Un Arabe dans le Métro : “Attention aux pickpockets!”

Attention aux pickpockets! Dès que je monte dans le métro de Paris, j’entends cette alerte. J’ignore pourquoi je me sens à chaque fois concerné. Par l’accusation et non l’alerte (si vous ne l’aviez pas deviné). Ce sentiment est d’autant plus fort que la voix féminine répète le message en plusieurs langues sauf l’arabe. Je ne suis pas le seul à le penser. Prenons par exemple ce couple de touristes britanniques qui est tout près de moi.

Avec un geste de la main, le monsieur vient d’alerter sa compagne de faire attention au potentiel pickpocket derrière elle. Elle se retourne, me regarde de haut en bas, puis fait un pas vers son conjoint en collant son sac à main sous son épaule. J’ouvre mon sac à dos et en tire un journal afin d’oublier l’humiliation, mais surtout dans l’espoir de rassurer mes voisins. Je tombe sur une photo d’un concert qui me rappelle une blague:

  • Y a-t-il des européens dans la salle?
  • Oui!!
  • Levez vos mains! (les concernés lèvent tous les mains en l’air). Des arabes dans la salle?
  • Oui!! (quelques personnes)
  • Fouillez dans les poches!!!

Je plie mon journal et observe les lumières clignotantes sur la carte des stations de la ligne. Inversement aux tramways de mon pays, je me dis que les noms des arrêts du métro parisien rendent beaucoup d’hommage aux personnalités ayant marqué l’histoire de la République, d’Europe et du monde entier. Victor Hugo, Emile Zola, Michel-Ange,  etc.

D’un métro à un autre

A Rabat c’est plutôt: Hay Karima (quartier de Karima), Mohammed V, Pont Hassan II, Nations-Unies, ou encore Hôpital Moulay Youssef ». Quel malheur. Je n’ai aucune nostalgie. J’aime mon exil et le Maroc ne me manque pas. En tout cas pas trop. Quand ça arrive, je me rends vite à Barbès. Les foules, les vendeurs de cigarettes qui abordent les gens et, pour utiliser le terme de l’humoriste algérien Fellag, les “Hitistes” – c’est-à-dire ces personnes adossées au mur toute la journée pour observer les passants. La station de Métro de Barbès ne ressemble pas aux autres. Les murs sont tristes et les panneaux n’existent pas ou fonctionnent rarement. Le temps s’arrête à Barbès. Au Maroc.

Un mouvement brusque me réveille de mon “voyage” au Maroc. Le métro vient de prendre un virage et une vieille dame a failli tomber. J’étais sur le point de lui céder mon siège avant de me rendre compte que j’étais aussi debout. J’ai aussi oublié que j’avais décidé de ne plus céder ma place aux… vieillards sans canne ou qui ne le demandent pas. Oui, depuis le jour ou une “vieille” dame, bien maquillée, m’avait regardé méchamment. Elle avait pris ma proposition comme une insulte à sa beauté et à sa jeunesse.

Tristes anecdotes sur la ligne 13 du métro parisien

La ligne 13, que je prends presque chaque jour, est une ligne bizarre. On dit que c’est un chiffre porteur de malheur. Moi, j’aime ce chiffre. C’est mon anniversaire et c’est l’ordre de la première lettre de mon nom dans l’alphabet. Sur cette ligne, il n’y a jamais de place libre. On y voit toutes les couleurs et tous les âges. Durant chaque trajet, je scrute les visages des gens en essayant de deviner leurs parcours, leurs “origines” et leurs rêves. Hier, inconsciemment, j’ai passé plus d’une minute à suivre la conversation d’un jeune berbère. J’ai même essayé de deviner ce qui se disait à l’autre bout du fil, moi qui partage avec lui la même langue natale.

  • Non, ne lui donne pas les 2500 dirhams, fais attention!

Je devinais que rien n’avait changé dans mon pays. Il faut toujours faire attention. Se méfier de tout. Du commerçant, des chauffeurs de taxis, des policiers, des voisins, de sa famille et, parfois, de soi-même.

Un garçon de cinq ans, accompagné de sa maman, monte dans le métro.

  • Maman, il y a trop de monde! (lance le petit apparemment effrayé par la foule afro-asiatique).
  • Oui.
  • Maman, pourquoi il n’y a pas de places?
  • Car les gens sont assis.
  • Maman, pourquoi il fait noir? (tunnel).
  • Allez, on descend au prochain!

Moi aussi je devais descendre… il y a trois stations !