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Regards étranges et étrangers !

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Credits : paris.site-touristique-com

Par Jean MATI

Depuis des siècles, la désignation « étranger » porte une connotation négative. Les regards portés sur eux (sur nous) concrétisent cette pensée. C’est comme ce jour où je suis arrivé à Paris. A première vue, la ville Lumière ressemble aux petits dessins d’un livre. J’écarquillais les yeux devant la splendeur de la capitale. 

Les constructions urbanistiques sont très différentes de nos grandes métropoles africaines. Sur le continent noir, l’étranger est ce villageois qui vient pour la première fois en ville où tous les citadins ne veulent pas lui tenir compagnie. Ses agissements peuvent  agacer à cause de son incivilité. Oui, Paris s’avère tout de même très différent.

Il y a un fourmillement d’informations, de communication même, surtout non verbales telles que les affiches d’indications, le code de la route, ou encore les panneaux publicitaires. En revanche, d’autres soucis, d’ordre technique, se posent : par exemple la manipulation des machines sophistiquées comme celle de l’achat de titre de transport. En Afrique, nous avons l’habitude d’avoir des contacts d’homme à homme, et non d’homme à machine. Alors le premier jour, la tâche n’était pas facile. Un véritable baptême de feu.

La rencontre des cultures dans la ville Lumière

Le continent noir comporte beaucoup d’espaces. Parfois pour rien. S’étendent d’immenses terrains alors que les populations y meurent de faim. Ici, les gens se battent pour la bonne gestion du territoire. Une volonté d’ordre se ressent. Les rues et quartiers parisiens sont bien tracés, sans doute taillés sur mesure. C’est un décor paradisiaque, en tout cas entre les longues avenues se croisant aux Champs-Élysées et toutes ces lumières qui éclairent la ville. Une luminosité pareille redonne la joie de vivre. J’y ai également découvert la Tour Eiffel. Haute de 324 mètres, cette tour de fer puddlé représente le symbole de toute une ville. La capitale française est une véritable odyssée  de toutes les cultures du monde. On découvre la multiculturalité de tous les horizons  dans les transports (métro, bus et train). Les riverains se lancent des regards parfois étranges. Mais au-delà de tout ça, il y a le respect mutuel. C’est la classe ! En RD Congo, à Kinshasa, les gens se piétinent et s’échangent des mots parfois violents pour une place dans un combi (bus local).

Loin de la chaleur de l’Afrique

Les gens d’ici sont très réservés. Ils s’ouvrent difficilement vers les autres. Ce n’est pas le froid qui en est la principale cause. C’est une question identitaire ou culturelle. En outre, cette problématique peut se révéler toutefois très complexe. Par ailleurs, la ville de Paris est aussi la tombe des tous les acheteurs et vendeurs d’illusion. A côté des belles constructions modernes, se présente un décor plus triste, celui des mendiants. Ils racontent leur histoire dans le métro en espérant récolter quelques pièces. Les âmes charitables n’hésitent pas à glisser un peu de monnaie aux gens qui font la manche. Quelle tristesse ! Certains dorment dans la rue même en plein hiver. Les gens d’ici les appellent les SDF (Sans domicile Fixe). C’est tellement horrible. Le froid d’ici me paraît insoutenable. Si en Afrique la chaleur est au rendez-vous, les populations n’en profitent pourtant pas. Crises et guerres font leur quotidien.

RDC: La symphonie des vampires à l’Est

Crisis-in-the-CongoC’est depuis fin 1996 que l’Est de la République Démocratique du Congo est devenu le théâtre de conflits armés qui a dévasté le pays. Aujourd’hui, on compte déjà des millions des victimes. Dans son rapport annuel 2012, l’International Rescue Committee, une association fondée à l’initiative Albert Einstein, a estimé que 5, 4 millions de personnes sont mortes à la suite des guerres congolaises. Dans cette tornade dévastatrice caractérisée par une sauvagerie monstrueuse, ce sont les femmes et les enfants qui payent cher… Le viol des femmes et des filles mineures est une véritable arme de guerre utilisée par les forces armées pour créer le choc et la stupeur dans le chef de la population. A travers une série d’imageries horribles, la partie Est du Congo est l’un des pires endroits au monde pour les femmes et les filles. En RDC, les femmes sont souvent violées dans l’indifférence totale des autorités congolaises, incapables de sécuriser les populations. Qui sont ces bandits? Pourquoi ne sont-ils pas inquiétés? Quelle est la principale motivation pour ces criminels de l’Est de violer les femmes et les enfants? Et l’État congolais, alors… Que fait-il concrètement?

Le modus operandi des violeurs
«Lorsqu’on viole les femmes, on déstabilise la communauté, on viole les femmes du village entier devant les enfants, devant le mari, devant les voisins, cette communauté est brisée. Les hommes ne peuvent plus regarder leurs femmes dans les yeux, et dire que nous étions incapables de vous protéger. Et les femmes ne peuvent pas surmonter ce traumatisme», témoigne Nita Evele, coordinatrice de l’Action Global pour le Congo, dans le film «Crisis in the Congo». Selon les témoignages, plusieurs femmes ont vu leur destin briser après le viol. Certaines se sont retrouvées enceintes et d’autres ont contractées le VIH-Sida. Abandonnées par leurs maris, les femmes répudiées sont devenues personae non gratae dans la communauté, au village et au sein même de leur propre famille restreinte. Pire encore. Les enfants issus de viol sont aussi bannis et rejetés par la société. Ils ne bénéficient d’aucune affection maternelle. On les appelle «Les enfants des Serpents», affirme un congolais vivant à l’Est. A en croire les déclarations des ONG locales, les petites filles nées de viol entre 1998 et 2000 ayants aujourd’hui la tranche d’âge de 13 à 15 ans, ont été à leur tour violées. Un cycle infernal!

L’épineux problème
Malgré de nombreux crimes perpétrés à l’Est du Congo notamment le cas observé de plusieurs femmes violées, la question de l’identification des violeurs reste très délicate. L’un des facteurs est en fait celui de la complexité des conflits. Tellement qu’il y a plusieurs protagonistes. Parfois, on ne sait plus situer les camps opposés. Par ailleurs, la guerre dans l’Est du Congo a une coloration économique que politique. Dans cette contrée de la RDC, il y a plus d’une dizaine des groupes armés illégaux qui opèrent en toute tranquillité. À cela s’ajoute de nombreuses rebellions qui ne cessent de voir le jour et soutenues par les forces étrangères dans le but de piller systématiquement les richesses naturelles (cobalt, cuivre, diamant, manganèse, or, uranium, zinc…). La République démocratique du Congo, pays aux innombrables richesses, n’a pas une force militaire digne de ce nom pouvant défendre loyalement la souveraineté nationale de son territoire. Le pays ressemble à un «Far West». L’armée congolaise, au vrai sens du mot, n’est pas une armée. C’est un groupe d’indisciplinés qui parfois se substitue aussi à une bande violeurs des femmes. En l’absence d’une véritable justice, l’impunité règne. Peut-être un jour ou demain qu’on reparlera de la vraie justice dans ce pays où les corps des femmes et des filles sont profanés aujourd’hui.

L’œil de Jean MATI, journaliste congolais de la MDJ