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République Démocratique du Congo : quelle alchimie pour Joseph Kabila en 2016 ?

[Par Jean MATI]

L’année 2016 qui débute est celle de tous les enjeux pour la République démocratique du Congo. Le Président de ce pays, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 va devoir briguer un nouveau mandat. Fort malheureusement, il n’aura pas le droit de se représenter. Car la Constitution limite les mandats au nombre de deux. Qu’est-ce qu’il va alors advenir? La République Démocratique du Congo deviendra-t-elle un nouveau Burundi? Quels stratagèmes seront mis en place pour contre-carrer la Constitution ?

Le Président Joseph Kabila lors de son intervention devant le Parlement (source : primature.cd)

Le Président Joseph Kabila lors de son intervention devant le Parlement (source : primature.cd)

En janvier 2015, une loi du Parlement voulant modifier quelques lois de la Constitution avait provoqué une série des manifestations à Kinshasa, la capitale. La police et l’armée avaient tirés sur les manifestants. Le bilan lourd s’élevait à une quarantaine de morts, à en croire les associations de défense des droits de l’Homme. Face à ce drame, le prix du sang a payé la bravoure du peuple congolais. De ce qui précède, cette loi qui tentait de prolonger la tenue des élections en motivant cela par le recensement de la population, avait été carrément retirée par le Sénat.

En effet ce fut une grande victoire pour le peuple congolais, qui dénonçait a priori les manœuvres dilatoires du gouvernement congolais. Elles auraient permis au président Kabila de conserver son fauteuil pour une durée transitoire de trois ans. Pourquoi s’obstiner jusqu’à ce point au pouvoir ? Disons-le, Joseph Kabila est au pouvoir depuis maintenant quinze ans. En Janvier 2001, suite à l’assassinat mystérieux de son père (Laurent Désiré Kabila), en sa qualité d’officier militaire, il prit les fonctions du Chef de l’État. Un peu curieux, cette prise de pouvoir, comme si ça lui tombait du ciel. Alors, le jeune Kabila hérite d’un pays divisé par de nombreuses rebellions, il joue la carte du pacificateur. Ce rôle lui va très bien. Avec l’aide de ses parrains occidentaux, il réussit à rabattre les cartes publiquement. Il joue et gagne en mettant autour d’une table tous les belligérants du conflit congolais. En 2003, Joseph est président du schéma 1+ 4. En 2006, il organise les premières élections libres et démocratiques pour ne pas dire transparentes. Au moins, les Congolais ont pu voter ! Joseph Kabila bat au second tour le candidat Jean Pierre Bemba, son ancien vice-président.
En 2011, Joseph est réélu. Il bat l’opposant historique Etienne Tshisekedi. Cette victoire douteuse laissera un goût amer dans la langue politicienne congolaise. Le paysage politique monte au créneau. D’abord les opposants congolais qui dénoncent les fraudes massives. On laisse même entendre que dans certains coins du pays notamment à l’Est où le président est majoritaire, les jeunes enfants (mineurs moins de 18 ans) possédaient les cartes d’électeurs et avaient participé au scrutin en vue de gonfler les voix du Président sortant. Ensuite, viennent les constations négatives de la Communauté Internationale qui confirme les irrégularités.

Des opposants manifestent contre les autorités, en janvier 2015, à Kinshasa. ( source : jeuneafrique.com)

Des opposants manifestent contre les autorités, en janvier 2015, à Kinshasa. (
source : jeuneafrique.com)

Dans la foulée, le président et son régime sont mis à nu. Les associations de défense des droits de l’Homme citent dans leur rapport la République Démocratique du Congo comme un pays dangereux en matière de violations des droits humains. Les journalistes aussi s’invitent à la dénonciation du régime kabiliste. Des journalistes étrangers, il faut bien le préciser. Car les journalistes qui sont au pays subissent des fortes pressions (censures, arrestations, menaces de mort…). Tout est donc mal parti pour le « Raïs », c’est ainsi que Kabila est surnommé par ses partisans.

A partir de 2011, Joseph n’avait que cinq ans pour sauver son mandat en dépit de cette série d’accusations portées contre lui. Le président de la RDC s’est donc lancé dans de grands travaux de reconstruction du pays pour frapper l’imagination d’un congolais lambda. A Kinshasa, la capitale, pour ne citer qu’un seul exemple, plusieurs chantiers ont vu le jour un peu partout. Certaines routes ont été faites. Il y a eu des projets qui ont été atteints, certains sont en cours et d’autres ne verront certainement pas le jour sous l’ère Kabila s’il faut tenir compte du délai constitutionnel.

Pour ce faire, le président Kabila a initié récemment le dialogue national. Ce forum compte réunir tous les acteurs politiques afin de penser à l’avenir de la RDC. Plusieurs propositions seront discutées notamment sur la tenue des élections. Toutefois, l’opposition congolaise, renforcée dans son rang suite à une réunion tenue naguère à Gorée au Sénégal, ne veut pas entendre le discours sur le dialogue national prôné par Kabila. Ce dernier est soupçonné de jouer sur la prolongation du scrutin. Attendons voir ce que sera l’année 2016 en RDC !

 

 

Le Burkina, l’Afrique et l’an 2015

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

Comme d’habitude, en 2014, l’Afrique a croulé sous le poids de ses maux : dictature, corruption, coteries, absence criante d’idéal d’excellence, etc. Mais, en novembre, le Burkina Faso s’en est offusqué et a manifesté sa colère. Pour une fois, la pression de la rue a fait tomber un dictateur, Blaise Compaoré, au pouvoir pendant 28 ans. Est-ce un signe positif pour 2015 ?

Burkina Faso (source : la-croix.com)

Burkina Faso (source : la-croix.com)

Mobutu-KedhafiUn retour rapide sur quelques événements, à travers le continent, nous place devant un terrible paradoxe. Citons-en deux, à titre d’exemple : l’après-Mobutu, en République démocratique du Congo, et l’après-Kadhafi, en Libye. La chute de ces deux despotes, renversés par les armes, ont conduit au déluge, plutôt qu’aux effets escomptés : la démocratie. Depuis, les guerres n’ont cessé au Congo, tandis que la Libye se délite, chaque jour, à l’œil nu.

Or, les institutions instaurées par Compaoré n’étaient en rien différentes de celles qui étaient établies hier ou qui sont encore en place aujourd’hui, presque partout : une sorte de despotisme éclairé, à l’« africaine », avec l’existence d’une opposition et d’un parlement bidons, à la coupe du pouvoir. Le mal est qu’au fil des années, cette idéologie avait fini par se cristalliser et devenir un « principe normal » de la vie politique, toléré, et même accepté – au bas mot – par les peuples. Au point que Congolais et Libyens ne manquent pas, aujourd’hui, de regretter les régimes autoritaires.

constitutionLe Burkina Faso échappera-t-il à ce schéma ? Réponse à la normande, tant que l’autocratie sera encore vue, en Afrique, comme un « phénomène de société ». C’est la racine du mal, dont le spectre se profile à l’horizon 2015. En cette année, des élections vont se dérouler dans plusieurs pays. Les chefs d’Etat d’une dizaine d’entre eux se  proposent de modifier les Constitutions pour leur permettre de rempiler. Il s’agit de la République démocratique du Congo, du Burundi, du Rwanda, du Bénin, pour ne citer que ceux-là.

A en décrypter leur attitude, il est clair que ces chefs d’Etat, malgré le cas à tonalité pédagogique du Burkina Faso, sont décidés d’aller jusqu’au bout de leurs ambitions. Au Rwanda, par exemple, les milieux officiels croient dur comme fer que la « démocratie à la rwandaise » n’a de leçons à recevoir de personne. Comment, dans cette hypothèse, envisager l’avenir politique du continent avec optimisme,  sans y voir de beaux désordres, en perspective ?

Pourtant, c’est la politique qui commande l’économie et le reste. Le pays de Mandela, un des géants économiques de l’Afrique, nous en donne un exemple patent. Depuis le glissement de la politique dans le népotisme et la corruption, l’économie sud-africaine est à la traîne. Le taux de croissance pour 2014, selon les prévisions, doit graviter autour de – 0,6 %. Un bilan très négatif.

D’où l’éclipse sur 2015. Même si, avec l’espoir que le taux global de croissance du continent dépasse, en 2014, les 7 % réalisés en 2013. Car, des résultats statistiques à la jouissance du pactole, il y a toujours loin de la coupe aux lèvres.