Entrées par Jean-Jules Lema Landu

Afrique : la guerre de l’eau sur le fleuve Nil

Les voix s’élèvent de partout, comme une incantation, pour parler de la crise prochaine de l’eau. Ce n’est plus un bruit de fond, perçu dans le cadre global du déréglément climatique. C’est maintenant, presque une affaire à part, que les médias mettent en relief. Vu son caractère va-t-en-guerre. Plusieurs points du globe seront touchés. Y compris l’Afrique.

C’est le New York Times, un quotidien américain, qui en parle le premier, début août.

Le journal s’est inspiré d’un rapport publié par World Resources Institute (WIR), basé à Washington, aux Etats-Unis. Cette organisation note “qu’à l’horizon 2030 un quart de la population mondiale connaîtra de graves pénuries d’eau et des centaines de millions de personnes seront exposées à un ‘stress hydrique’ extrême.”

Depuis, l’information, devenue virale, a été relayée par plusieurs médias. Ouest-France l’a évoquée dans son édition du 8 août.

En attendant cet avenir sombre qualifié de “jour zéro”, c’est-à-dire le jour où plus une goutte ne coulera du robinet dans bon nombre de pays, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan se regardent déjà en chien de faïence.

La pomme de discorde : les eaux du Nil

Le mauvais côté de ce long fleuve mythique (6.650 kilomètres) est le fait qu’il traverse dix pays africains, à partir de ses sources à l’est jusqu’au “delta du Nil”, en Egypte. Avant de se jeter dans la mer méditerranéenne. En amont et en-deçà du Soudan du Sud, c’est un fleuve bien tranquille. Tel n’est pas le cas, en aval.

Le partage de ses eaux suscite des vagues et crée une foire d’empoigne entre les trois pays déjà cités au-dessus. Il s’agit, pour chacun, d’un problème économique majeur lié à l’énergie hydroélectrique. Par ces temps marqués par le slogan “l’Afrique qui bouge”, chacun des trois pays se prévaut du droit à “puiser” dans le Nil pour son développement.

Le Nil : une mère nourricière

Pour l’Egypte, le Nil est considéré comme une mère nourricière. Depuis l’Antiquité. Le phénomène de crue habituelle, chaque année, pendant la saison sèche (été), couvrant toute sa vallée de limon noir (sédiment fertilisant), explique cette conception.

Mais, la construction du grand barrage d’Assouan (1960-1970) sur le fleuve et celle d’un lac artificiel-réservoir afférent (23 milliards de mètres cubes d’eau, au total), a posé le problème d’insuffisance d’eau.

Depuis, dans le “delta du Nil”, ce véritable grenier du pays, le blé ne pousse plus que chichement. Or, l’Ethiopie, en amont, s’est mise aussi en devoir, depuis 2011, de construire son barrage. Baptisé “Barrage de la Renaissance”, ce gigantesque ouvrage a vocation à devenir la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique. Avec une production de 6 000 mégawatts. La première fourniture d’électricité est prévue en 2022. Problème : son volume est évalué à 70 milliards de mètres cubes d’eau.

L’Egypte, qui dépend de plus de 85% en approvisionnement d’eau du Nil, craint de connaître une situation de désert. A l’affût, le Soudan attend son heure de revendication.

Pendant ce temps, les négociations sont en cours, en vue de rechercher une solution équitable entre les trois pays. Mais, celles-ci traînent en longueur.

Quelle serait l’issue de ce problème, au cas où un compromis n’était pas possible ? Les observateurs sont pessimistes, car l’Ethiopie semble ne pas vouloir lâcher prise. Laissant ainsi résonner, sans nuances, les bruits de bottes.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

RD Congo : à l’heure de la révolte populaire?

Lundi 26 août. Le gouvernement que vient de nous offrir la coalition FCC-CACH, après sept mois de discussions qu’on savait d’ailleurs byzantines, est tout, sauf un gouvernement de «changement». Un beau mélange de genres et d’«équilibres budgétivores», loin des intérêts du peuple. Lisez le document et tirez objectivement la conclusion.

C’est, pour beaucoup, un supplément de mépris et de provocations. On en est ainsi arrivé au point de penser et de dire comme Jean-Jacques Rousseau, subodorant les effluves de la Révolution française: «Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions».

Entre chimère et hold-up électoral, “l’élection en RD Congo est une honte”

Qui a dit qu’un soulèvement populaire ne se préparait pas? Pourtant, il ne tombe pas du ciel. Il se crée, en réaction aux actes politiques machiavéliques. Puis, un jour, comme une bombe à retardement, il éclate. Il en a été ainsi pour la plupart des révoltes urbaines. D’une manière ou d’une autre, celles-ci se tissent… en sourdine.

Mais, on ne peut pas parler de la vacuité de ce gouvernement, sans rappeler ses origines, ses racines pourries. Il est le couronnement d’un rare mensonge politique, qui remonte aux résultats d’élections générales de décembre dernier, dont tout était faux. Truqué et tronqué. Car, ce n’était pas Félix Tshisekedi qui a gagné la présidentielle. Ce n’était pas non plus le FCC qui l’a remporté au niveau des législatives. On a montré et proclamé plutôt une chimère.

Si, pour l’Eglise catholique qui y a déployé quarante-mille observateurs, le vainqueur se nommait Fayulu, avec près de 62 % des suffrages exprimés, le FCC, par hypothèse, ne pouvait prétendre gagner les législatives, avec près de 70 % des voix. Il y a là un sophisme, car cela ne pouvait être possible dans le même temps et, avec les mêmes électeurs. Retenons, tout simplement, pour clore ce chapitre d’hold-up électoral, la petite phrase lumineuse du milliardaire soudanais Mo Ibrahim: «L’élection en RD Congo est une honte» (Jeune Afrique, n° 3054, du 21 au 27 juillet).

Ainsi donc, dès le départ, on a transigé avec le faux. On a flirté avec la théorie du «moindre mal».

Voici, par ailleurs, ce que dit à ce propos le philosophe Hannah Arendt :


«Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal.»  


C’est en cela que réside le fond du problème actuel.

Par conséquent, l’Onu, l’Union africaine (UA) et les grandes nations de la démocratie occidentales, en ayant finalement accepté, à rebrousse-poil, la «nomination» de Tshisekedi par Kabila, ont clairement choisi le mal.

Y compris l’Eglise catholique du Congo, qui a renié l’Evangile dont un des enseignements est basé sur la vérité (Jean 8 : 32). La sagesse populaire en fait constamment référence, comme c’est le cas dans cette fameuse chanson en lingala de l’OK-Jazz, intitulée «Mabele, traduire ‘la terre’». Dans ce morceau lyrique, l’auteur exalte la victoire éternelle de la vérité : «Aucun fusil au monde ne peut ‘tuer’ la vérité», crie-t-il.

Un ours mal léché

A partir de là, on ne pouvait espérer récolter que ce que les «faux partenaires» ont semé. Le monstre que vient d’accoucher le FCC-CACH ne peut surprendre personne. C’est un enfant illégitime, un ours mal léché. Illégitime, au regard de sa «conception incestueuse», liée à un accord caché, malsain, dont personne ne connaît à ce jour la teneur; ours mal léché, à cause de son gigantisme obtus, qui, dans la répartition des postes ministériels, accorde au FCC tout ce qui constitue le substrat d’un Etat. Laissant l’accessoire à  son allié le CACH, qui d’ailleurs s’en accommode, puisque, c’est à l’aune de moins de 20 % réunis que Tshisekedi et son comparse Kamerhe ont obtenus à la présidentielle.

Quid? Voici un gouvernement qui comprend soixante-cinq ministres, quarante-deux pour le FCC et 23 pour le CACH! Du fait même de sa taille, il y a à déplorer l’hybris (la démesure) que les Romains considéraient comme un crime. On a rarement vu au monde une telle absurdité politique, sinon dans les Etats faillis, où le peuple ne compte pas. Au fait, le FCC s’empare de tous les ministères régaliens stratégiques: Défense, Fiances, Mines et Justice.

A cet égard, il ne jette dans l’escarcelle de son allié que deux postes régaliens. Dont l’un, celui du ministère de l’Intérieur, déjà vidé de sa substance, étant donné que tous les gouverneurs de province sont du FCC, ainsi que celui des affaires Etrangères, qui n’est en réalité qu’un ministère de représentation.

Il en est de même pour le reste de tous les maroquins classiques. Le CACH n’hérite que de «morceaux à problème», tels que les ministères de l’éducation et de la santé publique, tandis que le ministère du Portefeuille, autre levier de taille, puisqu’il s’occupe de la gestion des entreprises de l’Etat, va engraisser les dividendes du FCC.

C’est peu dire qu’un gouvernement aussi bancal ait non seulement la chance de bien fonctionner, mais aussi celle de bénéficier de l’onction du peuple. Ce peuple qui, pour sa majorité, s’est dévêtu peu à peu de  son illettrisme pour ne pas manquer de comprendre le fond des enjeux politiques du moment. Arque-bouté sur ses millions de bacheliers ainsi que sur ses ceux, très nombreux également, qui ont vu les lumières académiques, il est aujourd’hui vent debout contre ce régime qui l’a asservi. C’est une armée redoutable en réserve au sein de laquelle bouillonne la révolte. Il se tient en embuscade, en attendant que sonne l’hallali.

La coulée de larve

Les signes ne manquent pas pour l’illustrer. Au grand dam des sceptiques. Le premier fait à épingler est que la peur s’est évanouie, sous l’effet de l’acte même d’avoir rejeté vigoureusement le régime Kabila au niveau des urnes.

Jamais les manœuvres du «raïs» n’ont été autant mises à nu, au point de le dépouiller de tout aura, en tant que chef. Cette fois-ci, il a dégringolé de l’Olympe pour rejoindre tous les humains sur terre, où il est couvert du mépris frontal. Touchée au vif, Olive, la première dame, est descendue dans l’arène pour défendre son mari de «raïs». A travers les réseaux sociaux ! Imaginez Brigitte Macron, épouse du président français, faire un jour de même. C’est que la peur a changé de camp. Sans le faire apparaître, les membres du FFC sont dans l’angoisse.

Le deuxième élément, corollaire du premier jalon posé sur le chemin de la victoire, est que la jeunesse est prête à en découdre. En effet, c’est pour la première fois que les Congolais ont publiquement réclamé des armes pour combattre la dictature. Quand on a entendu la foule formuler cette demande, à cor et à cri, au cours d’un meeting de Fayulu à Kisangani, beaucoup croyaient rêver. Une première ! Autres temps, autres mœurs, dirait-on, sinon, une clameur aux accents autant «subversifs» aurait conduit plusieurs personnes à la peine capitale. Sans doute, ce bon exercice de la démocratie est-il à mettre à l’actif de Tshisekedi. Même si cela reste à nuancer. Depuis, cette revendication a fait tache d’huile. A l’intérieur du pays comme au niveau de la diaspora congolaise.


«C’est seulement par le risque de sa vie qu’on conserve la liberté» (Hegel)


Enfin, l’implosion, qui plane sur toutes ces plates-formes de circonstance, est déjà à l’ordre du jour. Y compris sur Lamuka. Nous allons assister, bientôt, à leur éclatement aussi brillant que bruyant. Les fissures qui y apparaissent promettent la coulée de larve. Pas étonnant. Telle est inévitablement la destinée de toute alliance contre-nature: éphémère, météorique.

Pour le FCC, «l’affaire Bahati» [l’homme qui a claqué la porte de cette plate-forme] n’est pas anodine. Elle constitue un signe annonciateur de démantèlement prochain de la forteresse. Certes, Bahati l’a fait, sans aller jusqu’au bout. Intimidé et menacé qu’il était, par la suite. Mais l’avantage est que cet exemple reste pour renseigner qu’au sein du FCC alternent cajolerie et cynisme. Que c’est un monde des brutes quand leurs intérêts sont mis à mal. Sans doute, d’autres membres du FCC l’imiteront-ils quand ils se seront rendu compte que «c’est seulement par le risque de sa vie qu’on conserve la liberté» (Hegel).

Ceux-là le feront avec beaucoup plus de détermination. «On ne reste esclave que quand on veut le rester», affirme Frantz Fanon. Et, aucun homme normal ne peut aspirer à l’esclavage… puisque le FCC est un «enclave  d’esclaves psychologiques».

Quant au CACH, on sait que la mésentente sur la répartition des maroquins est l’arbre qui cache la forêt. Il y a, en son sein, beaucoup d’empoignades feutrées, qui ont déjà suffisamment miné la base de l’édifice, construit à la hâte à Nairobi (Kenya). Citons, à titre d’exemple, la colère biblique des partisans de Tshisekedi  vis-à-vis de Kamerhe, son directeur de cabinet et allié, qu’ils accusent d’usurpation en prenant souvent des postures de nature à éclipser le chef de l’Etat. D’aucuns demandent son écartement. Ce n’est rien de moins que l’indication claire d’une obsolescence programmée de la baraque.

Reste Lamuka. Instituée déjà comme parti politique, la plate-forme est en sursis, malgré l’unité de façade qu’elle présente. On ne peut imaginer, un seul instant, que les trois caïmans que sont Bemba, Katumbi et Fayulu, maîtres des marécages si éloignés les uns des autres, puissent accepter de vivre sur un même rivage, sous l’autorité de l’un entre eux. Alors que chacun a l’ambition affichée d’être appelé «Monsieur le président de la République».

Chassez le shah

Ainsi, de fil en aiguille, nous voici à l’approche de «l’état de crise». D’un soulèvement populaire. Si la Révolution française avait des origines d’ordre social, économique et politique, elle ne se matérialisa pas moins à travers une grave crise sur l’augmentation du prix du pain entre 1787 et 1789 (+ 75 %). Avec un pic de colère du peuple par la prise de la Bastille, en 1789.  C’est presque dans les mêmes conditions que le Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, en Russie, fut pris d’assaut, en 1917.

Sous nos yeux, se déroulent en Algérie et au Soudan des événements similaires. Ils se sont vite mués en orage, qui a emporté deux dictateurs endurcis: Bouteflika et Al-Bachir. A l’origine, plus ouvertement liés à l’augmentation du prix du pain au Soudan, alors qu’en Algérie le phénomène se cachait plus ou moins derrière le refus du peuple de voir l’ex-président Bouteflika rempiler pour un cinquième mandat.

Enfin, en France -encore une fois-, les manifestations brutales des Gilets jaunes n’en sont qu’un autre versant lumineux, puisqu’il s’est agi de ceux qui n’arrivaient pas à nouer les deux bouts du mois.

Qu’en sera-t-il de la République Démocratique du Congo, sinon une violente révolte, où les trois quarts de la population vivent avec moins d’un dollar par jour, depuis plusieurs décennies?

Où dans l’Ituri profond (nord-est), on en est à manger des beignets à base d’argile?

Comment ne pas voir d’épais nuages s’amonceler sous le soleil congolais, sur cette République des faméliques?

Pour le peuple, à n’en pas douter, ce gouvernement n’est rien d’autre que la perpétuation du régime Kabila. Métamorphosé. Avec à sa tête un certain Sylvestre Ilunga Ilunkamba, un disciple inaltérable du «raïs». D’où la nécessité de passer par une révolte populaire, pour pouvoir en finir avec le «mal».

En finir avec le mal! Comme ce fut le cas, en Iran, en 1979. Le mal, ce fut le shah (roi) Mohammad Reza Pahlavi: tyran, prédateur, boucher, au même titre que Kabila. Il fut chassé du trône par la puissance de trois mots, en formule publicitaire: «Chassez le shah», contenus dans de simples cassettes audios, envoyées à Téhéran par l’ayatollah Khomeiny (en exil). Si l’empire persan, millénaire, fut emporté par ce moyen de communication à influence limitée, à combien forte raison l’empire, imaginaire, du «raïs» congolais, serait-il la proie facile vis-à-vis de la puissance que porte Internet, à travers les réseaux sociaux?

En écho, Francis Balle dans «Médias et sociétés» n’affirme pas moins que pour le moment ce sont «des médias qui redistribuent les cartes du pouvoir».

Si, hier, il y avait l’ayatollah Khomeiny, pour réveiller ses concitoyens, il y a, aujourd’hui, des milliers «d’ayatollahs Khomeiny-Congolais», à l’extérieur, pour secouer l’esprit du peuple congolais. La Toile en parle jusqu’à plus soif. Et puis, il y a ces exemples vivants et éclatants de révolte que donnent les Soudanais et les Algériens.

Chassez le «raïs» Kabila

Ailleurs, en Europe Occidentale, les lignes bougent: le populisme montre ses crocs et gagne du terrain; en Russie, Poutine ne dort plus sur ses deux oreilles, bouchées par des cris stridents réclamant la démocratie; en Asie, la question sur le Cachemire refait surface et met face à face deux Etats atomiques, à savoir l’Inde et le Pakistan, alors que Hong-Kong (mi-chinois, mi-occidental) proteste avec ses tripes dans les rues, pour défendre ses droits démocratiques, au point d’embarrasser Pékin; quant aux Etats-Unis, ils ont placé à leur tête un pyromane en chef, un certain Trump, qui se croit sortir de la cuisse de Jupiter et, de ce fait, dérange toute la vision classique du monde…

Tout cela, mis bout à bout, sonne le tocsin du bouleversement qu’engendre le «siècle des révolutions» de Jean-Jacques Rousseau, nouvelle version. Le Congolais n’est pas aveugle pour ne pas voir, ni sourd pour ne pas entendre, ni si ignare pour ne pas comprendre que c’est également à son tour d’entrer dans la danse. Il y est d’ailleurs poussé par une sorte de tropisme tentaculaire.

Pour ceux qui doutent encore de cet air du temps sous nos latitudes, prière de prêter l’oreille pour bien écouter, et d’ouvrir l’œil pour bien lire entre les lignes; des centaines de milliers de mots, soutenus par des images de toute sorte, qui sont déversés chaque jour contre le kabilisme, à travers Internet, se résume à cette formule subliminale: “Chassez le «raïs»Kabila”. Unique solution pour mettre fin à la «théorie du moindre mal» dans laquelle ce dernier puise encore ses dernières énergies.

RD Congo : un criminel au perchoir du Sénat

Tout se passe dans la logique de Kabila et de son FCC (Front Commun pour le Congo) de gagner tous les votes. Il y eut été étonnant, voire surréaliste, que Thambwe Mamba, candidat de la plate-forme fidèle à l’ancien chef de l’Etat, perde le scrutin pour l’occupation du perchoir du Sénat. Mais il l’a difficilement emporté par 65 voix contre 43 voix arrachées par Modeste Bahati Lukwebo, pour un total de 108 votants. Moins la voix de Kabila, absent à la séance. C’était le samedi 27 juillet.

Bahati Lukwebo est à féliciter avec un roulement de tambour, du fait que l’histoire retiendra qu’il aura été le premier homme politique à claquer la porte du FCC et à défier ensuite celui-ci à travers un vote.

En somme, l’ancien ministre de la justice, Thambwe Mamba, un des thuriféraires du premier cercle de Kabila, ne peut se réjouir d’un succès qui a tout d’une gloriole. Compte tenu de son âge (76 ans), de sa longue carrière politique, de sa richesse immense et de sa proximité avec le “raïs”, il aurait dû faire mieux que par cette victoire poussive contre un Bahati Lukwebo, décidé à monter sur le ring et à combattre presqu’à mains nues.

Au-delà de cette décision téméraire de Bahati Lukwebo, il n’y a pas à voir que la victoire du courage d’un homme qui s’est arrêté, en se disant “ça suffit”, mais la fragilité de l’édifice que Kabila est en train de construire pour se maintenir au pouvoir. L’acte du challenger de Thambwe Mamba  vient de démontrer que le FCC est une mosaïque constituée non pas de convictions politiques, mais plutôt d’illusions et de profits matériels.

Maintenant que la direction du Parlement est entièrement à la dévotion du “raïs”, aussi bien l’Assemblée nationale que le Sénat, que reste-il à faire par le FCC? L’expérience nous montre que Kabila et ses comparses ne font jamais rien au hasard. Toutes les étapes que la vie politique congolaise est en train de traverser, depuis la grande mascarade de la passation du pouvoir entre Kabila et Tshisekedi, sont réglées comme du papier à musique.

Les temps sont mûrs

La réponse est simple. Le nouveau cap pour le FCC est maintenant l’amorce d’un travail de sape pour faire tomber Tshisekedi. Jusque-là, celui-ci n’a fait que multiplier des erreurs, après avoir pensé que Kabila le laissera évoluer sans anicroche. Puisqu’il aurait été élu par le peuple, donc “président élu”, sa première démarche positive aurait été celle de s’émanciper de l’ancien président -rompre unilatéralement l’accord qui les lie. Il aurait, ensuite, cherché à démontrer que la majorité ainsi gagnée par le FFC, au niveau des législatives, était pure invention, sans aucune logique. Enfin, il se serait dépensé à faire cause commune avec Lamuka.

La formule aurait marché à merveille, puisque le peuple séparé par la mésentente des leaders, réconciliés, se serait réconcilié avec lui-même, à son tour, pour exiger le départ de Kabila. Au lieu de cela, Félix Tshisekedi a cherché le serrage de boulons de son siège éjectable à l’extérieur. Y compris au Rwanda et en Ouganda, dont le regard sur la situation en RD Congo, n’est pas du tout désintéressé. Que pourront faire ces pays contactés s’il arrive que le FCC décide le destituer? Rien du tout.

Or, tel est l’enjeu de la démarche entreprise par Kabila. Pour lui, c’est le pouvoir et rien d’autre. Et le chemin royal pour y parvenir, dans le contexte actuel, restait la mise en accusation et la destitution de Tshekedi par le Parlement. La suite passe comme une lettre à la poste : modification de la Constitution et élection d’un nouveau président par le Sénat. En la personne de Kabila.

Sur le papier ou dans l’imagination, tout cela semble facile à se réaliser. Mais, c’est sans compter, désormais, avec un effet de criquet : le peuple dont le FFC ne tient aucunement compte. Car, le peuple congolais de 2018 -qu’on nous le conteste ou non– n’est pas celui de 2019. En témoigne l’attitude homérique de Modeste Bahati Lukwebo. Par cette brèche s’engouffreront, sûrement, plusieurs autres kabilistes repentis. Mine de rien, les temps sont comme mûrs!

Les temps sont comme mûrs, puisqu’à consulter “les réseaux sociaux”, les cris d’orfraie montent de partout, en RD Congo, et même en Afrique, pour moquer l’occupation du perchoir du Sénat par un criminel de guerre. En effet, Thambwe Mwamba est accusé de ce forfait par un juge belge.

Afrique : le Bénin, la démocratie et le millionnaire

La plupart des chefs d’Etat africains accèdent à cette fonction flamboyante sans un sou vaillant. D’autres, souvent diplômés, sont  issus des classes sociales les plus démunies. Compréhensible qu’à  leur arrivée au pouvoir, ils cherchent à s’enrichir avec un rare cynisme. Tout en se rêvant “califes”. Et, ils y parviennent d’autant plus facilement qu’ils érigent la corruption en système de gouvernement.

On se faisait à l’idée, à tort, que le jour où les gens riches passeraient au pouvoir, on assisterait à la naissance de la démocratie. A la confirmation de nos indépendances creuses. Et à la fin de cet état de pauvreté endémique qui nous accable. Il est vrai que l’expérience, dans ce sens, ne comprend qu’un exemple concret, celui du Malgache Ravalomanana (2002-2009), un millionnaire dans l’agro-alimentaire dont le résultat de la gestion reste mitigé. Pour le reste, il s’agit des gouvernants qui se sont enrichis, en faisant main basse sur le trésor public.


Pour le reste, il s’agit des gouvernants qui se sont enrichis, en faisant main basse sur le trésor public.


Pourtant, des hommes riches irréprochables existent. Des personnes qu’on a vues partir de rien, mais qui, à la force du poignet, sont parvenues à s’asseoir sur des grosses fortunes. Trois d’entre elles sont récemment venues à la politique active, et occupent le sommet de l’Etat, par les urnes: le Malgache Andry Rajoelina, 45 ans, janvier 2019 ; le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, 66 ans (ancien syndicaliste), février 2018 ; et le Béninois Patrice Talon, 61 ans, avril 2016.

Des espoirs “talonnés”

La démocratie au Bénin, laquelle, avec quelques autres rares régimes démocratiques ont la côte, en Afrique, est aujourd’hui mise à mal par Patrice Talon. Pour autant, l’actuel chef de l’Etat est un demi-milliardaire. Un homme d’affaires avisé et instruit, qui a fait fortune dans la filière d’intrants agricoles et d’égrenage du coton. Il figure au 15e rang  de plus grandes fortunes d’Afrique subsaharienne francophone, avec un patrimoine évalué par la revue Forbes 2015, à plus de 400 millions de dollars.


Or, depuis son arrivée, à la tête de l’Etat, le Bénin s’embrouille dans une dérive autoritaire inquiétante: le président décide seul.


Or, depuis son arrivée, à la tête de l’Etat, le Bénin s’embrouille dans une dérive autoritaire inquiétante: le président décide seul. Ainsi élabore-t-il des propositions de loi scélérates, rejetées en bloc par le Parlement, à l’origine d’un climat constant de tensions et d’affrontements mortels.

Enfin, il concocte une nouvelle charte des partis politiques, qui exclut les formations de l’opposition d’élections législatives, en avril. Sauf deux formations à sa solde. C’est le bouquet ! S’ensuivent protestations et répressions dans le sang … jusqu’à imposer manu militari interdiction à l’ancien président Boni Yayi (2006-2016) de sortir de chez lui pendant 50 jours.

C’est le triomphe de la dictature, puisqu’en dépit de toutes les désapprobations émises par les instances africaines, le Parlement monocolore de Talon continue de fonctionner. Au vu et au su de tout le monde.

Talon a “talonné” les espoirs des Béninois qui l’on voté, en croyant que la toute-puissance de l’argent avait forcément une influence positive sur l’homme. Espoirs douchés également pour toute l’Afrique, médusée, se demandant à quel saint se vouer pour le salut.

En tout cas, qu’ils soient incultes, bien formés en France (c’est le cas de l’Afrique de l’Ouest) et aujourd’hui millionnaires, ils sont tous pareils nos chefs d’Etat. Et, les diplômés – le Guinéen Alpha Condé en est un – pires que les bruts!

La “dépouille mortuaire-épouvantail” d’Étienne Tshisekedi

Si Etienne Tshisekedi, cet homme de conviction, faisait peur à ses adversaires politiques, de son vivant, il l’a fait autant, sinon plus, à travers sa dépouille mortelle, deux ans après sa mort. Non seulement à la “kabilie” (cf Kabila), mais aussi au camp de son propre fils, Félix, l’actuel chef de l’Etat de la RD Congo. Détail quasiment occulté.


“Charogne de serpent fait toujours peur”, dit un adage bantou.


La démonstration de cette thèse n’appelle pas forcément une longue rhétorique, rompue aux règles de la dialectique. Elle est simple.

Tout est lié à la mort du leader, Etienne Tshisekedi, à Bruxelles, le 1er février 2017.

On attendait beaucoup de lui pour le dénouement du dialogue politique, parrainé par l’Eglise catholique. En vérité, dans le camp de Kabila, on ne s’était pas attristé de ce décès.

Dans une guerre, la mort du principal chef militaire induit souvent la débandade de ses troupes. Le constat est amer au niveau de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Première force de l’opposition (à l’époque) au régime dictatorial de Kabila, celui-ci s’est mis à la dépecer, jusqu’à “apprivoiser” Félix Tshisekedi.

L’UDPS, qu’on le veuille ou non, est aujourd’hui en lambeaux. L’attitude des militants déboussolés, dans lesquels réside encore le cœur battant du parti, en dit long. Nous aurons l’occasion de le démontrer avec force détails dans notre prochain article: “RD Congo : le ferment d’une révolte populaire”.

Ironie de l’Histoire congolaise

Cette paralysie de toute l’opposition, après ce qu’il est convenu d’appeler l’ “Accord de la St-Sylvestre”, est la raison pour laquelle le corps d’Etienne Tshisekedi est “resté orphelin” pendant plus deux ans à la morgue à Bruxelles.

La “kabilie” en avait effroyablement peur. Dans son fantasme de voir des millions des Congolais sortir, à Kinshasa, pour honorer la dépouille mortelle du “Sphinx de Limite”, et transformer vite la circonstance en révolte populaire, le pouvoir aujourd’hui “échu” s’était chaque fois arrangé pour repousser le rapatriement du corps aux calendes grecques.

Ironie de l’histoire : depuis janvier, c’est son fils qui est devenu Président de la République. Felix Tshisekedi, fils d’Etienne, obtient donc le pouvoir supreme. Les Congolais se sont mis illico presto à espérer, car pour la plupart d’entre eux, feu Tshisekedi était un véritable combattant de la démocratie, un “bwana mkubwa” (un grand monsieur, en kiswahili), après Lumumba.

Son corps devait vite d’être rapatrié au sol qui l’a vu naître, et y être enterré avec des honneurs dus au rang des “Grands”. En France, il aurait été conduit, sans nuances, au Panthéon.

Qu’a-t-il fait, Félix Tshisekedi, à ce propos ?

Une opération en deux temps, trois mouvements.

Les premiers signes négatifs sont partis d’un document confectionné et signé par son chef de cabinet, Vital Kamehre. Un document vague, qui évoquait surtout des chiffres, astronomiques, sur la dépense liée aux obsèques. Or, la stature du défunt devait appeler, pour ce faire, la décision du Parlement congolais. Un acte qui devait être gravé dans les annales de la République. Pour quelle raison s’était-on précipité à réaliser vaille que vaille ces funérailles, qui devaient recevoir, au préalable, une onction de la Nation? Cherchait-on à engranger simplement des effets d’annonce? Ou avait-on véritablement peur? L’actuel chef de l’Etat et son “emblématique” chef de cabinet ont, en quatre mois de gouvernance, accumulé des erreurs d’amatérisme du genre: “M’as-tu vu?”.

Pour des actes sans importance, au regard des défis à relever que pose le pays. Que penser, par exemple, de l’image médiatisée à outrance de Félix Tshisekedi inaugurant la construction d’un pont vicinal, sinon associer celle-ci à un chef d’Etat protocolaire, assigné uniquement à “inaugurer les chrysanthèmes?”.

Avec cette dépouille mortuaire, tout pouvait arriver

Cette parenthèse fermée, revenons à la dépouille mortuaire qui a fait peur à tout le monde.

Il y a deux ans, à la “kabilie”, et hier, au camp de Félix. Que s’était-il passé, à Bruxelles, mardi 28, à propos de l’avion?

A ce jour, l’imbroglio est resté total.

On parle de plusieurs choses, à la fois : c’est un gros appareil qui devait transporter plus de cent personnes (qui s’était volatilisé) ; la facture du propriétaire de cet avion n’aurait pas été honorée ; finalement, c’est un avion plus petit, dont on ne connait pas le propriétaire, qui a solutionné la question. Certaines informations ont cité le Togo ou le Gabon comme pays amis bienfaiteurs.

L’avion a décollé de Bruxelles, jeudi 30 mai à 11h25. Pour atterrir à Kinshasa à la nuit tombante. Interrogés, au sujet du retard, les responsables politiques belges ont décliné toute responsabilité.

Tout compte fait, et avec le recul du temps, il n’est pas vain de voir que quelque chose à cloché sur le rapatriement de la dépouille mortelle de Tshisekedi. Un véritable nœud gordien! Y avait-il intention, pour les autorités en place à Kinshasa, que certaines étapes du programme tracé constituant la haie d’honneur soient “brûlées”, puisqu’elles étaient potentiellement périlleuses?

Imaginez une foule de centaines de milliers de gens, agglutinés sous le soleil équatorial, criant et courant tout autour du cortège funèbre! Tout dans pareil cas pouvait arriver. Une déferlante qui aurait l’opportunité de tout emporter sur son passage: la “kabilie” et tous ses alliés, c’est-à-dire Félix Tshisekedi, Kamerhe et consorts.

Une “dépouille mortuaire-épouvantail” qu’on a maîtrisée, à travers mille et un calculs savants, en choisissant notamment son débarquement, de nuit, à Kinshasa-La-Rebelle. Pour faire court, disons qu’il y a eu plus de peur que de mal. Heureusement. Paix éternelle à ce grand combattant de la démocratie. C’était un deuxième Lumumba, à sa manière. Quoi qu’on en dise!

Confusion artistique au sommet de l’Etat congolais : tous masqués et perdants !

Des images contradictoires, futiles à souhait. Du sur-place politique. Au sommet de l’Etat, trônent deux présidents de la République, le premier visible (sans pouvoir), le second masqué (détenant illégalement l’imperium). Le tout rehaussé, en théâtralité, par un début d’éclatement du parti d’opposition LAMUKA. Voilà ce à quoi assiste le peuple congolais, depuis la “passation du pouvoir civilisée” entre Kabila et Tshisekedi. Il y a plus de trois mois. Au total, un vrai flou artistique !

Entre-temps, les cent jours probatoires pour le nouveau chef de l’Etat se sont consommés. Sans roulement de tambour. Quant au gouvernement, on continue de chercher le fil d’Ariane indispensable pour le tirer des labyrinthes de Kingakati (capitale politique des kabilistes). Tout cela sur le dos du peuple, qui en bave.

Quel est donc le problème de gouvernance en République Démocratique du Congo ?

Qu’est-ce qui enraye la machine, justifiant ainsi les allégations de ceux qui pensent que, globalement, c’est à cause des accords scélérats signés entre Kabila et Tshisekedi que tout va à vau-l’eau.

Dans cette vision -généralement partagée par nombre d’observateurs objectifs-, il y va des choses qui paraissent simples à celles qui relèvent d’une importance capitale : d’un président de la République logé en dehors du palais présidentiel, par exemple, au blocage de la nomination d’un Premier ministre et, dans la foulée, de la mise en place d’un gouvernement pour le fonctionnement normal du pays.

Marché de dupes

Une simple observation, par rapport au dernier point, suggère que les dessous de l’accord passé entre Kabila et Tshisekedi porteraient sur des intérêts divergents. Non avoués au moment ultime de la signature.

Si tel est le cas, il y a entre Kabila et Tshisekedi, un véritable dindon de la farce. Une dupe. Un jeu de “tel est pris, qui croyait prendre“. La formation du gouvernement achopperait à cette difficulté.

Sinon, la ruse de Kabila aurait préparé, à l’avance, ce scénario pour donner le change et faire croire à l’opinion que CACH a son mot à dire sur le déroulement des affaires.

Pendant ce temps, Kabila prend le plaisir de se lover dans un palais présidentiel où il n’a plus le moindre droit de séjourner, continuant à se regarder dans un miroir brisé, qui lui renvoie sa propre image brisée à laquelle il ne veut pas croire.

Pourtant, c’est cela la réalité de la situation qui prévaut. Il y a eu un “après Kabila”, en dépit de la démonstration de force qu’il continue d’étaler.

Par exemple, convoquer “tous” les gouverneurs de province à Kingakati, sa ferme privée.

 

Alors, Tshisekedi “partenaire” de Kabila ou pas ?

Difficile à dire, pour le moment, en attendant que les masques tombent. Car, il n’y a pas que Kabila, dans cette pièce théâtrale tragi-comique, qui porte le masque ; Tshisekedi en porte un, également, quand il reste muet sur le contenu des accords qui le lient à Kabila.

Or, ces accords ayant un caractère secret ne seront pas connus de sitôt, faisant en sorte que Tshisekedi est aussi masqué, vis-à-vis du peuple.

L’Eglise se rétracte

Contradictions polluantes au sommet de l’Etat, mais contradictions également à l’extérieure de la sphère officielle du pays. L’Eglise catholique, appui indéfectible de la “vérité des urnes”, se rétracte aujourd’hui avec force philosophie, en soufflant le chaud et le froid. Confirmer la “vérité des urnes” et, dans le même temps, accepter “d’accompagner le faux” est troublant.

Plus troublant quand le mot “vérité” traverse les pages de la Bible en se déclinant de plusieurs manières, et surtout lorsqu’elle évoque l’épître de Paul à Timothée, en parfaite corrélation avec la situation politique actuelle du pays :

Je t’écris ces choses, avec l’espérance d’aller bientôt vers toi, mais afin que tu saches, si je tarde, comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Eglise du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité” (1 Tim. ch. 3 : 14-15).

Le mot vérité est employé ici autant dans son sens général que dans celui qui voudrait prouver l’existence de Dieu.

En prenant l’attitude de mi-figue, mi-raisin, l’Eglise catholique du Congo se soustrait à ses responsabilités, alors qu’ailleurs c’est cette Eglise-là qui se place “au milieu du village” pour libérer la vérité.

L’Amérique latine nous en donne un exemple éloquent et, singulièrement, le cas de Cuba.

L’Eglise romaine y a mis du sien pour arriver à favoriser l’assouplissement du régime communiste tortionnaire, en matières de droits de l’homme. Les deux derniers papes (Jean-Paul II et Benoît XVI), y compris François actuellement à la tête du Vatican, y ont tous séjourné et, dans la foulée, des prisonniers politiques ont été libérés.

La vérité a triomphé sur l’obscurantisme entretenu pas le régime communiste vis-à-vis des droits humanitaires.

On y découvre le sens épanoui de cette expression “l’Eglise au milieu du village”, hélas galvaudé pour des raisons diverses.

La communauté internationale n’est pas claire

La communauté internationale, quant à elle, a également versé dans l’ambiguïté. Et, spécialement, les Etats-Unis de Trump : ils confirment que le résultat des élections “n’est pas conforme à la volonté du peuple congolais”, tout en acceptant d’accompagner le président non élu.

Dans la galère, il y a aussi la présence d’un certain Joseph Kabila, et, la cerise sur le gâteau, c’est ce dernier qui est le capitaine du bateau!

Faut-il admettre que cette dichotomie exprimée à la fois par l’Eglise catholique et les Etats-Unis résulterait d’une approche qui privilégie la notion de “fait accompli”? Tout en sachant qu’une telle délibération n’est qu’une fuite en avant, qui laisse derrière elle un problème non résolu?

Pour la communauté internationale, la compréhension y est aisée, elle qui ne jure que par le nom de ses intérêts. Mais, il est malaisé de comprendre la volte-face de l’Eglise. Son attitude aurait été moins choquante, si elle s’était résolue à garder le silence.

 

Faux et usage de faux

Qu’en conclure ? La réponse est des plus faciles. Depuis 1960, date de l’indépendance, la “Maison Congo” n’a jamais eu de fondement.

Et, aujourd’hui plus qu’hier, elle ressemble à une baraque construite sur le sable, destinée à être emportée par le vent, à tout bout de champ.

Jamais au monde élections n’ont été autant torpillées, suivies d’une période postélectorale aussi embrouillée. Comment imaginer, un seul instant, dans ce cas précis, que le pays sera gouverné, alors qu’il est assis sur le “faux et usage de faux “?

Et, c’est à cet horizon déjà suffisamment brouillé que la plate-forme LAMUKA, qui incarnait plus ou moins les espoirs du peuple, donne les signes d’éclatement. Petit à petit la sirène des ambitions personnelles a fini par vaincre les nobles idéaux portés par ce regroupement politique pour la libération du peuple congolais. Demain, on le verra bien, chacun des leaders de LAMUKA jouera sa propre partition. Ces gens, dans leur ensemble, sont masqués et seront tous perdants! Au grand dam de l’avenir du pays.

Kabila “Père de la démocratie congolaise” et l’esclave congolais

Il y a quelque chose, dans le théâtre de la politique congolaise, qui évoque la Rome antique. En ce temps-là, il y avait une arène, des gladiateurs “duellistes à mort” et des spectateurs. Dans la formule où les deux gladiateurs étaient des esclaves  et se battaient pour recouvrer la liberté, à condition que l’un tuait l’autre, le combat était des plus violents. L’initiateur de cette scène macabre en était l’empereur, hilarant. Pour son amusement.

Le calque n’est pas loin de ce que la scène politique congolaise nous offre.

Il y a un empereur : Joseph Kabila. Avec ceci de différent qu’ici, l’empereur n’est pas d’humeur à la rigolade ; il veut établir une dynastie, avec l’aide des clercs esclaves qui l’entourent, aveuglés par des privilèges. 

Tsisekedi et Fayulu esclaves ? Peut-être.

L’un pour avoir avoué publiquement être “partenaire de l’empereur”, l’autre pour avoir été vaincu (même par la voie de la fraude). “Vae victis”, “malheur aux vaincus”, disaient les mêmes Romains.

A l’instar de tous les dictateurs, Kabila observe. Il découvre avec stupéfaction que l’élite intellectuelle congolaise est “bêtement bête”, selon l’expression de Frantz Fanon.

De cette première certitude, il en acquiert une seconde, par déduction : “Parce qu’ils sont bêtes, ils peuvent facilement devenir des esclaves bêtes“, se persuade-t-il. (Or, l’Histoire nous apprend, pourtant, que l’esclave était esclave, mais il n’était pas bête).

Enfin, pour parvenir à ses fins, il applique, à la lettre, un des principes machiavéliques: “Se faire craindre plutôt qu’être aimé…”. Kabila inspire effectivement la peur à son entourage, et partant, au peuple.

Tel César, Kabila s’amuse beaucoup 

Le résultat, pour l’autocrate, est épatant. Il réalise, un peu en philosophe -et c’est la dernière étape de son approche-, que l’élite intellectuelle congolaise “a perdu le feu de l’âme”, cette flamme qui constitue, en fait, la fierté d’être un homme.

Il en tire donc profit -à travers la corruption-, jusqu’en à faire des orduriers dans lesquels il crache, sinon des “esclaves bêtes”, qui lui obéissent au doigt et à l’œil. Quand il dit à l’un : “Va”, et il va ; lorsqu’il dit à l’autre : “Viens”, et il vient. A un autre encore: “Fais ceci ou cela”, et il le fait.

L’âme damnée de la “kabilie”

Et, il en est ainsi de tous les thuriféraires, qui croupissent de bassesse dans sa cour. Ils sont là, à ramasser à la pelle comme des champignons, après la saison des pluies. A compter des nobles les plus proches de “Sa majesté”, jusqu’aux sous-fifres, rompus au jeu des bakchichs.

Mais la vraie âme damnée de la “kabilie” ou “fonctionnement du régime de Kabila” est un certain Néhémie Mwinlanya Wilonja, chef de cabinet du chef de l’Etat, juriste et professeur des universités.

A ses côtés, se bousculent pour rendre service au “raïs”, Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique, licencié de littérature et des sciences politiques, Thambwe Mwamba, ministre de la Justice, licencié de sciences politiques et consulaires, juriste et Ramazani Shadary, le “dauphin”, licencié de sciences politiques et administratives. En dehors de Mwinlanya, les deux autres vassaux sont originaires de la province du Maniema, terres de Mama Sifa, la mère de Kabila.

C’est l’attelage qui constitue le cœur battant de la “kabilie”, selon les desideratas et les humeurs du chef. Le mot “raïs” dont Kabila est affublé aujourd’hui (mot arabe signifiant “chef”) est sorti, pour la première fois, de la bouche de Néhémie Mwinlanya, tout comme récemment, le titre de “Père de la démocratie congolaise”. Il en fut ainsi de Mobutu, à qui tous les titres de gloire de la planète furent attribués. Voilà comment les Congolais “fabriquent” eux-mêmes leurs dictateurs. Initiative d’une poignée de flagorneurs dépravés, au sommet de l’Etat, dont les conséquences enchaînent le peuple entier.

Qu’il s’agisse du temps de règne de Mobutu ou de celui de Kabila, une question taraude l’esprit : comment imaginer ceux qui ont reçu les “lumières académiques”, pour éclairer le monde, puissent en arriver à penser et à agir comme s’ils étaient enfermés dans l’obscurité de l’illettrisme ?

Comment en arriver jusqu’au stade aberrant de signer un “acte d’allégeance” envers Joseph Kabila?

Ni Hitler ni Staline ne l’ont exigé à leurs collaborateurs. Et, même, c’eût été le cas, ces derniers l’auraient fait dans le cadre du triomphe d’une idéologie, à laquelle ils croiraient dur comme fer. Et non pas par esprit de servilité. Par esprit d’esclavage.

Des enchaînés de la caverne

Les leaders politiques du FCC, plate-forme politique de Kabila, revoient à “l’allégorie de la caverne” de Platon. On y voit des gens enchaînés et immobilisés dans une “demeure souterraine”, par opposition au monde à la surface, où il y a la lumière du soleil qui symbolise la “connaissance du Bien”.

Le processus d’élections qui vient de se dérouler en RD Congo, manipulé honteusement par le dictateur et son camp, prouve que ce groupe de gens a tourné le dos à l’entrée de la caverne. Donc, à la possibilité de voir la lumière et le “Bien”. Avec pour conséquence, la continuation de l’existence de la dictature et de l’esclavage. Ce dernier mot pouvant se définir également par “personne soumise à un pouvoir arbitraire”. Le peuple congolais est en esclavage.

C’est à partir de cette réflexion que Félix Tshisekedi et Martin Fayulu entrent en scène, parce que l’un et l’autre, par nature, sont des leaders de l’opposition. De ce fait, supposés être différents de cavernicoles kabiliens. Qu’en est-il ? L’un a pactisé avec Kabila pour devenir président de la République, par “machination”.

L’autre a été démocratiquement élu président, mais exclu du pouvoir par la force, confirmant ainsi le propos de Trotski, qui disait que “tout  Etat est fondé sur la force”. Plutôt, ici, il s’agit de la violence. De la tromperie. Le premier (Tshisekedi) ne règne ni ne gouverne, car l’impérium appartient toujours au satrape “masqué” ; le second (Fayulu), avec en main “l’urne de la vérité”, défloré, qui commence à peu attirer l’attention.

Tshisekadi et Fayulu, tous deux esclaves? A des paliers différents, tous deux esclaves. Le premier a oublié qu’en mangeant avec le diable, il fallait se munir d’une longue fourchette pour ne pas être attrapé par la main. Il risque de rejoindre les cavernicoles ou d’être supprimé ; le second pour avoir refusé de siéger, en qualité de député national, se réclamant “président élu”, de droit.

La kabilie ne laissera jamais qu’il le devienne. Dans ce cas, il rejoindra la masse silencieuse, esclave, elle aussi, par extrapolation.

Si, dans cette situation, il prend le parti d’arborer le pavillon de la contestation, il sera jeté en prison ou liquidé, par son “frère d’armes” Tshisekedi. Au pouvoir sans pouvoir. L’image des gladiateurs duellistes se justifie, mais avec une entorse : ici, le gladiateur vainqueur restera esclave. A Moins que les spectateurs (le peuple) s’élèvent pour “dégager” l’empereur comme c’est le cas en Algérie et au Soudan. Peut-on y croire ? Sinon, Kabila poursuivra son projet, bien ficelé, de régenter la  RD Congo ad vitam aeternam. Tout y est fait : son Sénat, son Assemblée nationale, ses Provinces sont là pour saborder la République.