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Burundi-Diplomatie : Bujumbura de plus en plus isolée

[Par Diane HAKIZIMANA]

Le pouvoir Nkurunziza semble plus que jamais décidé à en découdre avec les anciens partenaires du Burundi. Les événements du deuxième week-end d’octobre l’attestent par excellence quand jeunes et cadres affiliés au parti au pouvoir ont manifesté devant les bureaux de l’ambassade du royaume de Belgique à Bujumbura et dans d’autres coins du Burundi pour, je cite, « lancer un message aux pays européens qui soutiennent ceux qui perturbent le pays ». Cela est intervenu 24 heures après que le gouvernement burundais a demandé à Bruxelles, par le biais d’une note verbale, le remplacement de son ambassadeur en poste à Bujumbura. Bruxelles a qualifié de son côté cette décision de “geste inamical”.

Une manifestation anti-belge à Bujumbura devant l' Ambassade du Belgique (lalibre.be)

Une manifestation anti-belge à Bujumbura devant l’ Ambassade du Belgique
(lalibre.be)

Le plus visé de ces partenaires est l’ancienne colonie de la Belgique, le Burundi. Pour commencer, le pouvoir de Bujumbura retire l’agrément de l’ambassadeur de Belgique au Burundi et Bruxelles convoque l’ambassadeur du Burundi en Belgique pour une demande d’explications, c’était ce vendredi 9 octobre. Samedi 10 octobre, les principaux axes du centre-ville de Bujumbura étaient fermés par les forces de l’ordre pour couvrir les jeunes, ainsi que les cadres issus du parti au pouvoir CNDD-FDD qui manifestaient devant les bureaux de l’Union Européenne et de l’ambassade du royaume de Belgique.

Freddy Mbonimpa (crédit : youtube.com)

Freddy Mbonimpa (crédit : youtube.com)

Sur les affiches, on pouvait notamment lire « non au néocolonialisme ». Selon Freddy Mbonimpa, maire de la ville de Bujumbura, l’idée était de soutenir les forces de l’ordre qui ne cessent pas de ramener la paix dans le pays et dans ses missions à l’étranger. Mais surtout, de lancer un message à ces pays européens qui, selon ses dires « soutiennent ceux qui veulent perturber l’ordre dans le pays. » Avant ce passage à l’acte, Bujumbura avait tenté de renouer les relations avec ses partenaires de plus en plus réticents après les dernières élections.
Dans une plateforme d’échanges avec les membres du corps diplomatique occidental ce mercredi 7 octobre, le premier vice-président du Burundi a demandé à la communauté internationale de reconnaître les progrès réalisés par le gouvernement burundais, comme la mise en place des nouvelles institutions. Gaston Sindimwo, dans cet échange, a affirmé qu’ « en réalité, décider de suspendre la coopération avec le Burundi signifie apporter un soutien à peine voilé aux détracteurs des institutions démocratiquement élus». Sindimwo a estimé dommage le fait que le gouvernement fasse des efforts pour ramener la paix et que les pays amis du Burundi n’hésitent pas à prendre des sanctions.
Les manifestations de ce week-end traduisent-elles le mécontentement de Bujumbura ?

Pierre Nkurunziza  (crédit : afriqueinside.com)

Pierre Nkurunziza (crédit : afriqueinside.com)

Ces manifestations sont une réplique à la dernière déclaration de l’Union Européenne. Cette dernière dénonçait la spirale de violence qui affecte fortement la sécurité du Burundi après la réélection du président Pierre Nkurunziza. Plusieurs cas d’assassinats, de tortures et de détentions arbitraires sont enregistrés surtout dans les quartiers de Bujumbura qui se sont investis dans les manifestations contre le troisième mandat de Nkurunziza, jugé « anticonstitutionnel » par ses opposants.
« Il est impératif que la violence cesse et qu’il soit mis fin au climat d’impunité. Cela passe par l’ouverture urgente d’un dialogue inclusif, ouvert à toutes les forces politiques et prenant en compte les initiatives régionales en cours », a rappelé la mission locale de l’UE dans cette déclaration. L’Union Européenne a assuré que les responsables de ces cas de violations des Droits de l’Homme devront répondre de leurs actes. C’est dans ce sens que 4 des officiers burundais, reconnus comme ayant pris part dans ces actes, se sont vus retirer le droit de voyager dans l’espace Schengen et leurs biens gelés par l’Union Européenne.
De surcroît, l’UE, la Belgique en tête, a récemment suspendu plusieurs de ses projets de coopération avec le Burundi en attendant l’ouverture et l’issue des négociations entre l’Union Européenne et le Burundi dans le cadre de l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Ce dernier met au cœur du partenariat le respect de tous les Droits de l’Homme, des libertés fondamentales et des principes démocratiques.
Ces manifestations traduisent-elles donc le mécontentement de Bujumbura ? Dans tous les cas, devant la représentation diplomatique de la Belgique, un des assistants du ministre de l’Intérieur burundais a lâché : « le gouvernement soutient les 4 officiers interdits de voyage dans l’espace Schengen et il est contre le gel de leurs avoirs ». Nous demandons à l’Union Européenne de suspendre ces sanctions et que les aides promises pour le développement soient déboursées dans les plus brefs délais ! ».

 

 

Sécurité au Burundi : tous les signaux sont au rouge

[ Par Diane HAKIZIMANA]

Attaques ciblées à motivation politique, arrestations arbitraires, tortures, etc. A plus de deux semaines de la réélection contestée du président Pierre Nkurunziza, la vie des burundais est quasi rythmée par  des cas de violence et d’insécurité. Des tirs, parfois accompagnés d’explosions de grenades, sont régulièrement entendus à travers Bujumbura,  surtout dans des quartiers dits contestataires du 3e mandat de Pierre Nkurunziza. Le Burundi est « entré dans les prémices de la guerre », selon l’organisation internationale Crisis Group.

Un policier à Bujumbura, la capitale, le 2 août 2015 (Source : france24)

Un policier à Bujumbura, la capitale, le 2 août 2015
(Source : france24)

D’intenses échanges de tirs ont été entendus ce dimanche soir du 9 août 2015 durant près de deux heures dans la capitale Bujumbura, sans qu’il soit possible de les localiser précisément ni d’en connaître l’origine. Les tirs, accompagnés de plusieurs détonations, semblaient avoir cessé peu avant 23 h 30. Selon des témoins, des affrontements ont éclaté entre policiers et « insurgés » dans les quartiers voisins de Jabe et Nyakabiga, dans le nord de la capitale. Aucun bilan n’était disponible. Des tirs, parfois accompagnés d’explosions de grenades, sont souvent entendus dans la capitale burundaise ces derniers jours,  mais rarement aussi intenses et longs que ceux de dimanche soir, selon toujours les témoignages des habitants de Bujumbura. Les faits récents mettent également en exergue les quatre personnes tuées durant la nuit du 6 au 7 août dernier dans deux quartiers contestataires de Bujumbura. Les corps de deux hommes non identifiés ont été découverts à Buterere, les mains liées derrière le dos et portant des traces de torture ; et deux autres personnes ont été tuées lors d’un affrontement avec une patrouille mixte police/armée, cible d’une attaque à la grenade dans la soirée à Cibitoke, a indiqué le porte-parole de la police burundaise, Pierre Nkurikiye.

Les cas de mauvais traitements et de tortures sont aussi signalés. L’ONG Human Rights Watch met en lumière des dizaines de cas de détentions arbitraires et de mauvais traitements au Burundi. Dans son rapport publié ce jeudi, Human Rights Watch parle de quelques 150 cas, avec des actes de torture, le plus souvent le fait de policiers et d’Imbonerakure, les jeunes du parti au pouvoir.  Les deux attaques perpétrées presque simultanément à l’encontre de deux personnalités burundaises ; le lieutenant général Adolphe Nshimirimana d’une part, considéré comme le bras droit du président Pierre Nkurunziza et l’un des principaux maîtres d’œuvre de la répression des manifestations de ces derniers mois, mais aussi comme l’un des artisans de l’échec de la tentative de coup d’Etat avortée de mai dernier, et Pierre Claver Mbonimpa d’autre part, vu comme doyen dans le domaine de la défense des droits humains au Burundi et qui s’est farouchement opposé au 3e mandat de Nkurunziza ; auraient-elles contribué à agrandir le fossé  entre les pro et les anti 3e mandat de Nkurunziza ?

Est-ce une dent pour dent… ?

La première attaque s’est déroulée le dimanche 2 août en fin de matinée. Selon des témoins, le général Adolphe Nshimirimana se trouvait dans sa voiture avec ses gardes du corps lorsqu’il été touché par deux tirs de roquettes avant d’être visé à l’arme automatique. Des témoins disent avoir vu sa voiture criblée de balles. Willy Nyamitwe, le conseiller en communication de la présidence a rapidement confirmé le décès en ces termes : « J’ai perdu un frère, un compagnon de lutte ». Adolphe Nshimirimana était surtout connu pour avoir dirigé pendant dix ans le Service national de renseignement, également appelé la Documentation. Il avait été écarté de ce poste en novembre 2014, mais en réalité, il avait conservé toute son influence. Il avait la main sur l’appareil de sécurité, agissant dans l’ombre. Sa mort est intervenue une semaine après la proclamation de la victoire de Pierre Nkurunziza à l’élection présidentielle controversée. Avec l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana, « c’est le pouvoir burundais qui a été touché en plein cœur ». Willy Nyamitwe, conseiller en charge de la communication à la présidence, l’a affirmé, lundi 3 août, à Jeune Afrique.

Le président Pierre Nkurunziza réelu. (Source: lexpress.fr)

Le président Pierre Nkurunziza réelu.
(Source: lexpress.fr)

La deuxième attaque est survenu le lendemain, c’est-à-dire le 3 août vers 17 h 30. Figure de la société civile burundaise et président de l’Association pour la Protection des Prisonniers et des Droits Humains (APRODH), Pierre-Claver Mbonimpa  a été touché par balles au niveau du visage. Alors qu’il rentrait chez lui, un motard s’est approché de sa voiture. Il lui a tiré dessus et il a été atteint à la joue et au cou. Mbonimpa a eu plus de chance que Ndayishimiye car, malgré de grandes blessures, son état de santé s’est amélioré depuis. Et malgré aussi qu’il était poursuivi devant la justice burundaise pour avoir affirmé que des Imbonerakure – les membres de la Ligue de jeunesse du parti au pouvoir CNDD-FDD – recevaient une formation paramilitaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) voisine, Mbonimpa, prix Henri Dunant en 2011 pour son engagement en faveur des droits de l’Homme, a pu être évacué ce 9 août en Belgique pour y être soigné, avec l’autorisation de la justice burundaise. La tentative d’assassinat de Mbonimpa a été toutefois interprétée comme une réponse au meurtre la veille du général Adolphe Nshimirimana. D’après Pacifique Nininahazwe, une autre figure de la société civile burundaise, cette attaque contre Pierre-Claver Mbonimpa était « prévisible après l’assassinat de l’ancien chef du renseignement, le général Adolphe ». Ce dernier a par ailleurs été accusé par M. Mbonimpa d’être impliqué dans des exécutions extrajudiciaires survenues au Burundi depuis les anciennes élections de 2010. Avec cette série d’attaques ciblées et de violence, la communauté internationale redoute que le pays sombre dans une spirale de la violence. L’Union Européenne appelle à la reprise urgente du dialogue politique : « Pour nous, la priorité pour l’instant c’est vraiment la reprise du dialogue et l’arrêt de la violence…». L’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Thomas Perriello, va dans ce sens et souligne l’urgence pour les acteurs de la crise burundaise de renouer le dialogue.

 

Liberté d’expression au Burundi : le bateau est-il à la dérive ?

[Par Diane HAKIZIMANA]

Le coup d’état déjoué du 13 mai dernier a-t- il accéléré les choses ? On ne saurait pas le dire. Mais les faits sont têtus et parlants, parfois. Depuis 2010, une certaine méfiance s’est installée entre le pouvoir de Pierre Nkurunziza et les médias privés indépendants. Une méfiance qui a grandi jusqu’au désamour. Un désamour qui s’est inéluctablement traduit par un divorce vu l’état actuel des radios indépendantes et le fait qu’il n’existait qu’une seule télé privée. Toutes ces stations ont été réduites au silence.

Manifestation contre le 3e mandat de Nkurunziza Source : ici.radio-canada.ca

Manifestation contre le 3e mandat de Nkurunziza
Source : ici.radio-canada.ca

Au Burundi, au cours de ces dernières années, la relation entre les médias indépendants et le pouvoir en place n’était pas au beau fixe. Il y a toujours eu une sorte de suspicion surtout après la dénonciation des résultats issus des élections de 2010 par une partie des opposants au régime de Nkurunziza. Les médias indépendants, qui jusque-là avaient pris le soin de couvrir les élections en synergie et en toute transparence, n’avaient jamais pris partie dans ce conflit entre le pouvoir donné vainqueur par le scrutin et les partis de l’opposition qui ont par la suite choisi de quitter la course électorale. Mais juste après ce scrutin, le pouvoir n’a cessé de taxer ces médias d’être à la solde de l’opposition surtout quand il s’agissait de dénoncer les pratiques de mauvaise gouvernance et de corruption, de violations graves des droits humains, etc.

Des menaces

Des journalistes ont eu droit à des menaces de mort au cours de ces dernières années, certains ont même connu la prison à l’instar du patron d’une radio privée très populaire au Burundi, la RPA, Radio Publique Africaine, pour avoir diffusé un reportage sur l’assassinat de sœurs italiennes, qui impliquait certaines personnalités proches du pouvoir, pour ne citer que celui-ci. Toutefois, personne ne pouvait prévoir que cet état des faits allait déboucher sur une destruction macabre des stations de quasi toutes les radios privées burundaises ainsi que de la seule télé privée du pays.

Les médias burundais pris entre deux feux

La volonté manifeste du président burundais Pierre Nkurunziza de briguer un 3e mandat et les soulèvements populaires qui ont suivi n’ont pas facilité le travail des médias burundais. Avant les événements du 13 mai 2015 où quelques éléments militaires et policiers burundais, sous le commandement du général Godefroid Niyombare, annonçaient la destitution du président Pierre Nkurunziza, les radios privées ne pouvaient pas émettre à travers tout le pays. La fameuse RPA, elle, a eu droit à la fermeture. Dans la foulée, le coup de force du 13 mai a entraîné une liesse populaire, justifiée sûrement par le fait que ce coup de pouce militaro-policier allait mettre fin à des représailles policières que les manifestants subissent chaque jour. Ces derniers n’ont pas tardé à désenchanter. Mais entre-temps, des combats ont éclaté entre les pro-Nkurunziza et les putschistes.

Apparemment, ces deux camps ont vite compris que cette bataille ne devrait pas être seulement militaire, qu’il s’agit plutôt de contrôler aussi les outils d’information. Les putschistes vont jusqu’à utiliser les médias privés pour faire passer leur message à la nation car ils n’ont pas jusque-là accès à la Radio Télévision Nationale du Burundi « RTNB ». Le dernier combat déterminant se déroulera par ailleurs devant cette dernière (RTNB) car, il amènera les putschistes à reconnaître leur défaite moins de 48 heures plus tard.

Les événements du 13-15 mai, coup fatal pour les médias privés burundais

Les médias burundais indépendants sont réduits au silence total depuis l’échec du putsch contre le Président Nkurunziza, s’est indigné Alexandre Niyungeko, président de l’Union Burundaise des Journalistes sur les réseaux sociaux.

 Un manifestant exhortant le gouvernement à rouvrir la station locale de la Radio Publique Africaine (RPA), Bujumbura, la capitale, le 29 avril 2015 Source : ifex.org

Un manifestant exhortant le gouvernement à rouvrir la station locale de la Radio Publique Africaine (RPA), Bujumbura, la capitale, mai 2015
Source : ifex.org

Des éléments en tenue policière et les miliciens du parti au pouvoir ont attaqué à l’arme lourde toutes les stations des radios et télés indépendantes : la Radio Publique Africaine (RPA), Bonesha FM, Isanganiro et la Radio Télévision Renaissance, a-t-il raconté. Peu avant, la radio Rema FM, une radio du parti au pouvoir avait été saccagée et détruite par des manifestants contre la troisième candidature du Président Nkurunziza, juste après l’annonce du putsch, a-t-il poursuivi.

Maintenant, aucune radio privée ne fonctionne à part la radio télévision nationale que contrôle le pouvoir de Bujumbura. Les ruines des radios détruites sont gardées par des policiers lourdement armés, et ils sont prêts à en découdre avec le premier des journalistes qui s’y présenterait, a-t-il conclut. Du coup, plusieurs journalistes de ces radios vivent en clandestinité, surtout les directeurs de ces médias et du syndicat des journalistes, l’Union Burundaise des Journalistes (UBJ).

Le déroulement de ces événements a accentué le désamour qui existait déjà entre les journalistes indépendants et le pouvoir de Nkurunziza. « Je crois que le gouvernement a développé une intolérance grave à l’encontre des voix critiques », a annoncé Bob Rugurika sur France 24, un des directeurs d’une radio privée contraint à l’exil. Il a qualifié ces attaques perpétrées contre ces médias d’« attaque grave envers la liberté de la presse ».  Aujourd’hui, le seul média en mesure d’émettre est la RTNB (Radio Télévision Nationale du Burundi) qui finalement a été gagnée par les forces loyalistes au président Pierre Nkurunziza et qui n’émet que des éloges du gouvernement. Il aura fallu seulement moins de 48 heures pour que le Burundi fasse un bond en arrière de plus de 15 ans, du temps où le pays était secoué par des conflits armés et où il n’existait qu’un seul média d’Etat pour donner sa version des faits.

 

Burundi: Tant qu’il y aura le tout puissant président Nkurunziza !

[Par Jean MATI]

Maître du jeu, le président sortant du Burundi, Pierre Nkurunziza est loin de lâcher prise. Malgré les contestations de la rue, l’homme fort du pays reste insensible face à l’émotion de tout un peuple. Cynisme, déni, mépris et autres stratégies mises en place pour demeurer au pouvoir, Pierre Nkurunziza se représente pour un troisième mandat en toute violation de la constitution.  

Le président Pierre Nkurunziza Source : notreafrik.com

Le président Pierre Nkurunziza
Source : notreafrik.com

N’eussent été les mouvements de contestations de la rue et le semblant « coup d’Etat » de ce dernier temps, peut-être beaucoup des gens et autres curieux n’auraient pas entendu parler du Burundi en boucle et de son fameux président Pierre Nkurunziza devenu sans doute une Super Star dans les médias. Burundi, pays d’Afrique de l’Est avec une superficie de 27.834 km2, était jusqu’alors, l’une des nations africaines, la moins agitée, malgré une politique dictatoriale du régime en place. Inutile de le rappeler, le Président de la République burundaise s’appelle : Pierre Nkurunziza. Comme un bon chef d’Etat africain, il est le père de la nation. Il est le garant. C’est celui qui détient les âmes et la vie de tous ses compatriotes. On le déteste parce qu’il est chef. Pourquoi ? « En Afrique, les présidents (les chefs)  sont toujours détestables parce qu’ils sont riches et voleurs. Mais aussi tueurs et criminels », accuse l’homme de la rue. « Parfois, leur fortune dépasse même les dettes de leurs pays. Toutefois, ils ont des sympathisants. Ceux qui les acclament ou  les vénèrent », ajoute-t-il. Le président Nkurunziza est-il différent des autres ?

Du condamné à mort au Chef de l’Etat

L’histoire de l’ascension du tout puissant Nkurunziza tente de ressembler aux  récits des personnages religieux ou prophétiques. Était-il l’homme de destin du pays ? Le messie, celui qui devait venir…  En tout cas, il y a trop de mystification là-dessus. On connait, par exemple, peu sur son enfance. Pas grand-chose n’a été dit sur l’enfant Nkurunziza. On retiendra tout de même que son père fut un ancien gouverneur des provinces de Kayanzi et de Ngozi. Le père de Nkurunziza est élu au parlement en 1965, à en croire les sources dignes de foi, avant d’être liquidé en 1972. Son fils Pierre n’avait que huit ans et demi et a vu le père assassiné… Point barre. Plus rien n’a été dit par la suite sur la vie du tout puissant Nkurunziza.

Il fallait attendre le début des années 90. Un vent nouveau souffle en Afrique avec la vague de démocratie. La fin des partis uniques. C’est aussi la nouvelle donne mondiale. La chute du mur de Berlin. La fin de la guerre froide. Comme dans un rêve, Pierre Nkurunziza réapparaît. Cette subite apparition n’est pas sans doute pour venger le père assassiné. Ça non et non ! Ici, on parle de futur « l’homme fort du Burundi » en termes d’un grand sportif. Un grand athlète qui aurait pu faire une belle carrière sportive si jamais la volonté du Très Haut ne lui avait pas guidé sur le terrain politique. Selon le site Internet de la Présidence, le tout puissant Nkurunziza est un sportif talentueux qui aime le football et la course à vélo. Il a même entraîné un club de la première division… (qui malheureusement n’a pas gagné de titres, ndlr). Il finit dans les auditoires de l’Université de Bujumbura comme professeur assistant. En 1993, des violences ethniques s’éclatent, deux des sept membres de la famille de Nkurunziza sont tués. Le professeur Pierre abandonne les salles de cours et rejoint les maquis pour tenir les armes et faire la guerre. Cette fois-ci, il est revanchard. Très revanchard même. L’ancien footballeur et cycliste devient terroriste. Il planifie des projets d’attentat comme celui de 1995 qui a coûté la vie à des dizaines de morts dans la capitale burundaise. Il est condamné à mort par la justice. Il s’exile discrètement dans des pays voisins avant de revenir au bled pour s’activer dans la rébellion.

Dans sa pérégrination, Pierre Nkurunziza songe à devenir « Chef de l’Etat ». Martin Luther King avait fait un rêve. Pourquoi pas lui ? Mais pour concrétiser ce destin acharné, il doit se convertir et chercher la rédemption. Pierre, pas encore « Tout puissant » à l’époque, devient pacifiste. Il signe les accords de paix d’Arusha de 2000 et  de 2003. Une démarche payante, car, sa peine de condamnation à mort est amnistiée… provisoirement !

En 2005, il est élu chef de l’Etat. Son arrivé au pouvoir est salué par les partenaires occidentaux. C’est un jeune président. Un bel avenir pour le Burundi ! Mais vite, ça sera la déception. L’homme est un vieux routier. On n’apprend pas à faire des grimaces à un vieux singe, dit un vieil adage africain. Nkurunziza est un dictateur né. Un despote. Un démagogue aussi. Il est vite désavoué par une majorité des Burundais. Même les gens de son ethnie ont fini par cracher sur sa mauvaise politique. En 2010, il est réélu maintenant comme un vrai dictateur avec un score fleuve de 91 % de voix. L’opposition crie à la fraude et en appelle même à la Communauté internationale. Le camp présidentiel ferme les oreilles à toutes les jérémiades des opposants burundais. Les années passent vite. Durant deux mandats, le président n’a pas fait grand-chose. Arrive l’an 2015, les élections sont prévues en ce mois de juin. Sauf que le tout puissant Nkurunziza n’a plus le droit de se représenter. Pourquoi l’empêcher ? C’est la Constitution. Foutez-nous tranquille avec vos constitutions  écrites à la main par les intellectuels noirs africains à l’aide des conseillers politiques blancs ! – imagine-t-on un tel scénario. Finalement, le pouvoir en place modifie la Constitution. Le président peut se représenter plusieurs fois (illimité) tant qu’il aura encore la force de servir son peuple grâce à la volonté divine du très Haut.

Le peuple burundais est tout sauf idiot. Les manifestants sont dans la rue. Certains bâtiments publics sont mis à sac. Les échauffourées dégénèrent entre les contestataires et les forces dites de l’ordre, en Afrique, sont généralement du « désordre ». Des tirs à balle réelle sont entendus dans les grandes artères de la capitale, certains tombent et d’autres s’échappent miraculeusement.

Des manifestants dispersés par la police au cours d’une manifestation contre un 3e mandat du président, vendredi 17 avril 2015 Source : voaafrique.com

Des manifestants dispersés par la police au cours d’une manifestation contre un 3e mandat du président, vendredi 17 avril 2015
Source : voaafrique.com

Le Tout puissant Nkurunziza en Tanzanie lors d’un déplacement apprend par les voies des médias, qu’il est déchu. Coup d’Etat ! C’est la jubilation à Bujumbura. Les femmes enlèvent leur pagne et dansent. Les manifestants scandent la victoire conquise de manière héroïque. Le nouvel homme fort, le général Godefroid Niyombare, lut un discours à la télé comme un enfant. Très rapidement, on remarque que l’officier n’a ni charisme, ni aura pour être « Quelqu’un de la situation ». Les loyalistes refusent d’obtempérer. Ça barde de nouveau. Les manifestants déchantent. Tout le monde est retranché dans sa maison. Attention ! Quand les militaires se battent – il faut éviter d’être une victime collatérale, on nous dit souvent au moment de la pagaille. Les hommes du Président déjouent le complot. Nkurunziza rentre tranquillement dans son palais présidentiel et reprend service. Les conspirateurs fuient comme des « chiens » la queue entre les pattes. Certains quittent le jour même le pays par craintes des représailles. D’autres comploteurs sont liquidés ou capturés, jetés dans des lugubres geôles. Le président Nkurunziza se bombe le torse. Il convoque ses services à la présidence. Les ministres, agents du renseignement et autres s’agrippent au chef. Ce dernier les tire aux oreilles comme des gamins turbulents. Ils répondent par : un oui «  Chef ».

Comme si de rien était, le lendemain, le président Nkurunziza poursuit sa tournée nationale dans le cadre de la campagne électorale à laquelle il est candidat, nous l’avions déjà dit, pour un troisième mandat. Cette arrogance inacceptable du tout puissant président a occasionné la montée en fièvre du  peuple burundais. Celui-ci est descendu encore dans la rue. Sans doute, les Burundais se sont sentis roulés dans la pâte à farine. En attendant la tenue des élections au Burundi, la question est de savoir : jusqu’où ira Pierre Nkurunziza ?

Burundi : bruits de vote et de bottes ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

En mai et juin, les Burundais seront appelés aux urnes. Pour autant, la présidentielle reste encore sujet à controverse.

Le président en exercice, Pierre Nkurunziza, voudrait rempiler pour un troisième mandat, en violation de la Constitution. Les partis politiques et la société civile s’y opposent. Quelle en sera l’issue ? Le spectre d’une nouvelle guerre civile hante les esprits.

Une image des élections en Burundi en 2010 (source :  insightonconflict.org)

Une image des élections en Burundi en 2010 (source :
insightonconflict.org)

Pierre Nkurunziza (source : bakolokongo.com)

Pierre Nkurunziza (source : bakolokongo.com)

La genèse de l’histoire récente du Burundi est douloureuse. Coups d’Etat à répétition, assassinats de masse, rébellions endémiques et, au bout du compte, une guerre civile, longue de treize ans (1993-2000). Un moment, accablée par des preuves de crimes de sang, la communauté internationale était tentée de qualifier la situation de ce pays de « génocidaire. » On parle de quelque 300 000 morts.

 

Burundi (source : unesco.org)

(source : unesco.org)

Minuscule pays d’Afrique centrale (23 fois plus petit que la France), le Burundi accède à son indépendance, en 1961, mais il ne tarde pas à basculer dans la violence ethnique et la lutte pour le pouvoir. En 2000, c’est la fin de la guerre civile, après un dialogue politique ardu, à Arusha en Tanzanie, sous la houlette de l’Onu et de l’Afrique du Sud. Basé sur une simple logique des quotas pour le partage de pouvoir entre les Hutu, ethnie majoritaire (80 %) et les Tutsi, ethnie minoritaire (20 %), le compromis semble avoir été équitable.

C’est dans ce cadre-là que le président en exercice, Pierre Nkurunziza (Hutu), a été élu en 2004, et réélu en 2010. « Un mandat de cinq ans, renouvelable une fois », selon la Constitution, en son article 96. Depuis, la concorde et le retour à la paix sont, bon an mal an, en passe de s’inscrire dans la durée.

Les élections, au Burundi, ont toujours été marquées par un climat politique pour le moins délétère : arrestations arbitraires et assassinats ciblés, notamment. Sans, toutefois, réveiller les démons des bisbilles ethniques, ce ferment essentiel des guerres en Afrique. Aujourd’hui, en sera-t-il encore le cas, alors que le président de la République, contre vents et marées, s’apprête à violer la Constitution, dans le but de rempiler pour un troisième mandat ?

La réponse n’est pas aisée. On observe que les leçons de la guerre civile ont appelé les Burundais à transcender, de plus en plus, les clivages ethniques. En témoigne le fait que les partis politiques, qui revêtaient auparavant un caractère ethnique, ratissent large, aujourd’hui, sur la base d’un programme estimé crédible par les adhérents. Déjà, c’est un grand pas sur le chemin de la réconciliation des cœurs.

Agathon Rwasa (source : damienroulette.wordpress.com)

Agathon Rwasa (source : damienroulette.wordpress.com)

Cependant, dans un pays où les ambitions politiques sont féroces, cette considération, à elle seule, ne peut prétendre à la vertu d’une panacée. Tout comme, globalement, les accords d’Arusha n’ont pas valeur de parole d’Evangile pour tous les Burundais. C’est le cas d’Agathon Rwasa, ancien grand seigneur de guerre, qui n’avait pas signé lesdits accords. En embuscade depuis plusieurs années, il pourrait profiter de cette « aubaine » pour entraîner le Burundi, encore une fois, dans le chaos. En charge pour le président de la République de la jouer “démocrate”.