“Ce ne sont pas des animaux… ce sont des monstres” – Témoignage de Zaher, journaliste syrien en exil

[PORTRAIT] Zaher raconte son histoire avec difficulté: ce n’est pas facile de rappeler les années passées à Alep, l’engagement politique contre le régime de Bachar al Assad, les mois en prison, les tortures, les persécutions, jusqu’à la fuite en Turquie. Un récit très douloureux, que Zaher reconstruit pour la Maison des Journalistes.

Le courage et la souffrance de Jahia

[PORTRAIT] Malgré les expériences amères qui ont marqué son existence, Jahia n’a pas perdu son sourire et l’amour pour sa profession qui, explique-t-elle, consiste à rapporter les faits, dire la vérité. Aujourd’hui, elle vit à la Maison Des Journalistes et attend que l’OFPRA lui accorde le droit d’asile.

“J’ai vu la haine de la société envers le journal pour lequel je travaillais”

[TÉMOIGNAGE] Entretien avec un journaliste turc exilé: “J’ai vu la haine de la société envers le journal pour lequel je travaillais”. “Même avant le coup d’Etat, on dormait dans nos bureaux au cas où la police arriverait, histoire qu’on ait le temps d’informer nos lecteurs en temps réel de ce qui se passait”.

“Un jour, peut être, je reverrai la mer d’Ismir” – Portrait de Lalbi, journaliste turc exilé

[TÉMOIGNAGE] “Si je n’avais pas téléphoné à ma mère ce jour-là, aujourd’hui je serais probablement en prison. A présent je ne peux pas rentrer en Turquie, la police m’appréhenderait à l’aéroport : c’est le prix que je paye pour avoir partagé mes caricatures sur Internet”. “Le coup d’Etat de juin 2016 ? Cela n’a été qu’une mise en scène. Le Président Erdogan veut détruire la démocratie en Turquie, effacer Atatürk de la mémoire collective et devenir le chef de la communauté musulmane au Moyen-Orient. La révolte n’était qu’un prétexte pour renforcer son pouvoir”.

Le combat sans fin des journalistes syriens : l’histoire de Fatten, mère en deuil et journaliste en révolte

[JOURNALISTE DE LA MDJ] “J’ai été contactée par les islamistes de Daech : Ils m’ont dit qu’ils avaient mon fis, Abboud, et que si j’avais envoyé de l’argent, ils l’auraient peut être libéré, si non ils le tueront.” Le combat sans fin des journalistes syriens : l’histoire de Fatten, une mère qui a perdu son enfant, une journaliste en révolte pour les droits de la femme au Moyen-Orient.

“Aujourd’hui notre retour est conditionné par la chute du régime et le changement de système politique en place”

“Pour quitter le pays, j’ai payé une grosse somme d’argent à un passeur pour qu’il me permette de franchir la frontière.”

Alzitani Hani fait partie des nombreux syriens qui ont rejoint la promotion 2017 de la Maison des journalistes. Après avoir obtenu son statut de réfugié politique, il aspire à s’installer ici et démarrer une nouvelle vie en attendant, peut-être, que le régime de Bachar el Assad s’effondre.

« I don’t speak english, je parle français, un peu. » Alzeitani Hani est un journaliste syrien, il a 38 ans. Jogging et T-shirt, il s’apprête à se rendre à ses cours de français. Il insiste d’ailleurs pour raconter son parcours dans la langue de Molière. Diplômé en sociologie de l’université de Damas, il a travaillé au sein d’un centre syrien pour les médias sur les problématiques des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Là-bas, il dénonce les conditions des journalistes syriens et l’oppression dont ils sont victimes. Le journaliste cherche à comprendre comment Bachar el Assad est arrivé au pouvoir. Ainsi, tous les mois il effectue des reportages sur la situation en Syrie.

En raison de ce travail, le régime de Bachar el Assad l’arrête et l’emprisonne, lui et ses collègues, durant 3 ans. A sa sortie, les autorités le convoque pour poursuivre l’interrogatoire et font en sorte de l’empêcher de quitter le territoire. « Je savais que si je me présentais à cette convocation, ils allaient m’emprisonner à nouveau. Pour quitter le pays, j’ai payé une grosse somme d’argent à un passeur pour qu’il me permette de franchir la frontière ». Il part au Liban puis en Turquie durant 1 an et demi où il obtient un visa de l’ambassade de France : « Je suis arrivé en France en avril 2017, j’y ai appris le français. Maintenant, je souhaiterais reprendre mes études à l’université Paris Dauphine ». Alzeitani Hari voudrait également pouvoir faire des reportages de terrain. Par ailleurs, Alzeitani est inquiet pour sa famille, il sait que la distance et le temps ont impacté leurs liens : « Je suis marié mais je n’ai pas vu ma femme depuis 6 ans, elle est restée en Syrie. Donc je ne crois pas que notre relation puisse durer. Tout le reste de ma famille est en Syrie et ma situation en France ne leur permet pas de me rejoindre. »

Copyright Valentine Zeler

Souvenir

« Avec cette question du souvenir, plein d’images nous reviennent. Mais ce qui nous revient surtout ce sont des photos de destruction, des rues, des pierres. La Syrie est aujourd’hui remplie de vestiges de bâtiments. Ce sont des lieux que l’on visitait, avec lesquels on habitait. Nous, on vivait avec la pierre, avec la terre, avec les arbres. C’est toujours difficile de répondre à une question sur la mémoire, les souvenirs et les différences entre notre pays et le pays d’accueil. C’est vrai la France c’est un très beau pays, mais quand on interpelle notre pays, on interpelle aussi notre enfance et les souvenirs gravés dans la mémoire de ce pays qu’on a laissé, ou plutôt qu’on était obligé de quitter. Par exemple en ce moment ce qui me revient le plus c’est l’image de la maison où j’ai vécu durant vingt ans. C’est une maison arabe avec une architecture différentes de ce que l’on voit en France. J’ai de la chance parce que ma maison est restée intacte. Pour mes amis ce n’est pas le cas. Mais aujourd’hui notre retour est conditionné par la chute du régime et le changement de système politique en place. »

Un portrait signé Romain Vignaux-Demarquay et Valentine Zeler

«Ma famille a dû verser une forte somme d’argent pour me sortir de là»

« Si tu as un passeport Syrien, les pays du monde entier ne te donnent pas de visa, ils pensent que tu es un terroriste ou que tu vas demander l’asile. »

Arrivé en France au début de l’année 2017, Salah Al Ashkar a dû fuir la Syrie à cause des articles et reportages qu’il a effectué durant la révolution. Accueilli à la Maison des journalistes, il a récemment obtenu de l’OFPRA le statut de réfugié politique et aspire aujourd’hui à apprendre le français pour pouvoir à nouveau être journaliste.

Salah est un journaliste Syrien de 30 ans. Il utilise un nom de code depuis le début de la révolution syrienne pour signer ses articles. Né en Syrie, il a été diplômé en finances de l’université d’Alep en 2011. Rien chez Salah ne laisse présager de son parcours. Ses yeux bleus derrière des lunettes, un visage presque enfantin et un ton calme, posé, même lorsqu’il conte la violence du régime qu’il a fui.

Lorsque la révolution syrienne a commencé, il a créé un groupe avec des amis pour décrire la situation et dénoncer les crimes du régime. Ils publiaient leurs articles sur un site internet et sur les réseaux sociaux. « En 2011, alors que je filmais une manifestation de la révolution, j’ai été arrêté par les services secrets syriens. Ils m’ont frappé. Je suis resté en cellule pendant 10 jours. Ils m’ont accusé d’aller à l’encontre des intérêts du pays. Ma famille a dû verser une importante somme d’argent pour me sortir de là. »

En 2012, l’armée de libération syrienne a pris le contrôle d’Alep Est. Salah rejoint cette partie de la ville pour pouvoir continuer à travailler. Il créée un journal, une chaine YouTube et assiste les journalistes étrangers venus filmer la situation. « J’ai aidé un journaliste pour un documentaire diffusé sur TF1 et j’ai travaillé pour l’AFP mais aussi pour Al Jazeera. »

Plus tard, le régime Syrien a conclu un marché avec la Turquie pour que les habitants d’Alep Est puissent quitter la ville avant que l’armée d’Assad ne rentre dans la ville. « J’ai donc quitté Alep pour la Turquie. De là, je me suis rendu à l’ambassade de France d’Istanbul et j’ai obtenu un visa pour la France. »

Salah arrive en France le 12 avril 2017. Il bénéficie de l’aide d’une famille française qui le connait à travers ses articles publiés sur internet. Ils habitent Arras. « Chez eux, j’ai effectué une démarche auprès de la MDJ puis j’ai obtenu une place quelques mois plus tard ».

Aujourd’hui, Salah ne travaille plus.  Une partie de sa famille est restée à Alep, sa sœur est en Turquie. Il espère les revoir un jour. En attendant, le journaliste peut compter sur le soutien des autres Syriens présents à la Maison des journalistes.

Souvenir

Quand je vivais à Alep, j’adorais visiter le château de la ville. C’est une place vraiment célèbre et chaque week end j’y allais pour boire un verre avec mon ami. C’est un endroit particulier que je ne peux pas retrouver autre part dans le monde. Mes amis aussi me manquent parce que quand je suis arrivé en France, je n’avais plus personne. J’ai créé d’autres relations entre temps mais mes amis me manquent toujours.

Je n’ai pas plus de maison aujourd’hui, le régime l’a détruit. Il me reste celle de mes parents. Mais ma maison me manque. Et faire du sport aussi me manque. A l’université je jouais au basket, dans l’équipe de l’école. Je ne suis pas très grand mais je vise bien. J’aimerais rejouer ici mais personne ne fait de basket dans mon entourage. Ils préfèrent le football et d’autres sports. Maintenant j’aimerais aller à la gym pour perdre le poids que j’ai pris en venant ici. Mais j’ai besoin de temps et d’une personne qui me supporterais et dirais : « vas-y, vas y »

Rédigé par Romain Vignaux-Demarquay et Valentine Zeler