Cote d’Ivoire : les Eléphants perdent et divisent

[Par Armand IRE]

Allassane Dramane Ouattara en pleurs réconforte le gardien Copa Barry. Février 2012 à Libreville. Finale de la CAN.

Allassane Dramane Ouattara en pleurs réconforte le gardien Copa Barry. Février 2012 à Libreville. Finale de la CAN.

Dans un pays en proie à une crise politique aigue découlant de dix ans de crise politico-militaire, les plaies sont encore ouvertes et rien ne semble à priori possible pour réconcilier les ivoiriens. En tout cas la réconciliation ne passera pas par l’équipe nationale de football, pourtant si adulée autrefois. Le football facteur de rassemblement. Maxime désormais creuse et inexistante en Cote d’Ivoire.
Dimanche 12 février 2012 un tir au but s’élève dans les airs du stade de l’amitié, joyau de la coopération sino-gabonaise de Libreville. C’est le tir de l’attaquant ivoirien Yao Kouassi Gervais plus connu sous le nom de Gervinho actuel sociétaire de l’équipe italienne de l’AS ROMA. C’est la finale de la coupe d’Afrique des nations dernière édition des années paires. Si le tireur zambien réussit son tir au but, l’équipe ivoirienne ne goutera pas à un deuxième sacre en Coupe d’Afrique des Nations. Ce qui fut le cas. Au moment ou plusieurs ivoiriens s’écroulent en larmes avec à leur tête le chef de l’état Allassane Dramane Ouattara, une bonne partie jubile et poussent des cris de joie. La politique a fini par prendre le pas sur le sport. Pour les partisans du président déchu aujourd’hui emprisonné à La Haye, Laurent GBAGBO, une victoire de Didier Drogba et de ses camarades sera mise au compte de l’exécutif ivoirien actuel qui en fera une récupération politique qui divisera encore plus le pays. Les partisans de Ouattara crient au manque de patriotisme des proGBAGBO et leur enjoint de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier. Pour eux le sport est certes parfois très lié au milieu politique mais quand il s’agit de la défense du drapeau national, il faut être patriote.

Balivernes, crient les partisans du président déchu. 

Cette passe d’armes et de mots crus n’est nullement fortuite. Ceux qui observent de manière avertie, la vie socio-politique ivoirienne savent que football et politique ont toujours fait bon ménage dans la crise ivoirienne. On se souvient de ce spot publicitaire des Eléphants demandant aux protagonistes d’aller vers la paix. Didier Drogba et ses coéquipiers ont mis en exergue leurs origines ethniques diverses qui ne les empêchaient pas selon eux d’être de vrais complices sur un terrain de football. Le pouvoir ivoirien d’alors avait même accéder à la requête des joueurs ivoiriens de disputer le match de qualification de la coupe du monde de 2010 contre les scorpions de Madagascar à Bouaké fief de la rébellion ivoirienne et cela au nom de la réconciliation nationale.
Pour les inconditionnels de Laurent GBAGBO, on a nullement vu cet activisme au niveau des Éléphants depuis la tragique crise post-électorale de 2010 qui a conduit ce dernier dans les geôles de la Cour Pénale Internationale. L’équipe nationale se comporte comme si tout va bien en Cote d’Ivoire.

Éléphants de Cote d'Ivoire. Photo officielle

Éléphants de Cote d’Ivoire. Photo officielle

Malaise au sein de la Séléphanto

24 juin 2014, L’Arena Castelão ou stade Governador-Plácido-Castelo de Fortalezade dans l’État du Ceará au Brésil, nous sommes à la.78e minute du match de poule Cote d’Ivoire-Grèce, Didier Drogba qui avait été titularisé doit céder sa place au sociétaire du Fc Bale de Suisse, Sio Giovanni qui fait ses armes au sein de l’équipe. L’ancien sociétaire de Chelsea le prend très mal. A sa sortie du stade il refuse la main tendue des membres de l’encadrement technique assis sur le banc de touche et qui voulaient juste le féliciter pour sa prestation. Visiblement il en voulait à Sabri Lamouchi de l’avoir sorti pendant ces moments cruciaux ou l’équipe avait besoin de porter le danger devant les buts adverses. Le malaise dans l’équipe est profond et tentaculaire. Un vrai tunnel sans fond qui part de la décision ferme du nouveau pouvoir d’écarter Jacques Anouma de la présidence de la Fédération ivoirienne de Football-FIF- alors que son mandat courrait encore. Son crime : directeur financier de la présidence sous Laurent GBAGBO. Plusieurs habitués des vestiaires de la sélection ivoirienne confirment la profondeur des clivages au sein de la sélection. L’embauche du franco-tunisien Sabri Lamouchi comme sélectionneur n’a pas éteint l’incendie…au contraire.

Reconfort_ADO10Le choix de Lamouchi comme coach n’a jamais fait l’unanimité au sein de l’équipe et de la nation ivoirienne. Là encore la politique n’est pas loin et les connexions politico-familiales ont interféré dans le choix de cet entraîneur sorti tout droit d’une école de formation de techniciens du football et qui a eu la chance inouïe de coacher une équipe aussi expérimentée et ambitieuse que les Éléphants. Son épouse est la nièce de l’actuelle première dame ivoirienne Dominique Ouattara, ce qui explique sans doute le fait qu’il soit malgré son inexpérience l’un des entraîneurs les mieux payés au monde. Au sein du onze ivoirien les relations entre les joueurs ne sont nullement au beau fixe. La question du capitanat a exacerbé les tensions et la mésentente entre les joueurs. Après la bagarre en pleine séance d’entrainement entre deux joueurs, on a assisté lors de la coupe du monde à l’étonnante histoire du brassard entre Didier Drogba et Yaya Touré.
Une équipe mal entraînée, des joueurs qui se regardent en chiens de faïence, une nation divisée, voilà les ingrédients explosifs de la mauvaise campagne des Éléphants de Cote d’Ivoire au mondial brésilien. A tel enseigne que le FPI, parti de Laurent GBAGBO a dans un communiqué avec des mots à peine voilé assimile la sortie peu glorieuse de la « Séléphanto » à une volonté de Dieu mécontent qui selon les termes du communiqué a « parlé de manière assourdissante….au Brésil ».
Comme on le constate, en Cote d’Ivoire les Éléphants et la politique sont une paire indissociable et… perdante.

 

(Toutes les photos ont été tirées de Google)