qu’on voudra faire croire aux Français et au reste du monde que l’homme qui martyrise des millions de personnes en Afrique centrale est un saint et une victime, alors qu’en vérité c’est le pire meurtrier que le monde ait connu depuis un certain Adolf Hitler.

GERMAIN-ROBIN, Françoise, NAMUJIMBO, Déo. La grande manipulation de Paul Kagame, ed. Arcane 17, 2024.

En quoi ce prix raisonne-t-il particulièrement avec la situation actuelle en RDC selon vous ?

Pour moi, ce prix est la reconnaissance qu’il y a encore des personnes qui luttent et risquent leurs vies au quotidien non seulement pour les habitants de la RDC et du Rwanda, mais en général pour l’Afrique et le monde en général. Je résumerai simplement en citant l’exemple du correspondant en RDC de Radio France International, Stanys Bujakera Tshiamala, qui vient d’être libéré de prison après six mois passés à l’ombre pratiquement sans jugement et sans motif sérieux, simplement pour avoir fait son travail d’informer sur l’assassinat du porte-parole d’un opposant au chef de l’Etat…

Pouvez-vous nous faire un bref point de la situation du journalisme en RDC ? Quels sont les principaux moyens de censure des journalistes en RDC ?

Au risque de vous décevoir, je ne crois plus au journalisme en RDC. N’importe qui s’improvise journaliste pour peu qu’il sache écrire et publier quelques lignes pou raconter des blablas sur les réseaux sociaux. Lorsque tous les journaux, les radios et les maisons de télévision appartiennent à des hommes d’affaires, des partis politiques ou des églises vous comprendrez aisément que le journaliste ne peut que répercuter la voix de son maître. Depuis une trentaine d’années tous les bons journalistes sont morts, ont changé de métier ou sont partis vivre en exil.

Les journalistes s’autocensurent-ils ou pourrait-on parler d’un système de journalistes de “garde” qui défendent le gouvernement plutôt que de fournir une information véritable ?

Tout le monde sait exactement ce qui se passe mais n’ose pas en parler, surtout pas les journalistes qui ont intérêt à la fermer de peur de perdre leur boulot, de se retrouver en prison ou au cimetière. Ceux qui tiennent à leur honneur ou à faire du bon travail objectif et professionnel prennent le chemin de l’exil.

Vous soulignez que l’un des plus grands défis pour la République démocratique du Congo est la concentration considérable de richesses, notamment des minerais, sur son territoire. Dans ce contexte, pensez-vous que le pays est toujours en proie à un système de désordre organisé orchestré par des puissances extérieures, ou est-ce que l’arrivée de nouvelles puissances telles que la Russie ou la Chine a modifié cette dynamique ?

En toute honnêteté je ne suis plus au quotidien les réalités économiques de mon pays d’origine. Je ne connais donc pas avec précision l’ampleur de la mainmise de la Chine ou de la Russie par exemple dans l’économie de la RDC. Mais ce que je peux dire sans hésiter et sans peur d’être contredit, c’est que l’Occident a une grande part de responsabilités dans la situation dramatique que traverse cette partie du monde depuis plus d’un quart de siècle. Sinon comment pouvez-vous expliquer que la France, comme elle ne peut plus envoyer des mercenaires en Afrique comme du temps de Bob Denard, utilise aujourd’hui l’armée du Rwanda pour protéger les mines de gaz de Total Energies au Mozambique ? Qui pourrait me dire à quel jeu joue l’Union européenne en offrant régulièrement des dizaines de millions d’euros à l’armée rwandaise tout en condamnant cette même armée de soutenir la rébellion du M23 qui endeuille des millions de familles à l’est du Congo et cause des déplacements de millions d’autres personnes déplacées de leurs maisons et de leurs villages ?

Un seul exemple : il y a 18 mois environ l’on a découvert d’importants gisements de lithium dans les environs du village de Kishishe d’où les rebelles du M23 se sont empressés de faire fuir les habitants. Quelques mois plus tard l’Union européenne signe un contrat avec le Rwanda pour l’exploitation du lithium, en sachant pertinemment que ce pays ne décèle pas un seul gramme de ce minerai dans son sous-sol. Si vous y comprenez quelque chose, je vous envie.

Hormis ce que l’on vient d’évoquer, y a-t-il d’autres obstacles à la démocratie et au respect des droits de l’homme en RDC, et quelles solutions pourraient être envisagées pour les surmonter ?

Il existe en RDC toute une litanie d’obstacles à la démocratie et au respect des droits de l’homme mais ces obstacles sont dus à l’incompétence et à l’avidité des tenants du pouvoir à Kinshasa et dans les provinces. Les autorités politiques, militaires et administratives ne s’occupent que de piller le pays pour leurs propres intérêts, ne s’occupant pas un seul instant des millions d’enfants qui dorment dans la rue, des centaines de milliers d’autres qui n’ont pas les moyens d’aller à l’école.

Au point qu’un adage courant dit que tous les fonctionnaires congolais souffrent du SIDA : le Salaire Impayé Depuis des Années, pendant que le président de la République, les ministres, les officiers supérieurs, les députés et en général tous les « représentants » du peuple sont millionnaires, certains milliardaires, et se prélassent dans les plus luxueux palaces du monde. Comme on ne peut pas construire assez de prisons, la seule solution serait de construire un grand mur autour de la présidence de la République, du Sénat, de l’Assemblée nationale et de l’Etat-Major général de l’armée. Mais qui pour les remplacer ? C’est là la grande question. Je vous remercie.

Par Valentin Koprowski

La diplomatie internationale en panne

Après deux décennies de succès diplomatiques, les Nations unies montrent des signes d’essoufflement. Les conflits se perpétuent sous l’œil impuissant du Conseil de Sécurité dont les membres sont préoccupés par des intérêts économiques.

Il n’est de doute pour personne que les conflits qui secouent le monde aujourd’hui participent sans conteste de la conquête des terres. Que l’on prenne la guerre russo-ukrainienne, israélo-palestinienne ou celle qui sévit en République démocratique du Congo entre le Rwanda et ce pays, les pays en belligérance partagent les mêmes frontières. En droit international public, la communauté des frontières informe la question du bon voisinage, principe qui intègre la règle diplomatique.

Il est entendu tout d’abord que le bon voisinage suppose le respect de la souveraineté étrangère, le non recours à la force, le règlement pacifique des conflits et l’esprit de coopération entre les États ; mais la notion comprend plus spécifiquement l’obligation pour chaque État de ne pas utiliser son territoire contre l’État voisin, l’obligation de prendre des mesures efficaces, afin d’éviter de porter préjudice.

C’est aussi l’obligation d’informer ou de consulter le voisin sur les activités qui peuvent l’affecter, et l’obligation de ne pas commettre d’actes de nature à aggraver un état de tension. Il apparaît, en définitive, que le bon voisinage n’est pas autre chose que le respect de certains principes fondamentaux du droit international. Il semble que les pays cités plus haut connaissent tous, d’une façon ou d’une autre, ces principes et ont paraphé des textes y relatifs.

Mais pour des raisons d’hégémonie, certains de ces pays, notamment ceux considérés dans l’imaginaire collectif et même dans la réalité géopolitique comme les agresseurs, foulent aux pieds les principes de bon voisinage. Il est certain que des États membres des Nations Unies sont de connivence avec les pays dits agresseurs, jouant parfois la taupe pour des intérêts financiers. Les agressions sont encouragées, entretenues et soutenues par certaines puissances.

Les U.S.A par exemple, fournissent mensuellement un arsenal militaire important et accordent une aide financière à hauteur de plusieurs milliards de dollars à Israël qui lui permettent d’assiéger la Palestine. La communauté internationale ne prend pas non plus des sanctions contre l’État hébreux qui continue les bombardements et distribue les armes aux colons dans les territoires occupés. Il a fallu attendre 31889 morts pour que les U.S.A pensent à une résolution à l’ONU.

Un « processus de paix » historiquement instable

Comment donc les institutions onusiennes pourraient réussir à ramener la paix dans les foyers de tension ? On constate aisément une panne diplomatique criarde des institutions bilatérales et multilatérales. Disons d’ores et déjà que toutes les négociations et les nombreux pourparlers entrepris sous l’égide de l’ONU sont des coups d’épée dans l’eau. Rappelons quelques faits qui jalonnent l’interminable « processus de paix » semé de beaucoup d’échecs depuis 1993 dans le conflit israélo-palestinien. Le 13 septembre 1993, le président américain Bill Clinton amorce une démarche d’apaisement en recevant à la Maison Blanche le chef de l’OLP Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin qui se serrent la main pour la première fois.

D’aucuns pensaient que l’exploit du président américain devait permettre aux deux ennemis d’enterrer la hache de guerre. Ce geste de mansuétude n’était que pure hypocrisie. Entre la conquête des terres par Israël et la protection de celles qui étaient un patrimoine pour les Palestiniens qui continuent de voir leur espace vital se rétrécir comme une peau de chagrin, le droit et la raison étaient entrés dans une impasse diplomatique. La poignée de mains entre Arafat et Rabin qui aurait pu être décisive dans la résolution du conflit n’a jamais fait des émules.

Trop d’intérêts géostratégiques étaient en jeu ; beaucoup de pays du Moyen-Orient et ceux d’ailleurs, ainsi que les firmes européennes, fabricants d’armes, empêchaient subtilement la “roadmap” de la paix de se dérouler sans heurts. Rien ni personne ne pouvait contenir les violences et les drames humains aboutissant à la tragédie que nous connaissons aujourd’hui.

Octobre noir, comme on peut l’appeler, est le sombre repère du déluge qui va de nouveau s’abattre sur la bande de Gaza. Le 7 octobre 2023, la terre de Gaza s’imbibe de sang qui coule à grands flots rendant impuissantes toutes les initiatives de paix enchevêtrées dans les courants politiques des coulisses complotistes et hypocrites de la diplomatie.

Entre obstinations et postures égotiques, la guerre russo-ukrainienne, déclenchée le 24 février 2022, est dans l’impasse. Les alliances pro-russes d’une part, et pro-ukrainiennes, d’autre part, se livrent une guerre militaro-diplomatique dense. Poutine remue le spectre de l’arme nucléaire, une menace approuvée sans rechigner par les alliés de la Russie qui applaudissent littéralement l’annexion par Poutine des territoires de l’Ukraine. Les Occidentaux font une réplique en soutenant fortement l’armée de Volodymyr Zelensky. La situation s’enlise faute de démarches diplomatiques. Cela illustre bien les égoïsmes et l’irresponsabilité des élites des pays belligérants et de celles des alliés.

Bref, la diplomatie internationale est un marché de dupes, ou tout au moins un moyen de mise en œuvre d’intérêts mercantilistes. On le voit avec la situation à l’Est de la République démocratique du Congo, un pays considéré comme un scandale géologique. C’est justement les riches minerais qui attisent les convoitises. Les puissances occidentales feignent d’intervenir en sachant que leurs intérêts sont également en jeu. Le rôle de la Monusco a souvent été critiqué du fait de son laxisme et parfois de son parti pris. De même, celui de Denis Sassou Nguesso suspecté de vouloir accompagner le Rwanda dans ce conflit par la cession des terres aux rwandais dans le département du Pool frontalier à la RDC.

Ghys Fortune BEMBA DOMBE

Ahoua Don Mélo : « À quoi ont servi les 25 milles milliards de Francs CFA ? »

CÔTE D’IVOIRE – En mission à Paris pour le compte du PPA-CI depuis le début du mois de mars, le vice-président de l’internationale des BRICS n’a pas manqué de tirer à boulet rouge sur l’endettement astronomique de l’État ivoirien depuis 2011, année d’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, actuel président de la République.

Après dix années d’exil, c’est l’histoire d’un retour sur sa terre natale. Celui de Ahoua Don Mélo, ancien ministre de l’infrastructure et de l’assainissement et ancien porte-parole du gouvernement pendant les derniers mois du règne du président Laurent Gbagbo, il est aujourd’hui membre exécutif du Parti des peuples d’Afrique section Cote d’Ivoire (PPA-CI), parti du même Laurent Gbagbo, nouvellement créé pour donner un nouveau souffle à la scène politique ivoirienne, après l’éclatement du Front populaire ivoirien (FPI), son ancien parti politique.

Ancien ministre de l’infrastructure et de l’assainissement et ancien porte-parole du gouvernement pendant les derniers mois du règne du président Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mélo, après dix années d’exil, de retour sur sa terre natale, est aujourd’hui membre exécutif du Parti des peuples d’Afrique section Cote d’Ivoire (PPA-CI), parti de Laurent Gbagbo, nouvellement crée pour donner un nouveau souffle à la scène politique ivoirienne, après l’éclatement du Front populaire ivoirien (FPI), son ancien parti politique.

Une scène politique ivoirienne, faut-il le rappeler ici, qui est pris par l’étau d’une dictature farouche, savamment installée par le président Ouattara en poste, où règnent désormais corruption, pistonnage, parrainage, cooptation, détournement de deniers publics, népotisme, despotisme et clanisme à en croire le nombre vertigineux de prisonniers politiques, d’exilés, sans y inclure le nombre d’assassinats non élucidé ou encore de meurtres mystérieux.

Un endettement contradictoire aux dépenses publiques

Ahoua Don Mélo s’appuie sur la déclaration de l’actuel ministre ivoirien des infrastructures. En effet, ce dernier reconnaît lui-même que seuls 3 milles milliards de francs CFA soitenviron 457 milliards d’euros ou encore 15 % de la dette ont servi à la construction de quelques routes et de quelques ponts seulement. Le reste de cette pharaonique somme d’argent empruntée aux bailleurs de fonds internationaux est introuvable.

C’est ce qui a d’ailleurs poussé cet ancien porte-parole du gouvernement ivoirien à taxer un tel investissement de mauvais : « Lorsque vous empruntez de l’argent et que celui-ci ne permet pas de rembourser la dette contractée, cela signifie que vous avez fait un mauvais investissement. Et en Côte d’Ivoire, on peut parler de mauvais investissement. », a-t-il déclaré devant une jeunesse ivoirienne qui n’a pas manqué de montrer sa déception à en croire les cris ahurissants qui ont inondé la salle où s’est tenue cette conférence.

Mais n’allons pas croire qu’une telle critique fustige toute idée d’emprunt. Tout au contraire, Ahoua Don Mélo est allé plus loin en expliquant qu’« aucun peuple ne peut se développer sans dette. Cela est certain. Mais la meilleure dette c’est celle qui permet de générer des revenus pour rembourser cette dette-là. ». Une leçon d’économie qui lui a valu les applaudissements de la salle.

Un endettement vicieux

Dans sa critique, l’homme de main de Laurent Gbagbo a aussi souligné un point très important. Un point qui a paru comme rocambolesque à son auditoire. Il a en effet expliqué que cet endettement a aussi plongé le pays dans un cercle vicieux. Pour autant que les investissements n’ont pas pu générer des revenus qui devaient aider à rembourser la dette, l’État est donc dorénavant obligé d’emprunter encore pour rembourser sa dette et ainsi de suite. Une quadrature de cercle qui n’est pas du tout facile à briser pour le gouvernement qui n’a plus d’autre solution.

D’après monsieur Soumaïla Bredoumy, porte-parole du parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), lors de sa conférence de presse à Abidjan, il y a de cela deux semaines, cette situation a contraint le Fonds Monétaire International (FMI) à mettre le pays sous ajustement structurel. Ce dernier n’a pas manqué de faire le ratio entre le nombre de citoyens et la somme d’argent à rembourser par chacun d’entre eux : « Une telle situation laisse planer sur la tête de chaque citoyen une dette d’un million de francs CFA soit près de 1600 € à rembourser », a-t-il affirmé.

Les dérives d’un État totalitaire

Si la situation économique du pays est désastreuse, cela est dû à la forme politique de l’État. La démocratie, sensée encouragée l’initiative privée et l’échange d’opinions pour faire avancer une nation, est désormais, en Côte d’Ivoire, une simple vue de l’esprit.

Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul groupe d’individus souvent incompétents et qui ne manquent pas de traquer partout ceux qui veulent bien faire avancer les choses, ainsi pense Ahoua Don Mélo : « Il n’y a pas de débat démocratique. Tout le combat mené par le FPI durant de longues années pour la démocratisation du pays a été vain. Les libertés démocratiques, on connaît leur sort. La justice sociale, on connaît son sort. Et nous sommes arrivés vraiment au stade inférieur de la démocratie et au stade le plus caricatural de la démocratie. Nous sommes dans un gouvernement du RHDP (le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), par le RHDP et pour le RHDP à l’exclusion de tous les autres citoyens. ».

Grégoire Blaise Essono

SÉNÉGAL : UN PAYS AU BORD DU CHAOS

Armés de cailloux et de gourdins, des jeunes gens courent dans tous les sens, d’autres attisent le feu sur les chaussées, des coups de fusils qui tentent de les disperser. Telle est l’atmosphère qui prévaut sous le ciel de Dakar depuis le 10 février dernier. Mais que se passe-t-il exactement au pays de Cheick Anta Diop ?

C’est l’annonce de Macky Sall qui a mis le feu aux poudres. En effet, président sortant, ce dernier a unilatéralement décidé de prolonger son mandat en repoussant la date des élections présidentielles prévues le 25 février 2024. En guise de réponse, la jeunesse sénégalaise a décidé de protester par des marches pacifiques. Mais elle s’est aussitôt vue en train de faire face aux forces de l’ordre qui ont été mobilisées pour empêcher tout débordement.

Contexte

Arrivé au pouvoir en 2012, le président Macky Sall, comme la plupart des dirigeants africains, avait promis monts et merveilles, pendant sa campagne électorale, à la jeunesse sénégalaise en proie à une vie meilleure. Une jeunesse amèrement frappée par la misère et le chômage comme dans tout le continent. Mais après deux mandats à la tête de l’État, aucune de ses promesses ne s’est réalisée.

Comble d’étonnement et de frustration pour la population, les principaux opposants sont plutôt arrêtés et traînés devant les tribunaux avec des motifs le plus souvent imaginaires. Karim Wade, le fils de l’ancien président, Abdoulaye Wade et le maire de Dakar, Khalifa Sall, les deux principaux opposants, sont les premières victimes de cette justice à tête chercheuse. C’est d’ailleurs ce qui avait poussé celui-là même que Macky Sall avait remplacé à la tête de l’État à lancer un boycott général contre toute élection dans le pays après la victoire du camp présidentiel aux élections législatives de 2017 qui avaient été sévèrement contestées par l’opposition.

Mais la population va véritablement se réveiller après la dernière condamnation d’Ousmane Sonko, un jeune opposant adulé par tous. Ce dernier a été condamné en juin dernier pour débauche de mineure. Une condamnation que dénonçait un de ses avocats, Massokhna Kane, comme « une opération de liquidation politique d’un adversaire avec un chronogramme où on compte les jours pour dire que telle personne ne participera pas à l’élection présidentielle », ainsi rapporte TV5 Monde le 5 janvier dernier.

Coup d’État constitutionnel

Pour beaucoup de jeunes sénégalais, l’annonce de la date du 5 février par le président de la République a été perçue comme un coup d’État constitutionnel. C’est ce qui les a d’ailleurs poussé à inonder les rues de la capitale. Ainsi peut-on lire sur France Info dans un article du 5 février 2024 : « J’ai voté pour lui et soit il nous tue, soit il nous emprisonne, regrette un troisième qui l’assure : On reste ici. Il y aura une élection le 25 février ! ». Mais après plusieurs marches qui ont occasionné des dizaines de morts, Macky Sall a saisi l’Assemblée nationale afin de corroborer sa décision de repousser la tenue des élections présidentielles.

Mais le conseil constitutionnel a pris une décision très importante pour empêcher le pays de sombrer dans une guerre civile. Cette haute juridiction a exigé la tenue des élections présidentielles avant la fin de l’expiration du mandat présidentiel prévue le 2 avril prochain. « La fixation de la date du scrutin au-delà de le durée du mandat du président de la République en exercice est contraire à la Constitution », a précisé le conseil constitutionnel comme l’explique le journal Le Monde le 6 mars 2024. Depuis cette annonce, la jeunesse s’est calmée et attend d’aller aux urnes afin d’élire leur président.

Grégoire Blaise Essono

CÔTE D’IVOIRE : FATIGUÉ DE L’EXIL, GUILLAUME SORO TENTE UN DERNIER COUP DE FORCE POUR PÉNÉTRER LE TERRITOIRE.

Ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, l’homme qui avait porté au pouvoir Alassane Dramane Ouattara, l’actuel président, a été contraint à l’exil depuis 2019 après avoir été condamné à 20 ans de prison, à la prison à perpétuité et à verser une amende de près de 8 millions d’euros. 

C’est en majeure partie grâce à Guillaume Soro qu’Alassane Ouattara se trouve aujourd’hui à la tête de l’État ivoirien. Arrivé au pouvoir en 2000 par une élection démocratique, l’ancien président, Laurent Gbagbo, avait été longtemps confronté à plusieurs rébellions qui menaçaient de renverser son pouvoir. Il fut ainsi contraint de reporter les élections pendant plusieurs années afin d’apaiser le pays. 

Mais sous la pression de la communauté internationale, il décide finalement en 2010, d’organiser le fameux scrutin qui allait provoquer une sanglante guerre civile qui l’opposa aux hommes de Ouattara dont le leader, Guillaume Soro, ne ménagea aucun effort pour le détrôner au profit de son mentor. 

Mais comble d’étonnement, après avoir partagé le pouvoir avec ce dernier pendant quelques années, sa tête est mise à prix. Il est ainsi forcé à l’exil. Un exil qui sera plutôt marqué par des traques. Las de cette vie de fugitif, l’homme qui renaît toujours de ses cendres, a décidé, contre toute attente, en novembre dernier, de rentrer dans son pays. Pour mieux comprendre ce feuilleton, un petit tour dans le temps nous est nécessaire.   

L’arrivée d’Alassane Ouattara dans la scène politique ivoirienne 

Fonctionnaire international né en Haut Volta, actuel Burkina Faso, Ouattara avait toujours exercé au compte de ce pays. Mais la donne va changer lorsque la crise économique frappe de plein fouet beaucoup de pays africains au début des années 90. En poste au Fonds Monétaire International (FMI), il est sollicité d’urgence, comme expert, par Félix Houphouët-Boigny, le tout premier président de la Côte d’Ivoire, pour redresser l’économie ivoirienne en souffrance. 

Nommé Premier ministre, il commence aussitôt à nourrir des ambitions présidentielles. C’est ainsi qu’à la volée, il se crée un village et une appartenance ethnique au nord du pays. C’est d’ailleurs ce qu’explique l’ancien conseiller français de Laurent Gbagbo, Bernard Houdin, dans son livre « Les Ouattara, une imposture ivoirienne ».

Le problème d’ivoirité

Le père de l’indépendance ivoirienne meurt finalement en 1993 et Henri KONAN BÉDIÉ, président de l’Assemblée nationale d’alors, accède au pouvoir et finit le mandat jusqu’à 1995 tel que stipulait l’article 11 de la constitution : En cas de vacance du poste présidentiel, c’est le président de l’Assemblée nationale qui assure l’intérim du pouvoir jusqu’à son terme. Lors de l’élection présidentielle de la même année, OUATTARA est candidat mais se voit disqualifier par une loi votée uniquement contre sa personne. Celle-ci stipule qu’il faut être né de parents ivoiriens et eux-mêmes nés aussi des parents ivoiriens pour être candidat. On parle alors d’ivoirité. Sans surprise, KONAN BÉDIÉ remporte les élections. Mais un coup d’État est perpétré contre lui en 1999 par lé général Robert GUEÏ qui crée une transition jusqu’en 2000. Il organise les élections mais maintient toujours le concept d’ivoirité. OUATTARA est pour une deuxième fois exclu de la course au pouvoir. Mais à la surprise générale, c’est Laurent GBAGBO, le candidat du front populaire ivoirien ( F.P.I. ), le plus ancien parti d’opposition du pays, qui accède au pouvoir.

Tribalisme et religion comme leviers des rébellions

À la suite de ses deux exclusions de la course au pouvoir, Alassane Ouattara est obligé d’user de la fibre tribale et religieuse pour rester en vie sur la scène politique ivoirienne. Il prétend que c’est parce qu’il est musulman et originaire du nord du pays qu’il est souvent recalé. Par ce comportement, il réussit à faire basculer dans son camp la jeunesse musulmane du nord où Guillaume Soro est originaire. Ce dernier fait partie de cette jeunesse universitaire des années 90 et 2000 qui a longtemps bousculé les lignes politiques en Côte d’Ivoire notamment pour la démocratisation du pouvoir politique qui était encore sous le joug du parti unique.  

Guillaume Soro à Paris en octobre 2020

Leader charismatique de la fédération estudiantine et scolaire de la Côte d’Ivoire (F.E.S.C.I.) 1995-1998, il est souvent surnommé le Che en souvenir au révolutionnaire argentin Che Guevara. Suite aux déclarations de Ouattara, il crée les Forces nouvelles (F.N.), un mouvement qui a pour but de combattre le président en place, Laurent Gbagbo. S’en suivent alors plusieurs rébellions qui visent à le renverser. Guillaume Soro dit vouloir changer les choses dans la gouvernance du pays en donnant à tout Ivoirien la possibilité d’émerger à partir de ses propres compétences. 

« Pourquoi je suis devenu rebelle » est le titre du livre dans lequel il justifie son positionnement politique. Mais dans les coulisses et sur certaines vidéos devenues virales sur la toile, c’est Ouattara qui est en arrière-plan de toutes ces rébellions.

Controverse électorale

Après plusieurs négociations, les accords de Marcoussis et de Ouagadougou, Laurent Gbagbo finit par prêter le flanc à Soro en le nommant tour à tour ministre de la Communication, ministre d’État chargé de la reconstruction et de la réinsertion et pour finir Premier ministre. Il supprime la loi sur l’ivoirité. Mais lors des élections de 2010, Ouattara et Gbagbo se retrouvent au second tour. Une controverse naît. La cour constitutionnelle proclame le président sortant comme vainqueur mais la commission électorale indépendante (C.E.I.), l’organe chargé de superviser les élections, déclare Ouattara gagnant. 

En guise de protestation, une nouvelle rébellion commence. Soro démissionne de son poste de Premier ministre et rejoint son mentor qui est soutenu par la communauté internationale. En coulisse, un deal existerait entre lui, Ouattara et Konan Bédié qui est sorti troisième au premier tour et a demandé à ses partisans de voter pour Ouattara qui leur a promis de faire seulement un seul mandat et de leur laisser le pouvoir. 

Ouattara & Soro, un marché de dupe

La rébellion dont Soro occupe la tête réussit finalement à extirper Gbagbo de son palais présidentiel pour y mettre Ouattara. Une fois dans ses fonctions de chef de l’État, il nomme le rebelle en chef comme Premier ministre. Ainsi commence la cohabitation entre les deux hommes. 

Afin de rassurer ses partenaires de leur deal, le nouveau président réorganise le paysage politique ivoirien. Il fait fusionner le rassemblement des ouphouötistes pour la démocratie et la paix (R.H.D.P.), et le parti de Konan Bédié, parti démocratique de Côte d’Ivoire (P.D.C.I.), ceci donne lieu au R.H.D.P.-P.D.C.I. Le but ici est d’avoir le monopole sur la politique ivoirienne. C’est cette nouvelle coalition qui doit toujours porter tous les présidents à la tête de l’État.

Guillaume Soro qui voit le mal venir de loin se fait élire président de l’Assemblée nationale en 2012, poste qu’il va occuper jusqu’en 2019. Mais après son premier mandat, le président est indécis. Il hésite à se prononcer mais finit par se présenter à la présidentielle de 2015 dont il est déclaré vainqueur avec un score à la soviétique. En 2019, Ouattara cherche à briguer un troisième mandat alors que la Constitution le lui interdit. 

Konan Bédié se retire de la coalition et Soro, qui vient de se rendre compte qu’il a été dupé, crée son parti pour la prochaine élection présidentielle, Générations et peuples solidaires (G.P.S.).  

Recherché mort ou vif

En 2019, Guillaume Soro démissionne de son poste de président de l’Assemblée nationale et commence à battre sa campagne pour l’élection présidentielle de 2020. Alors même qu’il est en pleine tournée internationale, un procès s’ouvre contre lui à Abidjan. Il est accusé de détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux. Le procès se déroule en son absence et ses avocats boycottent l’audience comme explique le journal Le Monde dans un article publié au mois d’avril 2020. Il est alors condamné à 20 ans de prison et à verser à l’État ivoirien une somme de plus de huit millions d’euros. Un mandat d’arrêt international est aussitôt émis contre lui. Dans un premier temps, Guillaume Soro est traqué en Espagne par des agents d’Interpol. 

Mais ces derniers sont très vite rattrapés par la police espagnole et pointent les autorités d’Abidjan comme en étant les principaux commanditaires. Il débarque en France où quelques temps après, il est sommé de quitter le territoire sans délai lorsqu’il encourage l’armée ivoirienne à mettre fin au régime de Ouattara. 

Une information qui nous est révélée par le magazine Presse Côte d’Ivoire. En 2021, un autre procès s’ouvre contre lui à Abidjan : il est accusé, cette fois-ci, d’atteinte à l’autorité de l’État, de complot et de diffusion de fausses informations tendant à jeter le discrédit sur les institutions et le moral des populations. Il est condamné à la prison à perpétuité, y compris ses principaux collaborateurs qui sont directement emprisonnés dont certains commencent à trouver la mort mystérieusement.

Fin de l’exil

C’est en Turquie que Guillaume Soro avait finalement trouvé refuge après sa débâcle de l’Europe. Mais les autorités d’Abidjan n’avaient toujours pas dit leurs derniers mots. Elles étaient encore à sa suite lorsqu’il proclame haut et fort dans un post devenu viral sur la toile que « j’ai décidé de rentrer dans mon pays pour vivre auprès de ma femme et de mes enfants. »

Alors que la police ivoirienne, à la tête de laquelle se trouvait madame la procureure générale de la cour d’Abidjan, Nayé Henriette épouse Sori, s’apprêtait à le saisir à l’aéroport d’Istanbul, le 03 novembre dernier, il leur échappe de justesse mais quelques jours plus tard, il apparaît dans une vidéo aux portes de la Côte d’Ivoire, reçu en grandes pompes par le nouveau  président du Niger,  monsieur Abdourahamane Tchiani et quelques jours plus tard encore par le président du Burkina Faso, Ibrahim Traoré. Ce geste n’a pas laissé indemnes les autorités d’Abidjan qui redoutent une quelconque attaque de cet ancien putschiste qui maîtrise bien les frontières, où lui et ses commandos, étaient passés pour renverser l’ancien président Laurent Gbagbo.

Grégoire Blaise Essono