Entrées par Jean-Jules Lema Landu

Afrique de l’Ouest : ces élections qui tuent l’espoir

Dans les pays développés, démocratiques, et dans la plupart de ceux qui aspirent à l’être, les urnes constituent une sorte de blanchisserie de la démocratie. Elles « nettoient » et accouchent, en principe, du propre pour donner des nouveaux habits à la République, un nouvel élan. C’est tout le contraire pour l’Afrique qu’elles habillent d’un accoutrement cachant contestations et violences meurtrières. En témoignent, singulièrement, les résultats de récentes élections au Niger, en Guinée Conakry et en Côte-d’Ivoire.

Pendant quasiment une semaine, Niamey, capitale du Niger, et plusieurs autres villes du pays flambaient de colère. On chahutait, on bousculait, on incendiait maisons de particuliers et bâtiments publics. Avec des morts à la clé. Et pour cause. Tout était parti, mardi 23 février, par la publication des résultats du deuxième tour de la présidentielle, remporté sans contexte par Mohamed Bazoum. Selon ces résultats, celui-ci avait récolté 55,75 % des voix, face à son rival de l’opposition, Mahamud Ousman, avec 44,25 % des suffrages.

Pourtant, le président sortant, Mahamadou Issoufou, avait écarté du chemin la pierre d’achoppement consistant à modifier la Constitution pour un « troisième mandat ». Astuce permettant aux présidents en place de se maintenir au pouvoir, mais ayant pour conséquences de générer des mouvements de protestations violents. Tout était donc fondé pour assister, cette fois, à des élections paisibles. On avait vite oublié que les désordres post-électoraux, en Afrique, étaient la règle et leur contraire l’exception.

Or, en novembre et en octobre derniers, il y a eu élection présidentielle, respectivement en Côte-d’Ivoire et en Guinée Conakry. Les présidents des deux pays ont procédé à une modification de Constitution pour un « troisième mandat » et se sont, de ce fait, maintenus à leur fauteuil. Mais, sur fond des crises pré et post-électorales, émaillées de brutalités : destructions de biens publics et bains de sang. L’opinion tant locale qu’internationale l’avait décrié à tue-tête, et on avait cru que cela était suffisant pour servir d’exemple au Niger. Bernique !

Manifestation contre la modification de la Constitution en Guinée, le 24 octobre à Conakry – Crédit : Aboubacarkhoraa

Les deux exemples laissent perplexe. En Côte-d’Ivoire, après avoir publiquement promis de quitter le pouvoir, le président Ouattara est spectaculairement revenu sur sa décision. Or, il est à classer parmi ce que l’Afrique a de meilleur, en termes d’élites intellectuelles. Il a renié la parole donnée, qui a valeur de serment. Sans scrupule. Il en est de même du président guinéen Alpha Condé, professeur des universités, y compris à la Sorbonne. Il s’accroche au pouvoir, à plus de quatre-vingts ans d’âge, après avoir lutté, lui-même, des décennies durant, contre l’aspérité des dictatures guinéennes.

Comment penser, dans ce contexte de proximité de temps (en l’espace de cinq mois) et de position géographique (le Niger est même voisin de la Côte-d’Ivoire) que ces attitudes de responsables politiques ivoiriens et guinéens, et des événements qui y sont liés, n’aient pas eu un impact sur le plan mental des Nigériens votants ? N’avaient-ils pas vu, instinctivement, une « main frauduleuse » dans les résultats d’élections organisées par un alter ego de l’Ivoirien Ouattara et du Guinéen Condé ?

Il y a, à cet égard, un problème fondamental de confiance, qui va continuer de se poser pendant longtemps encore entre les dirigeants africains et leurs peuples, dont la maturité politique ne cesse de croître.

Par Jean-Jules LEMA LANDU, journaliste congolais, réfugié en France


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Covid-19 : l’Afrique en passe de lâcher prise?

Nombre d’observateurs prévoyaient les ravages du Covid-19 en Afrique. Ces prophéties ne s’étant pas réalisées totalement, les Africains ont cru disposer, à leur avantage, de jours moins lugubres que d’autres continents. Ils pensaient qu’il en serait ainsi, jusqu’à la disparition totale du virus. C’était sans compter avec la capacité de celui-ci à revenir par vagues successives et à muter. Et, même, pourquoi pas, à resurgir un jour ici et là, comme c’est le cas d’Ebola.

Nombre d’observateurs prévoyaient les ravages du Covid-19 en Afrique. Ces prophéties ne s’étant pas réalisées totalement, les Africains ont cru disposer, à leur avantage, de jours moins lugubres que d’autres continents. Ils pensaient qu’il en serait ainsi, jusqu’à la disparition totale du virus. C’était sans compter avec la capacité de celui-ci à revenir par vagues successives et à muter. Et, même, pourquoi pas, à resurgir un jour ici et là, comme c’est le cas d’Ebola.

Effectivement, pendant qu’on déplorait, dans les pays du Nord, des dizaines de milliers de personnes infectées et de milliers d’autres mortes, en Afrique subsaharienne, en revanche, le Covid-19 était comme inhibé. Et l’occasion faisant le larron, les charlatans, pour leur gloriole, qualifiait le virus d’une vue de l’esprit. Alors que le président tanzanien, John Magufuli, y ajoutant de son grain de sel, invitait son peuple à éviter tout produit pharmaceutique et à le remplacer par une prière fervente. Le sophisme marquait des points!

Pendant ce temps, le virus, lui, continuait son œuvre destructive. En Occident, la crise sanitaire devenait incontrôlable. Au point que quelques sociologues et philosophes, à cause des statistiques effrayantes de personnes atteintes ou mortes de la maladie, commençaient à voir le spectre de la peste noire asiatique, en 1330. Ou celle plus proche de nous, la peste espagnole, en 1918. Des crises ayant emporté des millions de personnes. La peur gagnait en intensité.

Les carottes étaient cuites

Aujourd’hui, la preuve de ce sentiment est là. À titre d’exemple, la France a enregistré jusqu’au 02 février 2021, 76 512 décès, tandis que la Grande-Bretagne en comptait 106 564.

Frémissements en Afrique ? Sans doute. La brutalité de la réalité était telle que toute superstition se rétrécissait comme peau de chagrin. Le nombre des morts ici et là commençait à inquiéter, malgré le fait que beaucoup ne croyaient pas à la fiabilité des statistiques, pourtant données par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon cette organisation, en août 2020, soit cinq mois après la manifestation de la pandémie, l’Afrique comptait 21 000 décès pour un million des cas confirmés.

Les carottes étaient donc cuites pour le continent noir, en dépit des mesures prises par les gouvernements dans le cadre de la réponse sanitaire. En ce début du mois de février 2021, l’OMS recense 3 569 145 cas confirmés pour 90 955 décès. L’impact économique, selon le cabinet britannique Brand Finance, s’élève à 50 milliards.

Quelle sera la situation de ce continent, à l’économie précaire, devant la violence de la deuxième vague du Coronavirus déjà présente ? Qui plus est, il semble que les « conditions naturelles » le protégeaient jusque-là sont en train de lâcher prise. Et, une faiblesse en plus pourrait lui être fatale. A moins que les vaccins en cours d’utilisation soient une bonne solution pour lui. 

 

Jean-Jules LEMA LANDU

Journaliste congolais, réfugié en France.


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Afrique – Kenya et Malawi annulent le résultat des présidentielles

Pour cause de fraude électorale, la Cour suprême du Kenya a pris la décision osée, le 1er septembre 2017, d’invalider le résultat de la présidentielle, organisée un mois auparavant. Une première en Afrique! A son tour, le Malawi vient de sauter le pas. Intrépide, la Cour constitutionnelle de ce petit pays d’Afrique australe s’est autorisée d’annuler, ce 3 février 2020, le résultat de la présidentielle effectuée en mai 2019. Pour le même motif que celui qui avait dicté le renvoi du vote au Kenya.

Comme à l’accoutumée, c’est le président sortant, Peter Mutharika, qui l’a emporté avec 38% des suffrages devant son principal opposant Lazaru Chakwera. 

L’annulation de l’élection présidentielle au Kenya

Victoire biaisée, a aussitôt crié l’opposition, qui a protesté et manifesté sans relâche dans les rues de la capitale, Lilongwe. Et à travers elle, les provinces du pays.

Obligée de revoir sa copie, et placée devant certaines évidences sur la fraude, la Cour constitutionnelle a simplement annulé le scrutin. Elle en a requis un nouveau dans 150 jours. Poser des tels actes judiciaires, en Afrique, où la dictature se cache derrière les démocraties tordues, n’est pas du tout anodin.

A titre d’exemple, c’est dans une auto blindée que les juges se sont rendus au siège de l’institution, à Lilongwe. Aidés en cela par une partie de l’armée malawite, dite «progressiste».

Est-ce là des signes donnés pour briser la glace ? Devra-t-on s’attendre à une réaction en chaîne ? Questions pertienentes, la réponse sera au cas par cas.  

Kenya: rivalité ethnique et enrichissement personnel

La réponse à celles-ci est d’autant plus difficile que la dictature, en Afrique, est multiforme. Au Kenya, elle est principalement assise sur la rivalité ethnique entre les Luo et les Kikuyu, dont leurs deux leaders respectifs (Odinga pour les Luo et Kenyatta pour les Kikuyu) se servent de la politique pour assurer leur puissance économique. De fait, ils sont les deux Kényans les plus riches, pour leur gloire personnelle, mais également pour le bien-être de leur communauté. On a donc assisté à un «arrangement à l’amiable», en sourdine, entre les deux leaders, pour leurs intérêts bien compris, lesquels auraient été mis à mal à travers une confortation ethnique menée de front.

Par conséquent, Odinga a «boycotté» la deuxième manche d’élections, organisées plus tard.

Malawi: un équilibre pour la paix sociale

Tel n’est pas le cas au Malawi, où c’est une partie de l’armée qui mène la barque pro-démocratique. L’armée, selon toute vraisemblance, serait divisée et l’arrêt de la Cour constitutionnelle, après le scrutin prévu dans 150 jours, ne donne aucune assurance qu’il sera accepté de bonne grâce par tous. Surtout par la partie recalée de Mutharika. Quel serait le rôle que pourrait éventuellement jouer l’autre fraction de l’armée restée silencieuse ? Est-elle pour la démocratie ou pour la survie de l’ancien régime ? Difficile à prévoir !

https://twitter.com/mgettoh_254/status/1224317178939351040

Qu’on se souvienne de la Gambie de l’ex-dictateur Yahya Jammeh, en 2017. Il aura fallu l’intervention des militaires de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour le résoudre à quitter le pouvoir.

Quoi qu’il en soit, la justice dans ces deux pays est sortie du bois. Elle a donné la mesure des problèmes qui vont surgir et la nature des solutions qui y seraient apportées. Elles sont largement différentes, selon chaque pays. C’est au cas par cas. Ce qui fait dire que l’instauration de la démocratie, d’une manière ou d’autre, avancera à pas de tortue, voire d’escargot.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France


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RD Congo: “Un homme très intelligent, mais sans conscience.”

Mais, de quelle nationalité est-il, ce fameux Vital Kamerhe ? Un Rwandais ? Que nenni. Un Burundais ? Oui, à travers sa lignée maternelle. Un Congolais ? Encore oui, par brassage. Sa grand-mère étant de la tribu fuleru de Kanvivira et sa mère de la tribu «shi» de Walungu. Toutes deux appartenant aux tribus authentiquement congolaises. Dans la province du Sud-Kivu. Et alors ?

Alors, attention ! Appartenir à une nation relève surtout des sentiments profonds qu’on a pour celle-ci. Jusqu’aux tripes. Lesquelles tremblent d’émotions et peinent atrocement quand la Nation est bafouée ou quand elle est en butte à un danger imminent.

Nation, sang et conséquences

La question de sang autant que celle de la possession avec soit des documents administratifs, justifiant nationalité et autres réalités, n’étant qu’un simple brevet. Or, Kamerhe continue de démontrer, avec pugnacité, que son cœur n’est pas lié à la nation congolaise.

Le cas du maréchal français Pétain -qu’on cite à tort ou à raison-, pour expliquer certaines thèses soutenues au Congo, est un exemple édifiant. Pétain a trahi la France, et quand son nom doit être absolument cité, c’est en termes d’amertume et de rejet. Pour les Français, Pétain ne mérite autre chose que d’être dans la poubelle de l’Histoire.

Pourquoi, aujourd’hui, le cas de Kamerhe défraie-t-il tant la chronique ? Ne savait-on pas que cet homme fut un grand barbouze, pour le compte de la Jeunesse du MPR du dictateur Mobutu, alors qu’il était encore étudiant, au campus de Kinshasa ? Ne savait-on pas que c’est un homme sans caractère, un versatile de la pire espèce, qui varie avec le vent ?

Son itinéraire de gigolo (vivant aux dépens des femmes) et d’hédoniste invétéré n’avait-il pas été établi et raconté jusqu’à plus soif, après ses brillantes études supérieures ? Certes, un homme très intelligent, mais sans conscience.

Hybris grec ou les vertiges de «la démesure»

A partir de là, ne pouvait-on pas conclure très rapidement que c’était un homme dangereux, un traître de carrière, qui a trahi le MPR, l’UDPS et Kabila, son mentor?

Qu’à cela ne tienne, Tshisekedi l’a pris comme son directeur de cabinet présidentiel, en vertu de l’accord qu’ils avaient signé à Nairobi au Kenya. Alors que l’homme, au fond, avait déjà effectué un bon tour de girouette, en retrouvant ses anciennes amours auprès de Kabila, son homme de destin. Tshisekedi l’ignorai-t-il ?

Mais bourde après bourde, qui déshonorent son chef, il va en commettre une autre, à Kigali. De plus grande envergure. Invité dernièrement, au Rwanda, à une fête immense de mariage donnée par un dignitaire rwandais, qui mariait son fils, Kamerhe se perd dans l’hybris grec: «la démesure».

Il offre trente vaches aux mariés et dans un speech, pour traduire le sens de ce geste, il parle des «bonnes relations entre le Rwanda (pays) et le Kivu (deux provinces de la RD Congo)».

Il ajoute, comme ivre: «C’est dans le cadre de nos coutumes.» Juste au moment où on évoque, avec acuité, la balkanisation du pays voulue par le régime de Kigali: annexer le Kivu au Rwanda. Et, pour le reste, couper le pays en plusieurs morceaux.

Rappelons que le père du marié rwandais n’est autre personne que le général Kabarebe, bourreau du peuple congolais. D’où le tollé qui émeut la majorité des Congolais et met en ébullition les réseaux sociaux, où on entend à la fois une chose et son contraire.

Trahison ? Sans doute. Comment peut-on expliquer autrement ce geste d’amitié étalé ostensiblement par Kamerhe avec l’ennemi ? C’est connu de tous que le Rwanda n’est pas un pays ami. Plusieurs rapports de l’Onu, qui parlaient, hier, de massacres commis par les troupes rwandaises en RD Congo, évoquent aujourd’hui, bien qu’en filigrane, l’idée de «génocide».

Levons un coin du voile, ci-dessous, pour apercevoir un bout de vérité sur les origines de celui qui exalte les «bonnes relations entre le Rwanda et le Congo».

Du grand-père «Louis» à Vital

Voici, en résumé, ce bout de vérité. C’est à Kanvivira que les origines de sieur Kamerhe se sont nouées. Un petit coin du territoire congolais où, jadis, coulaient le lait et le miel.

Nous, nous en savons quelque chose, pour y avoir mené plusieurs enquêtes journalistiques, dans le cadre de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). Enquêtes financées par les Pays-Bas. Les archives existent à Kigali, siège à ce jour de cette institution.

Ce petit coin s’appelle «Plaine de la Ruzizi». La rivière Ruzizi, qui y coule depuis des millénaires, sépare géographiquement le Rwanda, le Burundi et la RD Congo. Un véritable «Croissant fertile», dirait l’historien !

Tout y est en effet luxuriant: une terre extraordinairement fertile ; une chaleur torride engendrant des myriades de moustiques, mais dotée des vertus nourrissant la terre; de très belles femmes, plantureuses, issues du brassage de sang burundais, rwandais et congolais… On parle même, qu’on trouve dans ce mélange une dose «homéopathique» de sang ougandais et tanzanien.

Les Chinois, en coopération avec l’Etat colonial belge, en 1954 (déjà ?), furent tombés en extase devant ces terres bénies. Ils y plantèrent de la canne à sucre et y installèrent, par ricochet, une usine de sucre, à travers la société dénommée SUCRAF. Les vestiges de cette grande entreprise existent à ce jour.

Cette plaine est située au Sud Kivu, entre Bukavu, capitale de cette province et Uvira, un district. C’est dans cette plaine mythique que s’activait la bourgade de Kanvivira. C’est là qu’arriva, par un jour de soleil au zénith, en 1920, un homme dénommé Kamere Nyamutse (Kamere sans «h»), un hutu d’origine burundaise. C’est un agriculteur, jeune et vigoureux. Il était âgé d’environ vingt ans. Kanvivira fait partie des terres de la tribu des Bafuleru. Une tribu accueillante, comme c’est le cas d’ailleurs de toutes les tribus congolaises.

Mais, Kanvivra est une espèce de creuset où se brassent quasiment toutes les tribus de cette partie du pays : Bembe, Shi, Lega, Nyindu… et beaucoup de migrants, venus des pays voisins. On y cultive tout. Et tout y pousse comme par magie. Etait-ce la raison principale pour laquelle cette bourgade devait attirer en son sein beaucoup de monde ? De fait, à ce jour, la plaine de la Ruzizi constitue un véritable temple de métissage de sang. L’homme va où il y a à manger.

Crime de lèse-majesté

Le chef des Bafuleru accueillit avec enthousiasme le sieur Kamere, à qui on attribua un champ. Il aurait été baptisé et aurait porté le prénom de «Louis». Il se maria à une jolie mufuleru, répondant au nom de Maua, fleur en kiswahili. Et tout le hameau, en ce jour, fut en effervescence.

«Un frère lointain se marie à la nôtre, c’est une grande joie», se tapait-t-on la poitrine. En fait, dans les coutumes bantoues, un mariage mixte était vu (et est encore vu) comme une alliance qui ajoute à la puissance «des tribus en couple». De cette union naîtront plusieurs enfants, dont un garçon, le père de Vital.

Il sera tout de suite baptisé dans une église catholique de la place, en 1930, et portera les nom et prénom de Constantin Kamere Nyamutse. Il aurait fréquenté l’Ecole Moyenne de Nyangezi (structure éducative coloniale pour la formation des auxiliaires de bureau), dans les environs de la ville de Bukavu. Lorsqu’il est engagé dans la même ville à la Pharmakina (société cultivant le quinquina, pour sa transformation en Allemagne en quinine contre la malaria), il a légèrement plus de vingt ans. Il se marie à Bukavu à la dénommée Alphonsine Nemberwa Mwankingi (en vie), et Vital verra le jour en 1959.

Après la Pharmakina, Constantin Kamere Nyamutse est attiré par le prestige dont jouissaient, à l’époque, les agents de l’Etat. Il s’engage à l’Administration publique et fait le tour des mutations, avec sa famille, dans plusieurs provinces. D’où la maîtrise par Vital Kamehre des quatre langues vernaculaires du pays.

Congolais, Kamerhe l’est donc, en dépit de tout et de son nom qui est burundais. Ce nom n’est pas du tout du Sud-Kivu, singulièrement de la région de Walungu, chez les Bashi. D’où il est originaire, selon sa lignée maternelle. Chez ces derniers, on trouve des noms communs plutôt comme Buhendwa, Mugaruka, Bisimwa, Hamuli, Muhigiri, etc. Jamais les Kamerhe.

Dommage que l’histoire de Vital Kamerhe soit une suite ininterrompue de scandales politique et financière. A l’interne. Mais trahir le pays est un crime de lèse-majesté. Qui mérite procès et expiation de la faute en prison. Si Tshisekedi refuse de s’en séparer, il en payera le prix. Tôt ou tard. Mais finalement, que disons-nous ? Tshisekedi et Vital Kamerh ne se trouvent-ils pas sur la même trajectoire de trahison, les deux, depuis longtemps ?

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France


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RD Congo – En cas de guerre, le Rwanda va nous broyer

Actuel coordonnateur de la plateforme politique LAMUKA, Adolphe Muzito, a mis les pieds dans le plat. En envisageant de faire la guerre contre le Rwanda, pour le retour de la paix à l’est de la RD Congo, à l’initiative de de cette dernière, il a soulevé une question à la fois lancinante et thérapeutique. C’était au cours d’une conférence qu’il a tenue, lundi 23 décembre à Kinshasa.

Pour la conscience collective congolaise, le Rwanda constitue la source principale de grands maux dont souffre le Congo, depuis plus de vingt ans. Pour en finir avec ce calvaire, il faudra absolument, selon Muzito, que les deux pays croisent le fer.

Mais cet homme politique, qui compte parmi les grandes pointures de la scène congolaise, ne s’est pas laissé emporter par un lyrisme populiste. Certes, il a évoqué la guerre, mais aussi le temps pour la réforme d’une armée en lambeaux.


Il est apparu (à l’exclusion de tout sondage à caractère scientifique) que l’idée de faire la guerre au Rwanda était l’idéal pour la restauration de la paix à l’est du pays…


«Si vis pacem para bellum», clame une expression latine. Autrement dit, «si tu veux la paix, prépare la guerre».

Le fond du discours du leader de LAMUKA s’intègre, en partie, dans cette logique. Pour ce faire, le va-t’en-guerre congolais s’est répandu dans toutes les directions.

Il s’est appuyé, notamment, sur l’aspect finance. Car, réformer une armée, tel qu’il le préconise (pour s’engager dans une guerre préméditée), implique beaucoup de moyens à disposition: capacités didactiques dans le domaine militaire et autres; armement moderne, temps de réarmement, moral… argent liquide. Moyens que la RD Congo n’a pas, pour le moment, et qu’elle n’aura certainement pas, à moyen terme.

Quoi qu’il en soit, la proposition de Muzito a plu à la majorité des Congolais. Dès le lendemain, les réactions ont fusé de partout. La diaspora congolaise n’a pas été en reste. Il est apparu (à l’exclusion de tout sondage à caractère scientifique) que l’idée de faire la guerre au Rwanda était l’idéal pour la restauration de la paix à l’est du pays, mais aussi en vue de la réappropriation de la souveraineté nationale confisquée. Autant que pour venger de nombreuses humiliations que le régime en place à Kigali continue d’infliger au peuple congolais.

Epouvantail à moineaux

Les enjeux sont sur la table, comme on dit. Mais si, par hypothèse, cette guerre advenait quelles qu’en soient les circonstances, la RD Congo tiendrait-elle devant l’armée rwandaise ? Question pertinente.

La réponse est non. A moins que le peuple congolais cesse ses divisions mortifères.

A ce propos, l’Histoire nous en dit long. Ce ne sont ni les dimensions géographiques, ni l’importance démographique d’un pays, qui conditionnent la victoire dans une guerre. Et encore moins les ressources financières faramineuses dont il disposerait. Le secret est dans l’unité et la détermination d’un peuple, forteresse inexpugnable des ressources morales qui soutiennent un soldat face à l’ennemi. Surtout quand la cause est juste.


La victoire dans une guerre n’est liée ni au nombre, ni à la puissance des armes, et encore moins à l’intervention de la richesse d’un pays.


«Un soldat sans moral est un épouvantail à moineaux», disait le général vietnamien Nguyên Giap.

Pour étayer notre thèse, évoquons très brièvement deux cas que l’Histoire raconte, lesquels ne manquent pas du piquant. En premier lieu, il s’agit de Numance, une petite ville de l’Espagne antique. Elle résista durant vingt ans, au IIème siècle avant notre ère, face à la puissante armée de conquête romaine.

Cette ville finit par tomber, grâce à des pratiques militaires peu honorables utilisées par le fameux général romain, nommé Maximilien. Il ordonna l’encerclement de Numance, sans laisser aucune possibilité d’approvisionnement en vivres pour ses habitants, pendant plusieurs mois. Nombreux d’entre eux décédèrent par inanition et le reste finit ainsi par se rendre. Avec honneur !

Le deuxième cas, beaucoup plus emblématique, est celui qui se rapporte à la Bataille des Thermopyles, en 480 av. J.-C. L’Empire perse sous Xerxès 1er s’est mis à cœur d’envahir la Grèce, c’est-à-dire les cités réunies d’Athènes et de Sparte. La bataille fut âpre entre dix mille soldats perses (appelés Immortels) contre trois cents combattants grecs, sous le commandement du roi Leonidas. L’enjeu de la bataille: le défilé des Thermopyles, un passage étroit, qui commandait l’accès à la Grèce centrale.

Les «Immortels» furent écrasés comme des mouches par la vaillance de trois cents hommes de Leonidas. La victoire était certaine pour les Grecs, s’il n’y avait eu cas de trahison. En fin de compte, les Perses l’emportèrent, mais sans gloire.

Dans l’histoire contemporaine, sous nos yeux, la puissante Amérique de Trump est en train de plier bagages en Afghanistan, la queue entre les pattes. Après vingt ans d’engagement militaire sans succès contre des groupuscules islamistes.

Ces exemples montrent, en général, que la victoire dans une guerre n’est liée ni au nombre, ni à la puissance des armes, et encore moins à l’intervention de la richesse d’un pays. A l’exclusion, bien sûr, de l’utilisation des armes nucléaires.

Kagame : figure tutélaire

La perspective de guerre entre la RD Congo et le Rwanda, du moins pour le moment et peut-être dans dix ans, entre dans ce cadre. Rien de comparable entre les deux grandeurs, en ce qui concerne leurs dimensions géographiques autant que leur importance démographique.

La RD Congo est, géographiquement, quatre-vingt-neuf fois plus grande que le Rwanda (2.345.000 km² contre 26.338 km²). Pareil pour la démographie dont le premier pays est huit fois plus grand que le second (presque cent millions d’habitants contre douze millions d’habitants).


Les critiques qu’on soulève contre le chef de l’Etat rwandais sur sa dérive autoritaire est indéniable, mais le reste n’est pas si négatif.


Cet ordre de grandeur s’inverse totalement lorsqu’il s’agit de mettre en balance la qualité de l’armée rwandaise et celle de la RD Congo. Pour le moment, le pays de Kagame possède une armée capable de rivaliser avec les armées tchadienne et angolaise. Les deux armées bien organisées et classées en ordre utile, en Afrique subsaharienne, en termes de qualité d’hommes et d’armement. A part l’Afrique du Sud.

Le soldat rwandais est aguerri. C’est quelqu’un qui connaît le chemin des combats, depuis la prise de Kigali en 1994. Ils sont en majorité de l’ethnie tutsie, déterminés à défendre leur droit d’être Rwandais et de vivre dans ce pays en tant que tels. Ils se reconnaissent tous en Kagame, leur figure tutélaire. Et ils sont prêts à mourir pour lui, et pour le Rwanda.

Les critiques qu’on soulève contre le chef de l’Etat rwandais sur sa dérive autoritaire est indéniable, mais le reste n’est pas si négatif. Le Rwanda est en train de se construire sur l’unité de tous les Rwandais, hutus, tutsis et twas.

Ainsi donc qu’il s’agisse d’aujourd’hui ou d’une période de dix ans après, en attendant que la RD Congo se réveille, la guerre contre le Rwanda serait un coup de poker. Aujourd’hui, les troupes rwandaises feraient une promenade de santé, de Goma à Kinshasa.

Dans dix ans, elles entreprendraient la même partie de plaisir, car, Kagame ou ses successeurs auront démultiplié, par dix, la force de frappe de l’APR (Armée patriotique rwandaise). A moins que…

Un effet placebo

Et, alors ? Était-t-il excessif d’utiliser le terme «broyer» dans notre titre ? Que nenni. Loin d’être un jugement de valeur (subjectif), la réflexion livrée ci-haut relève d’une preuve empirique acceptable.


On ne peut parler de réforme de l’armée sans envisager la reconstitution de l’Etat.


Pour le moment, le Rwanda est une puissance militaire en Afrique des Grands Lacs, alors que l’armée congolaise ressemble à une cohorte, couverte d’oripeaux puants, puisqu’uniquement guidée par les intérêts personnels. Sans référence morale.

En cas de guerre, personne n’acceptera de mourir pour Kabila. Ni pour personne d’autre, d’ailleurs, puisque l’Etat n’existe plus. L’Etat -s’il faut le nommer- dont le «sommet illusoire» constitue une caverne d’Ali Baba. Muzito l’a apparemment oublié. On ne peut parler de réforme de l’armée sans envisager la reconstitution de l’Etat.

Tout compte fait, l’adresse du leader de LAMUKA a eu le don de créer un effet placebo dans la conscience du peuple congolais, humilié depuis des lustres par le Rwanda. Par cette simple idée d’évoquer le mot «guerre» contre ce pays, plusieurs Congolais ont chantonné l’hymne national: «Debout Congolais». Thérapeutique !

Cependant, l’avertissement doit rester de mise: la guerre, c’est la guerre. On sait quand elle commence, on ne sait jamais quand elle se termine. Parler «d’annexer le Rwanda» était fort imprudent de la part du coordonnateur de LAMUKA, puisque si les rapports de force ne venaient à s’équilibrer, c’est plutôt le Rwanda qui annexerait le Grand Congo.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France 


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RD Congo: notre maison brûle, Kabila et Tshisekedi s’en moquent

Quand notre maison brûle, c’est parmi ce qu’il y a de plus grave dans la vie. La RD Congo est en train de brûler. Et de se consumer. Demain, si les Congolais ne font attention, il n’en restera plus que d’amas de ruines fumants. Le grand feu a été mis sur ce domaine immensément riche, mais dont les propriétaires sont comme ensommeillés, le 24 décembre 2018.

C’était le jour fatal, au cours duquel Joseph Kabila, en plein jour, passait la torche de pyromanie à Félix Tshisekedi.


«Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire.»

Julien Green


Une partie du peuple fanatisée, militants de l’UDPS (parti présidentiel), festoyait avec ses tripes. Ivre de la duperie dont elle était l’objet de la part de Kabila. L’autre partie, sans doute consciente de la dérive en cours, demeure à ce jour dans l’incompréhension.

Mais, depuis, on assiste à une division du peuple, en deux camps qui s’affrontent. Ils en sont aujourd’hui à l’usage du verbe et de quelques actions repréhensibles: injures, imprécations, brutalités de chiffonniers (jusqu’à brûler les effigies de Tshisekedi, par les kabilistes, et vice-versa).

Demain, que sait-on ?

Toutefois, l’hypothèse penche à y voir un engagement corps-à-corps, par paliers successifs, jusqu’à une guerre civile. La brèche est déjà largement ouverte, pour cette phase ultime.

C’est, il faut l’avouer, le plus grand fait d’arme, la plus grande œuvre d’intelligence machiavélique jamais réalisée par le «raïs» du Congo et ses affidés.

Contrairement au dictateur Mobutu, en dépit de tout, celui-ci effectua un chemin inverse: l’unité du peuple. Il faut lui en savoir grandement gré.

L’Afrique noire est-elle maudite?

Qui en douterait, alors que Kabila est le seul chef d’Etat africain -de la race de vipère-, à défier la logique triptyque de «trois E»: Emprisonnement, Exécution, Exil.

Tel n’est-il d’ailleurs pas l’héritage inaliénable des dictateurs?


L’année 2019 doit être considérée comme une année blanche. Presque sans gouvernement…


Mugabe du Zimbabwe l’a échappé belle, à cause sans doute de son passé glorieux, en qualité de père de l’indépendance de son pays. Tout comme, pour échapper à un des châtiments décrits ci-dessus, le «raïs» trouve encore son salut dans la division du peuple.

Certes, il existe l’autre versant de l’histoire, qui ne manque pas d’éclat. Il s’agit de ce que nous pourrions appeler le «Panthéon africain» -Mémorial imaginaire-, où resteront à jamais inscrits en lettres d’or les noms des héros, tels Nyerere (Tanzanie), Mandela (Afrique du Sud) ou Chissano (Mozambique)…

Y compris tous ces dignes fils du continent, fauchés à l’aube de leur vie politique qui promettait d’être magnifique, comme Lumumba (RD Congo), Cabral (Cap Vert) ou Sankara (Burkina Faso)…

De génération en génération ! Est-ce à cause de ce sang noble, versé innocemment par les méchants, que Serge Michailof et Alexis Bonnel ont pensé que le continent constituait de «dangereux chaudrons où bouillonnent misère et frustrations?»

Ils l’ont dit dans leur ouvrage intitulé «Notre maison brûle au sud».

Est-ce à cause de ce sang-là, encore une fois, que Moussa Konaté s’est résolu à écrire, sans fard, «L’Afrique noire est-elle maudite?»

Questions pertinentes s’il en est ! De fait, c’est comme s’il y avait malédiction quelque part.

Le cas de la RD Congo, à tout le moins, serait en train de l’illustrer. Avec un certain brio. Car, pendant que «leur maison est en train de brûler», les leaders politiques congolais, eux, se paient de mot et ne se préoccupent que de leur avenir pour les prochaines échéances électorales, prévues en 2023.

L’année 2019 doit être considérée comme une année blanche. Presque sans gouvernement… celui-ci n’ayant joué que le rôle de figurant depuis qu’il a été mis en place, du fait de la dualité toxique dont il est l’émanation: la coalition FCC-CACH.

C’est dans ce contexte désolant que nous voyons Tshisekedi sortir pour parler au peuple; Fayulu envisage son retour à Kinshasa, transporté triomphalement en chef coutumier, promettant d’annoncer une formule-panacée en cette fin décembre; Moïse Katumbi se voue à la création d’un parti prophétique susceptible d’amener la RD Congo en Terre promise, à l’instar de Moïse biblique…

Kabila dictera sa «réapparition», dans ses linceuls en haillons, obstiné à revivre coûte que coûte. Misérables!

Habari

Nouveau nerf sensible

Qu’a-t-il dit, Tshisekedi, vendredi 13 décembre? En réalité, rien de valable. Sous d’autres latitudes, le discours sur l’état de la Nation est un moment idyllique. C’est un moment de communion intense, où le chef communique à son peuple le «substrat» de la marche de la nation: ce qui a été fait, ce qui est en train de se faire et ce qui se fera. Concrètement. Pas en termes de campagne électorale.

Dans la situation singulière de la RD Congo, le peuple s’attendait à toucher du doigt un «nouveau nerf sensible» dans les propos du président de la République, propre à rompre avec le passé néfaste kabiliste et à impulser une nouvelle donne pour des lendemains meilleurs.

Les Congolais, en dépit du spectacle truculant dont on a voulu dédier à la circonstance, n’ont finalement eu droit qu’à une logorrhée, de presque trois heures. Une sorte de «marronnier», en langage journalistique, c’est-à-dire des choses simples, répétitives, que tout le monde connaît.

Où a-t-il jeté la question de Minembwe ?

Où a-t-il enfoui les pistes de la disparition des quinze millions de dollars, volés par son cabinet ?

Où a-t-il caché les restes du Tupolev et personnes qui s’y trouvaient ?

S’était-il justifié des accusations sur ses manigances avec Museveni, à propos de la dette que la RD Congo réclame à l’Ouganda, à titre de dommages sur le massacre que les troupes de ce dernier pays ont perpétré dans la ville de Kisangani ?

Avait-il oublié que les minerais dont il a longuement parlé sont entre les mains de Kabila ?

Voilà, la philosophie de malheur d’un président qui ne veut pas «fouiner»… Le peuple congolais n’est pas si bête qu’on le croit. Encore une fois, Tshisekedi a raté l’occasion de se disculper et, par ricochet, de redresser la barre. Il est dos au mur.

Les politiques congolais sont tous médiocres

Il en est de même de Fayulu, de Katumbi, de Bemba et compagnie. Ils n’ont d’yeux qu’à leurs propres intérêts. La bataille qu’ils engagent, pour les échéances qui se profilent en 2023, n’augure rien de bon, tant ils sont tous médiocres.


Nous sommes passés de l’image de la «maison qui brûle» à celle «du fond de l’eau».


Car, l’essentiel, pour le moment, était d’affaiblir Kabila et de neutraliser sa capacité de nuisance. Or, ce dernier, tel un phénix de la mythologie grecque, vient de renaître de ses cendres. Ce n’est point pour amuser la galerie. Il est en train de poursuivre un but: celui de récupérer son trône. A tout prix.

Nous ne cesserons de le répéter. Ceux qui voient la chose autrement se trompent. Alors, à quoi servent discours et mouvements de repositionnement auxquels nous assistons? Quelle est la part du peuple qui, aujourd’hui, a touché le fond, se trouvant au plus mal? Rien du tout.

Curieusement, il se tait. Tranquille. C’est comme s’il faut approuver cette pensée «terrible» de Julien Green qui dit: «Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire.»

Nous sommes passés de l’image de la «maison qui brûle» à celle «du fond de l’eau». Sans solution apparente pour le peuple congolais. Dommage ! C’est, en parallèle, tout le sens d’un faux anniversaire, 24 décembre 2019, sur lequel nous avons volontairement mis un black-out. Puisqu’il n’en est pas un.

 Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France


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Le «troisième mandat» des présidents, un effet de mode en Afrique ?

L’histoire africaine -à contresens-, ayant trait au «troisième mandat» présidentiel, a des adeptes. Parmi lesquels le président guinéen Alpha Condé. Arrivant à la fin de son deuxième mandat en octobre prochain, selon les termes de la Constitution, il semble vouloir jouer les prolongations. En dépit des protestations du peuple contre lesquelles il oppose une répression sanglante. Avec déjà plus d’une dizaine de morts au compteur.

A y voir les choses avec un œil comique, on a l’impression d’assister aux vicissitudes envoûtantes de la mode vestimentaire: il suffit qu’un rien de nouveau se pratique quelque part, pour que des pans entiers de la société, un peu partout, saisissent le mouvement au vol. Et qu’aussitôt la chose devienne tendance. Il en fut ainsi des coups d’Etat et tout ce qui s’en était suivi, jusqu’aux réalités aujourd’hui de «troisième mandat».

Le troisième mandat présidentiel, à la mode africaine ?  

A propos des coups d’Etat, selon deux politologues américains, Jonathan Powell et Clayton Tyne de l’université Kentucky (Etats-Unis), il y a eu depuis 1960 à ce jour  en Afrique, plus de 400 coup d’Etat (réussis ou non).

Trois «fils à papa» ont été hissés à la magistrature suprême: en RD Congo (Kabila fils), au Togo (Eyadema fils) et au Gabon (Bongo fils). Un quatrième dauphin, Gamal (héritier très contesté du président Moubarak), échouait au seuil des lambris du palais égyptien, quand advinrent les Printemps arabes, en 2010. Pour raviver la tradition, le président ougandais Museveni prépare son fils Muhoozi pour lui succéder. Si cela n’est pas officiel, c’est du moins dans tous les esprits.

En Afrique, tout serait-il donc mauvaise imitation, au niveau de la gouvernance? La rage avec laquelle agit le président guinéen peut fouler aux pieds la Constitution, qui ne lui accorde que l’exercice de deux mandats, ne fait pas dans la nuance.

Elle montre qu’Alpha Condé, comme s’il s’agissait d’un effet de mode, est irrésistiblement attiré par l’exemple de ses paires qui ont tenté et réussi le coup: modifier la Constitution. Citons, dans ce palmarès, le Burundais Nkurunziza, l’Ougandais Museveni, le Rwandais Kagamé et l’Egyptien Fattah al-Sissi.

«Esprit de chefferie»

Qu’un Alpha Condé, cet opposant insubmersible contre les régimes rétrogrades de son pays, puisse en venir à se rabaisser à ce point à la fin de sa carrière, à 81 ans d’âge, est déconcertant pour la jeunesse africaine.

Peut-on imaginer cette figure de la lutte pour la démocratie faire emprisonner et, pire, faire tuer ceux qui manifestent pour le respect des règles démocratiques?

Comment le lustre du pouvoir a-t-il pu diluer la sagesse autant que l’intelligence de ce professeur d’université, blanchi sous le harnais de l’opposition, s’étonne-t-on?

L’étonnement s’arrête, net, quand on se souvient que des velléités allant dans le même sens ont affleuré, un moment, la pensée du président malien, Ibrahim Boubakar Keita.

Et, surtout, lorsque on se rend compte que le président Sénégalais, Macky Sall, ne s’en cache même pas. Pour preuve, il vient de limoger un haut fonctionnaire, Sory Kaba, qui a eu l’outrecuidance de déclarer à haute voix que «la Constitution du Sénégal interdit un troisième mandat». Que dire de la Côte d’Ivoire où le président Ouattara évite avec tact ce sujet?

En dernière minute, ce mardi 3 décembre, à Dakar, un coin du voile a été levé, à ce propos. Au cours du «Débat africain», organisé par Alain Foka de RFI, qui planchait sur le thème «L’Afrique est-elle trop endettée ?», les présidents Ouattara et Sall ont botté en touche, en ce qui concerne la question se rapportant au «troisième mandat». Des réponses vagues !

Comme quoi l’Afrique «soumise à l’esprit de chefferie», selon l’expression du penseur camerounais Achille Mbembe, est encore loin de la démocratie classique.​


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