Algérie. Le Hirak aux prises avec la police politique
/dans Afrique, Chroniques, Tribune Libre /par Larbi Graine
Cœur battant du régime, la police politique algérienne donne des signes d’essoufflement dans sa fonction d’animatrice « souterraine» de la vie politique nationale. Usée jusqu’à la corde sa propagande est devenue inopérante, signe s’il en est, que la population a changé.
Cœur battant du régime, la police politique algérienne donne des signes d’essoufflement dans sa fonction d’animatrice « souterraine» de la vie politique nationale. Usée jusqu’à la corde sa propagande est devenue inopérante, signe s’il en est, que la population a changé.
Les montages médiatiques récurrents à l’effet d’entraver l’action du mouvement anti-régime, Hirak, sont désormais accueillis par l’opinion publique avec ironie et incrédulité. Toutes les tentatives de criminalisation du mouvement populaire se sont soldées par un échec.
Après que la télévision publique eut consacré un temps d’antenne à un « terroriste islamiste » qui disait préparer des opérations violentes au niveau du Hirak, et ce, sous l’instigation du mouvement « islamiste » Rachad, la même télévision s’est offert quelques jours plus tard, un show à la limite du grotesque, dont l’acteur est un « marchand d’armes », qui prétendait avoir pris contact avec des éléments du mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) pour une livraison d’armes. Le mouvement indépendantiste kabyle projetait, selon lui, de perpétrer des attentats aux quatre coins de l’Algérie.
Aussi, des opposants de courants divers installés à l’étranger, pour la plupart des lanceurs d’alertes sur les réseaux sociaux, avaient été la cible d’une campagne d’intimidation orchestrée par Alger. Des communiqués officiels les ayant accusés d’entreprise terroriste, avaient annoncé que des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés à leur encontre. Plus d’un mois après ces accusations, les lanceurs d’alertes incriminés continuent de narguer les autorités en poursuivant leur activisme avec la même détermination. Visiblement, les autorités n’ont aucune preuve et avaient misé sur l’effet d’annonce comme si elles voulaient occuper le terrain avec un produit inexistant.
Ce qui retient l’attention, c’est que les attaques contre le Hirak puisent leur vigueur dans ce que le pouvoir croit être les failles de la société algérienne : l’inclination islamiste et la peur d’une dissidence kabyle. En réalité, la police politique a, depuis l’indépendance, joué sur ces deux tableaux. Elle n’a fait que mettre à jour son logiciel d’attaques. Le spectre d’un zéro vote en Kabylie constitue une véritable hantise pour les décideurs militaires qui ont imposé la tenue d’élections législatives pour le 12 juin prochain. Pour les tenants du pouvoir, casser du kabyle revient à casser le Hirak. Tout est bon pour diviser la société algérienne et l’amener à substituer à la lutte contre la classe dirigeante, la lutte religieuse et la lutte ethnique. C’est dans cet ordre d’idées que l’islamologue Saïd Djabelkhir est traîné dans la boue. La justice algérienne, instrumentalisée qu’elle est par les officines de l’ombre, a condamné en première instance cet universitaire à trois ans de prison pour « offense aux préceptes de l’islam » livrant ainsi à la presse et surtout à la presse internationale une matière dont elle raffole.
Quand les agressions fusent dans le registre ethnique, elles sont souvent exprimées par des ministres, des chefs de partis ou des députés obséquieux appartenant à la mouvance dite « islamiste ». Une faune politique très impliquée dans les réseaux de corruption de l’État. Une députée fantasque dont les élucubrations l’ont amenée à déclarer avoir été victime d’un ensorcellement, a passé la totalité de son mandat à susciter, via les réseaux sociaux, la haine entre berbérophones et arabophones. Les officines de l’ombre ont découvert une curieuse façon de capitaliser la parité politique hommes-femmes dans l’assemblée nationale. Notre députée doit son intrusion dans le champ politique grâce au quota des femmes instauré par une loi de 2012 suivant en cela, les recommandations de la communauté internationale. Ce qui devait être ainsi un progrès s’est transformé sous la latitude algérienne en un cirque de féminisme de mauvais aloi.
Également cheffe de parti, notre députée s’était crue obligée de faire ses déclarations politiques sous le regard approbateur de son époux. Se revendiquant d’une descendance prophétique, l’«élue » du peuple n’a pas eu froid aux yeux, en soutenant être favorable à la polygamie au motif que c’est un précepte religieux. C’est dire que la police politique algérienne excelle dans le raffermissement de la structure patriarcale de la société. Elle sait que sa survie est tributaire du conservatisme social.
On aura aussi noté la gestion épouvantable de l’affaire Saïd Chetouane. Un jeune hirakiste, plutôt un adolescent qui n’a pas encore atteint la majorité. Arrêté et conduit dans un commissariat lors d’une manifestation du Hirak, il s’était plaint à sa sortie de violence sexuelle. Au lieu de dénoncer les droits bafoués de l’enfant, une certaine presse aux ordres avait mis en exergue le fait que ses parents étaient divorcés, la mère ayant la garde de l’enfant. Aussi, a-t-on laissé parfois entendre que ce dernier était « illégitime » comme pour jeter l’anathème sur la mère. Il est stupéfiant de constater que les autorités ont fini par arracher Said Chetouane à sa mère en le plaçant dans un centre de protection de l’enfance. Ainsi l’État, en bon protecteur de la famille, prétend être le plus à même d’assurer le rôle du père. Triste histoire, le jeune Saïd refuse de boire et de manger depuis qu’on l’a enfermé dans le centre. Ainsi, si le Hirak n’a pas encore réussi à améliorer les droits de l’Homme, il a néanmoins démystifié le régime.
Celui qui a incarné en Algérie leur défense, maître Ali Yahia Abdennour, aimait à écrire à peu près ceci : « la police politique s’occupe d’accompagner l’Algérien et l’Algérienne depuis sa naissance jusqu’à sa tombe ». Mais, je crois que cette affirmation a cessé d’être vraie depuis le Hirak. Membre fondateur de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) avant d’en devenir le président, Ali Yahia Abdennour vient de décéder le 25 avril 2021. Ses obsèques sont emblématiques du combat que le défunt avait livré contre les services algériens. Le drapeau national et le drapeau berbère, interdit par le général Gaïd Salah, avaient orné son cercueil.
En outre, un autre événement a émaillé ces funérailles. Un échange rude et vif s’était engagé entre Bouzid Lazhari, président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et l’opposant Karim Tabbou. Coquille vide, la CNDH est un énième organisme étatique recommandé par la communauté internationale. Malheureusement, le « Conseil » a été détourné de sa vocation. Il est devenu une entité qui fait écran aux violations des Droits de l’Homme qu’il est censé protéger. Aussi, en marge de la cérémonie, Tabbou, très remonté contre Lazhari, lui avait asséné: « Vous avez gardé le silence alors que les détenus d’opinion croupissent dans les prisons ». S’étant vu signifier qu’il était « persona non grata », le Monsieur Droits de l’Homme officiel, fut contraint de quitter précipitamment les lieux sous les cris de « Dégage ! ». Force est de constater que la militance hirakienne, c’est aussi le surgissement d’une conscience émancipatrice qui entend s’affranchir de la tutelle de la police politique d’où du reste les nombreux slogans dénonçant cet appareil anti-constitutionnel.
Journaliste algérien établi en France
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