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Kabila, lâché par ses pairs africains?

Kabila fait partie de ces chefs d’Etats les plus maudits par leur peuple. Mais, comme un roseau qui plie, aucun vent n’a eu raison de l’autocrate. Depuis dix-sept ans, il défie la démocratie, chahute son peuple et snobe la communauté internationale. Mais, pour l’heure, c’est comme si ses pairs africains avaient décidé de le laisser sur le bord de la route.

Taiseux, jusqu’à le confondre, presque, avec un « timide pathologique », cet homme formé au maniement de kalachnikov – sans plus -, est pourtant un fin stratège politique. Sa force et ses astuces : élections cafouilleuses ; division de son opposition par la corruption ; répression massive à balles réelles contre son propre peuple… mais, aussi, sur le plan diplomatique, l’appui inconditionnel de ses pairs, au sein de l’Union africaine (UA), transformée en « syndicat des chefs d’Etat africains ».

Il incarne, au cœur de l’Afrique, le troisième protagoniste de l’histoire dramatique que tisse la « malédiction congolaise ». C’est un héritier d’une race de dictateurs, dont Mobutu et Laurent Kabila, son propre père. Mais, comble de malheur pour le peuple congolais, il n’a porté de cet héritage politique que les gènes de défauts de ses deux prédécesseurs, en excluant ceux liés aux rares qualités qu’ils possédaient.

Ainsi, de Mobutu et de Kabila père, le légataire Joseph Kabila s’est doté des « gènes dictatoriaux ». A outrance. Côté positif, il s’est débarrassé, par exemple, du sens élevé que manifestait Mobutu, pour un Congo unitaire, aussi bien que du nationalisme (au sens noble), dont se nourrissait Laurent Kabila.

«Bruit de vote et de bottes»

Tel est le portrait, croqué, de ce prince médiocre, qui voudrait continuer à garder le pouvoir pour le pouvoir. Au-delà de son mandat constitutionnel. Dans le bras de fer que son gouvernement a engagé avec l’Eglise catholique, le cardinal congolais Monsengwo a enfoncé le clou : « Que les médiocres dégagent », a-t-il martelé. Allusion faite, singulièrement, à l’endroit du chef. Qui ne connaît ni Socrate, ni Descartes, ni Einstein…

L’Union africaine, en passe de mutation de mentalité, a-t-elle entendu le cri d’alarme du prélat ? La présence en son sein de quelques présidents démocratiquement « bien élus » commence à empêcher – un tant soit peu -, l’exercice inconsidéré des « solidarités négatives ». C’est un fait majeur dans la conduite de cette institution appelée à amener l’Afrique vers le progrès.

C’est aussi une première que d’entendre, avec délectation, un président africain, démocrate, condamner sans fard un de ses pairs, autocrates.  Récemment, à Londres, le nouveau président botswanais (Botswana), Mokweetsi Masisi, a demandé à son homologue congolais de « partir ».

Mais, le lâchage spectaculaire, de ce point de vue, aura été celui mis en épingle par le président rwandais, Kagame. Lors du sommet africain organisé, fin avril, à Kigali (Rwanda), sous le thème « L’Union africaine est-elle nécessaire ? », l’opposant congolais Moïse Katumbi a eu droit à la parole, au même titre qu’un président africain. Or, le président rwandais assure, pour le moment, la présidence tournante de cette organisation.

Kabila, donc, est-il devenu « le poil à gratter », au sein de l’Union africaine ? Tant mieux. Cependant, tant qu’il continuera à s’imaginer inamovible, le bruit « de vote et de bottes » reste largement garanti. Aussi bien au Congo qu’en Afrique centrale. Déjà, partiellement embrasée.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

Burundi : Pierre Nkurunziza, un « va-t-en en guerre » !

[Par Diane HAKIZIMANA]

Dans son discours à la nation, le président Pierre Nkurunziza cache mal sa détermination à en découdre avec tous ceux qui sont contre son 3e mandat.

Faisant allusion à la tentative de dialogue entre le gouvernement Nkurunziza et ses opposants (pour la plupart ils sont sous mandat d’arrêt international lancé par Bujumbura), dans la ville d’Entebbe en Ouganda lundi dernier, le Président Nkurunziza avec dédain, dans son discours, indique qu’il ne pourra point négocier avec ses opposants car, selon le propos du président burundais, « leur place est en prison». Nkurunziza est même prêt à défier les forces de maintien de la paix que l’Union Africaine préconise de déployer au Burundi.

Des policiers burundais à Musaga, le 20 juillet 2015. © Jerome Delay/AP/SIPA

Des policiers burundais à Musaga, le 20 juillet 2015. © Jerome Delay/AP/SIPA

Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (source :  peaceau.org)

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (source :
peaceau.org)

Depuis les attaques perpétrées contre 4 camps de militaires par les hommes armés non identifiés et les répressions qui ont suivis le 11 décembre dernier à Bujumbura, la communauté internationale s’est réveillée et a pris conscience du risque que court le Burundi. A cet effet, le Conseil de Paix et de Sécurité a voté une résolution pour l’envoi d’une force régionale le 18 décembre dernier, comme le prévoit la charte de l’Union Africaine dans des circonstances graves comme les crimes de guerre ou les génocides. Des bilans controversés font état de plusieurs centaines de personnes tuées le week-end du 11 décembre. Le gouvernement burundais a parlé, à travers le porte-parole de l’armée Gaspard Baratuza, de 87 personnes tuées, certaines organisations des Droits de l’Homme ont dénoncé des cas d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations arbitraires, de torture, et certaines parmi ces organisations commencent à parler de l’existence des fosses communes. Les agents de l’ordre auraient enterré les jeunes dans ces fosses dans le but de fausser le bilan réel des victimes. Les personnes visées par le pouvoir Nkurunziza dans ces répressions seraient surtout des jeunes issus des quartiers qualifiés de « contestataires » du 3e mandat de Nkurunziza. En majorité ce sont de jeunes tutsis, et plus d’un craignent une dérive génocidaire.
La clique Nkurunziza aurait tendance à justifier ses excès par des raisons ethniques. Là on s’en tient aux termes utilisés pas les autorités dirigeantes burundaises dans leurs discours. Le président du sénat n’a pas hésité à utiliser des termes comme « passer à l’action », « travailler », « pulvériser », « mettre le paquet », etc. autant de termes tirés du registre lexical qui rappellent les temps forts des massacres au Burundi dans les années 1993 et surtout le génocide du Rwanda voisin en 1994. Et les témoignages à Bujumbura affirment que les forces de sécurité nationale, surtout l’unité spéciale de protection des institutions (API), n’hésite pas à extraire de leurs domiciles et à exécuter les jeunes juste du fait de leur appartenance ethnique.

Nkurunziza défie les forces de l’Union Africaine

Des soldats de la mission Africaine de Prévention et de Protection au Burundi (crédits photo : france24.com )

Des soldats de la mission Africaine de Prévention et de Protection au Burundi (crédits photo : france24.com )

« Si une fois elles s’avisaient à franchir les frontières burundaises sans respecter notre souveraineté, nous sommes prêts à répliquer », c’est dans ces termes que Pierre Nkurunziza prévoit la réplique de Bujumbura face à la force MAPROBU, Mission Africaine de Prévention et de Protection au Burundi de l’Union Africaine. Bujumbura ne ménagera également aucun effort pour continuer les négociations avec les opposants du 3e mandat du président Pierre Nkurunziza, surtout ceux réunis au sein du Conseil National pour le respect d’accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit au Burundi (Cnared), selon Nkurunziza. Lesdits opposants faisant référence à l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation signé en aout 2000, pour décrier ce mandat, « ne méritent que la prison », selon le chef de l’Etat Burundais. Les leaders de ce conseil sont par ailleurs sous mandat d’arrêt international. Le gouvernement Nkurunziza estime qu’Entebbe, sous l’égide du président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, n’a été qu’un échec, « …, pour nous, nous avons clairement indiqué au facilitateur que nous n’allons pas cautionner, ni légitimer les putschistes, ni le mouvement putschiste », a précisé le ministre des relations extérieures burundais, Alain Nyamitwe. Ce dernier et son patron accusent l’opposition d’être l’auteur du coup de force avorté de mai dernier. Bujumbura ne répondra donc plus au rendez-vous du 6 janvier prochain à Arusha où étaient prévues les prochaines négociations. Les faits démontrent que le président Nkurunziza a déjà sacrifié le peuple burundais pour sauvegarder son mandat car, ni la communauté internationale, ni l’Union Africaine encore moins ses opposants ne semblent l’impressionner. Et sur terrain, tous les indices annoncent les prémices d’une guerre civile. Les habitants (surtout les jeunes) des quartiers urbains dits « contestataires » (Musaga, Nyakabiga, Cibitoke, Mutakura, Jabe) sont les premières victimes des représailles des forces de l’ordre burundaises. Le pouvoir estime que les insurgés (Bujumbura n’ose pas parler de rebelles) proviennent de ces quartiers qui se sont investis dans les manifestations contre le 3e mandat de Pierre Nkurunziza depuis avril dernier.

Terrorisme : Boko Haram pris en chasse ?

[Par Jean-Jules LEMA LANDU]

L’Afrique, à travers l’Union africaine (UA), vient de décider de neutraliser la secte islamiste Boko Haram. Né, au nord-est du Nigeria, en 2000, ce monstre a déjà massacré, depuis 2009, plus de 13 000 personnes. Non sans ambitionner, à l’heure qu’il est, d’étendre son influence dans les pays voisins du Nigeria. Et, partant, de propager son idéologie de terreur, à travers les zones sahéliennes et de l’Afrique centrale.

Il s’agit du Cameroun, déjà atteint dans ses provinces de l’extrême nord, par quelques incursions sanglantes début janvier ainsi que du Niger et du Tchad. D’où l’urgence pour les chefs d’Etat des pays africains, réunis fin janvier pour le 24e sommet de l’organisation à Addis Abeba, en Ethiopie, de braver les élans de la secte, mieux, de la décapiter.

Mais, quelque salvatrice soit-elle, la décision de l’UA est arrivée sur le tard, car depuis plusieurs années, Boko Haram n’a eu de cesse d’ameuter le Nigeria et la communauté internationale, en perpétrant massacres, viols collectifs et rapts de masse nauséeux. Souvent sans susciter l’émoi public, à l’aune du crime, ni au Nigeria ni en Afrique !

(Source : bbc.co.uk)

(Source : bbc.co.uk)

C’est devant cette incurie que Boko Haram s’est épanoui, après avoir pris des racines dans les Etats nordiques de Yobe et de Borno, et s’être ravitaillé en hommes, à travers la pauvreté et l’illettrisme, terreau des candidats à la violence. Il convient de signaler que dans ces régions du Nigeria, 60 % des populations vivent avec moins de deux euros par jour, alors que 83 % des jeunes, de 5 ans à 15 ans, sont totalement illettrés.

Pain béni pour Abubakar Shekau, leader actuel du groupe ? En partie, car la secte terroriste qui ne comptait, au départ, que quelques centaines de membres (éparpillés), totalise, pour le moment, quelque 30 000 combattants (sous un commandement unique). De fait, c’est, aujourd’hui, une armée solide, prête à engager des batailles décisives… et à engranger des victoires contre un ennemi sans envergure.

Des hélicoptères tchadiens Mi-8 à Fotokol au Cameroun, le 1er février 2015 après une opération dans les environs de Gamboru, au Nigeria. AFP PHOTO / STEPHANE YAS

D’où la pertinence de quelques questions que soulève l’analyse sur l’engagement militaire des pays africains contre Boko Haram. Nombreux sont ceux qui estiment irréaliste la proposition de l’Union africaine d’engager une force de 7 500 hommes, face à la puissante secte nigériane. Le deuxième couac se rapporte à la « thèse souverainiste » du Nigeria, qui rejette toute idée de « solution internationalisée ». Enfin, l’issue des élections prévues le 14 février…. Si Jonathan Goodluck n’est pas réélu, il faudra attendre de connaître la perception du nouveau président sur le problème posé.

Comme quoi, le projet d’une force africaine contre Boko Haram reste encore à affiner ! Mais, en attendant, peut-être avec l’accord tacite des autorités nigérianes, le Tchad a décidé de faire cavalier seul. Depuis début février, l’aviation tchadienne bombarde les positions de la secte islamiste, qui tentait de s’emparer de la ville de Maiduguri, au nord du Nigeria.

Est-ce le début des solutions africaines aux problèmes africains ? That is the question…comme disent les Anglo-saxons.

La Cour Pénale Internationale : Pourquoi l’Afrique se rebelle ?

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Par Nguebla MAKAILA

La Cour Pénale Internationale (CPI), juridiction internationale à compétence universelle, fait l’objet de vives critiques. La plupart des dirigeants africains accusent l’institution judiciaire d’être sélective dans sa démarche. Selon eux, elle n’aurait ciblé que des Chefs d’Etats et des leaders du continent noir.

Les poursuites judiciaires en série par la Cour Pénale Internationale des dirigeants africains, ont provoqué la colère de ces derniers qui ont exprimé le sentiment d’être visés et accusent la dite institution de faire une sélection dans sa quête de justice.

L’Afrique est-elle visée ?

L’Union Africaine, institution panafricaine, a été saisie par plusieurs pays dont l’Afrique du Sud d’où est issue Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne ministre de l’intécadrerieur dans son pays.

Elle est aujourd’hui à la tête de la Commission de l’U.A. L’Afrique du Sud est devenue pour des Chefs d’Etats africains un lieu qui encourage l’impunité institutionnelle. Ils sont nombreux à posséder des investissements mobiliers et immobiliers et à thésauriser dans les banques sud-africaines les détournements financiers de leurs pays d’origine au profit de leurs intérêts personnels. L’’article 16 du statut de Rome qui a créé la CPI est désormais utilisé comme prétexte pour des pays du continent. Oui, certains ont saisi le Conseil de sécurité en vue d’imposer à cette dite CPI la suspension de toute enquête ou poursuite pour une durée d’un an, renouvelable de facto indéfiniment chaque année. Ainsi, à l’issue d’une réunion tenue le 11 octobre 2013, des ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine avaient demandé à l’ONU la suspension des procédures de la CPI contre les dirigeants en exercice.

La Société civile africaine n’adhère pas à la démarche de l’Union africaine

La démarche de l’Union Africaine introduite auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU, pour exiger la suspension des poursuites à l’encontre des dirigeants africains, pose problème aux organisations de la société civile sur le continent. Pour celles-ci, l’Union africaine cherche à travers un argument fallacieux à protéger les dictateurs qui essaiment l’Afrique et répriment leurs populations. Par un communiqué de presse, la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH), Human Rights Human et la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) ont pour leur part demandé à l’ONU de ne pas céder à la volonté des Chefs d’Etats.

Société civile et populations la main dans la main contre l’Union africaine

L’Union africaine ne peut décider à la place des africains eux-mêmes, souvent victimes de leurs dirigeants devenus des bourreaux. Les populations africaines ne sont pas solidaires de leur institution continentale. Elles les considèrent comme une union entre les Chefs d’Etats, constitués en syndicat. Dans un document rendu public, le 18 novembre 2013, à Johanesbourg (Afrique du sud), plusieurs organisations africaines et internationales ont soutenu que : « les gouvernements africains doivent rejeter l’idée selon laquelle, ils doivent bénéficier d’une immunité spéciale vis-à-vis de la Cour Pénale Internationale (CPI). »

Cette déclaration unanime des ONG africaines, confirme l’inquiétude de nombreux citoyens – ennes sur le continent. Ils pensent que les dirigeants africains réclament ce retrait pour se protéger et se soustraire des poursuites internationales qui seront enclenchées contre eux, une fois déchus du pouvoir. L’Afrique reste-t-elle alors le nid des violences politiques, des répressions généralisées, des violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? Demeure-t-elle synonyme de mal gouvernance politique et économique ainsi que de gabegie des ressources des pays des responsables politiques et administratifs ?

Les efforts de la CPI pour traduire en justice les dirigeants des grandes puissances occidentales, supposés capables, s’avèrent minimes, au regard de notre liste. Toutefois, si on prend le cas de la France, d’anciens présidents, à savoir Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, ont été entendus par la justice de leur pays d’origine sur leur responsabilité de gestion gouvernementale, lorsqu’ils étaient en exercice. La situation de sous-développement dont est plongée l’Afrique, depuis des décennies, trouve ses origines dans l’impunité et l’injustice sociale. Pour que l’Afrique devienne un continent émergent, il lui faut sans complaisance une justice pour tous qui n’épargne personne.