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Syrie. Du béton, de la guerre et de la reconstruction

Notre pays serait-il un champ d’expérimentations perpétuelles ? Le béton constitue-t-il LE matériau militaire à bas prix pour perpétrer sans relâche cette guerre : démolir les maisons, déplacer les gens, “réguler les naissances” à  leur gré (12 millions de déplacés à cause de la guerre) et défigurer ce pays en une immense décharge?!

J’aimerais comprendre le rôle de cette dévastation par le béton contribue-t-elle  à la désintégration sociale syrienne via ces bidonvilles ceinturant les grandes villes comme Damas et Alep ?

L’autorité syrienne a misé sur le béton et détruit la nature, parfois inconsciemment mais souvent avec préméditation. Le Corbusier ne disait-il pas qu’une maison est « une machine à habiter»? Une machine fonctionne, tombe en panne et s’arrête. Il fallait donc bien construire pour détruire, puis reconstruire aléatoirement, etc.

Chers amis, n’étant pas architecte, je connais pourtant, avec émotion, les matériaux, à savoir le béton et la terre. Après de nombreuses années de labeur, mes parents ont enfin achevé la construction de notre maison en Syrie, construite avec du ciment sur des terres rouges dans un village de la région de Hauran, au sud du pays. Débuté par un deux pièces, et avec le temps, le chantier s’est agrandi, incluant un grand salon et deux pièces supplémentaires. A la fin des travaux, une couche de béton, issue de restes de ciment, a recouvert une bonne partie de la terre rouge du jardin. Imaginez mon bonheur lorsque nous l’avons enlevée. Mais ce n’était pas suffisant. J’ai encore une envie pressante de déraciner toute la maison et d’en construire une autre à base de pierres de basalte caractéristiques de la région.

Ayant par la suite visité plusieurs villes et villages en Syrie, j’ai déploré l’occupation du béton sur l’ensemble du pays. La Syrie est devenue le site d’une pollution sans précédent, une scène de crime.

La guerre est arrivée

Les bombardements ont commencé, ciblant le ciment étendu comme un cancer, en ont résulté de gigantesques décombres dont on ne sait que faire. Ces quantités auraient suffi au remblai d’une partie de la méditerranée, comme l’avait fait l’ancien premier ministre libanais, Rafiq Hariri, après la destruction de Beyrouth dans la guerre civile du Liban (1978 à 1990).

Je me pose toujours la même question : la guerre étant une malédiction humaine permanente, que se passerait-il si nous construisions deux maisons, l’une en pierres, l’autre en béton, et que nous les bombardions, quelle serait alors la différence? Beaucoup.

Arrivé en France, j’avais toujours espéré trouver un jour une pincée de terre rouge et un peu de gravier de basalte de Hauran. Ce rêve s’est réalisé un jour. Ayant vu une parcelle de terre rouge près d’un champ de blé, je m’y suis jeté, roulé dedans. J’ai alors ressenti une paix immense.

  

Waed Almhana

Ingénieur et journaliste syrien

Spécialiste dans la protection du patrimoine syrien

waedalmhana@gmail.com  

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Ammar Abd Rabbo : ambassadeur des journalistes exilés

Ambassadeur de la Maison des journalistes (MDJ) et parrain de sa promotion de 2020-2021, le journaliste et photographe franco-syrien Ammar Abd Rabbo a accompagné, ce 3 mai, les journalistes de la MDJ à l’Hôtel de Ville de Paris pour célébrer la journée mondiale de la liberté de la presse. La promotion 2020-2021 a reçu la carte Citoyenne-Citoyen de Paris des mains d’Anne Hidalgo, la Maire de Paris.

C’est depuis Beyrouth (Liban), où il était en déplacement pour plusieurs projets professionnels, qu’il revient dans cette interview sur son lien avec la Maison des journalistes, son engagement en faveur des réfugiés et sa vision de l’accueil qui leur est réservé en France.

Avoir deux amours : leur pays et Paris

Décerner les cartes de citoyens aux résidents de la MDJ, est devenu une tradition annuelle unissant la Maison des journalistes à la Mairie de Paris. Au regard de Ammar, cet acte reflète une grande importance symbolique. “Je suis fier et ému que ma ville ouvre les bras à ces journalistes et leur rende hommage. C’est faire en sorte, comme dans la chanson [de Joséphine Baker], qu’ils aient deux amours : leur pays et Paris.”

Un lieu exceptionnel pour des journalistes exceptionnels

L’engagement d’Ammar vient en partie de ses voyages et séjours dans différents pays. “Ayant vécu en Syrie, en Afrique et ayant beaucoup voyagé, je sais ce que les journalistes doivent endurer”. Invité à rejoindre le comité des ambassadeurs de la MDJ, il n’a donc pas hésité longtemps. Toutefois, il ne cache pas sa surprise, avec une touche d’humour. “J’étais un peu vexé car c’est un signe de vieillesse. On ne demande pas cela à un jeune journaliste. Mais je suis revenu rapidement à la raison. J’étais fier et ému d’appartenir à la famille de la MDJ, car c’est en effet une famille. C’est très émouvant à chaque fois d’y aller car c’est un lieu unique et exceptionnel qui héberge des femmes et des hommes exceptionnels.”

Ammar accorde une grande valeur au mot “refuge”, même s’il estime qu’il a été un peu vidé de son sens. Une raison de plus pour lui de continuer à soutenir les journalistes en exil. “Ils ont dû quitter leur famille, leur pays, leurs amis, juste pour avoir dit un mot ou avoir écrit une ligne. C’est pourquoi nous devons les aider… Ce sont des héros, mes héros en tout cas.”

De nombreux projets au Liban

En déplacement permanent, comme tous les autres “ambassadeurs”, Ammar a dû travaillé d’arrache-pied pour terminer des projets au Liban, avant de rejoindre Paris spécialement pour l’occasion. C’est le cas par exemple de sa collaboration avec Daraj, un média en ligne indépendant et alternatif “qui n’est pas soumis aux pouvoirs de la région qui ne sont pas des amis de la liberté de la presse”. Mais avant tout, il a filmé l’effondrement économique du Liban et les difficultés de la vie quotidienne des Libanais et des réfugiés. Peu importe le lieu, la cause des réfugiés et des gens “ordinaires” ne le quitte jamais.

Crédit photo : Karzan Hameed (3 mai 2021)

Crédit photo : Karzan Hameed (3 mai 2021)

Crédit photo : Karzan Hameed (3 mai 2021)

Crédit photo : Karzan Hameed (3 mai 2021)

 

 

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