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Black Sun : « Ma musique est centrée sur la liberté d’expression »

La vingtaine révolue, le rappeur français Black Sun se présente comme le porte-voix de la jeunesse consciente et engagée. En pleine préparation de son premier opus « Blacksunrice » qui sortira bientôt sur le marché du disque, le jeune musicien lorrain d’origine guadeloupéenne a accordé une interview exclusive à L’oeil de l’exilé.

Propos recueillis par Jean MATI

Le rappeur Black Sun

Le rappeur Black Sun

Jean Mati : Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours musical ?

Black Sun : Ma carrière musicale a bel et bien débuté dans les années 2000. J’ai commencé à rapper en 2004 au lycée Alain Fournier à Verdun. C’était très bref avec des potes. Et ça n’a pas trop marché. Après je me suis lancé dans l’improvisation de 2008 à 2012. Pour la première fois, j’ai  enregistré en 2013. J’avais travaillé avec l’allemand Fererwer. On avait lancé l’album « Evo Live ». Malheureusement, ça n’a pas connu un grand succès. L’album était en français et en allemand. Par la suite, on n’a pas travaillé ensemble. Et pourtant, on avait une bonne idée de faire la suite de « Evo Live », en renversant les mots, ça donnait  « Evil love ! ».  (Rires)

Après 2013, j’ai commencé à enregistrer régulièrement. J’ai réalisé beaucoup de sons individuellement. Entre 2013 et 2015, j’ai produit une compilation de sons, intitulée « La Malédiction de Cham ». Dans l’ensemble, il y a eu vingt et un sons. Parallèlement, j’ai lancé aussi « Laisse moi te parler ».  Maintenant, j’ai un groupe dénommé « Les Zombres ».

J. M. : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir musicien, plus particulièrement rappeur ?

B. S. : J’ai l’âme d’un artiste chevronné. Ce génie de l’art d’Orphée a toujours habité en moi. J’aime le côté revendicateur du rap. Certes, j’étais un peu doué en littérature. Toutefois, j’aimais bien le milieu. C’est l’une des raisons qui m’a poussé à faire du rap. J’ai toujours été inspiré par le groupe « Wu-tang ». Au niveau de la revendication, j’aime bien le groupe « Afro Jazz ».

J. M. : Quel message, vous véhiculez par le biais de votre musique?

B. S. : Je fais passer le message de conscientisation. J’amène les gens à réfléchir. Je déteste la manipulation. Je suis contre l’oppression. Je prône l’égalité des peuples. Je suis contre l’injustice. Ma musique est centrée sur la liberté d’expression.

J. M. : Aujourd’hui, le monde est menacé par l’obscurantisme, la liberté d’expression est remise en cause, quelle est votre lecture des faits en tant que leader opinion ?

B. S. : En effet. Au jour d’aujourd’hui, il est déplorable de constater qu’il y a beaucoup de censure. Il y a des choses qu’avant on pouvait dire. Mais aujourd’hui, tout est contrôlé. On l’a vu récemment avec le rappeur Booba à Lyon. Je trouve que les gens se trompent d’ennemis.

J. M. : Selon vous, c’est quoi la liberté d’expression ? Cette liberté permet-elle de tout dire ?

B. S. : La liberté d’expression, c’est le fait de s’exprimer librement. Il y a aussi des limites. Fort malheureusement, certains en abusent fortement. Non, je pense que la liberté d’expression doit être encadrée pour éviter les dérapages. L’abus peut conduire aux scènes déplorables comme on l’a vu aux Etats-Unis avec des gens se promenant avec des drapeaux nazis. Je pense qu’en cas d’injures et de racisme, il n’y a plus de liberté d’expression.

J. M. : Quels sont vos projets d’avenirs ?

B. S. : Là je me concentre sur mon premier album « Blacksunrice ». Je compte le sortir en début 2017. Entre-temps, je vais faire une vidéo (un clip) sur ma carrière qui sera intitulée « Ma vie d’Artiste ». Je continuerai aussi à faire de la scène.

J. M. : Votre mot de la fin …

B. S. : Il ne faut pas dépenser les énergies dans des luttes inutiles. Il faut se donner la main pour aller de l’avant. Le vivre ensemble est un élément essentiel dans une société démocratique. Donc, les races du monde, ne peuvent pas se diviser. Il faut être ensemble pour combattre toute forme d’oppression afin de construire un monde meilleur.

RDC : Beni, une barbarie absurde !

[Par Jean MATI]

Depuis quelques mois, la ville de Beni, à l’Est de la République démocratique du Congo vit une situation d’insécurité dramatique. D’après les sources onusiennes, plusieurs personnes seraient mortes assassinées.  

Récemment, les hommes en uniforme portant la tenue des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) ont massacré 69 personnes à coup de machette, pillé des mortiers et des baïonnettes à Rwaghoma, près de Beni. De tels événements déplorables sont récurrents depuis 2014 dans cette région.

Le gouvernement congolais ne cesse, pour sa part, d’attribuer ces actes ignobles aux rebelles ougandais de l’ADF (Forces démocratique alliées – Armée de libération de l’Ouganda), des mains criminelles qui opèrent avec facilité en l’absence de l’autorité publique.

Des membres de l'Alliance des forces démocratiques de RDC (Source : news.vice.com)

Des membres de l’Alliance des forces démocratiques de RDC
(Source : news.vice.com)

Force est de noter qu’au vu de ce qui se passe à l’est de la RDC, les autorités congolaises ont toujours montré leurs limites concernant la situation sécuritaire dans cette partie du pays. Le pouvoir en place n’a jamais proposé un projet sérieux et crédible pouvant permettre de combattre les groupes armés qui naissent à l’Est comme des champignons. Par ailleurs, l’actuel président Joseph Kabila, issu d’une rébellion qui a mis le pays à feu et à sang, n’a jamais endossé le costume de chef d’une nation frappée par la guerre.

L’Est du Congo est le théâtre de conflits armés depuis fin 1996, date à laquelle l’Alliance des Forces pour la libération du Congo (AFDL), dirigée par le maquisard Laurent Kabila a lancé l’opération « Marche sur Kinshasa ». Avec l’aide des voisins Burundi, Rwanda et Ouganda, l’AFDL a réussi à chasser du pouvoir le dictateur Mobutu. Mais avec quelles conséquences ?  Les alliés et leur rébellion ont dévasté le pays en détruisant tout sur leur passage, les foyers des réfugiés hutus (Massacre de Tingi Tingi), par exemple ! Ce fut une véritable tactique de « terre brûlée ».

Une fois au pouvoir à Kinshasa, le régime Kabila (père et fils) qui a pactisé avec les forces étrangères n’a jamais su combattre les éléments, qui ont été hier alliés, aujourd’hui, adversaires. Face à la prolifération des groupes armés, le régime en place s’est vu dépassé et incapable.

De ce fait, il est donc difficile pour ne pas dire impossible que le Congo retrouve la paix dans sa partie Est compte tenu notamment de la difficulté de désigner les protagonistes du conflit. En outre, les enjeux économiques, les guerres financées par les multinationales pour mieux exploiter les richesses du pays, sont en partie générateurs de la dite situation.

 

République Démocratique du Congo : quelle alchimie pour Joseph Kabila en 2016 ?

[Par Jean MATI]

L’année 2016 qui débute est celle de tous les enjeux pour la République démocratique du Congo. Le Président de ce pays, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 va devoir briguer un nouveau mandat. Fort malheureusement, il n’aura pas le droit de se représenter. Car la Constitution limite les mandats au nombre de deux. Qu’est-ce qu’il va alors advenir? La République Démocratique du Congo deviendra-t-elle un nouveau Burundi? Quels stratagèmes seront mis en place pour contre-carrer la Constitution ?

Le Président Joseph Kabila lors de son intervention devant le Parlement (source : primature.cd)

Le Président Joseph Kabila lors de son intervention devant le Parlement (source : primature.cd)

En janvier 2015, une loi du Parlement voulant modifier quelques lois de la Constitution avait provoqué une série des manifestations à Kinshasa, la capitale. La police et l’armée avaient tirés sur les manifestants. Le bilan lourd s’élevait à une quarantaine de morts, à en croire les associations de défense des droits de l’Homme. Face à ce drame, le prix du sang a payé la bravoure du peuple congolais. De ce qui précède, cette loi qui tentait de prolonger la tenue des élections en motivant cela par le recensement de la population, avait été carrément retirée par le Sénat.

En effet ce fut une grande victoire pour le peuple congolais, qui dénonçait a priori les manœuvres dilatoires du gouvernement congolais. Elles auraient permis au président Kabila de conserver son fauteuil pour une durée transitoire de trois ans. Pourquoi s’obstiner jusqu’à ce point au pouvoir ? Disons-le, Joseph Kabila est au pouvoir depuis maintenant quinze ans. En Janvier 2001, suite à l’assassinat mystérieux de son père (Laurent Désiré Kabila), en sa qualité d’officier militaire, il prit les fonctions du Chef de l’État. Un peu curieux, cette prise de pouvoir, comme si ça lui tombait du ciel. Alors, le jeune Kabila hérite d’un pays divisé par de nombreuses rebellions, il joue la carte du pacificateur. Ce rôle lui va très bien. Avec l’aide de ses parrains occidentaux, il réussit à rabattre les cartes publiquement. Il joue et gagne en mettant autour d’une table tous les belligérants du conflit congolais. En 2003, Joseph est président du schéma 1+ 4. En 2006, il organise les premières élections libres et démocratiques pour ne pas dire transparentes. Au moins, les Congolais ont pu voter ! Joseph Kabila bat au second tour le candidat Jean Pierre Bemba, son ancien vice-président.
En 2011, Joseph est réélu. Il bat l’opposant historique Etienne Tshisekedi. Cette victoire douteuse laissera un goût amer dans la langue politicienne congolaise. Le paysage politique monte au créneau. D’abord les opposants congolais qui dénoncent les fraudes massives. On laisse même entendre que dans certains coins du pays notamment à l’Est où le président est majoritaire, les jeunes enfants (mineurs moins de 18 ans) possédaient les cartes d’électeurs et avaient participé au scrutin en vue de gonfler les voix du Président sortant. Ensuite, viennent les constations négatives de la Communauté Internationale qui confirme les irrégularités.

Des opposants manifestent contre les autorités, en janvier 2015, à Kinshasa. ( source : jeuneafrique.com)

Des opposants manifestent contre les autorités, en janvier 2015, à Kinshasa. (
source : jeuneafrique.com)

Dans la foulée, le président et son régime sont mis à nu. Les associations de défense des droits de l’Homme citent dans leur rapport la République Démocratique du Congo comme un pays dangereux en matière de violations des droits humains. Les journalistes aussi s’invitent à la dénonciation du régime kabiliste. Des journalistes étrangers, il faut bien le préciser. Car les journalistes qui sont au pays subissent des fortes pressions (censures, arrestations, menaces de mort…). Tout est donc mal parti pour le « Raïs », c’est ainsi que Kabila est surnommé par ses partisans.

A partir de 2011, Joseph n’avait que cinq ans pour sauver son mandat en dépit de cette série d’accusations portées contre lui. Le président de la RDC s’est donc lancé dans de grands travaux de reconstruction du pays pour frapper l’imagination d’un congolais lambda. A Kinshasa, la capitale, pour ne citer qu’un seul exemple, plusieurs chantiers ont vu le jour un peu partout. Certaines routes ont été faites. Il y a eu des projets qui ont été atteints, certains sont en cours et d’autres ne verront certainement pas le jour sous l’ère Kabila s’il faut tenir compte du délai constitutionnel.

Pour ce faire, le président Kabila a initié récemment le dialogue national. Ce forum compte réunir tous les acteurs politiques afin de penser à l’avenir de la RDC. Plusieurs propositions seront discutées notamment sur la tenue des élections. Toutefois, l’opposition congolaise, renforcée dans son rang suite à une réunion tenue naguère à Gorée au Sénégal, ne veut pas entendre le discours sur le dialogue national prôné par Kabila. Ce dernier est soupçonné de jouer sur la prolongation du scrutin. Attendons voir ce que sera l’année 2016 en RDC !

 

 

Burundi: Tant qu’il y aura le tout puissant président Nkurunziza !

[Par Jean MATI]

Maître du jeu, le président sortant du Burundi, Pierre Nkurunziza est loin de lâcher prise. Malgré les contestations de la rue, l’homme fort du pays reste insensible face à l’émotion de tout un peuple. Cynisme, déni, mépris et autres stratégies mises en place pour demeurer au pouvoir, Pierre Nkurunziza se représente pour un troisième mandat en toute violation de la constitution.  

Le président Pierre Nkurunziza Source : notreafrik.com

Le président Pierre Nkurunziza
Source : notreafrik.com

N’eussent été les mouvements de contestations de la rue et le semblant « coup d’Etat » de ce dernier temps, peut-être beaucoup des gens et autres curieux n’auraient pas entendu parler du Burundi en boucle et de son fameux président Pierre Nkurunziza devenu sans doute une Super Star dans les médias. Burundi, pays d’Afrique de l’Est avec une superficie de 27.834 km2, était jusqu’alors, l’une des nations africaines, la moins agitée, malgré une politique dictatoriale du régime en place. Inutile de le rappeler, le Président de la République burundaise s’appelle : Pierre Nkurunziza. Comme un bon chef d’Etat africain, il est le père de la nation. Il est le garant. C’est celui qui détient les âmes et la vie de tous ses compatriotes. On le déteste parce qu’il est chef. Pourquoi ? « En Afrique, les présidents (les chefs)  sont toujours détestables parce qu’ils sont riches et voleurs. Mais aussi tueurs et criminels », accuse l’homme de la rue. « Parfois, leur fortune dépasse même les dettes de leurs pays. Toutefois, ils ont des sympathisants. Ceux qui les acclament ou  les vénèrent », ajoute-t-il. Le président Nkurunziza est-il différent des autres ?

Du condamné à mort au Chef de l’Etat

L’histoire de l’ascension du tout puissant Nkurunziza tente de ressembler aux  récits des personnages religieux ou prophétiques. Était-il l’homme de destin du pays ? Le messie, celui qui devait venir…  En tout cas, il y a trop de mystification là-dessus. On connait, par exemple, peu sur son enfance. Pas grand-chose n’a été dit sur l’enfant Nkurunziza. On retiendra tout de même que son père fut un ancien gouverneur des provinces de Kayanzi et de Ngozi. Le père de Nkurunziza est élu au parlement en 1965, à en croire les sources dignes de foi, avant d’être liquidé en 1972. Son fils Pierre n’avait que huit ans et demi et a vu le père assassiné… Point barre. Plus rien n’a été dit par la suite sur la vie du tout puissant Nkurunziza.

Il fallait attendre le début des années 90. Un vent nouveau souffle en Afrique avec la vague de démocratie. La fin des partis uniques. C’est aussi la nouvelle donne mondiale. La chute du mur de Berlin. La fin de la guerre froide. Comme dans un rêve, Pierre Nkurunziza réapparaît. Cette subite apparition n’est pas sans doute pour venger le père assassiné. Ça non et non ! Ici, on parle de futur « l’homme fort du Burundi » en termes d’un grand sportif. Un grand athlète qui aurait pu faire une belle carrière sportive si jamais la volonté du Très Haut ne lui avait pas guidé sur le terrain politique. Selon le site Internet de la Présidence, le tout puissant Nkurunziza est un sportif talentueux qui aime le football et la course à vélo. Il a même entraîné un club de la première division… (qui malheureusement n’a pas gagné de titres, ndlr). Il finit dans les auditoires de l’Université de Bujumbura comme professeur assistant. En 1993, des violences ethniques s’éclatent, deux des sept membres de la famille de Nkurunziza sont tués. Le professeur Pierre abandonne les salles de cours et rejoint les maquis pour tenir les armes et faire la guerre. Cette fois-ci, il est revanchard. Très revanchard même. L’ancien footballeur et cycliste devient terroriste. Il planifie des projets d’attentat comme celui de 1995 qui a coûté la vie à des dizaines de morts dans la capitale burundaise. Il est condamné à mort par la justice. Il s’exile discrètement dans des pays voisins avant de revenir au bled pour s’activer dans la rébellion.

Dans sa pérégrination, Pierre Nkurunziza songe à devenir « Chef de l’Etat ». Martin Luther King avait fait un rêve. Pourquoi pas lui ? Mais pour concrétiser ce destin acharné, il doit se convertir et chercher la rédemption. Pierre, pas encore « Tout puissant » à l’époque, devient pacifiste. Il signe les accords de paix d’Arusha de 2000 et  de 2003. Une démarche payante, car, sa peine de condamnation à mort est amnistiée… provisoirement !

En 2005, il est élu chef de l’Etat. Son arrivé au pouvoir est salué par les partenaires occidentaux. C’est un jeune président. Un bel avenir pour le Burundi ! Mais vite, ça sera la déception. L’homme est un vieux routier. On n’apprend pas à faire des grimaces à un vieux singe, dit un vieil adage africain. Nkurunziza est un dictateur né. Un despote. Un démagogue aussi. Il est vite désavoué par une majorité des Burundais. Même les gens de son ethnie ont fini par cracher sur sa mauvaise politique. En 2010, il est réélu maintenant comme un vrai dictateur avec un score fleuve de 91 % de voix. L’opposition crie à la fraude et en appelle même à la Communauté internationale. Le camp présidentiel ferme les oreilles à toutes les jérémiades des opposants burundais. Les années passent vite. Durant deux mandats, le président n’a pas fait grand-chose. Arrive l’an 2015, les élections sont prévues en ce mois de juin. Sauf que le tout puissant Nkurunziza n’a plus le droit de se représenter. Pourquoi l’empêcher ? C’est la Constitution. Foutez-nous tranquille avec vos constitutions  écrites à la main par les intellectuels noirs africains à l’aide des conseillers politiques blancs ! – imagine-t-on un tel scénario. Finalement, le pouvoir en place modifie la Constitution. Le président peut se représenter plusieurs fois (illimité) tant qu’il aura encore la force de servir son peuple grâce à la volonté divine du très Haut.

Le peuple burundais est tout sauf idiot. Les manifestants sont dans la rue. Certains bâtiments publics sont mis à sac. Les échauffourées dégénèrent entre les contestataires et les forces dites de l’ordre, en Afrique, sont généralement du « désordre ». Des tirs à balle réelle sont entendus dans les grandes artères de la capitale, certains tombent et d’autres s’échappent miraculeusement.

Des manifestants dispersés par la police au cours d’une manifestation contre un 3e mandat du président, vendredi 17 avril 2015 Source : voaafrique.com

Des manifestants dispersés par la police au cours d’une manifestation contre un 3e mandat du président, vendredi 17 avril 2015
Source : voaafrique.com

Le Tout puissant Nkurunziza en Tanzanie lors d’un déplacement apprend par les voies des médias, qu’il est déchu. Coup d’Etat ! C’est la jubilation à Bujumbura. Les femmes enlèvent leur pagne et dansent. Les manifestants scandent la victoire conquise de manière héroïque. Le nouvel homme fort, le général Godefroid Niyombare, lut un discours à la télé comme un enfant. Très rapidement, on remarque que l’officier n’a ni charisme, ni aura pour être « Quelqu’un de la situation ». Les loyalistes refusent d’obtempérer. Ça barde de nouveau. Les manifestants déchantent. Tout le monde est retranché dans sa maison. Attention ! Quand les militaires se battent – il faut éviter d’être une victime collatérale, on nous dit souvent au moment de la pagaille. Les hommes du Président déjouent le complot. Nkurunziza rentre tranquillement dans son palais présidentiel et reprend service. Les conspirateurs fuient comme des « chiens » la queue entre les pattes. Certains quittent le jour même le pays par craintes des représailles. D’autres comploteurs sont liquidés ou capturés, jetés dans des lugubres geôles. Le président Nkurunziza se bombe le torse. Il convoque ses services à la présidence. Les ministres, agents du renseignement et autres s’agrippent au chef. Ce dernier les tire aux oreilles comme des gamins turbulents. Ils répondent par : un oui «  Chef ».

Comme si de rien était, le lendemain, le président Nkurunziza poursuit sa tournée nationale dans le cadre de la campagne électorale à laquelle il est candidat, nous l’avions déjà dit, pour un troisième mandat. Cette arrogance inacceptable du tout puissant président a occasionné la montée en fièvre du  peuple burundais. Celui-ci est descendu encore dans la rue. Sans doute, les Burundais se sont sentis roulés dans la pâte à farine. En attendant la tenue des élections au Burundi, la question est de savoir : jusqu’où ira Pierre Nkurunziza ?

RDC : Controverse autour de 425 cadavres découverts à Kinshasa

[Par Jean MATI]

425 corps ont été retrouvés naguère à Maluku dans la banlieue de Kinshasa. Au moment où les indiscrétions pointent un doigt accusateur en direction des industries de la mort installées par le régime en place, cette découverte macabre a suscité la réaction de l’opinion nationale mais aussi de la communauté internationale. Elle relance, par ailleurs, le débat sur la question sécuritaire en République démocratique du Congo, un pays dont les droits de l’homme sont bafoués. Les opposants emprisonnés, les contestataires muselés, les journalistes assassinés et voire pousser à l’exil…Telle est la présentation d’un tableau sombre qu’expose le Congo-Kinshasa.

kinshasa
Ce jour-là, une odeur nauséabonde bouchait les narines des citadins de Maluku, une commune située dans le faubourg de Kinshasa, la capitale de la RDC. « Presque tout le monde voulait savoir d’où venait une telle odeur, car ça donnait l’envie de vomir. Est-ce une odeur d’excréments ? Se demandaient les uns. Non, affirmaient les autres. C’était plus que ça ! », Confie un témoin.
A quelques pas de là, dans l’enceinte du cimetière local « fula-fula », les badauds découvrirent une fosse commune. Des corps humains mal enterrés ont refait surface. Ils traînaient à la hauteur de la terre. On pouvait observer les bras, les cheveux, les têtes et autres partie du corps. Une scène effrayante à la manière d’un film d’horreur. De quel monde sortent-ils ces corps ? Ce sont des fantômes ? A priori, à ces questions manquaient les réponses. Trop vite les mots ont pu remplacer le silence. « C’est le Gouvernement qui a fait ça » affirment les observateurs avisés. « Ce sont des Congolais qu’on tue chaque jour. Dans ce pays, l’Etat ne se soucie pas de la protection de la population. Les Congolais sont assassinés par des mains criminelles. Personne ne fait rien. Et rien ne fera rien. Ainsi va la vie au Congo-Kinshasa» soutiennent-ils.
Pour mieux accabler le Gouvernement congolais de son cynisme quant à la façon d’enterrer ses compatriotes, de multiples voix vont s’élever et dire que ces corps seraient ceux des manifestants tués lors des émeutes de janvier dernier à Kinshasa. « L’Etat aurait voulu les inhumer discrètement comme dans ses habitudes. Mais cette fois-ci, les morts ont refusé de mourir », fait savoir un habitant de Maluku.

Réaction du gouvernement
Dans la précipitation, le gouvernement de Kinshasa, craignant une mauvaise publicité à l’extérieur du pays, réagit. Mais c’est une riposte tardive. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. A l’ère du développement des réseaux sociaux, les informations se propagent vite. Les photos et les vidéos macabres circulent déjà sur Facebook, Whatsaap, Viber, Youtube…La presse internationale est déjà au courant ? Oui, ça c’est sûr !

Evariste Boshab (source : http://24hcongo.com/)

Evariste Boshab (source : http://24hcongo.com/)

Par l’entremise de son Vice-Premier ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, le pouvoir de Kinshasa va présenter les faits à sa manière. Les 425 corps découverts dans la fosse commune de Maluku seraient des cadavres qui pourrissaient dans les chambres froides de la morgue de l’Hôpital général de Kinshasa. « Ce sont des fœtus de morts – nés et des corps d’ inconnus décédés des morts naturelles. C’est une pratique courante en RDC où les familles ne possédant pas de moyens abandonnent leurs proches à la morgue», soutenait Evariste Boshab. Pour étayer sa version de thèse privilégiée, le pouvoir de Kinshasa offrira un spectacle désolant en mode « Syndrome Timisoara ». Le lendemain, les médias d’Etat sont à l’Hôpital général et filment les cadavres des indigènes qui se trouvaient à la morgue. Le gouvernement de Kinshasa brandit cela comme des pièces à conviction et promet de les enterrer dignement. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avec les 425 cadavres de Maluku ? Pourquoi en RDC les autorités ont perdu tout le caractère du sens moral ?

Le pouvoir de Kinshasa ou l’ « ante-peuple » congolais
Cette représentation cynique du pouvoir de Kinshasa ne va pas apaiser la colère. Mais elle va plutôt jeter de l’huile sur le feu. L’opposition qualifiera cette découverte macabre de « charnier ». L’opposant historique Etienne Tshisekedi parlera même de l’ « escadron de la mort ». Le régime en place est démasqué. Il y a trop de contradictions dans les discours des représentants de la Majorité présidentielle. Lambert Mende, ministre de la Communication et des Médias change de registre et refuse de parler de la « fosse commune ». Il invente une expression : le « tombeau commun ». Les membres de sa famille politique rectifient et préfèrent dire la « tombe commune ». Quelle négation !

(source : http://www.un.org/)

(source : http://www.un.org/)

Dans ce cas de figure, il faut faire appel à l’extérieur. Les Occidentaux doivent mener l’expertise. Ici, il faut pas compter sur nos autorités et surtout pas sur la justice, estime une partie de l’opinion nationale. Comme il fallait s’y attendre, l’ONU intervient finalement et exige l’exhumation des corps afin de mener une enquête approfondie en vue d’établir les circonstances de leur mort. Le pouvoir de Kinshasa fait obstruction.
En attendant de connaître les résultats des experts, force est de déplorer la culture de banalisation qui a atteint son paroxysme en République démocratique du Congo. Les morts ne sont plus respectés. Ces Congolais à qui on a « chosifié » à Kinshasa, ne méritaient-ils pas d’être enterrés dignement ?

 

 

Congo Brazzaville : la journaliste Sadio Kanté « sans papiers » dans son pays ?

[Par Jean MATI]

Devenir « Sans papiers » dans son propre pays peut paraître comme un fait quasi impossible. Mais l’affaire « Sadio Kanté » semble être une illustration parfaite d’une théâtralisation dramatique que Brazzaville tente de donner à cet événement.

Sadio Kanté, tabassée par la police le 16 décembre 2013 à Brazzaville [Photo tirée de francaisdeletranger.org]

Sadio Kanté, tabassée par la police le 16 décembre 2013 à Brazzaville
[Photo tirée de francaisdeletranger.org]

Expulsée dans la nuit de lundi 22 à mardi 23 vers le Mali, Sadio Kanté-Morel signe et persiste : « Je suis congolaise. Ils veulent me régler mon compte parce que je dérange. Je reviendrai chez moi, je n’ai pas besoin de visa », pouvait-on lire jeudi dernier sur le blog de la journaliste.

La semaine dernière, les autorités de Brazzaville ont décidé d’expulser Sadio Kanté-Morel vers le Mali parce qu’elle n’a pas de titre de séjour, à en croire le communiqué de la Direction générale de la Police nationale congolaise publié mercredi. « Sadio Kanté est de nationalité malienne, née à Brazzaville en 1968 », précise-t-il.

Pour sa part, Sadio Kanté-Morel ne cesse d’affirmer sa congolité en se basant surtout sur le droit du sol. Née d’un père sénégalais et d’une mère malienne, la journaliste SKM a longtemps vécu au Congo Brazzaville. Elle se sent bien un « Mwana Mboka » – (Fils ou fille du pays ), comme les Congolais de Kinshasa le disent.

Sur la forme, cette histoire n’a ni queue, ni tête. Par contre sur le fond, l’opinion y voit quand même une main basse du gouvernement congolais sur cette affaire. Selon les sources concordantes, la journaliste Sadio Kanté bavarde un peu trop. Elle dérange beaucoup. Qui ? Le gouvernement certainement. Elle a même eu plusieurs antécédents avec le régime en place. Notamment avec ce récit triste qui a eu lieu le 16 septembre 2013 au palais de justice de Brazzaville où SKM, alors correspondante de Reuters, a été battue et ridiculisée par les gendarmes devant la foule. Mais le péché qui lui a valu vraiment l’expulsion, c’est l’article qu’elle a publié récemment sur l’agression du journaliste camerounais Elie Smith par des personnes inconnues.

Obstinément, Sadio Kanté-Morel n’a rien perdu d’elle. Sa promesse de revenir à Brazzaville n’est pas enterrée. Par ailleurs, pensons aussi que SKM doit éviter d’être un peu comme la chèvre de Monsieur Séguin au milieu des loups. La chèvre a fini par se faire manger…

Makaila Nguebla, une aura révolutionnaire !

Makaila Nguebla

Makaila Nguebla

[Par Jean MATI]

Accueilli à la Maison des Journalistes à Paris, le blogueur tchadien, Makaila Nguebla a finalement obtenu son statut de réfugié en France. Au terme d’un long feuilleton diplomatique, la reconnaissance par la République française de la protection internationale pour Makaila est un triomphe de la liberté d’expression et des droits de l’homme dans le monde. Retour sur le parcours d’un combattant de la plume.

Le jeune journaliste tchadien a été expulsé de deux pays africains : le Sénégal et la Tunisie. Il aura fallu attendre la France, un pays européen pour lui venir à la rescousse. En Afrique, il est extrêmement rare qu’un homme ou une femme devienne célèbre pour avoir été expulsé d’un pays. Mais dans un contexte aussi politisé que celui de l’ « Affaire Makaila Nguebla », l’occasion faisait sans doute le larron. Dès les premiers faits établis, on a imaginé une vieille histoire rocambolesque racontée par les sages conteurs africains sur un arbre qui cache toute une forêt. Officiellement, il a été expulsé du Sénégal vers la Guinée Conakry, en raison d’un séjour illégal mais cela ressemble fort à un simple prétexte. Les raisons évoquées par les autorités sénégalaises n’ont pas été convaincantes. Mais au-delà de cela, on pouvait bien penser que leurs motivations étaient ailleurs. Qui était derrière cette démarche ? Pourquoi Makaila Nguebla faisait-il peur ?

Pleins feux sur Makaila Nguebla

Né le 31 décembre 1970 à Ndjamena, la capitale tchadienne, Makaila Nguebla est issu d’une famille modeste. Ses noms ont une signification plus particulière. D’abord Makaila est un nom arabe d’origine africanisée, c’est-à-dire Mikail qui veut dire l’ange de la pluie ou des verdures. Nguebla, ensuite, veut dire la famille élargie.

A l’âge de 9 ans, Makaila perd son père. Élevé par sa mère, Makaila fréquente l’école Bololo à Ndjamena , le collège d’enseignement général N° 2 et le lycée technique commercial d’où il sort plus tard avec un Bac. Avec ses 1,72 m et 70 Kg, Makaila aurait pu faire un bon sportif, mais son intérêt pour le journalisme le pousse à créer son blog. En 2000 , il suit une formation à l’Institut tuniso-canadien en administration commerciale en Tunisie. En 2005, Makaila est expulsé de la Tunisie vers le Sénégal. Toujours politique ? Une petite odeur de ça. A Dakar, Makaila se reconstitue et s’arme de nouveau. Il intègre l’Institut Supérieur de Communication et de Journalisme. Après avoir obtenu son diplôme en journalisme, Makaila rejoint la radio « Manoore ». Selon les observateurs avisés, la notoriété de Makaila à Dakar serait à la base de son expulsion vers la Guinée.

Makaila est un homme de principe. Il est loin d’être ce prototype de personne qui épouse facilement l’inconscient populaire. Disposant d’un charisme naturel, Nguebla a une aura révolo qui cache pas mal sa gentillesse. Le natif de Ndjamena est aussi un vrai leader qui mène son peuple vers une direction grâce à son combat. L’option qu’il favorise est le changement au Tchad, c’est-à-dire le « dictateur Deby doit dégager ! » et laisser la place à la nouvelle alternative. Comme un militaire au front, la plus grande arme de Makaila Nguebla est bel et bien son blog – http://makaila.over-blog.com/ . Ce dernier fait tabac sur les réseaux sociaux et est bien présent dans le paysage médiatique francophone.

Pour M. Nguebla, son engagement militant résulte dans le fait que son pays, le Tchad, est soumis à une dictature extrême qui suscite une prise de conscience individuelle et collective basée sur un sursaut national pour trouver une solution à la démocratie et à un État de droit.

Malgré son combat pour le changement dans son pays, Makaila se veut juste un citoyen tchadien, journaliste, blogueur et militant des droits humains qui aspire à vivre chez lui dans le respect et la dignité . En attendant qu’il y ait une nouvelle donne au Tchad, Makaila garde toujours son foulard au cou en signe de combat. Une grande bataille pour la liberté d’expression et l’égalité des peuples.