Dans le cadre d’un partenariat entre la Maison des Journalistes et le quotidien Ouest-France, sept journalistes ont effectué un stage immersif au sein de la rédaction en mars 2025. Jawaher Yousofi, retrace cette expérience à travers ce nouvel article de la série « Carnet d’exil ».
[par Jawaher Yousofi, publié le 23/04/2025]

Un matin gris à Paris, je traînais ma valise rapidement vers le quai, en consultant le programme de la journée reçu par mail. Absorbé dans mes notes, je n’ai pas remarqué l’arrivée du train à Rennes. Les portes se sont ouvertes avec un sifflement régulier, et je suis montée à bord, sans imaginer que ce trajet allait marquer le début d’une expérience professionnelle marquante.
Dès mon arrivée, Rennes m’a frappé par son équilibre entre « travail » et « culture ». La gare centrale, animée, combinant technologie moderne et ambiance accueillante. Comme dans toutes les grandes gares européennes, il n’y avait pas de place pour l’arrêt, tout le monde était en mouvement.
Avec un groupe de journalistes venus de différents pays, nous avons quitté la gare. Il pleuvait doucement, les rues brillaient sous la pluie. Notre hôtel était à proximité. À peine les valises déposées, l’agenda reprenait le dessus : direction le siège du journal Ouest France, point de départ d’une nouvelle compréhension du journalisme à la française.
Visite du siège d’Ouest France à Rennes : Entre les mots et la réalité
Le siège d’Ouest-France, situé dans un bâtiment moderne et sobre, reflétait la transparence attendue d’un média professionnel. À peine arrivés, nous avons été accueillis chaleureusement par plusieurs membres de la rédaction. En France, l’accueil n’est pas qu’une formalité, c’est une véritable culture : poignées de main, présentations, quelques blagues pour briser la glace.
Le déjeuner fut l’occasion de rencontrer le directeur général, les chefs de service et les responsables des différentes sections. Dans la grande salle du deuxième étage, tout était organisé avec rigueur, prêt pour les présentations.

Le directeur général a présenté l’histoire du journal, fondé après la Seconde Guerre mondiale, les lignes éditoriales, les principes éthiques et les transformations liées à l’ère numérique.
Pendant deux jours, visites, présentations et réunions ont rythmé notre passage. Nous avons exploré différentes sections: podcasts, vidéo, sport, international et local. Ce qui m’a frappé, c’est la précision de l’organisation et la collaboration active au sein de l’équipe éditoriale. Chaque journaliste semblait avoir le pouls d’une partie de la ville.
De Rennes à Angers : découvrir un bureau local à l’impact inattendu
Le troisième jour, nous avons pris le train direction Angers, une ville accueillante où se situe le bureau régional « Le Courrier de l’Ouest ». Dès notre arrivée, deux responsables locaux nous attendaient à la gare. L’espace était plus modeste que le siège central, mais professionnel tout de même. Ce qui marquait cet endroit, c’était l’ancrage local et la connaissance profonde du tissu social.

Durant deux jours, nous avons découvert la rédaction locale et ses rubriques culturelles, sociales et sportives. Nous avons assisté à une conférence de rédaction le matin, où chaque sujet était débattu en fonction de sa pertinence et de son impact. Chaque décision était prise collectivement, ce qui témoignait d’une forte collaboration au sein de la rédaction.
Le deuxième jour, nous avons accompagné une journaliste dans un village près d’Angers. Là, un couple de retraités accueillait chaque été des enfants de familles modestes pour quelques jours de vacances, gratuitement, en partenariat avec une association. Leur générosité m’a profondément touché. Le cadre naturel de ce village était d’une beauté époustouflante, presque irréelle.
Ce qui m’a aussi marqué, c’est que ce bureau couvre plusieurs zones voisines et publie trois éditions différentes: Le Courrier de l’Ouest, Le Maine Libre et Presse Océan.
Ces éditions, bien que indépendantes pour les contenus locaux, suivent une ligne éditoriale commune, avec des pages locales personnalisées selon les besoins et priorités des différentes régions.
Angers: un récit poétique d’une immersion journalistique
Se promener dans les rues pavées d’Angers, sous une brise printanière, relevait plus d’un rêve que d’un simple déplacement professionnel. Des maisons anciennes, des fenêtres fleuries, des cafés aux arômes envoûtants, et des habitants souriants : tout semblait sortir d’un tableau vivant.
Angers, ville chargée d’histoire, entre châteaux, églises médiévales et une culture oscillant entre tradition et modernité, m’a permis de voir comment un média peut répondre aux besoins locaux. Le journaliste n’est pas simplement un observateur: il fait partie intégrante de la société, il s’efface pour mieux entendre, et non pour dominer.
Réflexions et apprentissages : Le journalisme entre deux mondes
Ce stage fut bien plus qu’une simple découverte du système médiatique français. Il m’a permis de réfléchir, de comparer avec mon expérience en Afghanistan et de prendre conscience des différences profondes entre un journalisme libre dans une démocratie et celui exercé sous pression dans un contexte fragile.
En France, le journalisme local est un pilier de la démocratie, et les sujets émergent de la vie quotidienne, pas seulement des crises internationales. Les journalistes jouissent d’une sécurité professionnelle et d’une liberté d’expression réelle. Enfin, les nouvelles technologies comme EIDOSMEDIA et l’IA assistent la production de contenu, mais l’humain reste au centre des décisions.
En Afghanistan, les médias, souvent financés par des projets étrangers, privilégient les préoccupations internationales au détriment des réalités locales. Les journalistes travaillent sous menace constante, sans protection réelle. L’investigation, en particulier sur des sujets sensibles comme la corruption, les mines ou les forces étrangères, est presque impossible. Des sujets uniques et importants restent inexploités faute de soutien, même s’ils pourraient avoir un impact international.
Une expérience, plusieurs éclairages
Mon stage chez Ouest-France, tant à Rennes qu’à Angers, a été une expérience enrichissante tant sur le plan professionnel qu’humain. J’y ai découvert un journalisme fondé sur la confiance, l’éthique, le respect du lecteur et l’engagement.
Je garderai cette expérience en moi comme une boussole pour mes futurs écrits, projets et combats. Car je suis convaincue que le journalisme, avant d’être un métier, est une responsabilité envers la vérité.
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