Entrées par Jean-Jules Lema Landu

RD Congo: “Un homme très intelligent, mais sans conscience.”

Mais, de quelle nationalité est-il, ce fameux Vital Kamerhe ? Un Rwandais ? Que nenni. Un Burundais ? Oui, à travers sa lignée maternelle. Un Congolais ? Encore oui, par brassage. Sa grand-mère étant de la tribu fuleru de Kanvivira et sa mère de la tribu «shi» de Walungu. Toutes deux appartenant aux tribus authentiquement congolaises. Dans la province du Sud-Kivu. Et alors ?

Alors, attention ! Appartenir à une nation relève surtout des sentiments profonds qu’on a pour celle-ci. Jusqu’aux tripes. Lesquelles tremblent d’émotions et peinent atrocement quand la Nation est bafouée ou quand elle est en butte à un danger imminent.

Nation, sang et conséquences

La question de sang autant que celle de la possession avec soit des documents administratifs, justifiant nationalité et autres réalités, n’étant qu’un simple brevet. Or, Kamerhe continue de démontrer, avec pugnacité, que son cœur n’est pas lié à la nation congolaise.

Le cas du maréchal français Pétain -qu’on cite à tort ou à raison-, pour expliquer certaines thèses soutenues au Congo, est un exemple édifiant. Pétain a trahi la France, et quand son nom doit être absolument cité, c’est en termes d’amertume et de rejet. Pour les Français, Pétain ne mérite autre chose que d’être dans la poubelle de l’Histoire.

Pourquoi, aujourd’hui, le cas de Kamerhe défraie-t-il tant la chronique ? Ne savait-on pas que cet homme fut un grand barbouze, pour le compte de la Jeunesse du MPR du dictateur Mobutu, alors qu’il était encore étudiant, au campus de Kinshasa ? Ne savait-on pas que c’est un homme sans caractère, un versatile de la pire espèce, qui varie avec le vent ?

Son itinéraire de gigolo (vivant aux dépens des femmes) et d’hédoniste invétéré n’avait-il pas été établi et raconté jusqu’à plus soif, après ses brillantes études supérieures ? Certes, un homme très intelligent, mais sans conscience.

Hybris grec ou les vertiges de «la démesure»

A partir de là, ne pouvait-on pas conclure très rapidement que c’était un homme dangereux, un traître de carrière, qui a trahi le MPR, l’UDPS et Kabila, son mentor?

Qu’à cela ne tienne, Tshisekedi l’a pris comme son directeur de cabinet présidentiel, en vertu de l’accord qu’ils avaient signé à Nairobi au Kenya. Alors que l’homme, au fond, avait déjà effectué un bon tour de girouette, en retrouvant ses anciennes amours auprès de Kabila, son homme de destin. Tshisekedi l’ignorai-t-il ?

Mais bourde après bourde, qui déshonorent son chef, il va en commettre une autre, à Kigali. De plus grande envergure. Invité dernièrement, au Rwanda, à une fête immense de mariage donnée par un dignitaire rwandais, qui mariait son fils, Kamerhe se perd dans l’hybris grec: «la démesure».

Il offre trente vaches aux mariés et dans un speech, pour traduire le sens de ce geste, il parle des «bonnes relations entre le Rwanda (pays) et le Kivu (deux provinces de la RD Congo)».

Il ajoute, comme ivre: «C’est dans le cadre de nos coutumes.» Juste au moment où on évoque, avec acuité, la balkanisation du pays voulue par le régime de Kigali: annexer le Kivu au Rwanda. Et, pour le reste, couper le pays en plusieurs morceaux.

Rappelons que le père du marié rwandais n’est autre personne que le général Kabarebe, bourreau du peuple congolais. D’où le tollé qui émeut la majorité des Congolais et met en ébullition les réseaux sociaux, où on entend à la fois une chose et son contraire.

Trahison ? Sans doute. Comment peut-on expliquer autrement ce geste d’amitié étalé ostensiblement par Kamerhe avec l’ennemi ? C’est connu de tous que le Rwanda n’est pas un pays ami. Plusieurs rapports de l’Onu, qui parlaient, hier, de massacres commis par les troupes rwandaises en RD Congo, évoquent aujourd’hui, bien qu’en filigrane, l’idée de «génocide».

Levons un coin du voile, ci-dessous, pour apercevoir un bout de vérité sur les origines de celui qui exalte les «bonnes relations entre le Rwanda et le Congo».

Du grand-père «Louis» à Vital

Voici, en résumé, ce bout de vérité. C’est à Kanvivira que les origines de sieur Kamerhe se sont nouées. Un petit coin du territoire congolais où, jadis, coulaient le lait et le miel.

Nous, nous en savons quelque chose, pour y avoir mené plusieurs enquêtes journalistiques, dans le cadre de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL). Enquêtes financées par les Pays-Bas. Les archives existent à Kigali, siège à ce jour de cette institution.

Ce petit coin s’appelle «Plaine de la Ruzizi». La rivière Ruzizi, qui y coule depuis des millénaires, sépare géographiquement le Rwanda, le Burundi et la RD Congo. Un véritable «Croissant fertile», dirait l’historien !

Tout y est en effet luxuriant: une terre extraordinairement fertile ; une chaleur torride engendrant des myriades de moustiques, mais dotée des vertus nourrissant la terre; de très belles femmes, plantureuses, issues du brassage de sang burundais, rwandais et congolais… On parle même, qu’on trouve dans ce mélange une dose «homéopathique» de sang ougandais et tanzanien.

Les Chinois, en coopération avec l’Etat colonial belge, en 1954 (déjà ?), furent tombés en extase devant ces terres bénies. Ils y plantèrent de la canne à sucre et y installèrent, par ricochet, une usine de sucre, à travers la société dénommée SUCRAF. Les vestiges de cette grande entreprise existent à ce jour.

Cette plaine est située au Sud Kivu, entre Bukavu, capitale de cette province et Uvira, un district. C’est dans cette plaine mythique que s’activait la bourgade de Kanvivira. C’est là qu’arriva, par un jour de soleil au zénith, en 1920, un homme dénommé Kamere Nyamutse (Kamere sans «h»), un hutu d’origine burundaise. C’est un agriculteur, jeune et vigoureux. Il était âgé d’environ vingt ans. Kanvivira fait partie des terres de la tribu des Bafuleru. Une tribu accueillante, comme c’est le cas d’ailleurs de toutes les tribus congolaises.

Mais, Kanvivra est une espèce de creuset où se brassent quasiment toutes les tribus de cette partie du pays : Bembe, Shi, Lega, Nyindu… et beaucoup de migrants, venus des pays voisins. On y cultive tout. Et tout y pousse comme par magie. Etait-ce la raison principale pour laquelle cette bourgade devait attirer en son sein beaucoup de monde ? De fait, à ce jour, la plaine de la Ruzizi constitue un véritable temple de métissage de sang. L’homme va où il y a à manger.

Crime de lèse-majesté

Le chef des Bafuleru accueillit avec enthousiasme le sieur Kamere, à qui on attribua un champ. Il aurait été baptisé et aurait porté le prénom de «Louis». Il se maria à une jolie mufuleru, répondant au nom de Maua, fleur en kiswahili. Et tout le hameau, en ce jour, fut en effervescence.

«Un frère lointain se marie à la nôtre, c’est une grande joie», se tapait-t-on la poitrine. En fait, dans les coutumes bantoues, un mariage mixte était vu (et est encore vu) comme une alliance qui ajoute à la puissance «des tribus en couple». De cette union naîtront plusieurs enfants, dont un garçon, le père de Vital.

Il sera tout de suite baptisé dans une église catholique de la place, en 1930, et portera les nom et prénom de Constantin Kamere Nyamutse. Il aurait fréquenté l’Ecole Moyenne de Nyangezi (structure éducative coloniale pour la formation des auxiliaires de bureau), dans les environs de la ville de Bukavu. Lorsqu’il est engagé dans la même ville à la Pharmakina (société cultivant le quinquina, pour sa transformation en Allemagne en quinine contre la malaria), il a légèrement plus de vingt ans. Il se marie à Bukavu à la dénommée Alphonsine Nemberwa Mwankingi (en vie), et Vital verra le jour en 1959.

Après la Pharmakina, Constantin Kamere Nyamutse est attiré par le prestige dont jouissaient, à l’époque, les agents de l’Etat. Il s’engage à l’Administration publique et fait le tour des mutations, avec sa famille, dans plusieurs provinces. D’où la maîtrise par Vital Kamehre des quatre langues vernaculaires du pays.

Congolais, Kamerhe l’est donc, en dépit de tout et de son nom qui est burundais. Ce nom n’est pas du tout du Sud-Kivu, singulièrement de la région de Walungu, chez les Bashi. D’où il est originaire, selon sa lignée maternelle. Chez ces derniers, on trouve des noms communs plutôt comme Buhendwa, Mugaruka, Bisimwa, Hamuli, Muhigiri, etc. Jamais les Kamerhe.

Dommage que l’histoire de Vital Kamerhe soit une suite ininterrompue de scandales politique et financière. A l’interne. Mais trahir le pays est un crime de lèse-majesté. Qui mérite procès et expiation de la faute en prison. Si Tshisekedi refuse de s’en séparer, il en payera le prix. Tôt ou tard. Mais finalement, que disons-nous ? Tshisekedi et Vital Kamerh ne se trouvent-ils pas sur la même trajectoire de trahison, les deux, depuis longtemps ?

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France


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RD Congo – En cas de guerre, le Rwanda va nous broyer

Actuel coordonnateur de la plateforme politique LAMUKA, Adolphe Muzito, a mis les pieds dans le plat. En envisageant de faire la guerre contre le Rwanda, pour le retour de la paix à l’est de la RD Congo, à l’initiative de de cette dernière, il a soulevé une question à la fois lancinante et thérapeutique. C’était au cours d’une conférence qu’il a tenue, lundi 23 décembre à Kinshasa.

Pour la conscience collective congolaise, le Rwanda constitue la source principale de grands maux dont souffre le Congo, depuis plus de vingt ans. Pour en finir avec ce calvaire, il faudra absolument, selon Muzito, que les deux pays croisent le fer.

Mais cet homme politique, qui compte parmi les grandes pointures de la scène congolaise, ne s’est pas laissé emporter par un lyrisme populiste. Certes, il a évoqué la guerre, mais aussi le temps pour la réforme d’une armée en lambeaux.


Il est apparu (à l’exclusion de tout sondage à caractère scientifique) que l’idée de faire la guerre au Rwanda était l’idéal pour la restauration de la paix à l’est du pays…


«Si vis pacem para bellum», clame une expression latine. Autrement dit, «si tu veux la paix, prépare la guerre».

Le fond du discours du leader de LAMUKA s’intègre, en partie, dans cette logique. Pour ce faire, le va-t’en-guerre congolais s’est répandu dans toutes les directions.

Il s’est appuyé, notamment, sur l’aspect finance. Car, réformer une armée, tel qu’il le préconise (pour s’engager dans une guerre préméditée), implique beaucoup de moyens à disposition: capacités didactiques dans le domaine militaire et autres; armement moderne, temps de réarmement, moral… argent liquide. Moyens que la RD Congo n’a pas, pour le moment, et qu’elle n’aura certainement pas, à moyen terme.

Quoi qu’il en soit, la proposition de Muzito a plu à la majorité des Congolais. Dès le lendemain, les réactions ont fusé de partout. La diaspora congolaise n’a pas été en reste. Il est apparu (à l’exclusion de tout sondage à caractère scientifique) que l’idée de faire la guerre au Rwanda était l’idéal pour la restauration de la paix à l’est du pays, mais aussi en vue de la réappropriation de la souveraineté nationale confisquée. Autant que pour venger de nombreuses humiliations que le régime en place à Kigali continue d’infliger au peuple congolais.

Epouvantail à moineaux

Les enjeux sont sur la table, comme on dit. Mais si, par hypothèse, cette guerre advenait quelles qu’en soient les circonstances, la RD Congo tiendrait-elle devant l’armée rwandaise ? Question pertinente.

La réponse est non. A moins que le peuple congolais cesse ses divisions mortifères.

A ce propos, l’Histoire nous en dit long. Ce ne sont ni les dimensions géographiques, ni l’importance démographique d’un pays, qui conditionnent la victoire dans une guerre. Et encore moins les ressources financières faramineuses dont il disposerait. Le secret est dans l’unité et la détermination d’un peuple, forteresse inexpugnable des ressources morales qui soutiennent un soldat face à l’ennemi. Surtout quand la cause est juste.


La victoire dans une guerre n’est liée ni au nombre, ni à la puissance des armes, et encore moins à l’intervention de la richesse d’un pays.


«Un soldat sans moral est un épouvantail à moineaux», disait le général vietnamien Nguyên Giap.

Pour étayer notre thèse, évoquons très brièvement deux cas que l’Histoire raconte, lesquels ne manquent pas du piquant. En premier lieu, il s’agit de Numance, une petite ville de l’Espagne antique. Elle résista durant vingt ans, au IIème siècle avant notre ère, face à la puissante armée de conquête romaine.

Cette ville finit par tomber, grâce à des pratiques militaires peu honorables utilisées par le fameux général romain, nommé Maximilien. Il ordonna l’encerclement de Numance, sans laisser aucune possibilité d’approvisionnement en vivres pour ses habitants, pendant plusieurs mois. Nombreux d’entre eux décédèrent par inanition et le reste finit ainsi par se rendre. Avec honneur !

Le deuxième cas, beaucoup plus emblématique, est celui qui se rapporte à la Bataille des Thermopyles, en 480 av. J.-C. L’Empire perse sous Xerxès 1er s’est mis à cœur d’envahir la Grèce, c’est-à-dire les cités réunies d’Athènes et de Sparte. La bataille fut âpre entre dix mille soldats perses (appelés Immortels) contre trois cents combattants grecs, sous le commandement du roi Leonidas. L’enjeu de la bataille: le défilé des Thermopyles, un passage étroit, qui commandait l’accès à la Grèce centrale.

Les «Immortels» furent écrasés comme des mouches par la vaillance de trois cents hommes de Leonidas. La victoire était certaine pour les Grecs, s’il n’y avait eu cas de trahison. En fin de compte, les Perses l’emportèrent, mais sans gloire.

Dans l’histoire contemporaine, sous nos yeux, la puissante Amérique de Trump est en train de plier bagages en Afghanistan, la queue entre les pattes. Après vingt ans d’engagement militaire sans succès contre des groupuscules islamistes.

Ces exemples montrent, en général, que la victoire dans une guerre n’est liée ni au nombre, ni à la puissance des armes, et encore moins à l’intervention de la richesse d’un pays. A l’exclusion, bien sûr, de l’utilisation des armes nucléaires.

Kagame : figure tutélaire

La perspective de guerre entre la RD Congo et le Rwanda, du moins pour le moment et peut-être dans dix ans, entre dans ce cadre. Rien de comparable entre les deux grandeurs, en ce qui concerne leurs dimensions géographiques autant que leur importance démographique.

La RD Congo est, géographiquement, quatre-vingt-neuf fois plus grande que le Rwanda (2.345.000 km² contre 26.338 km²). Pareil pour la démographie dont le premier pays est huit fois plus grand que le second (presque cent millions d’habitants contre douze millions d’habitants).


Les critiques qu’on soulève contre le chef de l’Etat rwandais sur sa dérive autoritaire est indéniable, mais le reste n’est pas si négatif.


Cet ordre de grandeur s’inverse totalement lorsqu’il s’agit de mettre en balance la qualité de l’armée rwandaise et celle de la RD Congo. Pour le moment, le pays de Kagame possède une armée capable de rivaliser avec les armées tchadienne et angolaise. Les deux armées bien organisées et classées en ordre utile, en Afrique subsaharienne, en termes de qualité d’hommes et d’armement. A part l’Afrique du Sud.

Le soldat rwandais est aguerri. C’est quelqu’un qui connaît le chemin des combats, depuis la prise de Kigali en 1994. Ils sont en majorité de l’ethnie tutsie, déterminés à défendre leur droit d’être Rwandais et de vivre dans ce pays en tant que tels. Ils se reconnaissent tous en Kagame, leur figure tutélaire. Et ils sont prêts à mourir pour lui, et pour le Rwanda.

Les critiques qu’on soulève contre le chef de l’Etat rwandais sur sa dérive autoritaire est indéniable, mais le reste n’est pas si négatif. Le Rwanda est en train de se construire sur l’unité de tous les Rwandais, hutus, tutsis et twas.

Ainsi donc qu’il s’agisse d’aujourd’hui ou d’une période de dix ans après, en attendant que la RD Congo se réveille, la guerre contre le Rwanda serait un coup de poker. Aujourd’hui, les troupes rwandaises feraient une promenade de santé, de Goma à Kinshasa.

Dans dix ans, elles entreprendraient la même partie de plaisir, car, Kagame ou ses successeurs auront démultiplié, par dix, la force de frappe de l’APR (Armée patriotique rwandaise). A moins que…

Un effet placebo

Et, alors ? Était-t-il excessif d’utiliser le terme «broyer» dans notre titre ? Que nenni. Loin d’être un jugement de valeur (subjectif), la réflexion livrée ci-haut relève d’une preuve empirique acceptable.


On ne peut parler de réforme de l’armée sans envisager la reconstitution de l’Etat.


Pour le moment, le Rwanda est une puissance militaire en Afrique des Grands Lacs, alors que l’armée congolaise ressemble à une cohorte, couverte d’oripeaux puants, puisqu’uniquement guidée par les intérêts personnels. Sans référence morale.

En cas de guerre, personne n’acceptera de mourir pour Kabila. Ni pour personne d’autre, d’ailleurs, puisque l’Etat n’existe plus. L’Etat -s’il faut le nommer- dont le «sommet illusoire» constitue une caverne d’Ali Baba. Muzito l’a apparemment oublié. On ne peut parler de réforme de l’armée sans envisager la reconstitution de l’Etat.

Tout compte fait, l’adresse du leader de LAMUKA a eu le don de créer un effet placebo dans la conscience du peuple congolais, humilié depuis des lustres par le Rwanda. Par cette simple idée d’évoquer le mot «guerre» contre ce pays, plusieurs Congolais ont chantonné l’hymne national: «Debout Congolais». Thérapeutique !

Cependant, l’avertissement doit rester de mise: la guerre, c’est la guerre. On sait quand elle commence, on ne sait jamais quand elle se termine. Parler «d’annexer le Rwanda» était fort imprudent de la part du coordonnateur de LAMUKA, puisque si les rapports de force ne venaient à s’équilibrer, c’est plutôt le Rwanda qui annexerait le Grand Congo.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France 


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RD Congo: notre maison brûle, Kabila et Tshisekedi s’en moquent

Quand notre maison brûle, c’est parmi ce qu’il y a de plus grave dans la vie. La RD Congo est en train de brûler. Et de se consumer. Demain, si les Congolais ne font attention, il n’en restera plus que d’amas de ruines fumants. Le grand feu a été mis sur ce domaine immensément riche, mais dont les propriétaires sont comme ensommeillés, le 24 décembre 2018.

C’était le jour fatal, au cours duquel Joseph Kabila, en plein jour, passait la torche de pyromanie à Félix Tshisekedi.


«Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire.»

Julien Green


Une partie du peuple fanatisée, militants de l’UDPS (parti présidentiel), festoyait avec ses tripes. Ivre de la duperie dont elle était l’objet de la part de Kabila. L’autre partie, sans doute consciente de la dérive en cours, demeure à ce jour dans l’incompréhension.

Mais, depuis, on assiste à une division du peuple, en deux camps qui s’affrontent. Ils en sont aujourd’hui à l’usage du verbe et de quelques actions repréhensibles: injures, imprécations, brutalités de chiffonniers (jusqu’à brûler les effigies de Tshisekedi, par les kabilistes, et vice-versa).

Demain, que sait-on ?

Toutefois, l’hypothèse penche à y voir un engagement corps-à-corps, par paliers successifs, jusqu’à une guerre civile. La brèche est déjà largement ouverte, pour cette phase ultime.

C’est, il faut l’avouer, le plus grand fait d’arme, la plus grande œuvre d’intelligence machiavélique jamais réalisée par le «raïs» du Congo et ses affidés.

Contrairement au dictateur Mobutu, en dépit de tout, celui-ci effectua un chemin inverse: l’unité du peuple. Il faut lui en savoir grandement gré.

L’Afrique noire est-elle maudite?

Qui en douterait, alors que Kabila est le seul chef d’Etat africain -de la race de vipère-, à défier la logique triptyque de «trois E»: Emprisonnement, Exécution, Exil.

Tel n’est-il d’ailleurs pas l’héritage inaliénable des dictateurs?


L’année 2019 doit être considérée comme une année blanche. Presque sans gouvernement…


Mugabe du Zimbabwe l’a échappé belle, à cause sans doute de son passé glorieux, en qualité de père de l’indépendance de son pays. Tout comme, pour échapper à un des châtiments décrits ci-dessus, le «raïs» trouve encore son salut dans la division du peuple.

Certes, il existe l’autre versant de l’histoire, qui ne manque pas d’éclat. Il s’agit de ce que nous pourrions appeler le «Panthéon africain» -Mémorial imaginaire-, où resteront à jamais inscrits en lettres d’or les noms des héros, tels Nyerere (Tanzanie), Mandela (Afrique du Sud) ou Chissano (Mozambique)…

Y compris tous ces dignes fils du continent, fauchés à l’aube de leur vie politique qui promettait d’être magnifique, comme Lumumba (RD Congo), Cabral (Cap Vert) ou Sankara (Burkina Faso)…

De génération en génération ! Est-ce à cause de ce sang noble, versé innocemment par les méchants, que Serge Michailof et Alexis Bonnel ont pensé que le continent constituait de «dangereux chaudrons où bouillonnent misère et frustrations?»

Ils l’ont dit dans leur ouvrage intitulé «Notre maison brûle au sud».

Est-ce à cause de ce sang-là, encore une fois, que Moussa Konaté s’est résolu à écrire, sans fard, «L’Afrique noire est-elle maudite?»

Questions pertinentes s’il en est ! De fait, c’est comme s’il y avait malédiction quelque part.

Le cas de la RD Congo, à tout le moins, serait en train de l’illustrer. Avec un certain brio. Car, pendant que «leur maison est en train de brûler», les leaders politiques congolais, eux, se paient de mot et ne se préoccupent que de leur avenir pour les prochaines échéances électorales, prévues en 2023.

L’année 2019 doit être considérée comme une année blanche. Presque sans gouvernement… celui-ci n’ayant joué que le rôle de figurant depuis qu’il a été mis en place, du fait de la dualité toxique dont il est l’émanation: la coalition FCC-CACH.

C’est dans ce contexte désolant que nous voyons Tshisekedi sortir pour parler au peuple; Fayulu envisage son retour à Kinshasa, transporté triomphalement en chef coutumier, promettant d’annoncer une formule-panacée en cette fin décembre; Moïse Katumbi se voue à la création d’un parti prophétique susceptible d’amener la RD Congo en Terre promise, à l’instar de Moïse biblique…

Kabila dictera sa «réapparition», dans ses linceuls en haillons, obstiné à revivre coûte que coûte. Misérables!

Habari

Nouveau nerf sensible

Qu’a-t-il dit, Tshisekedi, vendredi 13 décembre? En réalité, rien de valable. Sous d’autres latitudes, le discours sur l’état de la Nation est un moment idyllique. C’est un moment de communion intense, où le chef communique à son peuple le «substrat» de la marche de la nation: ce qui a été fait, ce qui est en train de se faire et ce qui se fera. Concrètement. Pas en termes de campagne électorale.

Dans la situation singulière de la RD Congo, le peuple s’attendait à toucher du doigt un «nouveau nerf sensible» dans les propos du président de la République, propre à rompre avec le passé néfaste kabiliste et à impulser une nouvelle donne pour des lendemains meilleurs.

Les Congolais, en dépit du spectacle truculant dont on a voulu dédier à la circonstance, n’ont finalement eu droit qu’à une logorrhée, de presque trois heures. Une sorte de «marronnier», en langage journalistique, c’est-à-dire des choses simples, répétitives, que tout le monde connaît.

Où a-t-il jeté la question de Minembwe ?

Où a-t-il enfoui les pistes de la disparition des quinze millions de dollars, volés par son cabinet ?

Où a-t-il caché les restes du Tupolev et personnes qui s’y trouvaient ?

S’était-il justifié des accusations sur ses manigances avec Museveni, à propos de la dette que la RD Congo réclame à l’Ouganda, à titre de dommages sur le massacre que les troupes de ce dernier pays ont perpétré dans la ville de Kisangani ?

Avait-il oublié que les minerais dont il a longuement parlé sont entre les mains de Kabila ?

Voilà, la philosophie de malheur d’un président qui ne veut pas «fouiner»… Le peuple congolais n’est pas si bête qu’on le croit. Encore une fois, Tshisekedi a raté l’occasion de se disculper et, par ricochet, de redresser la barre. Il est dos au mur.

Les politiques congolais sont tous médiocres

Il en est de même de Fayulu, de Katumbi, de Bemba et compagnie. Ils n’ont d’yeux qu’à leurs propres intérêts. La bataille qu’ils engagent, pour les échéances qui se profilent en 2023, n’augure rien de bon, tant ils sont tous médiocres.


Nous sommes passés de l’image de la «maison qui brûle» à celle «du fond de l’eau».


Car, l’essentiel, pour le moment, était d’affaiblir Kabila et de neutraliser sa capacité de nuisance. Or, ce dernier, tel un phénix de la mythologie grecque, vient de renaître de ses cendres. Ce n’est point pour amuser la galerie. Il est en train de poursuivre un but: celui de récupérer son trône. A tout prix.

Nous ne cesserons de le répéter. Ceux qui voient la chose autrement se trompent. Alors, à quoi servent discours et mouvements de repositionnement auxquels nous assistons? Quelle est la part du peuple qui, aujourd’hui, a touché le fond, se trouvant au plus mal? Rien du tout.

Curieusement, il se tait. Tranquille. C’est comme s’il faut approuver cette pensée «terrible» de Julien Green qui dit: «Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire.»

Nous sommes passés de l’image de la «maison qui brûle» à celle «du fond de l’eau». Sans solution apparente pour le peuple congolais. Dommage ! C’est, en parallèle, tout le sens d’un faux anniversaire, 24 décembre 2019, sur lequel nous avons volontairement mis un black-out. Puisqu’il n’en est pas un.

 Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France


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Le «troisième mandat» des présidents, un effet de mode en Afrique ?

L’histoire africaine -à contresens-, ayant trait au «troisième mandat» présidentiel, a des adeptes. Parmi lesquels le président guinéen Alpha Condé. Arrivant à la fin de son deuxième mandat en octobre prochain, selon les termes de la Constitution, il semble vouloir jouer les prolongations. En dépit des protestations du peuple contre lesquelles il oppose une répression sanglante. Avec déjà plus d’une dizaine de morts au compteur.

A y voir les choses avec un œil comique, on a l’impression d’assister aux vicissitudes envoûtantes de la mode vestimentaire: il suffit qu’un rien de nouveau se pratique quelque part, pour que des pans entiers de la société, un peu partout, saisissent le mouvement au vol. Et qu’aussitôt la chose devienne tendance. Il en fut ainsi des coups d’Etat et tout ce qui s’en était suivi, jusqu’aux réalités aujourd’hui de «troisième mandat».

Le troisième mandat présidentiel, à la mode africaine ?  

A propos des coups d’Etat, selon deux politologues américains, Jonathan Powell et Clayton Tyne de l’université Kentucky (Etats-Unis), il y a eu depuis 1960 à ce jour  en Afrique, plus de 400 coup d’Etat (réussis ou non).

Trois «fils à papa» ont été hissés à la magistrature suprême: en RD Congo (Kabila fils), au Togo (Eyadema fils) et au Gabon (Bongo fils). Un quatrième dauphin, Gamal (héritier très contesté du président Moubarak), échouait au seuil des lambris du palais égyptien, quand advinrent les Printemps arabes, en 2010. Pour raviver la tradition, le président ougandais Museveni prépare son fils Muhoozi pour lui succéder. Si cela n’est pas officiel, c’est du moins dans tous les esprits.

En Afrique, tout serait-il donc mauvaise imitation, au niveau de la gouvernance? La rage avec laquelle agit le président guinéen peut fouler aux pieds la Constitution, qui ne lui accorde que l’exercice de deux mandats, ne fait pas dans la nuance.

Elle montre qu’Alpha Condé, comme s’il s’agissait d’un effet de mode, est irrésistiblement attiré par l’exemple de ses paires qui ont tenté et réussi le coup: modifier la Constitution. Citons, dans ce palmarès, le Burundais Nkurunziza, l’Ougandais Museveni, le Rwandais Kagamé et l’Egyptien Fattah al-Sissi.

«Esprit de chefferie»

Qu’un Alpha Condé, cet opposant insubmersible contre les régimes rétrogrades de son pays, puisse en venir à se rabaisser à ce point à la fin de sa carrière, à 81 ans d’âge, est déconcertant pour la jeunesse africaine.

Peut-on imaginer cette figure de la lutte pour la démocratie faire emprisonner et, pire, faire tuer ceux qui manifestent pour le respect des règles démocratiques?

Comment le lustre du pouvoir a-t-il pu diluer la sagesse autant que l’intelligence de ce professeur d’université, blanchi sous le harnais de l’opposition, s’étonne-t-on?

L’étonnement s’arrête, net, quand on se souvient que des velléités allant dans le même sens ont affleuré, un moment, la pensée du président malien, Ibrahim Boubakar Keita.

Et, surtout, lorsque on se rend compte que le président Sénégalais, Macky Sall, ne s’en cache même pas. Pour preuve, il vient de limoger un haut fonctionnaire, Sory Kaba, qui a eu l’outrecuidance de déclarer à haute voix que «la Constitution du Sénégal interdit un troisième mandat». Que dire de la Côte d’Ivoire où le président Ouattara évite avec tact ce sujet?

En dernière minute, ce mardi 3 décembre, à Dakar, un coin du voile a été levé, à ce propos. Au cours du «Débat africain», organisé par Alain Foka de RFI, qui planchait sur le thème «L’Afrique est-elle trop endettée ?», les présidents Ouattara et Sall ont botté en touche, en ce qui concerne la question se rapportant au «troisième mandat». Des réponses vagues !

Comme quoi l’Afrique «soumise à l’esprit de chefferie», selon l’expression du penseur camerounais Achille Mbembe, est encore loin de la démocratie classique.​


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RD Congo: Kabila est-il le dindon de la farce ?

Dans l’un de nos nombreux articles consacrés au capharnaüm politique qu’est la RD Congo, nous le disions clairement: «Entre Kabila et Tshisekedi, il y a un dindon de la farce». Cette expression métaphorique, dotée d’une pointe d’humour, signifie «se faire duper, se faire rouler…». Elle prend corps avec force, surtout, dans le cas de l’accord passé entre deux personnes.

Il s’agit ici en l’espèce du «deal» conclu entre Kabila et Tshisekedi.

Ce jour-là, après certainement des longs entretiens pour évaluer les avantages de l’un et de l’autre, les deux interlocuteurs ont conclu leur accord (verbal ou écrit, peu importe) sur le partage du pouvoir.

Voici, grosso-modo, les termes de l’accord: Tshisekedi, président de la République, devant marcher uniquement sur les tapis rouges à l’extérieur, et Kabila, vrai maître des horloges, devant rester caché…

Malheureusement, il ne l’a fait que sous un voile très transparent. Il ne pouvait en être autrement pour ce dernier dont le pouvoir est l’unique raison de la vie. Qu’est-ce qui s’était réellement passé au moment précis du paraphe? Kabila se disait certainement: «Je l’ai eu, ce nigaud. Je les avais tous eus pour le poste de Premier ministre». Pour sa part, Tshisekedi se frottait les mains en se disant: «Je l’ai eu, ce petit ‘Rwandais’. En tant que Président de la République, je finirai par l’étouffer».

C’est le scénario classique dans un marché de dupes. Chacun croyant avoir trompé l’autre, alors qu’en fin de compte, il y a toujours entre les deux un «dindon de la farce».

Il y a en cela la logique qui veut qu’il y ait un perdant et un gagnant. On ne peut gagner à la fois tous les deux, tout comme on ne peut perdre à la fois tous les deux. Même en foot, il n’y a pas véritablement de match nul. Il y a toujours un gagnant, ne serait-ce qu’en termes du nombre de corners réalisés ou à travers le temps de la possession du ballon…

«Nous allons fouiner…»

Fabien Kusuanika de Télé Tshangu, émettant à partir de Belgique, n’a eu de cesse de proclamer que «le temps est le meilleur allié de la vérité». Il en a fait son credo. Nous voici arrivés au moment que tout le monde attendait de pied ferme, parce que tout le monde savait qu’il en serait ainsi. Parce que tout le monde, du moins toux ceux qui avaient fait un effort pour épouser l’impartialité (neuf dixième du peuple congolais), savait que le deal Kabila-Tshisekedi devait connaître une fin météorique.

Au fond, on attendait que la vérité éclate. Celle-ci a été brutalement jetée sur la place publique. Plus besoin de chercher le bout de papier sur lequel on trouverait les paraphes des deux signataires.

Car, un camp a dit, publiquement: «Nous allons fouiner… (sous-entendu, dans les crimes de sang et économiques que vous avez commis pendant vingt-deux ans de règne dictatorial)».

L’autre a rétorqué, publiquement: «Nous allons fouiner à la CENI et à la Cour Constitutionnelle… (sous-entendu, vous n’avez pas gagné les élections, nous vous avons plutôt ‘nommé’ au poste de Président de la République)».

Les choses ne pouvaient pas être plus claires. La Cour Constitutionnelle devrait normalement se saisir de cette affaire, qui a tous les accents d’une haute trahison.

Mais, en attendant, qui de Kabila et de Tshisekedi dans ce jeu de cache-cache est le dindon de la farce ?

«A malin, malin et demi», Tshisekedi l’a été, en ayant réussi à briser le rêve de Kabila, qui croyait dur comme fer que la formule russe «Poutine-Medvedev» passerait au Congo comme une lettre à la poste.

Le «raïs» Kabila a été joliment roulé dans la farine. Dans ce cas précis, c’est lui le dindon de la farce. Avec un bonnet d’âne. En plus.

Une retraite dorée

Et après ? Certes, ce n‘est pas encore la fin de l’histoire. Mais c’est déjà un bon début, qui permettra de trouver une issue à l’imbroglio qui affecte gravement la sphère politique congolaise.

Il n’y a pas trente-six solutions pour cela: Kabila doit accepter de «libérer» le pays, en prenant sa retraite par ailleurs dorée. Puis, que la classe politique procèdera à une mise à plat, dont l’objectif sera de retourner aux urnes après une période de transition acceptée plus ou moins par tous.

Une transition qui implique des réformes pour des élections dignes de la démocratie. Avec une personnalité idoine à sa tête, sans étiquette politique. Qu’on se souvienne d’Emile Zola qui disait: «Une société n’est forte que lorsqu’elle met la vérité sous la grande lumière du soleil»

A Kabila et à Tshisekedi de s’y appliquer pour le bonheur du peuple congolais, ce souffre-douleur depuis des décennies.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France


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RD Congo: le cardinal, le Nobel et le peuple

Que faut-il en penser ? En moins de deux ans consécutifs, deux événements d’une portée internationale ont marqué la RD Congo d’une pierre blanche ! Le 10 décembre 2018, le médecin gynécologue Denis Mukwege recevait le prix Nobel de la paix, à Oslo, en Norvège. Un an après, le 5 octobre 2019, son concitoyen Monseigneur Fridolin Ambongo venait d’être créé cardinal par le pape François, à Rome.

Au-delà de l’honneur et du prestige que constituent ces deux actualités pour le pays ainsi que pour le peuple congolais tout entier, il y a une signification, un symbole. Or, un “symbole n’est jamais banal, anodin”, croit Christine Taubira, ancienne ministre française, dans son ouvrage «Murmures à la jeunesse».

Pour les chrétiens, Jésus le dit autrement, et même avec un pied de nez, à l’endroit des Pharisiens et des Sadducéens, qui le pressaient d’opérer un miracle: “Le soir, vous dites : il fera beau, car le ciel et rouge ; et le matin : il y aura de l’orage, car le ciel est d’un rouge sombre. Vous savez discerner l’aspect du ciel et vous ne pouvez discernez les signes des temps.” (Mt 16 : 2-4).

Ici, les signes des temps ne sont pas au ciel, mais plutôt à travers des faits, des événements que les Congolais vivent. Lui, Jésus, était un signe des temps pour le salut de l’humanité. Qu’en est-il pour la RD Congo ?

Un vrai combattant

Répondre à cette question, c’est remonter l’histoire du pays, depuis l’acquisition de son indépendance. Et même aller au-delà. C’est, en somme, montrer combien le peuple congolais a souffert, dans sa chair et dans son âme. Aussi bien de la colonisation que des régimes dictatoriaux qui se sont succédés, pendant près de six décennies.

A Oslo, le prix Nobel de la paix, le Dr Mukwege, qui est en même temps pasteur au sein d’une grande communauté chrétienne évangélique, à Bukavu, a en fait un sinistre état des lieux. Il était au bord des larmes. Quant au cardinal Ambongo, sa lutte contre la dictature ne date pas d’hier.

Impavide, il a affronté le régime dictatorial de Mobutu, alors qu’il n’était encore qu’un étudiant en philosophie, tout comme il l’a fait, prêtre, contre celui de Kabila. C’est donc un vrai “combattant”.

Est-ce un hasard que les deux hommes de Dieu se retrouvent ainsi élevés au pinacle, presque en même temps, l’un prêtre, tout court, et l’autre pasteur-médecin ? Deux hommes de Dieu, l’un catholique, l’autre protestant ? Deux hommes de Dieu ayant presque le même âge, 58 ans pour le cardinal et 64 ans pour le médecin ? Deux hommes de Dieu ayant la même passion pour les droits de l’homme ?

Au fait, le cardinal a défendu sa thèse de doctorat, à Rome, intitulée : “L’habilitation de l’humain, base du développement vrai au Zaïre”. C’est tout dire.

Le sens de cette série des coïncidences est facile à décrypter. C’est un message, pour demander à la classe politique de comprendre que le mal qu’ils continuent d’infliger au peuple congolais est profond. A bien regarder, c’est même un message empreint d’ironie, comme celui que Jésus avait adressé aux Pharisiens. Sa teneur peut être comprise en ces termes : “Comment ne comprenez-vous pas que vous avez un des plus beaux et des plus riches pays au monde, pour que personne ne puisse y mourir de faim?”

Fin du cauchemar congolais

A cette question, il y a déjà eu plusieurs concertations de haut niveau. Et, même une “Conférence nationale, dite souveraine”, en vue de mettre le pays sur la voie du progrès. Bernique ! Insensible, la classe politique s’était enfermée dans son orgueil lucratif, à travers la concussion, le clientélisme et autres méfaits. Au grand dam du peuple. La République Démocratique du Congo, aujourd’hui, n’existe plus que de nom. Un pays, exsangue, non gouverné et peuplé des faméliques sans espoir.

Puisqu’il y a un temps pour tout, il n’est pas aberrant de penser que les coïncidences évoquées plus haut constituent l’annonce de la fin du cauchemar congolais. Le cardinal et le Nobel sont comme le symbole de la libération, parce qu’ils endossent l’habit de nouveaux leaders, les vrais, dont le peuple était longtemps privé. Ils peuvent donc le convoquer, et celui-ci les suivra. Non dans la violence, mais à travers la force de la démocratie, selon le principe qui veut que “le pouvoir émane du peuple.”

En résumé, il y a, dans l’air, une sorte de prémonition sur un face à face inévitable entre Kabila et les nouveaux leaders du peuple. Cela se décèle dans leurs déclarations respectives. Confinées à la vérité près de l’engagement que les deux camps vont certainement prendre.

Alignement des planètes

Pour Kabila, son départ du pouvoir n’est pas envisageable. Il l’a dit à Windhoek, en Namibie, le 17 août 2017, dans le cadre du 38e sommet des chefs d’Etat de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC): “Comme je déteste les adieux, je préfère ne pas vous dire adieu, mais vous dire à bientôt.”

Autrement dit, le «raïs» voulait assurer ses homologues chefs d’Etat, avec ironie, “qu’ils n’avaient pas à regretter, puisqu’il resterait chef de l’Etat. Et donc ils vont se revoir”.

C’est-ce qui se passe pour le moment : Kabila est toujours là, à la manœuvre. Continuant à mener à la baguette toute la classe politique et, par ricochet, à narguer le peuple meurtri. Pour le cardinal, le langage est ferme, de celui qui s’apprête à entrer dans l’arène.

Voici la teneur de sa déclaration, telle que l’a rapportée le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique, dans ses informations du 14 février 2018, à son sacre comme archevêque: “Je suis évêque depuis treize ans et je suis resté égal à moi-même. J’espère que mes nouvelles fonctions ne vont pas changer mon caractère.

Autrement dit, le caractère du combattant de la démocratie. A tout prendre, le docteur-pasteur n’est pas loin de cette approche. Ne sont-ils pas sortis du même moule, les deux?

Le «raïs» s’attendait-il à un tel alignement des planètes, en faveur du peuple? Berk! Il se dit un soldat, qui n’a peur de rien. Il va donc rester droit dans ses bottes et braver tous les vents, afin de “reprendre constitutionnellement” son fauteuil. Mais, le peuple dit, de son côté, qu’il n’a pas encore épuisé son carquois. Batailles en perspective donc, avant les échéances électorales prévues en 2023!​

 Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France

Afrique : la guerre de l’eau sur le fleuve Nil

Les voix s’élèvent de partout, comme une incantation, pour parler de la crise prochaine de l’eau. Ce n’est plus un bruit de fond, perçu dans le cadre global du déréglément climatique. C’est maintenant, presque une affaire à part, que les médias mettent en relief. Vu son caractère va-t-en-guerre. Plusieurs points du globe seront touchés. Y compris l’Afrique.

C’est le New York Times, un quotidien américain, qui en parle le premier, début août.

Le journal s’est inspiré d’un rapport publié par World Resources Institute (WIR), basé à Washington, aux Etats-Unis. Cette organisation note “qu’à l’horizon 2030 un quart de la population mondiale connaîtra de graves pénuries d’eau et des centaines de millions de personnes seront exposées à un ‘stress hydrique’ extrême.”

Depuis, l’information, devenue virale, a été relayée par plusieurs médias. Ouest-France l’a évoquée dans son édition du 8 août.

En attendant cet avenir sombre qualifié de “jour zéro”, c’est-à-dire le jour où plus une goutte ne coulera du robinet dans bon nombre de pays, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan se regardent déjà en chien de faïence.

La pomme de discorde : les eaux du Nil

Le mauvais côté de ce long fleuve mythique (6.650 kilomètres) est le fait qu’il traverse dix pays africains, à partir de ses sources à l’est jusqu’au “delta du Nil”, en Egypte. Avant de se jeter dans la mer méditerranéenne. En amont et en-deçà du Soudan du Sud, c’est un fleuve bien tranquille. Tel n’est pas le cas, en aval.

Le partage de ses eaux suscite des vagues et crée une foire d’empoigne entre les trois pays déjà cités au-dessus. Il s’agit, pour chacun, d’un problème économique majeur lié à l’énergie hydroélectrique. Par ces temps marqués par le slogan “l’Afrique qui bouge”, chacun des trois pays se prévaut du droit à “puiser” dans le Nil pour son développement.

Le Nil : une mère nourricière

Pour l’Egypte, le Nil est considéré comme une mère nourricière. Depuis l’Antiquité. Le phénomène de crue habituelle, chaque année, pendant la saison sèche (été), couvrant toute sa vallée de limon noir (sédiment fertilisant), explique cette conception.

Mais, la construction du grand barrage d’Assouan (1960-1970) sur le fleuve et celle d’un lac artificiel-réservoir afférent (23 milliards de mètres cubes d’eau, au total), a posé le problème d’insuffisance d’eau.

Depuis, dans le “delta du Nil”, ce véritable grenier du pays, le blé ne pousse plus que chichement. Or, l’Ethiopie, en amont, s’est mise aussi en devoir, depuis 2011, de construire son barrage. Baptisé “Barrage de la Renaissance”, ce gigantesque ouvrage a vocation à devenir la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique. Avec une production de 6 000 mégawatts. La première fourniture d’électricité est prévue en 2022. Problème : son volume est évalué à 70 milliards de mètres cubes d’eau.

L’Egypte, qui dépend de plus de 85% en approvisionnement d’eau du Nil, craint de connaître une situation de désert. A l’affût, le Soudan attend son heure de revendication.

Pendant ce temps, les négociations sont en cours, en vue de rechercher une solution équitable entre les trois pays. Mais, celles-ci traînent en longueur.

Quelle serait l’issue de ce problème, au cas où un compromis n’était pas possible ? Les observateurs sont pessimistes, car l’Ethiopie semble ne pas vouloir lâcher prise. Laissant ainsi résonner, sans nuances, les bruits de bottes.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France