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Les résidences de journalistes, fer de lance de l’EMI ?

Avec l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, la France prend conscience que les élèves saisissent mal ce que représente la liberté d’expression et de la presse. En réponse, le ministère de la Culture a lancé en 2016 les « résidences de journalistes », projets d’éducation aux médias et à l’information que l’on retrouve aujourd’hui dans toute la France. Véronique Holgado, responsable du service culture de la Communauté de Communes du Pays de Mormal,  nous détaille les missions des résidences. 

Réchauffement climatique, coronavirus, 5G, guerre en Ukraine… Les thématiques où foisonnent les fake news sont très nombreuses. Tant que des grands journaux ont créé de nombreux « fact-checkeurs » dans leur rédaction, et que des médias entièrement consacrés aux fausses informations sont nés. 

D’un autre côté, plus d’un Français sur deux ressentent de la « méfiance » envers les médias et l’information en général. Une situation dramatique qui peut être résolue grâce à l’EMI, l’Education aux Médias et à l’Information. Des programmes, séminaires et guides pratiques fleurissent dans toute la France, notamment les résidences de journalistes. 

Quatre mois consacrés aux conférences et formations

[Les résidences de journalistes sont portées par les DRAC, les Directions Régionales des Activités Culturelles. La résidence de journalistes est née d’un accord tripartite, incluant les DRAC, les collectivités territoriales et le ministère de la Culture. Au Pays de Mormal, « le territoire est engagé dans un CLEA », un Contrat Local d’Éducation Artistique, depuis 2016. Ainsi, deux résidences artistiques se tiennent tous les ans durant quatre mois chacune.]

Pendant ces quatre mois, les journalistes professionnels sélectionnés (un seul par résidence) ont pour objectif de toucher le public le plus large possible et de l’interroger sur des questions liées à la liberté d’expression et au journalisme. Pour Véronique Holgado, la résidence est née sur son territoire à la suite d’une journée de présentation du projet par la DRAC. « Nous vivons aujourd’hui dans un monde rempli d’informations, où les jeunes et moins jeunes sont confrontés à cette “avalanche” qu’ils ne savent pas toujours comment interpréter, ni quoi croire”, explique Madame Holgado. « Il nous semblait intéressant de tenter cette aventure avec une résidence EMI. » 

Plus de 1000 citoyens informés en deux mois 

Avec la journaliste Valérie Rohart, sélectionnée pour porter et animer le projet, la résidence rencontre un franc succès. Grand reporter RFI de 1989 à 2013, Valérie Rohart est une journaliste aguerrie et spécialisée dans les relations internationales. Elle obtient deux prix pour son reportage « Paroles de femmes afghanes » en 2003. 

Elle est la première journaliste à accepter une des missions à Dunkerque en 2016, puis au Pays de Mormal, où elle continue son programme d’EMI. En 2023, une nouvelle résidence testée durant deux mois avec la DRAC a vu le jour, et s’est tenue du 3 avril au 6 juin dans les différentes communautés du Pays de Mormal, dans le département Nord, frontalier de la Belgique.

Valérie Rohart y a animé huit conférences, créé et monté des reportages audio dans trois écoles et deux bibliothèques, conduit de nombreuses séances de formations EMI dans quatre écoles (collèges et lycées) ainsi que dans une association.

Plus de 1100 personnes ont pu bénéficier du dispositif en 2023 dans la région Hauts-de-France. Des interventions ont également été faites dans les maisons de retraite. Toutes les activités ont pour thème l’EMI, en passant par le décryptage d’un journal télévisé, la bonne pratique des réseaux sociaux, l’initiation au dessin de presse, le reportage, la définition du métier de journaliste…

« Ce fut une très belle réussite avec Valérie (beaucoup de demandes, de besoins, d’envies d’interventions) », commente Véronique Holgado. « A la suite de ce succès, nous avons donc décidé de nous engager dans ce type de résidence, en plus des résidences artistiques, pendant trois ans minimum, et sur le même schéma que le CLEA. » 

Une résidence bien organisée

« Nous préparons un appel à candidatures conjointement avec la DRAC et recevons les candidatures », nous explique Véronique Holgado. Un comité de pilotage composé de « techniciens, d’élus, de la DRAC, de l’Éducation nationale et d’autres partenaires, se charge d’analyser les candidatures et de sélectionner le ou la journaliste (après un entretien). » 

Photo de Nijwam Swargiary.

Composé d’un binôme dont Véronique Holgado fait partie, le service culture a pour vocation d’accompagner le ou la journaliste dans son projet. Madame Holgado est donc la responsable du service culture, et est accompagnée d’une médiatrice. Celle-ci « est plus sur le terrain et elle suit plus précisément les résidences, même s’il nous arrive à toutes les deux de les accompagner. » 

Une fois la candidature de Valérie Rohart validée, le service culture a contacté différents partenaires : « collèges, lycées, bibliothèques, municipalités, EHPAD… » détaille Véronique Holgado. 

« Nous avons convenu de rendez-vous et les avons mis en contact. Nous sommes très souvent présentes, l’une ou l’autre au 1er rendez-vous mais ensuite, le ou la journaliste est autonome et gère elle-même son planning (nous avons un Google agenda commun). Nous nous retrouvons sur des temps forts, des moments où elle a besoin de notre présence », notamment pour les bilans. « Nous essayons d’être présentes et disponibles au maximum », précise-t-elle. 

Une édition 2023 qui a rencontré un fort succès, et qui assure un bel avenir à la résidence. « Il y a beaucoup de demandes notamment par les CM (écoles primaires) avec qui nous sommes en lien grâce à la conseillère pédagogique de l’Éducation nationale du premier degré. » 

Même son de cloche du côté des plus âgés : « Les résidents en EHPAD ont beaucoup apprécié les interventions de Valérie et nous avons aussi remarqué que nous touchions un nouveau public, qui ne vient pas forcément sur nos spectacles. Il y a de la demande en ce qui concerne ce type d’interventions. » 

Pour 2024, la résidence basée sur l’essai 2023 sera pérennisée au vu de son succès. Le ou la journaliste « utilisera également le média vidéo et créera des petits films et des bandes-son. » Jusqu’alors, seuls les médias écrits et radio étaient exploités. 

De nouvelles collaborations viendront aussi nourrir les prochaines éditions : « nous sommes en lien avec Laurence Gaiffe de l’ESJ de Lille (NDLR : journaliste et responsable pédagogique), avec qui nous montons un partenariat EMI, en collaboration avec le Centre Social de Landrecies » toujours dans le département Nord, détaille Véronique Holgado. 

« Le partenariat se constitue d’une journée de sensibilisation à l’EMI pour les encadrants, les personnels du Centre Social, nous-même et d’autres partenaires. » Il comporte également « cinq à huit séances de stage vidéo EMI avec des reporters du Centre social de Landrecies (aux côtés un journaliste qui leur fera faire des interviews et de l’éducation à l’image). » 

Un programme exhaustif qui finira par recouvrir tous les champs du journalisme. Grâce à un tel dispositif, les résidents du Pays de Mormal peuvent bénéficier d’une véritable éducation aux médias, de façon plus égalitaire et sans égard pour l’âge. Pas de doute, les résidences de journalistes pourraient devenir le meilleur outil pour l’EMI en France. 

Crédit photo : Ministère de l’Education, Académie de Nice.

Maud Baheng Daizey

France : faire de l’éducation aux médias « une vraie politique publique »

Campagne de désinformation, fake news, concentration des médias, baisse de la confiance envers les journalistes… En 2023, le monde du journalisme fait face à de nombreux défis mettant à mal son indépendance. En Europe comme en France, acteurs de la presse, du monde associatif et éducatif se mobilisent pour redonner le goût de l’information au public.

En France, l’éducation aux médias (EMI), bien qu’assez récente, se cristallise dans l’espace éducatif. Des associations et des programmes sont mis en place, alors que les campagnes de désinformation massive en ligne prolifèrent en Europe. Comment les citoyens français se protègent-ils de telles menaces ?

Des actions françaises entièrement dédiées à l’EMI

Lors de la création d’Entre les lignes en 2010, Olivier Guillemain voit clair dans sa mission. « Nous avions l’idée avec ma cofondatrice [Sandra Laffont, NDLR] de rétablir le lien de confiance entre les citoyens et les médias car nous étions passionnés par notre métier et nous voulions transmettre ce goût de l’information. »

A ce moment, un climat de méfiance envers les médias s’installe durablement en France, malgré une bonne situation de la liberté de la presse.

Un paradoxe « toujours valable aujourd’hui. Il n’y a jamais eu autant de médias et nous n’avons jamais eu autant de mal à nous informer. »

Pour l’association, il est primordial que les jeunes possèdent « les outils pour faire le tri et développer un esprit critique. Nous voulions aussi sensibiliser sur le pluralisme des médias en France, nos ateliers permettent de découvrir de nouveaux médias. Nous avons choisi de nous focaliser sur les jeunes pour leur donner les bons réflexes dès le début de leur vie citoyenne », explique avec engouement Olivier Guillemain.

Des collégiens devenus journalistes

Si « Entre les lignes » bataille seule les premières années pour mener sa mission à bien, l’année 2015 signe un tournant pour l’association.

« En 2010, l’EMI n’était pas du tout un thème porteur, nous étions très peu d’acteurs. Nous ne bénéficions pas de financement public, mais nous avons assisté à un vrai point de bascule avec les attentats de 2015 et Charlie Hebdo. »

Après les attentats, des campagnes de désinformation se sont mises à pulluler sur les réseaux, poussant les pouvoirs publics à s’intéresser de plus près à l’éducation aux médias.

« Nous avons alors reçu des financements publics ainsi que le soutien de l’Éducation nationale, du ministère de la Culture et de la DILCRAH. Vint ensuite le financement par les fondations privées. »

« Aujourd’hui nous comptons 240 bénévoles dans nos équipes, pour 430 interventions en 2022 dans 44 départements. Nous souhaitons que l’EMI devienne une vraie politique publique, car le public adulte en a besoin aussi. Nous avons prêché dans le désert pendant longtemps les premières années, aujourd’hui nous remarquons une volonté solide de la part de tous les acteurs de l’EMI », constate Olivier Guillemain, plein d’entrain et d’espoir pour la jeunesse française.

Renvoyé Spécial

Loin d’être étrangère dans le domaine, la Maison des journalistes est un acteur important de l’éducation aux médias. Elle entretient depuis 2006 un partenariat avec le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) et le ministère de l’Éducation nationale.

Ce partenariat productif permet aux journalistes de la MDJ de rencontrer des lycéens pour discuter de leur parcours et de leur métier, en France métropolitaine comme en Outre-mer.

Plus de 10 000 élèves ont ainsi pu entendre le récit de ces journalistes et échanger avec eux. La MDJ et le CLEMI comptabilisent plus de 100 interventions conjointes avec des journalistes syriens, tchadiens, afghans, soudanais, irakiens, marocains ou encore yéménites.

Tous viennent exprimer devant les élèves la difficulté d’exercer leur métier dans leur pays d’origine. D’une richesse exceptionnelle, ces rencontres offrent aux élèves un contact direct avec l’actualité, un témoignage qui permet d’incarner des concepts souvent abstraits, une prise de conscience de l’importance de la liberté d’expression et de la pluralité dans les médias.

Inviter à la discussion pour permettre la critique

« Nous proposons cinq ateliers différents de deux heures chacun », relate le directeur de l’association. L’atelier rencontrant le plus de succès demeure « démêler le vrai du faux sur Internet », mais il assure non sans humour « se battre pour faire vivre les autres thèmes aussi. »

« Les jeunes apprécient cette approche où nous partons des usages du public en s’interrogeant sur leur quotidien. Le journaliste partage son expérience et vice-versa. Des collégiens ayant participé à des ateliers il y a quelques années sont même devenus journalistes aujourd’hui ! » Signe que l’éducation aux médias est un enseignement contemporain incontournable.

Si les premières années étaient consacrées aux élèves de collège et lycées, l’action de l’association s’est élargie aux élèves de primaire. « C’est au collège et au lycée que les usages numériques sont les plus développés », explique l’ancien journaliste.

« Aujourd’hui cet usage se fait de plus en plus tôt, les enfants de 10 ans sont sur les réseaux malgré l’interdiction pour les moins de 13 ans. Il faut les protéger aussi. Nous ne parlons pas de fake news avec eux mais de rumeurs, nous créons du contenu sur-mesure pour les plus jeunes. »

« Nous partons des usages des gens en face de nous : nous nous adaptons en fonction du primaire, collège, lycée… Selon leurs pratiques et usages. Nous ne les jugeons ni ne les culpabilisons sur leurs pratiques, car il y a des bonnes sources d’infos sur les réseaux sociaux – il faut simplement pouvoir les identifier. »

Et de rappeler que les parents ont un rôle à jouer. « Nous les encourageons à discuter avec leurs enfants, en leur expliquant comment bien s’informer. Certaines interventions peuvent déclencher des discussions avec les enseignants et les parents, qui ne savent pas vraiment ce que font leurs enfants en ligne. Les parents constituent un public qu’on n’oublie pas, nous organisons des ateliers avec les adultes en médiathèque ou des centres sociaux pour les sensibiliser. »

L’association est fière des « retours très encourageants » des enseignants et de certains parents, et cherche à étendre son dispositif au niveau national. Elle a mis en place un laboratoire d’EMI en 2020, englobant 12 écoles primaires dans huit départements métropolitains et en Guadeloupe.

Une initiative des plus bienvenues en France, où le gouvernement ne se penche que depuis quelques années sur la question. Qu’il s’agisse d’une collaboration internationale ou de mesures gouvernementales, l’Etat français semble être en décalage avec ses concitoyens sur l’éducation aux médias : aucun programme institutionnel n’a encore été mis en place, malgré l’urgence de la situation.

Maud Baheng Daizey

Finlande : quelles leçons tirer de sa lutte contre la désinformation ?

Depuis 2014, le pays nordique est l’une des cibles privilégiées des campagnes de désinformation massives russes, dans le cadre de l’invasion de la Crimée. Des campagnes de désinformation qui s’accompagnent d’actions concrètes sur le terrain, complexifiant d’autant plus la lutte. Mais comment la Finlande combat-elle ces nouvelles menaces ?

Si les bombes pleuvent sur Kiev, leurs retombées atteignent jusqu’à Helsinki. Depuis 1970 et du fait de sa délicate position géographique, la Finlande se démène pour contrer l’influence russe. Très vite, le pays a réalisé qu’il fallait armer sa population des bons outils pour déjouer les opérations de désinformation, notamment à l’école.

Pionnière dans le domaine, The Finnish Newspaper Association accompagne les professeurs depuis plus de 50 ans dans l’éducation aux médias (EMI). « Nous organisons plusieurs campagnes nationales chaque année (notamment la Semaine de l’information, une collaboration entre les écoles et les journaux, au début de l’année, et une campagne pour la Journée internationale de l’alphabétisation au début du semestre d’automne) et menons des recherches sur l’utilisation quotidienne des médias par les jeunes. »

Ils sont également pourvoyeurs de matériel pour les professeurs, comprenant des manuels d’analyse de l’actualité climatique, des jeux de société ludiques, des conseils de formation ou encore des cartes thématiques. Leurs programmes et financements ont rencontré un tel succès qu’ils ont étendu leurs compétences aux tranches les plus âgées de la société.

Des programmes adaptés aux enfants comme aux plus grands

Susanna Ahonen, chargée de projets dans l’association, nous détaille que « la guerre en Ukraine nous a beaucoup impacté. En janvier 2022, mon équipe et moi-même travaillions sur une intelligence artificielle, et avons créé une série de podcasts sur la manière dont les IA impactent le travail des journalistes. Nous étions censés approfondir le sujet mais nous avons dû laisser tomber notre projet le 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine. Nous nous sommes focalisés sur les campagnes de désinformation, et avons promu le journalisme pour en faire la matière principale de l’EMI. »

« Nous n’avons pas vraiment de programmes pour les Finnois adultes, notre objectif principal visant les enfants et les adolescents », a-t-elle ajouté au micro de la MDJ. « Nous offrons cependant des guides et du matériel d’EMI aux étrangers vivant en Finlande, et nous collaborons avec les professeurs de finnois pour apprendre la langue aux expatriés. Dans les écoles, nous travaillons avec les enseignants d’histoire et de finnois pour l’EMI. »

Photo d’illustration de Kenny Eliason

Pour contrer les attaques, le « pays du Soleil de minuit » se concentre sur les collèges et lycées, où les élèves apprennent à vérifier des informations durant des ateliers. Les parents peuvent parfois y être conviés. Les jeunes Finlandais découvrent durant ces heures dédiées à quel point il peut être aisé de manipuler une photo ou une info, afin qu’ils puissent prendre du recul et analyser d’eux-mêmes le contenu en ligne.

L’éducation aux médias sans restriction d’âge

Les professeurs finlandais sont également encouragés à discuter pendant les heures de cours avec leurs élèves si ces derniers ont des questions au sujet de telle information ou rumeur. Ils n’hésitent pas à échanger avec des élèves de maternelle pour mieux les préparer à faire la différence entre info et intox. Une éducation complète incluant aussi une formation sur les statistiques et leur manipulation. Très vite, les écoliers apprennent à se fier aux chiffres plutôt qu’aux beaux discours.

Toutes les couches civiles de la société sont impliquées : parents, professeurs, ONG européennes, n’ont de cesse de proposer des activités. Mieux, la “formation continue” se poursuit au-delà de l’école : « l’éducation aux médias fait partie des activités des bibliothèques, de plusieurs ONG, des organisations de médias et du secteur privé. Beaucoup d’activités liées à l’éducation au cinéma, aux jeux et à l’art sont également réalisées » dans le cadre de cette formation, explique l’ONG The Finnish Society sur son site.

Hybrid CoE, fer de lance de la lutte contre les menaces hybrides

Créé en 2017, le Centre européen d’excellence pour la lutte contre les cyber-attaques est un des points centraux du combat européen. Hybrid CoE a par ailleurs son siège dans la capitale finnoise Helsinki, où le projet a vu le jour il y a plusieurs années. Depuis 2017, l’institution s’est développée au point d’accueillir désormais 33 pays de l’OTAN et de l’Union européenne, dont la France.

Tous s’y retrouvent pour mettre en place et échanger des méthodes d’apprentissage et des techniques contre les attaques hybrides, telles les cyber-attaques et campagnes de désinformation. Ces méthodes peuvent être utilisées autant par les citoyens que par les agents des Etats-membres. Leur ennemi ? Les attaques hybrides : elles peuvent être à la fois militaires et civiles (joindre une attaque physique avec une campagne massive de désinformation par exemple). En 2023, l’un des objectifs du Centre cible les faiblesses des pays occidentaux face à cette menace.

Markus Kokko, chef du service Communication d’Hybrid CoE, explique que si les pays participant à l’initiative sont tous affiliés à l’UE ou à l’OTAN, Hybrid CoE n’a « aucune connexion officielle avec ces deux organisations. Nos activités couvrent de nombreux domaines, comme par exemple la protection du processus démocratique de nos pays participants. Notre rôle n’est pas celui d’un acteur opérationnel, nous fournissons seulement des conseils et analyses sur les meilleures pratiques à adopter contre les menaces hybrides. »

Se prémunir d’une déstabilisation extérieure lors d’élections, ou encore savoir faire face à une campagne de désinformation massive, font partie des exercices d’entraînement d’Hybrid CoE. Grâce à ses conseils, nouveaux concepts et outils mis à la disposition des gouvernances, l’institution permet à ces dernières « de renforcer leur législation ainsi que leur administration pour être plus résilientes », précise Markus Kokko pour l’œil de la MDJ.

En somme, « notre mission est de conseiller et renforcer les capacités de défense des pays membres et ce dans plusieurs domaines. La Chine et la Russie tentent de faire du mal aux démocraties tout en échappant aux définitions rigides, et leur développement est en permanente évolution. Elles ne sont pas classifiables, leur phénomène est continu. » Hybrid CoE ne se cantonne pas à la théorie et aux conseils mais organise des exercices d’entraînement, en présence de l’Union européenne et l’OTAN. 

Il rappelle que « les opérations des menaces hybrides exercées par les Russes en Ukraine ne sont pas récentes, car cela fait plus de dix ans que le Kremlin tente de gagner en influence en Ukraine. La guerre à grande échelle en Ukraine que nous vivons aujourd’hui est la première où de nouveaux éléments de guerre, tels que les cyber-opérations et les opérations d’information, jouent un rôle de premier plan et visible. »

Une réponse française encore balbutiante

En six ans, quelles leçons la France a-t-elle tiré du savoir de l’Hybrid CoE ? Très peu pour le moment. Selon un rapport de l’Hybrid datant de juillet 2021, la France a bel et bien mis en place l’agence nationale Viginum, sous les recommandations de l’institut. Ayant pour objectif la vigilance et la protection contre les ingérences numériques étrangères, Viginum détient quelques actions à son actif. L’agence est composée d’une quarantaine d’agents « spécialistes en investigation et analyse numériques, en marketing digital, en sciences de la donnée, en sciences politiques et géopolitique » avec pour missions de « protéger le débat public numérique et sécuriser les rendez-vous électoraux ». Lors de l’élection présidentielle de 2022, Viginum assure avoir stoppé 5 ingérences numériques étrangères, comprenant des campagnes de désinformation portant atteinte à la crédibilité des scrutins. Depuis, silence radio sur ses actions. Sollicité par notre journal, Viginum ne nous a jamais répondu.

Maud Baheng Daizey