Evolution du journalisme
7 questions à Danièle Ohayon
7 questions à… Notre série d’entretiens avec des figures tutélaires du journalisme.
Premier volet de cette série: rencontre avec Danièle Ohayon, journaliste à France Info pendant 25 ans, ancienne présidente et cofondatrice de la Maison Des Journalistes. La lycéenne de mai 68, la journaliste radio ayant pris part à la résistance afghane, sa vision de l’avenir de la profession… Danièle Ohayon apporte un éclairage sur les évolutions du journalisme.
Le premier amour de Danièle Ohayon, c’est la radio. Une passion qui la mène à créer une radio libre,“Gilda”, avec laquelle elle s’engage auprès des résistants du commandant Massoud pour l’aider à monter une radio “Kaboul Libre”: On a fait cet entretien avec le commandant Massoud, les combattants qui tiraient en l’air leur joie d’avoir une radio pour la résistance”.
C’était mieux avant ? Très peu pour Danièle Ohayon qui souligne tout de même certaines petites différences: “On avait plus de temps et il y avait une forme d’éthique de séparation du journaliste et des autres métiers de la communication”.
Le positif? : “L’information organisée (…) avant il fallait payer pour avoir son média”
Le négatif? : “La dictature du temps, la rapidité de l’information qui n’est pas vérifiée, le fait que puisse circuler les bruits les plus farfelu »
Biographie de Danièle Ohayon
C’est avec les évènements de mai 68 et l’éveil d’une conscience politique que Danièle Ohayon choisit la voie du journalisme.
Des débuts au quotidien “Rouge” puis une carrière de 25 ans à la radio de France Info, Danièle Ohayon a cofondé et présidé la Maison des Journalistes, ayant accueilli plus de 300 professionnels contraints à l’exil. La SCAM lui a remis un prix d’honneur en 2013.
Grande lectrice de polars, elle est également l’auteure de plusieurs ouvrages comme “Les vieilles peaux” (tome 1 d’une série intitulée “La maison des dames”) et, plus récemment, un abécédaire, “Mai 68 de A à Z”, co-écrit avec Patrick Fillioud.
EN SAVOIR PLUS SUR CE THÈME
Soudan – La transition vers la démocratie bénéficie à la presse
/dans Afrique, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Eliott AUBERT«Plus jamais dans le nouveau Soudan, un journaliste ne sera réprimé ou emprisonné.» Mercredi 25 septembre 2019, l’annonce du Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, promet aux journalistes une liberté jamais acquise auparavant.
À l’occasion de la conférence «Defend Media Freedom», organisée lors de l’Assemblée générale des Nations Unies à New-York, il approuve et signe le «Global Pledge to Defend Media Freedom» [l’Engagement mondial pour la liberté des médias]. À travers cet acte symbolique, Abdallah Hamdok s’engage à améliorer l’environnement médiatique soudanais, décimé par trois décennies de dictature.
Arrivé au pouvoir le 21 août 2019, Abdallah Hamdok remplace Omar el-Béchir, dictateur du Soudan depuis 1989, renversé au cours de la «révolution de décembre».
Bien que la traque aux journalistes et aux rédactions ait cessé depuis l’arrivée d’un gouvernement dirigé par un Premier ministre civil, tout le paysage médiatique reste à reconstruire. Unissant censure, répression, contrôle et exactions contre les journalistes, Omar el-Béchir laisse derrière lui des rédactions en pleine refontes.
En juillet 2019, Mediasrequest, un site dédié à répertorier les médias du monde, décomptait près d’une quarantaine de journaux de presse écrite, pour la majorité en langue arabe. D’autres journaux internationaux couvrent l’actualité du pays. De son côté, le ministère de l’Information et des Communications, sous la houlette d’Hassan Ismail Sayed Ahmed nouvellement élu, dirige les médias publics à travers le Sudan Radio and Television Corporation [SRTC] : Sudan Radio – Suna Sudan New Agency – Sudan TV.
«Le Soudan d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le Soudan d’hier», affirme Mohamed Nagi, directeur de la rédaction de Sudan Tribune, un site d’information couvrant l’actualité des pays de la région.
Fondé en 2002, le réseau gouvernemental SRTC contrôle et monopolise la majeure partie des émissions de télévision et des infrastructures de diffusion.
Selon des témoignages, des journalistes critiques du pouvoir en place ont été à plusieurs reprises envoyés dans des «ghost houses», prisons secrètes où l’on incarcérait les opposants pour y être exécuté ou torturé.
À l’époque d’Omar el-Béchir, dont l’objectif est de contourner ce monopole, des médias sont apparus à l’extérieur du pays pour tenter d’exercer leur métier.
Radio Dabanga ou encore Afia Darfur ont été fondés pour élargir le champ de parole des opposants politiques au Parti de l’ancien dictateur, le Congrès National. Radio Dabanga est basée aux Pays-Bas tandis qu’Afia Darfur diffuse ses émissions du Tchad.
Le «tout puissant NISS»
Arrivé à la tête du Soudan lors du coup d’État militaire le 30 juin 1989, Omar el-Béchir a imposé un système autoritaire, banni toute opposition politique et institutionalisé la censure.
Sous son règne, les services de renseignement soudanais «National Intelligence and Security Service», [NISS] sont devenus les acteurs centraux de la répression, de la censure et de la surveillance du régime autocratique. Aujourd’hui, cette unité rebaptisée «General Intelligence Service» [GIS] est sur le point d’être démantelée.
Le NISS possédait le pouvoir d’intervenir au sein même des rédactions et des imprimeries avec comme objectif le blocage de la parution des journaux. Les autorités fixaient également la «ligne rouge» à ne pas franchir selon les intérêts propres au pouvoir en place.
Osmane Mirghani, rédacteur en chef du journal indépendant Al-Tayar est arrêté le 22 février 2019. Des agents du NISS se sont invités ce jour-là dans les bureaux du journal pour interpeller le journaliste lui reprochant d’avoir critiqué à la télévision Sky News Arabia la mesure d’État d’urgence décrété par Omar el-Béchir.
Selon des témoignages, des journalistes critiques du pouvoir en place ont été à plusieurs reprises envoyés dans des «ghost houses», prisons secrètes où l’on incarcérait les opposants pour y être exécuté ou torturé.
Cette pression quotidienne permettait à l’ancien régime de contrôler tous les faits et gestes des journalistes œuvrant à l’intérieur de ses frontières.
Comme le raconte Abdelmoneim Abu Idris Ali, alors journaliste au Soudan pour l’AFP dans son article intitulé «Vie et mort dans une guerre oubliée», le NISS pouvait décider de la présence de journalistes sur les lieux pour couvrir l’actualité du pays.
28 mai 2014, dix heures du matin, le journaliste reçoit un coup de téléphone. Le «tout puissant NISS» l’appelle et lui manifeste: «Soyez à l’aéroport dans trente minutes» pour partir dans l’Etat du Kordofan du Sud. «C’est inhabituel. Et c’est urgent», explique Abdelmoneim Abu Idris Ali.
Pour cause: l’accès à cette région est habituellement contrôlé rigoureusement.
Au Kordofan du Sud, des rebelles et les forces armées gouvernementales s’affrontent depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011. Zone inaccessible, sous haute régulation, les autorités tentent de camoufler les exactions commises sur la zone.
Mais, ce jour-là, les services de renseignement ont décidé de contacter le journaliste dans l’optique de couvrir la création d’une unité paramilitaire: une opération de communication l’imposait.
Contactée par nos soins, une journaliste qui a souhaité rester anonyme témoigne de la difficulté d’exercer le métier de journaliste durant les trente de dictature : «Travailler en tant que journaliste sous le règne d’Omar el-Bechir fut vraiment une douleur traumatique. La peur d’être lue et relue puis arrêtée nous hante.» Ne pouvant pas être publiée par la presse soudanaise, elle décidait de transmettre ses articles aux médias internationaux.
«J’ai tout de même été arrêtée à deux reprises à cause de mon travail. On m’a aussi menacé de mort. Je couvrais les élections au Kordofan du Sud en 2011 pour le referendum d’indépendance du Sud Soudan. Ces élections se sont mal déroulées et la guerre a repris entre le gouvernement et le mouvement rebelle des SPLM.»
Sa présence embarrassait le gouvernement soudanais, «ils ont donc décidé de me kidnapper et m’interroger pendant un jour pour ensuite me laisser partir. Ils m’ont aussi menacé de mort pour que je quitte la région.»
La transition démocratique au Soudan
Au Soudan, après 30 ans de dictature, «la révolution de décembre» renverse Omar el-Béchir le 11 avril 2019.
L’armée reprend le pouvoir jusqu’aux accords signés le 17 août 2019 entre le conseil militaire de transition (CMT) et la contestation. Cet accord ouvre la voie à la création du Conseil de souveraineté, un organe exécutif de transition composé de six civils et cinq militaires avec une présidence confié dans un premier temps à Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan, un général de l’armée soudanaise.
Un gouvernement de transition est mis en place après l’investiture de l’économiste Abdallah Hamdok en tant que Premier ministre, désigné par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) – principal protagoniste de la contestation.
Parallèlement, l’accord prévoit la formation de l’Assemblée législative de trois cents membres.
En pleine transition démocratique, des élections présidentielles devraient avoir lieu en 2022.
Un héritage qui perdure malgré la transition
Dès lors, se pose la question inhérente à cette transition: aujourd’hui, que reste-t-il du système d’antan qui encadrait les médias soudanais ?
La transition en cours donne espoir aux journalistes soudanais. Le Soudan est passé de la 175ème place au classement mondiale de la liberté de la presse en 2019 à la 159ème place aujourd’hui. Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique au sein de reporter sans frontière assure avoir rarement assisté à une telle ascension.
Une Constitution provisoire a été adoptée pour couvrir la période de transition. Celle-ci garantit officiellement à sa population une presse totalement libre.
Une réforme des médias a d’ailleurs été lancée sous l’égide de l’UNESCO en novembre 2019. Cependant, aujourd’hui, les lois sur la cybercriminalité (2007) sur la presse (2009), et sur la sécurité nationale (2010) continuent d’être actives et constituent selon Arnaud Froger «une grave menace pour la pratique du journalisme dans le pays.»
Ces lois représentent selon lui «une épée de Damoclès au-dessus des journalistes. Mais, c’est un chantier gigantesque. On ne passe pas de trois décennies de dictature à une démocratie totale.» De son côté, Mohamed Nagi explique que «ces lois ne sont plus appliquées puisque la constitution les en empêche.»
Toutes ces lois donnent aux autorités en place un arsenal législatif gigantesque pour restreindre et soumettre les journaux du pays. Comme expliquer dans le rapport d’Amnesty.
Selon la loi sur la presse, le conseil national de la presse détient de nombreux pouvoirs allant de l’accord d’une licence aux institutions journalistiques à l’interdiction des publications d’articles.
De son côté, ladite loi de 2010 sur la sécurité nationale a institutionalisée l’immunité des autorités, actives dans la censure des médias au nom de la sécurité nationale.
Les autorités ont peu à peu cessé la politique de répression systématique d’antan. Des changements qui ne font cependant pas l’unanimité au sein du service général de renseignement. Une mutinerie s’est produite dans les bâtiments du GIS le 14 janvier pour contester le démantèlement de l’unité.
Malgré tout, la censure systémique s’est institutionalisée et s’exerce aujourd’hui au sein même des rédactions.
Le site web Index, affirmait en 2013 que les services de renseignement soudanais «National Intelligence and Security Service» [NISS], aujourd’hui les Services de renseignement général «General Intelligence Service» [GIS], posséderaient 90% de tous les journaux du pays en 2013.
À cette époque, les NISS rachetaient deux journaux indépendants et influents: Al-Sahafa et Al-Kartoum. À la suite de cette acquisition, Mozdalfa Osman décide de démissionner de son poste de directeur éditorial au sein d’Al-Khartoum: «J’ai démissionné en raison de l’influence négative sur mon travail et de la mise en œuvre de l’agenda du NISS, ce qui a contredit mon professionnalisme.»
Pour le secteur de la radio, l’organisation Fanack spécialisée sur les sujets d’Afrique du Nord, affirme que le gouvernement possède 15% des parts de toutes les chaînes audios.
«Il n’y a plus de censure aujourd’hui au Soudan. Je n’ai jamais entendu mes confrères me rapporter de tels cas de la part du nouveau gouvernement. Mais l’autocensure s’est établie et installée. Vous savez, pendant 30 ans les journalistes ont travaillé sous une dictature. Tout devait être relu deux fois avant d’être publié. Ces automatismes perdurent d’une certaine façon. D’autant plus qu’une majorité des médias ont des connexions avec l’ancien régime, à l’exception de deux ou trois», explique la journaliste soudanaise.
Cette situation est représentée par le récent licenciement de Lubna Abdella du journal Al Sudani Al Dawlia à la suite d’une enquête sur la corruption au sein de la commission, des droits de l’homme.
Mohamed Nagi ne s’alarme pas: «Ce cas ne dépend pas du gouvernement. Ça ne permet pas d’estimer la liberté de la presse au Soudan. Certains journaux sont certes dirigés par des proches de l’ancien régime mais ils ont prouvé leur indépendance financière. Donc, au nom de la liberté d’expression, ces personnes ont le droit de faire valoir leur idéologie.»
En janvier 2020 également, dans le cadre de la transition, les autorités soudanaises ont interdit la diffusion de deux journaux et deux chaînes de télévision, avançant que «ces institutions ont été financées par l’État et nous voulons rendre l’argent au peuple soudanais», déclarait alors Mohamed al-Fekki, membre du conseil de transition du Soudan. Les journaux Al-Sudani et Al-Ray Al-Am ainsi que les chaînes Ashrooq et Tayba ont été visés.
Mohammed Nagi nous explique que «le nouveau gouvernement a fermé ces médias dont le rôle était de faire la propagande pour l’ancien régime qui les finance. Ashrooq et Al-Sudani se sont par la suite restructurés et ont pu rouvrir. L’interdiction n’était pas pour des raisons idéologiques mais financières.»
En parallèle, selon les informations de RSF, le Cyber Jihadist Unit, un service d’espionnage et de surveillance des journalistes, est encore actif et diffuse régulièrement de fausses informations pour discréditer les autorités de transition et préserver les intérêts de l’ancien régime. Cette unité dirigée par les services de renseignement continuerait d’œuvrer dans l’ombre.
Elle «surveille et contrôle le contenu publié par les journalistes. Elle diffuse de fausses informations qui peuvent influencer les médias. Elle traque les journalistes, les intimide avec des messages malveillants continuant d’exercer une forte pression sur les journalistes du pays.»
Arnaud Froger perçoit en cette unité le signe d’un héritage d’Omar el-Béchir à démanteler prochainement.
D’autres articles
GUINEE CONAKRY – La liberté de la presse attaquée
GUINEE CONAKRY – Au lendemain des élections présidentielles, le chaos
GUINEE CONAKRY – L’élection présidentielle réveille la haine ethnique
GUINÉE CONAKRY – L’insécurité règne en maître absolu dans certains villages
GUINÉE CONAKRY – Les opposants en prison afin de préparer l’élection présidentielle
GUINÉE CONAKRY – Alpha Condé, «le soleil des incompétences» brille dans le ciel africain
GUINÉE CONAKRY – Création de « Guinée Chek » pour lutter contre les fake news !
GUINÉE CONAKRY – Quand les fêtes religieuses développent le pays…
Guinée Conakry – Quelle éducation quand le taux d’alphabétisme est de 25% ?
Guinée – La liberté de la presse sombre à nouveau
Guinée – Cinéma – « Safiatou », des vertus de la campagne aux vices de la ville
France – Police et journalisme: « Je fais semblant de m’éxécuter mais j’ai continué de filmer »
Guinée Conakry – Les conseils extraordinaires du président Alpha Condé pour lutter contre le covid19
Guinée Conakry – Récit du referendum chaotique, entre répression et coronavirus
Guinée Conakry – Entre élections et Goulag, interview de Thomas Dietrich, journaliste expulsé qui analyse la situation politique et sociale
Grève – Au cœur d’une « Assemblée Générale » à l’université Paris 8
Cinéma – Le film « Soumaya », un mélange d’émotions et de revendications
Guinée – Comme à chaque campagne électorale, les journalistes sont menacés
Guinée – Kit de la répression avant les élections, par Alpha Condé
Guinée : malgré la grève et plusieurs morts, le Président s’octroie par décret un 3ème mandat présidentiel
Guinée : Un enfant de 10 ans tué lors d’une manifestation, le pays continue de s’embraser
Guinée : en grève, le pays refuse une nouvelle constitution
Guinée: le troisième mandat présidentiel, un virus contagieux en Afrique
Guinée – La liberté de la presse sombre à nouveau
/dans Afrique, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Mamadou Bhoye BAHAprès le chaos électoral du 22 mars 2020 qui a bénéficié aux députés à la solde du pouvoir présidentiel, nous pouvons affirmer sans se tromper que le Président s’empare de tous les pouvoirs: exécutif, législatif, judiciaire et maintenant médiatique.
Le rôle de la HAC sera de censurer selon le bon vouloir du Président
A l’heure du passage mondial au numérique, la Guinée Conakry décide de passer sous le contrôle d’un seul homme qui décidera qui a le droit de dire quoi.
Cet homme, nommé par le Président de la République, ne sera qu’un pantin obéissant au pouvoir absolu du chef de l’Etat.
En effet, quel média s’opposera à la ligne éditoriale dictée par la présidence? Aucun média ne sera épargné par ce musellement généralisé.
La HAC est vidé de sa substance, comme une coquille vide. Il est évident que les futurs commissaires risquent d’être mis devant des situations de fait accompli. Si le président de l’organe de régulation des médias est nommé par Alpha Condé, il n’aura aucune marge de manœuvre. Il suffira que le chef de l’Etat décide de retirer un agrément ou d’annuler une licence pour que cela soit tout de suite acté.
Naturellement, avant de nommer quelqu’un à ce poste prestigieux, Alpha Condé posera ses conditions à prendre ou à laisser. Autre nouvelle, la HAC passera de 11 à 13 membres.
Les conditions des délivrances et des retraits des agréments d’exploitation pour les médias audiovisuels, l’attribution et le retrait des fréquences et la création d’un poste de secrétaire général, chef du service administratif, sont d’autres nouveautés.
Selon nos confrères de Guinéedirect, la nomination des commissaires devant siégé à la HAC est encore floue. Dans tous les cas, les règles de nominations vont changer et cela impactera considérablement la presse libre en Guinée Conakry.
Voici le résumé des nouvelles mesures prises par la HAC :
Les amendements apportés ont aussi porté sur :
Il y a aussi eu la réécriture du dernier alinéa sur les mesures disciplinaires applicables aux membres de la HAC (Art.15), le relèvement du quorum de 7 à 9 membres pour siéger (Art.24), réintroduction et précision à l’alinéa 3 de la durée de validité de la carte professionnelle de journaliste; et au Titre V, il y a eu réécriture des articles 58,59 et 60 relatifs aux dispositions transitoires et finales.
Les nouveaux législateurs ont également revu à l’Article 5, un alinéa premier relatif au renforcement du rôle de la HAC dans l’émergence et la promotion de médias libres et responsables.
Au total, la nouvelle HAC aura en son sein 5 représentants des associations de presse; 3 représentants de la présidence de la République ; 1 représentant de l’Assemblée nationale.
Le conseil supérieur de la magistrature, le ministère des postes, télécommunications et de l’économie numérique, le collectif des imprimeurs, libraires, bibliothécaires et archivistes et le collectif du cinéma et de la photographie désigneront chacun un représentant.
D’autres articles
GUINEE CONAKRY – La liberté de la presse attaquée
GUINEE CONAKRY – Au lendemain des élections présidentielles, le chaos
GUINEE CONAKRY – L’élection présidentielle réveille la haine ethnique
GUINÉE CONAKRY – L’insécurité règne en maître absolu dans certains villages
GUINÉE CONAKRY – Les opposants en prison afin de préparer l’élection présidentielle
GUINÉE CONAKRY – Alpha Condé, «le soleil des incompétences» brille dans le ciel africain
GUINÉE CONAKRY – Création de « Guinée Chek » pour lutter contre les fake news !
GUINÉE CONAKRY – Quand les fêtes religieuses développent le pays…
Guinée Conakry – Quelle éducation quand le taux d’alphabétisme est de 25% ?
Guinée – La liberté de la presse sombre à nouveau
Guinée – Cinéma – « Safiatou », des vertus de la campagne aux vices de la ville
France – Police et journalisme: « Je fais semblant de m’éxécuter mais j’ai continué de filmer »
Guinée Conakry – Les conseils extraordinaires du président Alpha Condé pour lutter contre le covid19
Guinée Conakry – Récit du referendum chaotique, entre répression et coronavirus
Guinée Conakry – Entre élections et Goulag, interview de Thomas Dietrich, journaliste expulsé qui analyse la situation politique et sociale
Grève – Au cœur d’une « Assemblée Générale » à l’université Paris 8
Cinéma – Le film « Soumaya », un mélange d’émotions et de revendications
Guinée – Comme à chaque campagne électorale, les journalistes sont menacés
Guinée – Kit de la répression avant les élections, par Alpha Condé
Guinée : malgré la grève et plusieurs morts, le Président s’octroie par décret un 3ème mandat présidentiel
Guinée : Un enfant de 10 ans tué lors d’une manifestation, le pays continue de s’embraser
Guinée : en grève, le pays refuse une nouvelle constitution
Guinée: le troisième mandat présidentiel, un virus contagieux en Afrique
France – Police et journalisme: « Je fais semblant de m’éxécuter mais j’ai continué de filmer »
/dans Europe, France, Liberté d'informer, Tribune Libre /par Mamadou Bhoye BAHCopyright Mamadou Bhoye Bah
Par reflexe journalistique et en tant que journaliste ayant défendu la liberté d’informer en Guinée Conakry, je me dois de témoigner de cette scène. Pour ce faire, je filme avec mon téléphone.
Au bout de quelques minutes, l’un des policiers s’aperçoit que je filme. Pourtant, j’avais discrètement placé l’écran contre ma poitrine, la camera du téléphone filmant les policiers et la dame.
Le policier m’a fait signe de baisser mon appareil. Je fais semblant de m’exécuter mais j’ai pu continuer à filmer. Pendant ce temps-là, après moult tractations, les policiers ont gentiment demandé à la dame de se lever et de les suivre.
J’avais alors fini de récupérer mes papiers, je me décide donc à les suivre, intrigué de savoir comment la police française allait gérée le cas de cette dame. Quand je suis sorti, la dame était encore devant la banque. Ses cris attirent l’attention des passants. Ils sont maintenant cinq policiers à l’entourer.
Je change de trottoir et je continue mes prises de vue. Au début je me cache derrière une voiture, mais plus la scène dure, plus je suis attiré par le fait de filmer et de comprendre ce qui se passe, ce qui me pousse à aller juste en face d’eux. Je n’avais guère le choix si je voulais filmer correctement car ils changeaient régulièrement leur positionnement face à la dame.
En me rapprochant de la scène, je me sais dans mon bon droit. Les policiers savent que je les filme. La dame est finalement libre de partir et les policiers s’en vont.
Suite à cela, je quitte les lieux, mais au premier rond-point que je traverse, une voiture noire s’arrête brusquement à ma hauteur. Le bruit et le fait qu’elle se soit approché par derrière, m’a effrayé. J’ai à peine le temps de lire la mention «Police».
La vitre est déjà baissée, je reconnais les policiers qui se sont occupés de la dame. Celui qui conduit m’interpelle sur un ton très agressif:
«Bonjour monsieur, vous êtes journaliste ? Avez-vous votre carte ?
– Oui, je suis journaliste.
– Vous avez le droit de filmer les flics quand ils travaillent !?
– Quoi ?
– Vous allez arrêter de faire le con là ! C’est pour du buzz que vous filmez!»
Le policier situé à côté au siège avant, prend le relais, toujours aussi agressif et méprisant: «Monsieur si vous voulez régler ce problème, allez voir la dame! Ok?»
Je n’ai pas le temps de répondre, ni de comprendre les enjeux et les droits que j’ai dans cette situation. Pour être franc, j’étais effrayé.
«Un oiseau né dans un marché, n’a pas peur des cris!»
Je viens d’un pays où la police vous menace et vous enferme pour avoir pratiqué librement le métier de journaliste. Je continue ici dans les limites des droits accordés par le pays qui m’accueille. Je reste sans mot, triste et un peu déçu, que la police puisse ainsi intimider un journaliste sur ce ton, dans le pays des droits de l’homme. Ils ne m’ont pas donné le temps de répondre, ni le temps de comprendre.
Je ne pense pas avoir empêché leur travail ni mal fait le mien, au contraire, un journaliste est là pour témoigner.
Ce type de pression a été relayée par plusieurs journalistes lors de différents événements, comme cette vidéo Twitter où la police interdit à un citoyen de filmer alors qu’il en a le droit.
D’autres articles
GUINEE CONAKRY – La liberté de la presse attaquée
GUINEE CONAKRY – Au lendemain des élections présidentielles, le chaos
GUINEE CONAKRY – L’élection présidentielle réveille la haine ethnique
GUINÉE CONAKRY – L’insécurité règne en maître absolu dans certains villages
GUINÉE CONAKRY – Les opposants en prison afin de préparer l’élection présidentielle
GUINÉE CONAKRY – Alpha Condé, «le soleil des incompétences» brille dans le ciel africain
GUINÉE CONAKRY – Création de « Guinée Chek » pour lutter contre les fake news !
GUINÉE CONAKRY – Quand les fêtes religieuses développent le pays…
Guinée Conakry – Quelle éducation quand le taux d’alphabétisme est de 25% ?
Guinée – La liberté de la presse sombre à nouveau
Guinée – Cinéma – « Safiatou », des vertus de la campagne aux vices de la ville
France – Police et journalisme: « Je fais semblant de m’éxécuter mais j’ai continué de filmer »
Guinée Conakry – Les conseils extraordinaires du président Alpha Condé pour lutter contre le covid19
Guinée Conakry – Récit du referendum chaotique, entre répression et coronavirus
Guinée Conakry – Entre élections et Goulag, interview de Thomas Dietrich, journaliste expulsé qui analyse la situation politique et sociale
Grève – Au cœur d’une « Assemblée Générale » à l’université Paris 8
Cinéma – Le film « Soumaya », un mélange d’émotions et de revendications
Guinée – Comme à chaque campagne électorale, les journalistes sont menacés
Guinée – Kit de la répression avant les élections, par Alpha Condé
Guinée : malgré la grève et plusieurs morts, le Président s’octroie par décret un 3ème mandat présidentiel
Guinée : Un enfant de 10 ans tué lors d’une manifestation, le pays continue de s’embraser
Guinée : en grève, le pays refuse une nouvelle constitution
Guinée: le troisième mandat présidentiel, un virus contagieux en Afrique
Afrique – L’Observatoire 19, informer librement sur la crise sanitaire du COVID-19
/dans Afrique, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Inès LericollaisAlors que le virus a placé l’Europe en quarantaine depuis mi-mars, l’épidémie semble se propager plus lentement sur le continent africain. Réalité ou censure de l’information ? Les journalistes restent sceptiques face à des gouvernements qui limitent la diffusion de chiffres et de données concernant la crise sanitaire.
Reporters sans Frontières, organisation internationale qui lutte pour la défense de la liberté de la presse et la protection des sources des journalistes, a mis en place depuis le 1er avril, l’Observatoire 19.
Décrit dans le communiqué officiel comme «un outil de suivi adapté à une crise globale inédite», l’Observatoire 19 est dénommé ainsi «en référence au Covid-19, mais aussi à l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme.»
Cet article 19 est d’une grande importance pour le milieu journaliste. La Maison des journalistes organise depuis plusieurs années un événement nommé « Presse 19 », projet socioéducatif qui s’inscrit dans le domaine de l’éducation aux médias, la sensibilisation aux valeurs fondamentales, la communication interculturelle. Il est réalisé en collaboration avec des institutions européennes.
« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
Article 19 des Droits de l’Homme
Le projet Observatoire 19 reprend cette thélatique universelle et précise son objectif : « évaluer les impacts de la pandémie sur le journalisme. Il documente la censure étatique, la désinformation délibérée et leurs effets sur le droit à l’information fiable. »
A l’origine de ce projet, la conviction, selon RSF, que le gouvernement chinois aurait pu limiter la propagation et sauver de nombreuses vies si ce dernier n’avait pas censuré ses médias et avait informé bien plus tôt sa population de la gravité de l’épidémie.
«La censure, tout comme le coronavirus, ne connaît pas de frontières et peut causer des ravages considérables» indique RSF.
En Afrique, le travail des journalistes en pleine crise sanitaire est inévitablement lié au contexte politique de corruption, à la situation socio-économique et au manque d’accès à des soins médicaux.
Mamadou Bah, journaliste guinéen à la Maison Des Journalistes, dénonce le monopole de l’État sur les chiffres officiels. En Guinée, «les journalistes ne peuvent relayer que les chiffres donnés par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire. L’information est contrôlée, surveillée. Cela interroge donc sur la fiabilité de l’information mais aussi sur la confiance que l’on porte à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire.»
Mamadou B. qualifie les centres de soins de «boucheries médicales», au sein desquels les patients, après avoir été testés positifs au virus, sont traités pendant deux jours seulement. A la suite de leur hospitalisation, ils reçoivent un message de l’ANSS indiquant qu’ils ne sont plus positifs au virus.
«Ces méthodes interrogent fortement, et il n’y a pas de moyen de les vérifier puisque les accès sont fermés aux journalistes », ajoute Mamadou B. Sur le site de l’ANSS, les chiffres officiels sont les suivants : 319 cas confirmés, 17 guéris et 0 morts. Face à ces chiffres, Mamadou B réagit « Pour qu’il n’y ait aucun mort, soit le gouvernement guinéen a un traitement miracle, soit on nous ment.»
La population guinéenne, contrainte de travailler la journée, s’est vu imposée un couvre-feu de 21h à 5h dans le but de limiter la propagation.
Alpha Condé, le président de Guinée Conakry, s’est exprimé dans les rues de Kaloum ce 9 avril 2020. Après avoir alerté la population sur la dangerosité du virus et sur la situation en Italie, il a donné ses propres conseils pour lutter contre le virus:
«C’est une vaste plaisanterie», commente Mamadou B. «tout comme le fait qu’il ait diffusé un faux projet social qui vise à rendre les transports, l’eau, et l’électricité gratuits dans la capitale, Conakry, alors qu’il n’y a déjà pas de transports et très peu d’eau et d’électricité».
De nombreux sites d’informations et de réseaux sociaux ayant été bloqués par les gouvernements africains pour lutter contre les «fake news», les ONG comme Reporters sans Frontières ou Comittee to Protect Journalists (CPJ) demandent une clarification de leur part sur les raisons de ces censures.
Lutter contre la mal-information mais pour une information libre, c’est l’objectif de l’Observatoire 19 en pleine crise sanitaire mondiale.
Attaques verbales, détentions arbitraires, retraits d’accréditation, Reporters Sans Frontières met à disposition une boîte mail covidrsf@rsf.org afin de recenser au mieux les entraves à l’exercice du journalisme.
Inès Lericollais
D’autres articles
Bangladesh – La liberté d’expression captive du gouvernement
Soudan – La transition vers la démocratie bénéficie à la presse
Guinée – La liberté de la presse sombre à nouveau
France – Police et journalisme: « Je fais semblant de m’éxécuter mais j’ai continué de filmer »
Afrique – L’Observatoire 19, informer librement sur la crise sanitaire du COVID-19
Hong Kong: comprendre la crise par la liberté de sa presse
Makaila Nguebla: un journaliste tchadien devant la justice française
Liban, un lieu de transit pour les journalistes en exil?
Recrudescence des attaques contre les journalistes en RD Congo
Corée du Nord & AFP: enquête sur le journalisme sous dictature
Le code de bonne conduite des médias en cas d’attentat: à chaque raté, sa mesure du CSA
« Les plus gros vont foncer et les petits n’auront rien » L’écosystème de la presse est-il menacé?
Adapter le droit voisin aux éditeurs de presse: un combat incertain
Le droit voisin et son extension à la presse
Protection et accès à l’information, les nouveaux enjeux du journalisme
Coup d’envoi du Réseau des Médias en France pour la Paix, des solutions concrètes en vue!
Forum des médias pour la paix à Paris: un plaidoyer pour un réseau et un Prix des journalistes de paix
Médias indépendants : le nouveau combat des Gilets Jaunes
6 gardes à vue après l’agression d’un agent de sécurité protégeant des journalistes !
Interview d’Abnousse Shalmani – Marraine de la promo 2018 de la Maison des journalistes
Solidarité avec les journalistes et syndicalistes turcs
« Le journalisme est un combat » : réflexions sur un journalisme engagé
Le journalisme d’enquête n’est pas un délit
La protection des données personnelles : des lanceurs d’alerte et des journalistes pour l’accès à nos informations
L’impunité des crimes commis contre des journalistes
Informer dans le monde arabe, à quel prix ? – Débat à l’Institut du Monde Arabe
Le prix Bayeux 2018 des correspondants de guerre
Genèse et risques journalistiques, avant l’odyssée vers l’exil
Témoignage de trois journalistes syriens : la guerre passe aussi par l’information
Syrie – Liberté d’information : Peut-on s’informer sur la situation ?
Syrie – Liberté d’information : « On peut encore informer, c’est une certitude »
Des journalistes turcs oubliés dans les prisons d’Erdogan crient à l’aide !
“Un bon journaliste est quelqu’un qui sert la communauté » – Témoignage d’un journaliste mauritanien
« Je suis toujours resté fidèle à mes idéaux » Témoignage d’un journaliste pakistanais
Syrie – Liberté d’information : « J’ai vu des familles et des enfants mourir à cause du gaz nervine. »
Le courage et la souffrance de Jahia
Les couvertures des magazines : quand la presse flirte avec la polémique
Evolution du journalisme : 7 questions à Danièle Ohayon
«J’avais simplement besoin d’un pays libre»
Être journaliste au Moyen-Orient
Tuerie de Dallas, les faits et les médias français
Hong Kong: comprendre la crise par la liberté de sa presse
/dans Asie Centrale et du Nord, Liberté d'informer, Liberté de la presse /par Alexandre GarnierGrâce au « un pays, deux systèmes », Hong Kong a longtemps accueilli les grandes agences de presse étrangère (AFP, Reuters pour ne citer qu’eux). Les réseaux Internet ne souffrent pas non plus du Grand Firewall chinois : des sites comme Google ou Facebook sont accessibles sans compromis. Mais derrière cette façade, la presse subit depuis les années 2000 de graves attaques de son voisin communiste.
Définitivement abandonné le 4 septembre, le projet de loi d’extradition vers la Chine a été pointé du doigt dès son annonce par les organismes de défense des droits de la presse comme étant une menace importante pour les journalistes hongkongais et leurs sources. Jusqu’ici, la Chine organisait des kidnappings pour ramener sur son territoire des opposants à l’étranger, mais le nouveau projet de loi menaçait, avec l’accord avec les autorités hongkongaises, de permettre des extraditions par la voie légale.
Hong Kong, un îlot pour la presse libre en Asie
En juillet 2018, on comptait à Hong Kong 78 quotidiens de presse, pour la majorité en langues chinoise ou anglaise. Ils cohabitent depuis toujours, à l’image de la société hongkongaise, une grande variété d’opinions dans la presse. Le grand clivage politique étant la relation avec la Chine, entre les médias dit pro-démocrates (Apple Daily, Passion Times) et les médias pro-chinois (Sing Pao Daily News, The Standard, Sing Tao Daily). Cependant, les sensibilités de ces médias varient également sur les questions politiques, libérales, internationales ou sociales.
En parallèle, deux journaux sont contrôlés par Pékin via le Bureau de liaison à Hong Kong (Wen Wei Po, Ta Kung Pao). Ces quotidiens diffusent la vision officielle de l’actualité mondiale et nationale du Parti communiste chinois (PCC), mais selon un sondage de l’Université chinoise de Hong Kong, ils sont considérés aux yeux des Hongkongais comme les journaux les moins crédibles.
Michel Bonnin dans l’émission d’Arrêt sur Images du 23 août 2019
Au départ opposé au projet de loi qui menaçait leur liberté économique, le milieu des affaires a ensuite fait marche arrière pour s’aligner avec la Chine après que le régime leur ait rappelé que c’est du marché économique chinois dont ils dépendent.
Des journaux hongkongais déjà sous influence chinoise
Fin 2015, le rachat du South China Morning Post (SCMP), le quotidien anglophone le plus important de Hong Kong par le groupe Alibaba (plateforme de vente Chinois) a mis en lumière la fragilité de l’indépendance des médias.
Depuis, le journal a été à plusieurs reprises accusé de collaboration avec les autorités chinoises. En juillet 2015, Zhao Wei est arrêtée et retenue prisonnière pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État ».
Un an après cette avocate et activiste des droits de l’Homme en Chine sort de prison mais reste sous le coup d’une importante surveillance. Au moment de sa libération, le SCMP publie alors les confessions de la jeune avocate qui explique « réaliser d’avoir emprunté un chemin dangereux et souhaite se repentir. Je ne suis plus la même personne. »
Ni son avocat, ni son mari n’avait pu obtenir le droit de s’entretenir avec elle depuis son incarcération.
Même histoire pour Gui Minhai, écrivain suédois d’origine chinoise qui travaillait pour la librairie hongkongaise Causeway Bay Books. Entre octobre et décembre 2015, cinq employés sont enlevés, dont Gui Minhai, kidnappé lors d’un voyage en Thaïlande. Début 2016, les cinq libraires réapparaissent à la télévision nationale. Ils confessent plusieurs délits, expriment leurs regrets puis purgent leurs peines. Gui Minhai est le dernier des cinq libraires à être libéré en octobre 2017 mais il est interdit de sortie de territoire.
Quelques mois plus tard, nouveau rebondissement, Gui Minhai retourne en prison. Prétextant une visite médicale, des diplomates suédois auraient tenté de l’extraire du pays mais les autorités chinoises l’ont intercepté avant.
« Gui a insisté pour l’interview [avec le SCMP], il souhaite dire la « vérité » au public » – Au South China Morning Post on reste évidement septique, on met des guillemets autour de « vérité »
C’est à ce moment que le journal hongkongais South China Morning Post intervient.
Dans un article publié en février 2018, le bouquiniste hongkongais réapparaît dénonçant une machination de la Suède qui l’aurait piégé. « J’ai honte de mon comportement. J’ai commis beaucoup d’erreurs (…) Je souhaite à ma famille une vie heureuse. Ne vous inquiétez pas pour moi. » « J’aimerais désormais rester vivre en Chine. (…) Je souhaite que le gouvernement suédois cesse de me contacter et arrête de dramatiser mon cas. »
C’est la seconde confession de Gui Minhai mais celle-ci ne convainc pas sa fille, Angela Gui, plus que la première. Depuis 2015, elle dénonce sa détention comme politique et exige le retour de son père.
En avril, Tammy Tam, rédactrice en chef du SCMP lui répondait dans un éditorial : « Nous vous assurons catégoriquement que nous n’avons pas collaboré avec les autorités chinoises. (…) En tant que journalistes, nous faisons couramment face à des décisions difficiles. Ici, nous avons dû choisir entre interviewer votre père dans ce cadre contrôlé ou ne rien faire. »
Mais cette déclaration d’indépendance de la rédactrice en chef sonne faux alors qu’en 2015, 6 mois avant le rachat du journal, quatre éditorialistes du SCMP, connus pour leur opposition au régime chinois, étaient forcés de quitter la rédaction.
Dans un éditorial, le Asia Sentinel (journal où travaille également Philip Bowring, un des éditorialistes écartés du SCMP) soupçonnait déjà le Bureau de liaison à Hong Kong, souvent taxé d’être un organe d’influence chinois, d’être derrière ces évictions.
Les confessions forcées, un « classique » des médias chinois
Les confessions publiques comme celles qu’on fait Zhao Wei et Gui Minhai sont très répandues dans les médias chinois, elles sont réalisées en collaboration avec les autorités et diffusées aux heures de grande écoute de la télévision publique chinoise.
En réalité, ces confessions sont produites sous la menace et représentent une des nombreuses pratiques utilisées par le régime pour tisser la toile de sa propagande. Celles-ci n’ont jamais fait illusion à Hong Kong ou à l’international et visent majoritairement le public chinois sensible à la propagande du PCC.
Mais voir apparaître ce type de pratique propagandiste à Hong Kong, dans un média pourtant censé être indépendant du pouvoir, semble indiquer que la Chine continentale a déjà commencé à reprendre la main sur la presse hongkongaise.
Dans un article pour la revue Made in China en novembre 2018, Magnus Fiskesjö, anthropologue et ami de Gui Minhai estimait la réputation du journal définitivement ternie: « Ces récentes affaires montrent que le South Chinia Morning Post [depuis son rachat par Alibaba] ne peut désormais plus être considéré comme une organisation de presse indépendante. »
Une opinion qui semble partagée par les Hongkongais, alors même que le journal était auparavant perçu comme le quotidien le plus sérieux de la presse. Selon un sondage de l’Université chinoise de Hong Kong, le SCMP est le journal qui a le plus perdu en crédibilité entre 2003 et 2016.
Un nouveau journalisme d’opposition
En réponse à la pression chinoise grandissante, de nouveaux médias web au financement alternatif sont apparus avec une ligne radicalement opposée à la rétrocession de Hong Kong.
Extrait d’une manifestation du 5 août filmé à 360° par Hong Kong Free Press
Né dans le sillage de la Révolution des parapluies de 2014, Hong Kong Free Press (HKFP) est un journal web anglophone.
Ce média fonctionne par donation, selon un modèle non lucratif et affiche une transparence sur ses finances. Sa couverture alternative des manifestations de 2019 diffère du reste de la profession, les journalistes filment les rassemblements et affrontements au côté des manifestants.
FactWire est une agence de presse bilingue apparue en 2016. Elle se concentre sur l’investigation des affaires nationales et fonctionne sur un modèle économique similaire à HKFP. Sa première enquête exposa les graves défauts de qualité des rames de métros hongkongaises importés de Chine continentale. Depuis le début des manifestations, FactWire couvre les cas de violences policières en recoupant le déroulé des événements grâce aux dizaines de vidéos disponibles sur la toile.
Face à une influence chinoise de plus en plus présente, ces nouveaux médias entendent peser sur le marché de l’information hongkongaise en mettant en avant la liberté d’expression, la démocratie et les droits de l’Homme contre le système chinois. Un climat de peur entretenu par des attaques contre les journalistes.
Des journalistes pro-démocratie pris pour cible
Kevin Lau au club des correspondants internationaux de Hong Kong le 9 mai 2015
« On m’a souvent demandé ces deux dernières années si la presse à Hong Kong était en danger. Maintenant, je crois que la réponse est claire comme de l’eau de roche. Elle l’est. »
Le Ming Pao est un des plus gros journaux de la presse hongkongaise, de tendance plutôt libérale et en faveur de l’ouverture vers Pékin. En 2014, le journal participait à une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) sur les paradis fiscaux mis en place par le gouvernement de Xi Jinping et le PCC [Parti Communiste Chinois].
Le 26 février 2014, Kevin Lau, rédacteur en chef au Ming Pao est attaqué au couteau alors qu’il sortait de sa voiture. Deux hommes appartenant aux triades hongkongaises lui infligent de multiples blessures au dos et aux jambes.
Pour la sphère politique, aucun lien ne peut être établi entre l’attaque de Kevin Lau et une atteinte à la liberté de la presse. Mais le Ming Pao, rejoint par toute la profession journalistique, dénoncent alors cette attaque comme un crime contre la liberté de la presse.
Mais cette attaque rejoint la liste grandissante des violences contre les journalistes depuis la fin des années 90.
Tous partagent une opinion opposée à la rétrocession de Hong Kong.
La question du mobile de l’attaque s’est ensuite posée. À ce moment là, Kevin Lau et la rédaction du Ming Pao collabore avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) pour une enquête sur les montages fiscaux organisés par l’élite politique chinoise du PCC.
Une corrélation qui n’a pas été plus approfondie, n’ayant aucune preuve que l’attaque ait été commandée depuis la Chine, les organisations de protection des journalistes ont préféré écarter toute hypothèse prématurée.
Après 11 arrestations et 2 condamnations, l’enquête n’est finalement pas parvenue à déterminer de commanditaire, cependant ces même triades hongkongaises sont depuis réapparues à plusieurs reprises. Contre le mouvement pro-démocrate en fin 2014, et également le 22 juillet dernier où cette fois-ci, elles ont été aperçues collaborant avec les forces de police hongkongaise dans de nombreuses vidéos amateur compilées par le New York Times.
La rétrocession de Hong Kong en 1997 a porté un grand coup au journalisme hongkongais et les affaires d’ingérence se sont succédées. Face aux pressions chinoises, le modèle libéral hongkongais ne semble pas capable de protéger la liberté de sa presse et tend au contraire, sous la pression, à collaborer avec Pékin. Reste la société hongkongaise, qui elle, après 14 semaines de mobilisation, ne semble pas l’entendre de cette oreille.
Une présence massive sur les réseaux sociaux et un important retour du journalisme citoyen
Si la situation pour la presse semble s’assombrir à Hong Kong, la mobilisation elle ne semble pas diminuer.
Alors que les manifestants étaient quelques dizaines de milliers dans les rues en 2014, les cortèges ont rassemblé cette année près de deux millions de personnes mi-juin et 1,7 million le 18 août, alors même que le mouvement tend à se radicaliser.
Dans Le Temps du débat sur France Culture, Eric Sautedé, analyste politique basé à Hong Kong, évoque un soutien populaire de près de 80% et une mobilisation de 25% des citoyens (pour une population de 7,4 millions).
« Be Water »: slogan phare de la mobilisation
Dans ce contexte, le mouvement a développé une présence d’une importance sans précédent sur les réseaux sociaux.
La communication autour des mobilisations, empreinte de culture asiatique, est massive et a largement dépassé les frontières chinoises (voir thread twitter du photojournaliste Maxime Reynié sur les visuels partagées sur les réseaux)
Suivant le modèle du réseau de journalisme citoyen Indymedia en Europe et Amérique du Nord (ensemble de médias citoyens locales de tendance de gauche radicale), In-Media version hongkongaise s’est développé à Hong Kong de façon collaborative depuis 2004.
Alors que le journalisme citoyen à connu un fort déclin en Occident au profit des réseaux sociaux, In-Media a continuer à fonctionner au gré des mobilisation contre la gouvernance chinoise.
Le site de In-Media connaît depuis le début des manifestations des pics d’affluence (classé 82.000e début juin, inmediahk.net est aujourd’hui 38.000e mondial selon les statistiques de trafic Web Alexa) tandis que la page Facebook compte elle plus de 560.000 abonnés.
La loi « Sécurité Globale » est beaucoup critiquée par les défenseurs de la liberté
Plus d’une trentaine d’actes d’assassinats, environ une vingtaine d’enlèvement contre rançon ont été recensés depuis
En 2019, le sénateur haïtien Jean-Marie Ralph Fethière a tiré plusieurs coups de feu en
Pour avoir diffusé les opérations de dépouillement de vote en direct (dans un contexte de
Abus des lois, menaces de mort, corruptions et salaires de misère, les journalistes malgaches peinent
Un article co-écrit par Eliott AUBERT et Alexandre GARNIER pour l’Oeil MDJ. Officiellement présente en
Selon le troisième rapport de la Cour supérieure des Comptes sur la gestion du fonds
Aucune déclaration n’a encore été faite pour garantir les droits de presse depuis l’arrivée des
La contestation se déroulant actuellement au Bélarus relance le débat de la liberté de la
Des centaines de journalistes à travers le monde surveillés par leurs téléphones, des liens obscurs
À la fin du mois de juillet 1988, des dizaines de milliers de prisonniers politiques
Il y a 32 ans s’ouvrait l’un des chapitres les plus douloureux et crucial de
Les journalistes bangladais vivent une période mouvementée. Les atteintes à la liberté de la presse se multiplient. Quels sont alors les leviers utilisés par le gouvernement dirigé par la Première ministre Sheikh Hasina pour museler la presse au Bangladesh? Shariful Chowdhury, Shelu Akand, Mostafizur Rahman Suman, la liste d’attaques à l’encontre des journalistes s’amplifie chaque mois.
Dans un pays où la méthodologie de l’éducation nationale, la formation des professeurs et la corruption généralisée n’aident pas les élèves à trouver les chemins de l’école, le taux d’analphabétisme représente 75% de la population. A cela s’ajoute le manque de considération que subit les enseignants en Guinée Conakry. Les enjeux sont importants car l’impact dépasse les enjeux de l’instruction.
«Je ne peux pas dormir, je ne peux plus penser, je me sens détruite» m’écrit la mère d’Hossam tard dans la nuit. La famille d’Hossam attend. Que se passe-t-il pour lui ? Le manque d’information dévore de l’intérieur. Certains jours, sa mère est pleine d’espoir. Quelques temps plus tard, elle désespère. Ce rythme s’impose au quotidien.
«Plus jamais dans le nouveau Soudan, un journaliste ne sera réprimé ou emprisonné.» Mercredi 25 septembre 2019, l’annonce du Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, promet aux journalistes une liberté jamais acquise auparavant.
Selon le site Guineedirect, les députés guinéens fraichement élus ont adopté ce 3 juillet 2020,
C’est l’histoire d’une famille qui se bat pour communiquer avec Alaa Abd El Fattah, militant
Dans son reportage biannuel sur la détention en Egypte, le Detention Watch Project a compté 932 disparitions forcées, 638 détentions arbitraires, 320 meurtres équivoques dans la première moitié de l’année 2019. En décembre 2019, l’Institut International de la Presse a comptabilisé 61 journalistes emprisonnés dont 25 arrêtés entre octobre et décembre.
« Tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté